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18/04/2024 | FRANCE | N°22/05051

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 18 avril 2024, 22/05051


ARRET

N° 391





Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (C.I.P.A.V.)





C/



[T]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 18 AVRIL 2024



*************************************************************



N° RG 22/05051 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITK4 - N° registre 1ère instance : 21/00574



Jugement du tribunal judiciaire de Valenciennes (pôle social) en dat

e du 10 novembre 2022





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (C.I.P.A.V.)

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domici...

ARRET

N° 391

Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (C.I.P.A.V.)

C/

[T]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 18 AVRIL 2024

*************************************************************

N° RG 22/05051 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITK4 - N° registre 1ère instance : 21/00574

Jugement du tribunal judiciaire de Valenciennes (pôle social) en date du 10 novembre 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (C.I.P.A.V.)

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Pascal Perdu, avocat au barrau d'Amiens, substituant Me Malaury Ripert de la SCP Lecat et associés, avocat au barreau de Paris

et :

INTIMEE

Madame [I] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Alexis David, avocat au barreau d'Amiens, substituant Me Dimitri Pincent, avocat au barreau de Paris

DEBATS :

A l'audience publique du 05 février 2024 devant Mme Anne Beauvais, conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 18 avril 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Mathilde Cressent

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Anne Beauvais en a rendu compte à la cour composée en outre de :

M. Philippe Mélin, président,

Mme Anne Beauvais, conseillère,

et M. Renaud Deloffre, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 18 avril 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, M. Philippe Mélin, président a signé la minute avec Mme Diane Videcoq-Tyran, greffier.

*

* *

DECISION

Mme [I] [T] exerçant une activité libérale sous le statut d'auto-entrepreneur a été affiliée à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (la CIPAV ou la caisse).

Consécutivement à la notification, par la CIPAV, le 18 décembre 2020, de la liquidation :

- de ses droits à la retraite complémentaire, sur le fondement d'un nombre de points acquis de 251 à la date d'effet du 1er octobre 2020,

- de ses droits à la retraite de base, sur le fondement d'un nombre de points acquis de 2 159,1, à la date d'effet du 1er octobre 2020,

elle a saisi le 7 janvier 2021 la commission de recours amiable de la CIPAV d'une demande de rectification de son relevé de situation individuelle, concernant le nombre de ses points de retraite de base ainsi que de ses points de retraite complémentaire, soit :

- une pension de retraite complémentaire sur la base de 588 points acquis,

- une pension de retraite de base sur la base de 3 228,5 points acquis.

Puis, sur décisions implites de rejet, Mme [I] [T] a saisi le tribunal judiciaire de Valenciennes, pôle social, lequel, par jugement en date du 10 novembre 2022 a :

Prononcé la jonction des recours 21/00574 et 22/0001 sous le numéro le plus ancien ;

Déclaré Mme [I] [T] recevable en son recours ;

Ordonné à la CIPAV de procéder, dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement, à la rectification du nombre des points de retraite complémentaire acquis sur la période 2010-2020 comme suit :

- 2010 : 40 points

- 2011 : 40 points

- 2012 : 40 points

- 2013 : 36 points

- 2014 : 72 points

- 2015 : 72 points

- 2016 : 36 points

- 2017 : 72 points

- 2018 : 72 points

- 2019 : 72 points

- 2020 : 36 points

Ordonné à la CIPAV de procéder, dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement, à la rectification du nombre des points de retraite de base acquise sur la période 2010-2020 en se fondant sur le chiffre d'affaires ou le montant des recettes déclarées conformément à l'article L. 133-6-8 devant L. 613-7 du code de la sécurité sociale ;

Condamné la CIPAV à revaloriser les pensions de retraite de base et de retraite complémentaire servies à Mme [I] [T] conformément à ces rectifications ;

Condamné la CIPAV à payer à Mme [I] [T] les arrérages correspondant à ces rectifications au titre de sa retraite de base et de sa retraite complémentaire avec effet à compter du 1er octobre 2020 ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Débouté Mme [I] [T] de sa demande de dommages-intérêts ;

