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26/04/2024 | FRANCE | N°24/00023

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Referes 1er pp, 26 avril 2024, 24/00023


ORDONNANCE

N° 44

















COUR D'APPEL D'AMIENS



RÉFÉRÉS

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 26 AVRIL 2024



*************************************************************



A l'audience publique des référés tenue le 28 Mars 2024 par Mme Chantal MANTION, Présidente de chambre déléguée par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d'Appel d'AMIENS en date du 21 décembre 2023,



Assistée de Madame Marie-Estelle CHA

PON, Greffier.



Dans la cause enregistrée sous le N° RG 24/00023 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JAII du rôle général.





ENTRE :





La S.A. HEXAOM, agissant poursuites et diligences de ses r...

ORDONNANCE

N° 44

COUR D'APPEL D'AMIENS

RÉFÉRÉS

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 26 AVRIL 2024

*************************************************************

A l'audience publique des référés tenue le 28 Mars 2024 par Mme Chantal MANTION, Présidente de chambre déléguée par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d'Appel d'AMIENS en date du 21 décembre 2023,

Assistée de Madame Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

Dans la cause enregistrée sous le N° RG 24/00023 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JAII du rôle général.

ENTRE :

La S.A. HEXAOM, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-François CAHITTE de la SCP COTTIGNIES-CAHITTE-DESMET, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 05, postulant et plaidant par Arnaud LEROY substituant Me Gilles GRARDEL, avocat au barreau de LILLE

Assignant en référé suivant exploit de la SELARL JURICOM, Commissaires de Justice Associés à COMPIEGNE, en date du 04 Mars 2024, d'une ordonnance de référé du tribunal judiciaire de COMPIEGNE, en date du 15 Décembre 2023, enregistrée sous le n° 23/00136.

ET :

Monsieur [F] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Madame [W] [U] épouse [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentés par Me Laurent PRIEM, avocat au barreau de SENLIS substituant Me Christelle LEFEVRE, avocat au barreau de COMPIEGNE

DEFENDEURS au référé.

Madame la Présidente après avoir constaté qu'il s'était écoulé un temps suffisant depuis l'assignation pour que la partie assignée puisse se défendre.

Après avoir entendu :

- en son assignation et sa plaidoirie : Me Leroy, conseil de la société Hexaom

- Me Priem, conseil des époux [C] qui déclare s'en rapporter aux moyens et prétentions développés dans ses conclusions et déposer son dossier

L'affaire a été mise en délibéré au 26 Avril 2024 pour rendre l'ordonnance par mise à disposition au Greffe.

Vu l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Compiègne en date du 15 décembre 2023, qui a notamment :

- condamné la SA HEXAOM à verser aux époux [C] la somme provisionnelle de 30.000,00 euros au titre de leur préjudice matériel inhérent aux désordres de l'immeuble litigieux ;

- ordonné une mesure d'expertise et désigné pour y procéder [G] [B] avec mission de relever et décrire les désordres et malfaçons allégués expressément dans l'assignation et affectant l'immeuble litigieux, ainsi que les non conformités et/ou inachèvements allégués au regard des documents contractuels liant les parties et aux règles de l'art ; en détailler l'origine, les causes et l'étendue et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables et dans quelles proportions ; donner son avis sur les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvements quant à la solidité, l'habitabilité, l'esthétique du bâtiment, et, plus généralement quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination et notamment quant à la solidité de l'immeuble ; donner son avis sur la ou les solutions à mettre en oeuvre et sur leur évaluation ;

- fixé à la somme de 3.000 euros la provision concernant les frais d'expertise qui devra être consignée par les époux [C] le 15 janvier 2024 au plus tard ;

- dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque et de nul effet.

La SA HEXAOM a relevé appel de cette ordonnance, par déclaration en date du 6 février 2024, l'appel étant limité à la condamnation provisionnelle de 30.000 euros mise à sa charge au titre du préjudice matériel des époux [C] relativement aux désordres de l'immeuble litigieux et en ce que l'ordonnance a rejeté toutes les autres demandes des parties.

Suivant acte de commissaire de justice en date du 4 mars 2024, la SA HEXAOM a assigné les époux [C] à comparaître à l'audience du 28 mars 2024 devant Mme la première présidente de la cour d'appel d'Amiens au visa des articles 514-3 et suivants du Code de procédure civile et demande de :

- constater que l'ordonnance rendue par le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de Compiègne le 15 décembre 2023 à son encontre emporte pour cette dernière des conséquences manifestement excessives compte tenu de l'exécution provisoire qui y est assortie ;

- constater qu'elle présente des moyens sérieux d'appel s'appuyant sur l'incompatibilité de la condamnation provisionnelle avec la mesure d'expertise judiciaire sollicitée par les consorts [C] ;

- dire et juger qu'il existe par conséquent une possibilité réelle de réformation de l'ordonnance rendue par le Tribunal Judiciaire de Compiègne et qu'elle n'a aucune assurance de remboursement des sommes éventuellement payées dans le cadre de l'exécution provisoire aux consorts [C] ;

par conséquent ,

- arrêter l'exécution provisoire de l'ordonnance rendue par le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de Compiègne le 15 décembre 2023 jusqu'au prononcé de l'arrêt d'appel ;

