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11/04/2024 | FRANCE | N°23/00081

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 11 avril 2024, 23/00081


ARRET







[A]





C/



S.A.S. AUTO BILAN FRANCE



























































copie exécutoire

le 11 avril 2024

à

Me DELAHOUSSE

Me TEISSIER

CB/MR/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 11 AVRIL 2024



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N° RG 23/00081 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IUME



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 05 DECEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 21/00375)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [O] [A]

[Adresse 1]

[Localité 2]



comparant en personne, assisté et concluant de Me Franck...

ARRET

[A]

C/

S.A.S. AUTO BILAN FRANCE

copie exécutoire

le 11 avril 2024

à

Me DELAHOUSSE

Me TEISSIER

CB/MR/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 11 AVRIL 2024

*************************************************************

N° RG 23/00081 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IUME

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 05 DECEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 21/00375)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [O] [A]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté et concluant de Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AMIENS substitué par Me Romain GUILLEMARD de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AMIENS

ET :

INTIMEE

S.A.S. AUTO BILAN FRANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée et concluant par Me Arnaud TEISSIER de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 22 février 2024, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame [G] [M] indique que l'arrêt sera prononcé le 11 avril 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame [G] [M] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 11 avril 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

La société Auto bilan France, ci-après dénommée la société ou l'employeur fait partie du groupe Dekra, son activité consistant essentiellement dans l'exploitation de divers centres de contrôle technique automobile.

M. [A], né le 16 avril 1974, a été embauché à compter du 26 décembre 2006 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, par la société Dekra automotive, puis par la société Auto bilan France, en qualité de délégué commercial.

La société Auto bilan France emploie plus de 10 salariés.

La convention collective applicable est celle des services de l'automobile.

Au dernier état de la relation contractuelle, il exerçait la fonction de chef de la région nord.

Par courrier du 13 mars 2020, M. [A] a été convoqué à un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au 24 mars 2020.

Par courrier du 22 avril 2020, le salarié a de nouveau été convoqué à un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au 4 mai 2020, assorti d'une mise à pied à titre conservatoire.

Le 12 mai 2020, il a été licencié pour faute grave, par lettre ainsi libellée :

« Nous faisons suite à l'entretien préalable du 4 Mai 2020 qui s'est déroulé par visio- conférence et à l'entretien du 27 Mars 2020 qui s'est également tenu par visio-conférence et au cours desquels vous étiez assisté de Monsieur [T] [C], membre titulaire du CSE.

Nous vous notifions par le présent courrier votre licenciement pour faute grave, pour les faits qui vous ont été présentés lors de ces entretiens et que nous vous rappelons ci-après.

Vous avez été embauché le 26 décembre 2006 en qualité de délégué commercial et occupez depuis le 1er octobre 2014 les fonctions de chef de la région Nord.

A ce poste, l'une de vos principales responsabilités consiste à assurer le mangement des collaborateurs rattachés aux centres de la région Nord et à être le relais de la direction sur votre périmètre géographique.

Vous avez ainsi la charge, au quotidien, de :

- Veiller au respect par les collaborateurs de votre région des procédures internes mises en place notamment pour assurer la santé et la sécurité des collaborateurs et des clients de la société,

- D'informer de manière claire, les collaborateurs de votre région des décisions prises au niveau de la Direction et d'assurer ainsi la promotion de la stratégie définie par la Direction sur votre territoire afin que ce dernier atteigne les objectifs assignés,

- Veiller à préserver un environnement professionnel sain en étant à l'écoute des collaborateurs de votre région et en apportant des solutions aux éventuelles difficultés rencontrées par ces derniers.

En dépit de l'accompagnement renforcé dont vous avez bénéficié dès votre prise de fonctions, et tout particulièrement depuis plusieurs mois de la part du directeur des opérations, M. [L] [E], notamment à l'occasion des différents business review, force est de constater que (i) vous ne parvenez toujours pas à prendre la pleine mesure de votre rôle de manager et que (ii) de graves négligences de votre part ont récemment mis en danger la santé de plusieurs collaborateurs.

A l'occasion notamment de vos entretiens annuels et plus particulièrement de l'entretien qui s'est déroulé à la fin de l'année 2017, nous vous avions formellement alerté sur la nécessité de progresser dans le management de vos équipes.