Ordonné l'exécution provisoire ;

Condamné la CIPAV aux dépens ;

Condamné la CIPAV à verser à Mme [I] [T] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté la CIPAV de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La CIPAV a interjeté appel du jugement suivant déclaration en date du 17 novembre 2022.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 5 février 2024.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 28 septembre 2023 auxquelles elle s'est rapportée, la CIPAV demande à la cour d'appel de :

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions, à l'exclusion des dispositions relatives à la jonction ;

Statuant à nouveau de :

Juger du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire de Mme [I] [T] ;

Attribuer à Mme [I] [T] les points de retraite de base suivants :

- 109,2 points de retraite de base en 2010

- 121,9 points de retraite de base en 2011

- 121,2 points de retraite de base en 2012

- 151,8 points de retraite de base en 2013

- 253,6 points de retraite de base en 2014

- 252,1 points de retraite de base en 2015

- 243,9 points de retraite de base en 2016

- 253,8 points de retraite de base en 2017

- 242,7 points de retraite de base en 2018

- 258,0 points de retraite de base en 2019

- 212,5 points de retraite de base en 2020

Attribuer à Mme [I] [T] les points de retraite complémentaire suivants :

- 10 points de retraite complémentaire en 2010

- 10 points de retraite complémentaire en 2011

- 10 points de retraite complémentaire en 2012

- 9 points de retraite complémentaire en 2013

- 27 points de retraite complémentaire en 2014

- 27 points de retraite complémentaire en 2015

- 35 points de retraite complémentaire en 2016

- 35 points de retraite complémentaire en 2017

- 33 points de retraite complémentaire en 2018

- 35 points de retraite complémentaire en 2019

- 28 points de retraite complémentaire en 2020

Débouter Mme [I] [T] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner Mme [I] [T] à verser à la CIPAV la somme de 600 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager.

La CIPAV ne motive pas sa demande d'infirmation du jugement, en ce qu'il a déclaré Mme [I] [T] recevable en son recours

Sur le fond, elle souligne que Mme [I] [T] commet une erreur en prenant pour assiette de calcul de ses points de retraite, son chiffre d'affaires pour la période antérieure à 2016. Elle précise à cet égard que l'auto-entrepreneur ne déclare qu'un chiffre d'affaires brut mensuel ou trimestriel, en conséquence de quoi, afin d'obtenir une assiette de cotisations équivalente au régime de droit commun, un abattement de 34% doit être appliqué sur ledit chiffre d'affaires pour reconstituer un revenu correspondant au BNC en application des articles L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale et 102 ter du code général des impôts.

Elle en déduit un calcul des points de retraite de base de Mme [I] [T] correspondant.

S'agissant du calcul des points de retraite complémentaire, elle expose que le régime de la CIPAV étant un régime obligatoire, les statuts de la caisse s'appliquent à tous ses assurés quel que soit leur régime, qu'ils définissent notamment les conditions dans lesquelles la cotisation due par chaque assujetti est déterminée en fonction de son revenu d'activé, et souligne à cet égard que les auto-entrepreneurs étant soumis à un seuil de chiffre d'affaires ne peuvent prétendre ni à 40 points sur la période de 2009 à 2012, ni à 36 points au delà de 2013.

Elle conclut que les points de retraite complémentaire pour la période courant de 2009 à 2015 doivent être calculés en prenant en compte le BNC déclaré de l'auto-entrepreneur.

Puis, ayant rappelé que les assurés ont droit aux prestations pour lesquelles ils justifient le versement de cotisations acquittées personnellement ou versées par l'Etat, la caisse opère une distinction entre la période antérieure au 1er janvier 2016 pour laquelle une compensation du régime par l'Etat était prévue et la période postérieure à cette date à partir de laquelle la compensation a pris fin :

- pour la période de 2009 à 2015 : afin que le dispositif du forfait social soit sans incidence sur les droits ouverts aux auto-entrepreneurs, la loi a prévu en ses articles L. 131-7 et R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale, le versement d'une compensation de l'Etat au régime de protection sociale pour couvrir la perte de recette induite par le régime, dans des conditions assurant une cotisation au moins égale à la plus faible cotisation non nulle dont ils pourraient être redevables ; au regard de ces dispositions, il y a lieu de s'assurer de la réalité des sommes versées tant par l'adhérent que par l'Etat au titre de la compensation pour déterminer le nombre de points dû au titre du régime complémentaire.