A défaut,

- l'autoriser à consigner la somme d'argent à laquelle elle a été condamnée à titre provisionnel entre les mains de la CARPA de Lille, sur le compte CARPA expressément ouvert à cet effet, ou, à défaut, à la Caisse des dépôts et consignations ou subordonner l'exécution provisoire de l'ordonnance rendue par le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de Compiègne le 15 décembre 2023 à la constitution d'une garantie suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations ;

En tout état de cause,

- Condamner les consorts [C] aux entiers dépens ainsi qu'au règlement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions transmises le 22 mars 2024 et développées oralement à l'audience, les époux [C] demandent de :

- déclarer l'action de la société HEXAOM irrecevable et subsidiairement mal fondée et la rejeter entièrement ;

- confirmer en conséquence l'ordonnance entreprise en référé du 15 décembre 2023 en toutes ses dispositions ;

- y ajoutant, condamner la société HEXAOM à verser aux époux [C] la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société HEXAOM aux dépens.

La société HEXAOM a transmis des conclusions en réponse en date du 27 mars 2024, développées oralement à l'audience par son conseil aux termes desquelles elle maintient l'intégralité des demandes telles que figurant à son exploit introductif d'instance.

Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

SUR CE

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le Premier President peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision, lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Il en découle que l'arrêt de l'exécution provisoire est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives suivantes : la démonstration de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision qui en est assortie et la justification de ce que l'exécution provisoire de cette décision risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

M. [F] [C] et Mme [W] [U], épouse [C] ont conclu, le 5 décembre 2018, un contrat avec la SA HEXAOM, pour la construction d'une maison à usage d'habitation située au [Adresse 2] à [Localité 5], pour un montant total de 230.889,80 euros. Pour la construction de ladite maison, la SA HEXAOM a fait appel à différents sous traitants.

Les travaux ont été réceptionnés le 2 juillet 2021 avec réserves puisque les époux [C] ont allégués des désordres, pour lesquels la société AXA assureur de la société HEXAOM a émis une proposition d'indemisation d'un montant total de 23.000 euros, que les époux [C] ont refusée.

Les époux [C] ont fait assigner la SA HEXAOM en date du 27 juin 2023 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Compiègne afin de voir désigner un expert judiciaire.

En parallèle, la SA HEXAOM a fait assigner par acte de commissaire de justice des 19, 20 et 23 octobre 2023 les sociétés DL Isolation, Tarar, SMABTP, Allianz Iard, Mic Insurance Compagny, Maaf Assurances, Dumont-Lecuyer ainsi que la société Ceme-Guerin devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Compiègne afin de leur voir déclarer communes et opposables les opérations d'expertise.

Pour condamner la société HEXAOM au paiement de la somme de 30.000 euros à titre provisionnel, le juge des référés retient que les époux [C] produisent des devis démontrant la nécessité de travaux inhérents aux désordres et qu'il n'existe pas de contestation sérieuse relative à l'obligation de la société HEXAOM.

La société HEXAOM fait valoir qu'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de l'ordonnance dont appel dans la mesure où la demande de provision s'inscrit en parfaite contradiction avec la demande d'expertise judiciaire sollicitée par les époux [C], afin de vérifier l'existence des désordres, d'en estimer le coût de réparation ainsi que le coût des préjudices consécutifs et leur imputablilité.

La société HEXAOM fait valoir également qu'il existe des conséquences manifestement excessives dans la mesure où si les époux [C] obtiennent le montant de la provision allouée, ils feront disparaitre les désordres prétenduement allégués, rendant l'exercice de la mission de l'expert impossible, l'appelante estimant que ce sont ses sous traitants qui ont réalisé les travaux, de sorte que ce sera leur responsabilité qui sera engagée.

Les époux [C] font valoir que la demande de suspension de l'exécution provisioire est irrrecevable en ce qu'une saisie attribution du compte bancaire de la société HEXAOM a été pratiquée le 28 février 2024 et dénoncée le 1er mars 2024 à la société HEXAOM, l'assignation saisissant la juridiction du premier président ayant été délivrée le 4 mars 2024 alors que la saisie attribution avait déjà produit ses effets par l'attribution immédiate de la somme de 30.000 euros au profit des époux [C].

Sur la recevabilité de la demande de suspension de l'exécution provisoire

Les époux [C] produisent le procès verbal de la saisie attribution en date du 28 février 2024 dénoncé à la société HEXAOM le 1er mars 2024.

Or, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire est recevable aussi longtemps que la saisie-attribution qui a été pratiquée est encore contestable.

En l'espèce, la saisie-attribution pratiquée le 28 février 2024 a donné lieu à saisine du juge de l'exécution par acte de commissaire de justice délivré les 20 et 21 mars 2024 par la société HEXAOM aux époux [C].