Face à la persistance de vos difficultés, nous vous avons proposé de suivre, en plus de l'accompagnement de M. [E], une formation personnalisée consacrée aux méthodes de management, en fin d'année 2018.

Vous nous aviez fait un retour très positif sur ce coaching et avez estimé que votre formatrice avait su s'adapter à vos besoins et vous avait apporté les outils vous permettant de mieux maîtriser la dimension managériale de votre poste.

Pour autant, au cours de l'année 2019, nous avons été contraints de constater que les difficultés qui avaient pu être identifiées et avaient conduit l'entreprise à vous faire suivre une formation spécifique demeurent.

A titre d'exemple non exhaustif, une nouvelle organisation managériale avec la mise en place de responsable de pôles choisis parmi les chefs de centre de contrôle a été décidée.

A ce titre, il était de votre responsabilité d'informer les responsables nouvellement nommés de leur participation à la convention nationale fixée en septembre 2019 à [Localité 5], réunissant la nouvelle communauté managériale.

Cet évènement se voulait positif et créateur d'une volonté de travailler ensemble.

Or, à quelques jours de la convention managers, un de vos chefs de centre non retenus comme participants a interpellé le Directeur des opérations par courriel pour lui faire part de sa surprise quant à sa non-convocation à la convention.

Il s'est avéré que vous n'aviez pas communiqué avec ce manager sur l'évènement et sa participation à ce dernier, générant pour le manager de l'incompréhension et faisant inutilement naître une situation de tensions, à l'opposé de la dynamique qu'avait souhaité mettre en place la société en organisant cet évènement.

Plus récemment, vous nous avez informés en octobre 2019 d'une situation conflictuelle grave entre deux collaborateurs sous votre responsabilité, nous avons alors immédiatement engagé une procédure d'enquête avec les représentants du personnel dans le cadre de la commission santé sécurité et conditions de travail, l'enquête interne a révélé en mars 2020, que :

M. [R] vous avait, à plusieurs reprises, et durant 2 ans, fait part des difficultés relationnelles qu'il rencontrait avec M. [U] [P] ;

Vous n'aviez pas pris la mesure de ces alertes et de la détresse de M. [R]

A cet égard, vous n'avez jamais fait remonter la situation de M. [R] à la direction des ressources humaines ou solliciter une aide quelconque pour gérer cette situation ;

- En n'ayant pas su mettre en place un management des conflits ou en « arrivant trop tard », vous avez laissé la situation conflictuelle s'aggraver au point qu'un risque de violences entre collègues soit identifié dans le cadre de l'enquête ainsi qu'un risque de dépressions de certains salariés et de démissions.

Cette situation est inacceptable.

Il appartient en effet à un chef de région d'être à l'écoute des collaborateurs placés sous sa responsabilité et de prendre les mesures utiles lorsqu'une situation conflictuelle lui est remontée, en alertant immédiatement dès la connaissance d'une difficulté, la direction des ressources humaines et en organisant un échange avec les salariés pour comprendre les difficultés rencontrées et proposer des solutions.

Aucune de ces actions élémentaires n'a été mise en place.

Votre incapacité à assurer vos fonctions de manager et à mettre en pratique les outils/conseils qui vous ont été délivrés, nuit au bon fonctionnement de votre région et a nui à la santé et sécurité de M. [R], ce que nous avons pu évoquer lors de notre entretien du 27 mars 2020.

Votre comportement traduit une forme de désinvolture qui met en difficulté les collaborateurs placés sous votre responsabilité, alors même que votre première responsabilité est de vous assurer de leur santé, tant psychologique que physique. En votre qualité de manager, vous n'ignorez pas l'importance que notre groupe attache à ces enjeux qui sont fixés comme une priorité. DEKRA est un des leaders mondiaux du contrôle réglementaire et de la sécurité sur la route, à la maison, au travail. Votre participation à tous les évènements nationaux et internationaux du Groupe, vous ont toujours sensibilisé à cet enjeu central de la stratégie de l'entreprise.