- à compter du 1er janvier 2016 : la compensation de l'Etat ayant pris fin en janvier 2016, la caisse a appliqué les statuts de la CIPAV (article 3-12 bis) qui prévoient que, pour les bénéficiaires du régime de l'auto-entrepreneur, le nombre de points attribué au titre de la retraite complémentaire est soumis au principe de proportionnalité qui commande que le rapport entre le montant des cotisations payées par l'adhérent et la valeur d'achat du point détermine directement lenombre de points attribués au titre du régime complémentaire.

Elle en déduit un calcul des points de retraite complémentaire de Mme [I] [T] correspondant.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 21 août 2023 auxquelles elle s'est rapportée, Mme [I] [T] demande à la cour d'appel de :

Confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de réparation du préjudice moral,

Statuant à nouveau,

Condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral,

Y ajoutant,

Condamner la CIPAV à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de l'appel abusif,

Condamner la CIPAV à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle ne conclut pas sur la recevabilité de son action qui ne lui est pas expressément disputée.

S'agisant de ses points de retraite complémentaire, elle explique, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale et 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979, qu'ils doivent lui être attribués en fonction de sa classe de cotisation, elle-même déterminée en fonction de son revenu d'activité.

Selon elle, l'assiette à retenir pour déterminer la classe de revenu applicable n'est pas le BNC théorique pour les années 2009-2015, mais le chiffre d'affaires en ce qu'il constitue l'assiette spécifique des cotisations (forfait social), sans influence des règles de compensation financière entre l'Etat et la CIPAV qui ne régissent que les rapports entre ces derniers.

Elle en déduit que la CIPAV pratique à tort, sur le chiffre d'affaires, un abattement de 34 %, ce qui conduit à minorer ses points de retraite de base, et demande qu'une rectification soit effectuée suivant le tableau de calcul qu'elle produit.

S'agissant de ses points de retraites de base, elle constate :

- que les parties d'accordent sur la formule de calcul des points de retraite de base des auto-entrepreneurs ;

- qu'elles s'opposent sur la détermination de l'assiette de revenu puisque la CIPAV pratique à tort, selon elle, un abattement de 34 % sur le chiffre d'affaires, ce qui conduit à une minoration des points de retraite de base de 34 %. Elle en conclut à la nécessité de rectifier ses points de retraite de base conformément au tableau de calcul qu'elle verse aux débats (sa pièce n° 1-2) et sa pension du régime de base revalorisée en conséquence.

Elle soutient qu'elle subit un préjudice moral caractérisé par le stress lié à un sentiment d'impossibilité d'obtenir la rectification de ses droits et l'indifférence et le mépris de la caise à son égard.

Elle considère enfin que l'appel de la CIPAV est destiné à la décourager dans ses démarches et à profiter de l'effet suspensif. Elle ajoute que si la CIPAV est condamnée sur une période circonscrite, elle ne régularise pas pour autant les années ultérieures, l'obligeant à de nouvelles contestations.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties

s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

Sur la recevabilité du recours

En, première instance, la CIPAV concluait à l'irrecevabilité du recours pour absence de contestation d'une décision, en soutenant que Mme [T] agissait à l'encontre d'un relevé de situation individuelle et que ce document était purement informatif et non consitutif d'une décision.

Elle a formé appel de la recevabilité du recours sans motiver son appel sur ce point, et l'intimée ne motive pas plus sa demande de confirmation du jugement sur ce point.

Il convient donc d'examiner la recevabilité du recours de Mme [I] [T] à la lumière des débats debant les premiers juges.

