La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/04/2024 | FRANCE | N°22/01752

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 16 avril 2024, 22/01752


ARRET

N°371





CPAM DE [Localité 8] [Localité 10]





C/



[X]

S.A.S. [9]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 16 AVRIL 2024



*************************************************************



N° RG 22/01752 - N° Portalis DBV4-V-B7G-INCD - N° registre 1ère instance : 18/01822



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 17 mars 2022





PARTIES E

N CAUSE :





APPELANT





CPAM DE [Localité 8] [Localité 10] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Mme [U] [P] dû...

ARRET

N°371

CPAM DE [Localité 8] [Localité 10]

C/

[X]

S.A.S. [9]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 16 AVRIL 2024

*************************************************************

N° RG 22/01752 - N° Portalis DBV4-V-B7G-INCD - N° registre 1ère instance : 18/01822

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 17 mars 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

CPAM DE [Localité 8] [Localité 10] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Mme [U] [P] dûment mandatée

ET :

INTIMES

Monsieur [O] [X]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me LALOUX, avocat au barreau de LILLE substituant Me Anne DURIEZ, avocat au barreau de LILLE

S.A.S. [9] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Non représentée

Avis de renvoi envoyé le 08 juin 2023

DEBATS :

A l'audience publique du 01 Février 2024 devant M. Pascal HAMON, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Avril 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Diane VIDECOQ-TYRAN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. Pascal HAMON en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

M. Pascal HAMON, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 16 Avril 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.

*

* *

DECISION

M. [O] [X] a été salarié de la société [9] du 4 décembre 2006 au 31 mai 2019, en qualité de technicien informatique. Le 30 mai 2017, il a déclaré auprès de la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8]-[Localité 10] (CPAM) une maladie professionnelle pour syndrome anxiodépressif. Le 26 octobre 2017, la caisse a indiqué à M. [X] qu'elle sollicitait l'avis des experts du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, le (CRRMP). Le 8 mars 2018, la caisse a adressé à M. [X] un refus de reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie à la suite de l'avis défavorable rendu par le CRRMP. M. [X] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lille pour contester la décision de refus d'abord implicite, puis explicite de la commission de recours amiable. Par jugement avant-dire droit du 23 mai 2019, les deux recours ont été joints et un nouveau CRRMP, celui de la région Nord Est, a été saisi pour second avis, conformément aux dispositions de l'article R. 142-17-2 du Code de la sécurité sociale.

Par jugement du 17 mars 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Lille a :

- Dit n'y avoir lieu à déclarer la société [9] irrecevable en son intervention,

- Dit que la maladie de M. [X] du 23 novembre 2016 est une maladie professionnelle au sens des dispositions de l'article L.461-1 du code de sécurité sociale,

- Débouté M. [X] de sa demande au titre des frais irrépétibles

- Condamné la Caisse de [Localité 8]-[Localité 10] aux dépens.

La Caisse a interjeté appel de cette décision et sollicite à titre principal la réformation du jugement et le refus de prise en charge de la maladie de M. [X] et, à titre subsidiaire, le recueil de l'avis d'un nouveau CRRMP.

Par conclusions visées par le greffe le 16 juin 2022 auxquelles elle se rapporte, la Caisse de [Localité 8]-[Localité 10] demande à la cour de :

A titre principal

- Débouter M. [X] de ses demandes, fins et conclusions.

- Infirmer, en toutes ses dispositions, la décision rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Lille en date du 17 mars 2022.

- Confirmer le refus de prise en charge de la maladie du 30 mai 2017 au titre de la législation relative aux risques professionnels,

- Condamner M. [X] aux entiers dépens.

A titre subsidiaire :

- Faire application de l'article R. 142-17-2 du Code de la Sécurité Sociale, et en conséquence recueillir préalablement l'avis d'un nouveau comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Par conclusions transmises par RPVA le 8 aout 2023 auxquelles il se rapporte, M. [X] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Lille le 17 mars 2022 ;

-Rejeter l'ensemble des fins, demandes et conclusions présentées par la Caisse de [Localité 8]-[Localité 10] et contraires aux présentes ;

- Condamner la CPAM de [Localité 8]-[Localité 10] à tous les frais et dépens engendrés par la présente instance.

La cour constate par ailleurs que la société [9] a été mise en cause par erreur dans ce litige opposant l'assuré à la caisse. Celle-ci par l'intermédiaire de son conseil a indiqué qu'elle n'entendait pas intervenir dans la présente instance.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

Motifs

L'article L 461-1 du Code de la sécurité sociale dans son alinéa 4 (dans sa version applicable à l'époque des faits), dispose :

« Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi quelle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la Caisse reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux quatrième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire, »

La Caisse de [Localité 8]-[Localité 10] entend rappeler dans le cadre de son appel que les deux comités régionaux de reconnaissance de maladie professionnelle ont émis un avis négatif quant à la reconnaissance de l'affection de M. [X] en tant que maladie professionnelle. Elle conteste dès lors la position prise par le tribunal judiciaire de Lille.

La pathologie déclarée par M. [X] n'étant pas reprise au sein d'un tableau de maladies professionnelles, il a été fait application de l'article L.461-1 alinéa 4 du Code de la Sécurité Sociale.

Le dossier a donc été soumis au CRRMP de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie qui, le 18 mars 2018, indiquait : 

« Après avoir étudié les pièces du dossier communiqué, le CRRMP constate que la dégradation de l'état de santé semble concomitante à l'arrivée d'une nouvelle hiérarchie et la mise en place de procédures informatiques. Le CRRMP n'a pas retrouvé d'éléments factuels de violence. Il existe des éléments de soutien de la part de sa hiérarchie. Pour toutes ces raisons, il ne peut être retenu de lien direct entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle».