Quelques jours seulement après cet entretien, vous avez de nouveau gravement mis en danger la santé et la sécurité d'un collaborateur de votre région en n'assumant pas, comme vous auriez dû le faire, votre rôle de chef de région.

En effet, le 16 avril 2020, M. [I] [Y], chef de pôle Aisne-Champagne- Ardennes, placé sous votre responsabilité, informe M. [I] [D], responsable service matériels, travaux, et vous-même que :

- Le Centre de contrôle technique Reims Poids-Lourds S051K065 était en arrêt d'activité car le banc de freinage ne démarrait pas ;

- Qu'un diagnostic a été fait par la HOTLINE AUTOMOTEC et qu'il s'avérerait qu'un dispositif de protection dans l'armoire électrique serait hors service.

Le 17 avril 2020, vous répondez à M. [D], sans mettre en copie le service en charge de la gestion des travaux ([Courriel 9]) que [I] [Y] «s'occupera lui-même de faire la réparation » et « qu'il va faire le nécessaire sur le Centre de [Localité 7] » en se rapprochant d'un client (!) pour obtenir la pièce manquante dans l'armoire électrique.

Cette décision consistant à laisser M. [Y] intervenir pour remplacer un interrupteur différentiel qui est une pièce importante d'une armoire électrique haut voltage sans lui rappeler immédiatement les procédures internes et sans lui interdire une telle intervention est inacceptable de la part d'un Chef de Région, a fortiori de votre ancienneté.

Vous n'êtes, en effet, pas sans savoir :

- qu'une intervention sur une armoire électrique présente pour la personne qui réalise l'intervention, un risque létal et que seules les personnes possédant une habilitation spéciale et dédiée sont habilitées à intervenir. En l'occurrence seuls les agents polyvalents de maintenance qui sont répartis par région, M. [V] pour la région Grand Est sont habilités à intervenir. Ce risque pour la sécurité des salariés a d'ailleurs été clairement identifiée dans le document unique d'évaluation des risques.

- que la procédure en matière de gestion des travaux impose, lorsqu'une intervention est nécessaire de contacter la direction en charge des travaux et maintenance, via l'adresse mail [Courriel 10] pour les demandes d'intervention liées aux matériels de contrôle et via l'adresse mail [Courriel 9], pour les demandes de travaux et tous les autres échanges liés aux fluides (eau, gaz, électricité, etc').

Ce n'est pas au salarié qu'il appartient de prendre seul l'initiative d'intervenir.

- que le 10 janvier 2020, une procédure cadre précisant l'organisation nationale du service matériels et travaux vous a été communiquée ainsi qu'à l'ensemble de la ligne managériale, indiquant l'ensemble des procédures à suivre et le circuit d'intervention par typologie de panne.

- que dans le cadre de la procédure pannes matériels, le rôle du chef de région est identifié et c'est sur lui que repose l'analyse de la situation et la demande d'intervention auprès du service travaux.

Lors de l'entretien du 4 mai dernier, vous avez refusé toute responsabilité et cherché à faire porter uniquement la responsabilité de l'intervention de M. [Y] sur M. [D].

Vous nous avez indiqué que vous l'aviez uniquement informé de la situation sans donner « votre feu vert » et que l'urgence de la reprise économique justifiait une remise en activité du matériel et que l'absence de réaction du service Travaux à votre appel vous avait conduit à laisser votre collaborateur « mettre les mains à la pâte ».

Ces explications confirment que vous ne prenez pas la pleine mesure de vos fonctions et l'absence de prise de conscience du danger auquel vous avez exposé M. [Y].

Cela n'est pas acceptable de la part d'un chef de région ayant au surplus bénéficié d'un accompagnement tel que le vôtre.

Loin de prendre en compte les alertes et les conseils qui vous ont été donnés depuis plusieurs mois, vous persistez dans un comportement managérial désinvolte alors même que c'est précisément ce qui vous avait été dit lors du premier entretien.

Vos explications, lors de l'entretien préalable, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la gravité des faits reprochés.

Nous vous notifions donc par la présente une mesure de licenciement pour faute grave'»

Contestant la légitimité du licenciement et ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, M. [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Quentin le 21 décembre 2020.

Le 16 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Saint-Quentin a constaté son incompétence territoriale, conformément aux dispositions de l'article R.1412-1 du code du travail, et a renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes d'Amiens.