En application des articles R. 142-1, R. 142-4 et R. 142-6 du code de la sécurité sociale, les réclamations contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale sont, préalablement à la saisine de la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, soumises à une commission de recours amiable, l'intéressé pouvant considérer sa demande comme rejetée lorsque la décision de la commission n'a pas été portée à sa connaissance dans le délai de deux mois.

En l'espèce, Mme [T] contestant le nombre de points de retraite de base et complémentaires qui lui ont été notifiés par courrier de la caisse en date du 18 décembre 2020 a saisi la commission de recours amiable de la CIPAV par courrier du 7 janvier 2021 puis le tribunal judiciaire de Valenciennesde deux recours en date des 10 décembre 2021 et 3 janvier 2022.

Contrairement à ce que soutenait la CIPAV devant les premiers juges, les deux notifications litigieuses ne portent pas sur des relevé de situation individuelle mais sur la liquidation des droits à la retraite (base + complémentaire) de Mme [T].

Il s'agit bien de décisions au sens des textes précités.

C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré que le recours préalable obligatoire avait été valablement exercé.

Puis, c'est à juste titre que les premiers juges ont constaté, par motifs que la cour d'appel adopte, qu''il n'est ni justifié ni même argué d'un accusé de réception par la commission de recours amiable susceptible d'avoir fait courir les délais de recours contentieux sur décision implicite de rejet', avant d'en déduire qu' 'en saisissant le tribunal le 10 décembre 2021, Mme [I] [T] est recevable.'

L'intéressée est donc recevable à agir.

En conséquence, le jugement qui a déclaré Mme [I] [T] 'recevable en son recours' sera confirmé.

Sur le fond

Sur le calcul des points de retraite complémentaire

- Pour les années 2011 à 2015

La pension de retraite complémentaire est une pension en points versée à l'affilié qui est à jour de ses cotisations obligatoires auprès de sa section. Le montant de la pension est égal au nombre de points porté au compte de l'affilié, multiplié par la valeur du point, fixé chaque année par le conseil de l'administration de chaque section.

Selon les dispositions de l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979, le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire institué par l'article 1er, géré par la CIPAV, comporte plusieurs classes de cotisations déterminées en fonction du revenu d'activité de l'intéressé, auxquelles correspond l'attribution d'un nombre de points de retraite dont le montant est fixé par décret sur proposition du conseil d'administration de l'organisme.

Le nombre de classes a été porté de six à huit par le décret n°2012-1522 du 28 décembre 2012,

applicable aux cotisations dues à compter du 1er janvier 2013. A chaque classe de cotisation, correspond un montant de cotisations et un nombre de points de retraite. Ce nombre est fixé pour la première des classes (classe A) à 40 points par année pour les années 2009 à 2012 et à 36 points par année à compter de 2013.

Il est constant que les dispositions de l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 sont seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV (Cass. 2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n°18-15.542).

Il en découle que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié en fonction de son revenu d'activité, étant précisé que la cotisation s'exprime sous la forme d'un montant fixe (et non d'un pourcentage) dû par l'assuré dont le revenu, déterminé selon les règles d'assiette appropriées, est compris entre les bornes de la classe de cotisation dont celui-ci le fait relever.

S'agissant de l'assiette des cotisations, il résulte de l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale dans ses différentes rédactions successivement applicables au présent litige que les cotisations et contributions de sécurité sociale dont sont redevables les travailleurs indépendants bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts sont calculées mensuellement ou trimestriellement, en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent, un taux fixé par décret pour chaque catégorie d'activité mentionnée aux mêmes articles.

Dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicable pour les points de retraite acquis au titre des années 2013 à 2015, l'article L. 133-6-8 indique que ce taux est fixé de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants.

Il découle des dispositions qui précèdent que la CIPAV n'est pas fondée à s'appuyer comme elle le fait sur le mécanisme de la compensation financière de l'Etat pour calculer les droits de l'assuré. Elle se prévaut à tort (page 16 de ses conclusions) des articles L. 131-7 et R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale fixant les modalités de la compensation par l'Etat du manque à recouvrer par les organismes sociaux et prévoyant que le montant de cette compensation est égal à la différence entre d'une part le montant des cotisations et contributions dont les travailleurs indépendants auraient été redevables au cours de l'année civile, d'autre part, le montant des cotisations et contributions calculées en application de l'article L. 133-6-8 versées par les intéressés. Elle vise également le dernier alinéa de l'article R. 133-10-10 selon lequel cette compensation doit garantir au régime une cotisation au moins égale à la plus faible cotisation non nulle dont les travailleurs indépendants affiliés à la CIPAV pourraient être redevables en fonction de leur activité.