Cet avis qui s'impose à la Caisse sur le fondement de l'article L.461-1 alinéa 5 du Code de la sécurité sociale a été notifié et contesté par la saisine de la Commission de recours amiable puis par celle du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille.

Par jugement rendu le 23 mai 2019, le pôle social du tribunal de Lille a, en application des dispositions de l'article R. 142-24-2 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, désigné le CRRMP de la région Nord Est en vue d'obtenir un nouvel avis sur la maladie déclarée par M. [X] le 30 mai 2017.

Le 16 septembre 2019, le second CRRMP a émis l'avis suivant : « Son dossier comporte des documents témoignant d'éléments contradictoires, à savoir, d'une part, une modification de l'organisation de son travail ayant pu avoir un retentissement sur sa thymie et d'autre part, une réticence à s'adapter aux propositions émanant de l'employeur et un accompagnement refusé par le déclarant. Ces facteurs divergents ne permettent pas aux membres du CRRMP d'établir un lien direct et essentiel entre la pathologie présentée et l'activité professionnelle exercée. »

Ces deux comités s'accordent pour dire que la pathologie déclarée par M. [X] ne peut être rattachée de manière exclusive à l'activité professionnelles de ce dernier.

Ces deux avis sont clairs et non équivoques de sorte que la Caisse considère qu'il appartenait à la juridiction de première instance de les entériner.

La Caisse estime que c'est à tort que le tribunal a considéré que les courriers du médecin du travail et des praticiens consultés par M. [X], comme des éléments déterminants de nature à retenir un tel lien. Ces pièces ne permettent nullement de renseigner sur l'origine certaine de la maladie, de telles attestations reposant sur les seules déclarations du salarié.

M. [X] considère quant à lui que le lien entre son affection et l'activité professionnelle est établi. Il précise en effet qu'employé durant de nombreuses années pour la société science U Lille, il a fait l'objet lors d'un changement de responsable d'une dégradation constante de ses conditions de travail, d'une pression accrue et d'une surcharge telle que l'arrêt de travail était devenu inéluctable. M. [X] a ainsi expliqué se sentir « harcelé de toute part » et faire l'objet d'une surveillance constante et injustifiée de la part de son employeur. A compter du 23 novembre 2016, M. [X] a donc été placé en arrêt de travail pour syndrome anxiodépressif réactionnel et n'a jamais pu reprendre le travail. Il a été licencié pour inaptitude le 31 mai 2019.

En l'espèce, les pièces produites font état de difficultés de communication dans le service informatique auquel appartient M. [X]. Il ressort de celles-ci que si M. [X] avait de réelles difficultés avec ses deux supérieurs hiérarchiques M. [V] et M. [K] le dialogue était maintenu entre les protagonistes.

La cour relève dans le cadre de l'entretien du 21 novembre 2016 que les principales difficultés rencontrées par M. [X] s'inscrivent dans une évolution des conditions de travail correspondant à une démarche qualité de l'entreprise. Cet entretien, s'est déroulé en présence de Mme [R] directrice du campus, de M. [K] responsable de la vie numérique, de M. [X] et de Mme [S] gestionnaire administrative. La cour relève que cet entretien fait suite à des tensions entre M. [X] et ses supérieurs hiérarchiques. Cependant, s'il était fait état de ses difficultés en matière de services et de comportement, la cour relève que sur un certain nombre de points précis M. [X] ne répond pas et ne réagit pas aux propositions d'aide formulées par la directrice. Il est rappelé dans le compte rendu que lors de la proposition d'un stage de communication interpersonnelle M. [X] n'a pas répondu tout en ricanant, Mme [R] lui faisant remarquer que son attitude est déplacée l'entretien se termine par une nouvelle formulation d'aide et M.[X]  répond « je ne sais pas j'ai la tête bien remplie je vais réfléchir».

La cour considère que les pièces fournies et en particulier le courrier de compte rendu d'entretien du 21 novembre 2016 ne permettent pas d'établir avec certitude le lien direct entre le syndrome anxiodépressif déclaré par M. [X] et son activité professionnelle. La cour relève par ailleurs que le courrier du médecin du travail fait état de difficultés relationnelles entre M. [X] et sa hiérarchie dès 2012, le changement de hiérarchie en 2016 n'étant pas un facteur déclenchant. La cour relève enfin que dans le cadre de son avis, le CRRMP de [Localité 7] indique qui constate à la lecture du dossier qu'une modification de l'organisation du travail avait dû avoir un retentissement sur la situation de M. [X] mais constate aussi une réticence de celui-ci à s'adapter aux propositions émanant de l'employeur et un refus des mesures d'accompagnement proposées.

Dans ces conditions, la cour considère que l'avis concordant des deux CRRMP ainsi que les pièces produites ne permettent pas de caractériser un lien direct essentiel entre la pathologie présentée et l'activité professionnelle exercée. Dans ces conditions, il y a lieu d'infirmer la décision déférée.

Sur les dépens

M. [X] qui succombe en ses prétentions, est condamné au paiement des dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La cour, statuant par un arrêt rendu par mise à disposition greffe, contradictoire, en dernier ressort,

Infirme, en toutes ces dispositions, la décision rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Lille en date du 17 mars 2022.

Confirme le refus de prise en charge de la maladie du 30 mai 2017 déclarée par M. [O] [X] au titre de la législation relative aux risques professionnels,

Condamne M. [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/01752
Date de la décision : 16/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-16;22.01752 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award