Par jugement du 5 décembre 2022, le conseil a :

mis hors de cause la société société Dekra ;

dit et jugé que le licenciement de M. [A] reposait bien sur une faute grave ;

en conséquence, a débouté M. [A] de ses demandes de rappel sur mise à pied conservatoire, d'indemnité de préavis, et congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;

dit et jugé que la convention individuelle de forfait jours était inopposable à M. [A] ;

fixé le salaire de référence de M. [A] à la somme de 4 790,11 euros par mois ;

condamné la société Auto bilan France à verser à M. [A] les sommes suivantes:

- 40 844,61 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires ;

- 4 084,46 euros au titre des congés payés y afférents ;

débouté M. [A] de sa demande d'indemnité pour travail dissimilé ;

débouté M. [A] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et pour perte de chance de percevoir sa rémunération variable ;

dit que ces sommes porteraient intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil des prud'hommes de Saint-Quentin pour les créances de nature salariale, et à compter du jugement pour les créances de nature indemnitaire ;

ordonné à la société Auto bilan France à remettre à M. [A] les documents de fin de contrat conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte ;

dit que seules les dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail relatif à l'exécution provisoire de droit recevront application ;

débouté les parties de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

laissé les dépens à la charge de la société Auto bilan France.

M. [A], qui est régulièrement appelant du jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 juillet 2023, demande à la cour de :

dire son appel recevable et bien fondé ;

dire l'appel incident de la société Auto bilan France, recevable mais mal fondé ;

confirmer le jugement en ce qu'il a jugé comme lui étant inopposable sa convention individuelle de forfait en jours, sauf à infirmer le quantum des rappels sur heures supplémentaires qui lui ont été accordés en conséquence ;

infirmer le jugement en toutes ses dispositions en ce qu'il :

- l'a débouté de ses demandes, et notamment en ce qu'il a jugé son licenciement comme bienfondé ;

- l'a débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

- l'a débouté de ses demandes pour perte de chance de percevoir sa rémunération variable pour l'année 2020 ;

- a fixé son salaire de référence à la somme de 4 790,11 euros par mois ; ou encore en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Et statuant à nouveau de,

dire ses demandes recevables et bien fondées.

En conséquence,

dire et juger que son licenciement pour faute grave est nul et subsidiairement dénué de cause réelle et sérieuse ;

dire et juger que sa convention de forfait jours lui est inopposable et à défaut qu'elle est nulle ;

fixer son salaire de référence à la somme de 6 914,24 euros et subsidiairement à la somme de 5 392,89 euros ;

condamner la société Auto bilan France à lui verser les sommes suivantes :

- 3 404,75 euros brut à titre de rappel sur mise à pied conservatoire, outre la somme de 340,48 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- à titre principal, la somme de 20 742,72 euros brut à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 2 074,27 euros brut au titre des congés payés y afférents ; et subsidiairement la somme de 14 256,81 euros brut à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 1 617,87 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- à titre principal, la somme de 25 736,34 euros ; et subsidiairement, la somme de 20 073,54 euros net, ceci à titre d'indemnité de licenciement ;

- à titre principal, la somme de 110 627,84 euros net et subsidiairement la somme de 86 286,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Et si la nullité du licenciement n'était pas retenue, à titre principal, la somme de 79 513,76 euros net ; et subsidiairement, la somme de 62 018,24 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et préjudice distinct ;

- 9 761,26 euros net à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de percevoir sa rémunération variable pour l'année 2020 ;

- 53 237,10 euros brut à titre de rappel sur heures supplémentaires, outre la somme de 5 323,71 euros brut au titre des congés payés afférents, et subsidiairement à la somme de 46 203,26 euros brut, outre la somme 4 620,33 euros brut au titre des congés payés y afférents,

- 32 357,34 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

dire et juger que les sommes qu'il a sollicité à titre de rappel sur heures supplémentaires, rappel sur préavis, et rappel sur indemnité de licenciement, porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Saint-Quentin ;

condamner la société Auto bilan France à lui remettre ses documents de fin de contrat, conformes à la décision à intervenir, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé 8 jours à compter du prononcé de ladite décision ;

condamner la société Auto bilan France à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

débouter la société Auto bilan France de ses demandes reconventionnelles.