Pourtant, ces règles de compensation n'intéressent que les rapports entre l'Etat et l'organisme et sont étrangères aux relations organisme/affiliés. Elles sont donc sans incidence sur la détermination des droits à pension des assurés régie par le seul article 2 du décret du 21 mars 1979 susvisé.

La CIPAV ne peut davantage se référer au bénéfice non commercial déclaré par l'auto-entrepreneur correspondant au bénéfice imposable de l'article 102 ter du code général des impôts après application d'un abattement forfaitaire de 34%, au lieu du chiffre d'affaires, pour déterminer, à la baisse, le revenu d'activité, et par conséquent, la classe de cotisation de l'affilié dont dépend l'attribution des points de retraite.

Le grief tiré d'une rupture d'égalité entre les auto-entrepreneurs et les autres adhérents formulé par l'organisme est sans portée, dès lors que le régime applicable aux premiers se veut incitatif et répond à une volonté du législateur de favoriser la création d'entreprises par la mise en place, notamment, d'un régime de déclaration et de paiement fiscal et social simplifié, sans porter atteinte aux droits de ceux qui ont choisi d'opter pour le régime micro-social.

De même, l'argument de l'organisme selon lequel le nombre de points revendiqué par l'assuré conduit à lui attribuer des points pour une valeur d'achat largement inférieure à celle fixée par le conseil d'administration de la CIPAV est dénué de toute pertinence, puisqu'il se heurte au principe même du forfait social institué, au surplus, par des dispositions législatives.

Mme [T] revendique à juste titre qu'il soit tenu compte de son chiffre d'affaires pour déterminer la classe de cotisation, sans appliquer d'abattement.

Le jugement qui a accueilli sa demande sur la base du chiffre d'affaires déclaré après avoir relevé que le paiement par l'assurée de ses cotisations n'était pas contesté, sera en conséquence confirmé.

- Pour les années 2016 à 2020

La suppression du dispositif de compensation de l'Etat à compter du 1er janvier 2016 est sans

incidence sur les modalités de calcul et le principe selon lequel le nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité, enapplication des dispositions de l'article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié.

L'option en faveur du statut de l'auto-entrepreneur conduit toujours, en effet, à l'application d'un forfait déterminé par l'application au montant du chiffre d'affaire ou des recettes effectivement réalisées par l'intéressé d'un taux global fixé par décret selon les catégories d'activité, en vertu des dispositions de l'article L. 133-6-8, I, du code de la sécurité sociale (devenu l'article L. 613-7), dans leurs rédactions successivement applicables aux années considérées.

Par ailleurs, il a été précédemment rappelé l'absence de toute interférence des relations financières entre l'Etat et la CIPAV avec la détermination des droits à pension des affiliés.

Le principe de proportionnalité dont la CIPAV se prévaut ne peut conduire à écarter les dispositions de l'article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979.

Enfin, la CIPAV ne peut s'appuyer sur les dispositions de l'article 3.12 de ses statuts, qui prévoit une réduction de la cotisation en fonction du revenu professionnel de l'année précédente, dès lors qu'il résulte de ces dispositions que cette réduction ne peut intervenir que sur demande expresse de l'adhérent, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Les griefs tirés d'une rupture d'égalité et du non-respect de la valeur d'achat des points telle que fixée par le conseil d'administration de la CIPAV sont sans portée, pour les raisons précédemment développées.