Dès lors, la demande de suspension de l'exécution provisoire formée devant le premier président sur le fondement de l'article 514-3 du code de procédure civile est recevable.

Sur l'existence de moyens sérieux de réformation de l'ordonnance de référé du 15 décembre 2023

La société HEXAOM estime que le principe même du préjudice des époux [C] n'est pas démontré puisque c'est justement l'objet de l'expertise judiciaire ordonnée de l'établir de telle sorte qu'aucune provision ne pouvait être allouée, la réformation de l'ordonnance dont appel étant encourue de ce fait.

Or, il ressort des pièces produites que la société HEXAOM a reconnu l'existence de désordres affectant le carrelage du rez de chaussée à reprendre, le remboursement d'une facture d'eau, le non fonctionnement de la VMC du WC dont le groupe doit être remplacé, le manque d'un télérupteur, des rayures des vitrages du rez de chaussée et à l'étage , la nécessité de mettre en place deux butées sur les baies vitrées du rez de chaussée.

Par ailleurs, l'assureur de la société HEXAOM a proposé une indemnisation sur la base d'une expertise dommages ouvrages qui confirme notamment les réserves émises lors de la réception en juillet 2021 au sujet du carrelage du rez de chaussée qui se décolle, un délitement généralisé des joints de carrelage ayant été constaté justifiant sa reprise intégrale.

Enfin, les époux [C] ont justifié du montant de la provision réclamée par la production de :

- devis de reprise du carrelage 19.089,35 euros

- frais de démontage et remontage de la cuisine

suivant devis 3.077,21 euros

- enlévement stockage puis remise en place du

mobilier du RDC suivant devis 2.796,00 euros

- remplacement vitrage RDC et étage

suivant devis 1.185,07 euros

- hébergement de proximité pendant travaux

suivant devis 4.022,00 euros

TOTAL 30.169,63 euros

Ainsi, l'obligation de la société HEXAOM au paiement d'une provision de 30.000 euros n'est pas sérieusment contestable.

Sur les conséquences manifestement excessives de la condamnation au paiement d'une provision à la charge de la société HEXAOM

La société HEXAOM estime que le paiement de la provision mise à sa charge met en péril la mesure d'expertise ordonnée en ce que les époux [C] vont vraisemblablement utiliser les fonds pour la reprise des désordres de leur habitation ce qui va compromettre les opérations d'expertise.

Or, outre le fait que la première condition pour que soit prononcée la suspension de l'exécution provisoire n'est pas remplie, il y a lieu de dire qu'il appartient aux parties de prendre toute mesure pour préserver le travail de l'expert qui doit intervenir dans le délai fixé à l'ordonnance de référé, celui-ci étant tenu de rendre son rapport avant le 15 juin 2024.

Ainsi, la société HEXAOM ne démontre pas l'existence de conséquences manifestement excessives de la décision dont appel.

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de débouter la société HEXAOM de sa demande de suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé en date du 15 décembre 2023.

Sur la demande de consignation ou tendant à assortir l'exécution provisoire d'une garantie pour répondre de toute restitution ou condamnation

Aux termes de l'article 521 du code de procédure civile "La partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation."

En l'espèce, il n'apparaît pas opportun d'autoriser la consignation de la provision de 30.000 euros mise à la charge de la société HEXAOM ce qui aurait pour effet de suspendre l'exécution provisoire et de retarder la mise en conformité de l'habitation des époux [C] par le constructeur et ce pour une durée indéterminée eu égard à la mise en cause par ce dernier de la responsabilité de ses propres sous-traitants.

Aux termes de l'article 514-5 du code de procédure civile: "Le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l'exécution provisoire de droit et le rétablissement de l'exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d'une partie ou d'office, à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations."

Le montant de la somme due à titre de provision ne justifie pas que soit consituée une garantie de la part des époux [C] en cas d'obligation qui leur serait faite de restituer en tout ou partie de la somme objet de la condamnation provisionnelle prononcée par l'ordonnance dont appel.

En conséquence, il y a lieu de débouter la société HEXAOM de l'ensemble de ses demandes.

Sur les frais et dépens

Il paraît inéquitable de laisser à la charge des époux [C] la totalité des sommes qu'ils ont dû exposer non comprises dans les dépens. Il y a donc lieu de condamner la société HEXAOM à leur payer la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société HEXAOM qui succombe sera condamnée aux dépens de la présente instance.

PAR CES MOTIFS,

Déclarons la société HEXAOM recevable mais mal fondée en sa demande tendant à la suspension de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Compiègne en date du 15 décembre 2023 ;

Déboutons la société HEXAOM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamnons la société HEXAOM à payer aux époux [C] la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la société HEXAOM aux dépens de la présente instance.

A l'audience du 26 Avril 2024, l'ordonnance a été rendue par mise à disposition au Greffe et la minute a été signée par Mme MANTION, Présidente et Mme CHAPON, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Referes 1er pp
Numéro d'arrêt : 24/00023
Date de la décision : 26/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-26;24.00023 ?
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