La société Auto bilan France, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 août 2023, demande à la cour de :

A titre principal,

confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit et jugé que le licenciement de M. [A] reposait bien sur une faute grave ;

- par conséquent, débouté M. [A] de ses demandes de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire, d'indemnité de préavis et congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;

- fixé le salaire de référence de M. [A] à 4 790,11 euros ;

- débouté M. [A] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;

- débouté M. [A] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et perte de chance de percevoir sa rémunération variable ; - débouté M. [A] de sa demande d'article 700 du code de procédure civile ;

infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit et jugé que la convention individuelle de forfait jours était inopposable à M. [A] et l'a condamnée à verser à ce dernier les sommes suivantes :

40 844,61 euros brut au titre de rappel d'heures supplémentaires ;

4 084,46 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- constater que ses demandes au titre du forfait jours et heures supplémentaires étaient prescrites et débouter M. [A] de l'ensemble de ses demandes à ce titre à défaut, constater que la convention de forfait jours était opposable à M. [A] et le débouter de l'ensemble de ses demandes, à défaut, réduire le quantum des demandes en tenant compte de ses arguments.

A titre subsidiaire,

si par extraordinaire la cour d'appel infirmait le jugement en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de M. [A] reposait sur une faute grave, dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes au titre du licenciement nul et/ou sans cause réelle et sérieuse.

A titre infiniment subsidiaire,

si par extraordinaire la cour d'appel infirmait le jugement en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de M. [A] reposait sur une faute grave et a considéré le licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul, réduire le quantum des demandes.

En tout état de cause,

condamner M. [A] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 février 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 22 février 2024.

MOTIFS

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur la convention de forfait jours

L'employeur soulève la prescription de l'action tendant à la remise en cause de la convention de forfait jours, précisant que le contrat de travail avait été signé 6 ans auparavant que cette contestation ne soit élevée alors que le salarié connaissait ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit et qu'il n'avait jamais jusque-là formé de demande de paiement d'heures supplémentaires.

Sur le fond la société argue que l'accord d'entreprise prévoit spécifiquement la possibilité de conclure une convention de forfait jours prévoyant des garanties suffisantes.

M. [A] sollicite de la cour qu'elle prononce l'inopposabilité de la convention de forfait jours, soutient que cette action n'est pas prescrite car l'action au titre du rappel d'heures supplémentaires pouvait être engagée dans le délai de 3 années précédant la rupture du contrat de travail.

Sur le fond, il fait valoir que si l'article 4.06 de la convention collective applicable stipule un suivi individuel régulier et un entretien individuel pour contrôler l'articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, il n'a pas bénéficier d'un tel suivi, que lors du dernier entretien annuel en 2017 ce sujet n'avait pas été abordé si ce n'est un document avec la mention RAS qui ne détaille en rien la vérification effectuée.

Sur

Sur la prescription

L'article L1471-1 alinéa du code du travail dispose que l'action du salarié portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Cependant la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'un rappel de salaire fondée sur l'invalidité d'une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail. Dés lors l'action en invalidation de la convention de forfait jours n'obéit pas à la prescription biennale prévue pour l'action en exécution du contrat de travail mais à la prescription triennale spécifique à l'action relative aux salaires.

M. [A] ayant engagé son action aux fins d'invalidation de la convention de forfait jour par saisine du conseil de prud'hommes du 21 décembre 2020 alors que la rupture de la relation de travail est intervenue le 12 mai 2020, le délai de prescription de 3 ans n'était pas acquis. La demande est recevable.

Sur le fond

Il résulte des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Les conventions individuelles de forfait sur l'année sont conditionnées à la signature préalable d'un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, de branche (article L.3121-63 du code du travail) qui doit déterminer les catégories de salariés concernées, la période de référence du forfait, le nombre de jours compris dans le forfait, les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période, les caractéristiques principales des conventions individuelles, les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié, les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise et les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion (article L.3121-64 du code du travail en sa rédaction en vigueur depuis le 22 décembre 2017). Selon l'article L.3121-60 du code du travail, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.