Le jugement qui a rectifié les points de retraite complémentaire de Mme [T] en considération de ses revenus déclarés sera confirmé.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné à la CIPAV de procéder, dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement, à la rectification du nombre des points de retraite complémentaire acquis sur la période 2010-2020 comme suit :

- 2010 : 40 points

- 2011 : 40 points

- 2012 : 40 points

- 2013 : 36 points

- 2014 : 72 points

- 2015 : 72 points

- 2016 : 36 points

- 2017 : 72 points

- 2018 : 72 points

- 2019 : 72 points

- 2020 : 36 points

Sur le calcul des points de retraite de base

Il résulte des dispositions de l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale précité (devenu l'article L. 613-7), dans ses rédactions successivement applicables au litige, que les cotisations et contributions de sécurité sociale des auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV sont calculées mensuellement ou trimestriellement, en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent, un taux fixé par décret pour chaque catégorie d'activité mentionnée aux mêmes articles.

En l'espèce, les parties s'opposent là aussi sur la détermination des revenus pour l'assiette des cotisations, la CIPAV pratiquant sur le chiffre d'affaires un abattement de 34 % pour frais professionnels et l'assurée soutenant qu'elle devait retenir le chiffre d'affaires déclaré.

Les dispositions précitées se réfèrent expressément au chiffre d'affaires ou aux recettes effectivement réalisées, soit aux recettes brutes. L'assiette prise en compte par la CIPAV, qui procède à un abattement de 34 % sur le chiffre d'affaires, conduit à minorer le revenu d'activité, et par conséquent, le nombre de points susceptibles d'être fixés au titre du régime d'assurance vieillesse de base.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a accueilli la demande de l'assurée et corrigé les points devant lui être attribués selon un décompte détaillé établi sur la base du chiffre d'affaires déclaré pour la période considérée.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont, s'agissant de la pension de retraite de base de mme [T], ordonné à la CIPAV de procéder, dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement, à la rectification du nombre des points de retraite de base acquise sur la période 2010-2020 en se fondant sur le chiffre d'affaires ou le montant des recettes déclarées conformément à l'article L. 133-6-8 devant L. 613-7 du code de la sécurité sociale.

Il y a lieu enfin, ces différents points n'étant pas débattus entre les parties mêmes à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné la CIPAV à revaloriser les pensions de retraite de base et de retraite complémentaire services à Mme [I] [T] conformément aux rectifications opérées ;

- condamné la CIPAV à payer à Mme [I] [T] les arrérages correspondant à ces rectifications au titre de sa retraite de base et de sa retraite complémentaire avec effet à compter du 1er octobre 2020 ;

- dit n'y avoir lieu à astreinte.

Sur les demandes de dommages intérêts

Aux termes de l'article 1240 du code civile, toute fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Pour être accordée, la réparation suppose que soient démontrés une faute, un préjudice et un lien de causalité entre ces derniers, étant précisé que le préjudice doit être certain et non hypothétique.

En l'espèce, Mme [T] invoque un préjudice moral lié à la minoration de ses points de retraite et au stress généré par le sentiment d'impossibilité d'obtenir la rectification de ses droits.

Cependant, le différend opposant la CIPAV à son assurée sur les modalités de calcul de ses droits à pension ne suffit pas à caractériser l'existence d'une faute de la part de l'organisme.

En outre, la preuve de la réalité du préjudice n'est pas rapportée.

Dès lors, le jugement qui a débouté Mme [T] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral sera confirmé.

La demande en appel de dommages et intérêts au titre du préjudice moral résultant d'un appel abusif, préjudice qui n'est pas démontré autrement que par la production de décisions de justice relatives à des contentieux similaires à celui qui oppose les parties, sera également rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie succombante, la CIPAV sera condamnée au paiement des entiers dépens de l'instance d'appel en sus des dépens de première instance, le jugement étant confirmé sur ce point, et déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [T] l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager dans la présente instance. Il lui sera alloué la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Valenciennes pôle social, rendu le 10 novembre 2022,

Y ajoutant,

Déboute Mme [I] [T] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de l'appel abusif,

Déboute la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse au paiement des dépens exposés en appel,

Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse à payer à Mme [I] [T] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/05051
Date de la décision : 18/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-18;22.05051 ?
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