Le non-respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours prive d'effet la convention de forfait.

En application de l'article L.3121-65 du code du travail en sa rédaction en vigueur depuis le 22 décembre 2017, les conventions de forfait conclues sur la base d'accords collectifs antérieurs au 10 août 2016 ne comportant  pas les mentions légales ajoutées par la loi Travail  sont  sécurisées à la condition que l'employeur mette en place un certain nombre demodalités permettant de pallier l'absence de ces mentions conventionnelles, à 

savoir l'établissement d'un document de contrôle faisant apparaître le nombre 

et la date des journées ou demi-journées travaillées, la vérification par l'employeur que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect 

des temps de repos quotidiens et hebdomadaires et l'organisation une fois par an d'un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

Le contrat signé par M. [A] avec la société Dekra le 19 décembre 2006 stipulait déjà une gestion du temps forfaitaire sur 217 jours annuels.

Puis le second contrat de travail de M. [A] signé le 23 septembre 2014 stipule à l'article 6 horaires de travail que « les horaires de travail ne pourront être prédéterminées du fait de la nature de ses fonctions et du niveau de responsabilité et du degré d'autonomie dont il dispose dans l'organisation de son emploi du temps. La gestion de son temps de travail est effectuée de manière forfaitaire et fixée par l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail en vigueur au sien de la société soit 218 jours par an maximum. En contrepartie le salarié bénéficiera de jours de JARTT. »

Un avenant de révision à l'accord d'entreprise relatif à l'organisation, l'aménagement et la réduction du temps de travail est intervenu le 27 janvier 2020 au terme duquel la société et les organisations syndicales ont conclu à ce que la direction sensibilisera et rappellera aux managers et aux salariés concernés l'importance qui doit être accordée au droit à la déconnection au suivi et à la charge de travail et à l'existence d'un équilibre satisfaisant entre la vie personnelle et la vie professionnelle des salariés ; que le salarié devra alerter la DRH ou son supérieur hiérarchique en cas de charge de travail incompatible avec l'organisation de son temps de travail.

L'employeur produit aux débats l'entretien d'évaluation de décembre 2017 qui indique au paragraphe « forfait jours » : merci de donner votre avis concernant l'organisation du travail, de la charge de travail et de l'amplitude de la charge de travail, sous cet intitulé il est précisé RAS par le salarié.

La cour relève que l'accord du le 27 janvier 2020 relatif à l'application à la convention de forfait jours et de l'octroi de JARTT dans l'entreprise, se borne à prévoir à ce que la direction sensibilisera et rappellera aux managers et aux salariés concernés l'importance qui doit être accordée au droit à la déconnection au suivi et à la charge de travail et à l'existence d'un équilibre satisfaisant entre la vie personnelle et la vie professionnelle des salariés ; que le salarié devra alerter la DRH ou son supérieur hiérarchique en cas de charge de travail incompatible avec l'organisation de son temps de travail, n'est pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé. En outre, un système auto-déclaratif, seul, est insuffisant s'il ne s'accompagne pas d'un contrôle effectif par le supérieur hiérarchique des déclarations effectuées permettant d'apporter les correctifs nécessaires.

D'ailleurs le compte rendu de l'entretien d'évaluation est pour le moins lapidaire et lacunaire sur ce point. La convention de forfait ayant été conclue sur la base d'accords collectifs antérieurs au 10 août 2016 ne comportant pas les mentions légales ajoutées par la loi Travail, et les modalités prévues par ces accords n'étant donc pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et compatibles avec la vie personnelle et la santé de M. [A], l'employeur ne pouvait s'en contenter. Il appartenait ainsi à la société Dekra d'organiser dans tous les cas un système permettant d'assurer un contrôle réel de la charge de travail du salarié en forfait jours permettant de garantir que tant l'amplitude que la charge de travail du salarié étaient raisonnables, ce qui exclut le système auto-déclaratif sans supervision par un supérieur hiérarchique choisi, en ce qu'un tel système repose sur le salarié.

Dès lors, faute de justifier que le contrôle opéré lui donnait une possibilité concrète d'intervenir en temps utile en tant que de besoin et de remédier à une éventuelle incompatibilité entre ces différentes composantes de la vie professionnelle et personnelle du salarié, l'employeur n'a pas rempli son obligation de contrôle destinée à protéger la santé physique et mentale et la sécurité de M. [A] en matière de durée du travail, ce qui prive d'effet la convention de forfait en jours à son égard.

La cour en déduit, par confirmation du jugement, que la convention de forfait jours est inopposable au salarié et dépourvue d'effet.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

M. [A] sollicite le paiement d'heures supplémentaires exposant qu'il présente un décompte détaillé de ses horaires sur les années 2017 à 2019 , qu'il importe peu que sa rémunération ait été supérieure au minimum conventionnel liée au statut de la classification, qu'en sa qualité de responsable de région il n'est pas pertinent de soutenir qu'il aurait pu réaliser toutes ses tâches en 35 heures semaine, les heures supplémentaires même si elles n'étaient pas demandées expressément par l'employeur étaient indispensables pour le poste.

Il expose que la demande de remboursement par la société des RTT ne peut viser que la période de prescription triennale soit 36 jours et non 47 et sur une somme moindre que celle demandée.

L'employeur rétorque que le tableau présenté par le salarié est insuffisant car nul ne peut se constituer une preuve à soi-même, qu'il n'avait pas demandé l'exécution d'heures supplémentaires alors que la rémunération annuelle du salarié comprenait déjà des heures supplémentaires incluses au forfait jours.

Sur ce

Aux termes de l'article L.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L.3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Enfin, selon l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le temps de travail de M. [A] doit, en conséquence de l'inopposabilité de la convention de forfait, être décompté selon le droit commun fixant la durée légale du travail effectif à 35 heures par semaine et il peut donc prétendre au paiement d'heures supplémentaires de janvier 2017 jusqu'à la rupture de son contrat de travail.

Il produit un tableau récapitulant, pour les années 2017 à 2019 pour chaque journée travaillée sur cette période, une amplitude journalière fixée entre 5 et 11,50 heures, avec mention des heures de début et de fin de sa journée de travail et les temps de pause méridienne d'une heure outre les lieux de travail sur son secteur et sans comptabiliser les jours de congés payés. Il présente ainsi un élément suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre sur l'intégralité de la période de rappel de salaire réclamée.

Le salarié verse ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.

Dans sa réponse, la société Dekra ne conteste pas qu'elle n'a pas eu recours à un système d'enregistrement des heures de travail accomplies par son salarié durant la relation contractuelle, du fait de la convention de forfait alors appliquée sans aucune remise en cause par le salarié.

Il importe peu que l'employeur n'ait pas sollicité le salarié pour effectuer des heures supplémentaires dés lors que de part son poste à responsabilité, le salarié avait un temps de travail nécessaire au bon accomplissement de ses fonctions dont l'employeur connaissait l'ampleur puisqu'il l'a placé en convention de forfait jours.

Par ailleurs la demande en rappel d'heures supplémentaires ne peut être rejetée au seul motif que la rémunération du salarié était supérieure au minimum conventionnel lié à sa classification. Le versement de primes ou d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires. Au regard de l'ancienneté du salarié, la rémunération supérieure au minimum conventionnel de M. [A] n'avait pas nécessairement eu pour effet de payer partiellement paiement de ces heures supplémentaires.

A l'examen des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a ainsi la conviction que M. [A] a effectué des heures supplémentaires. Par confirmation du jugement entrepris, il sera en conséquence fait droit au principe de sa demande et la cour retiendra que :

- pour l'année 2017 le salarié a effectué 386 heures supplémentaires

- pour l'année 2018 il a réalisé 418 heures supplémentaires

- pour l'année 2019 il a effectué 475,50 heures supplémentaires

Ainsi la cour retient que M. [A] a accompli des heures supplémentaires pour la somme de 53 237,10 euros outre 5323,70 euros de congés payés afférents.

Sur le remboursement des JARTT à l'employeur

La société Auto bilan sollicite le remboursement des RTT octroyées au salarié dans le cadre de la convention de forfait jours soit 47 jours du 1er juin 2016 au 31 décembre 2019.

Le salarié soulève d'une part la prescription pour une partie de la période sollicitée celle-ci en pouvant être antérieure au 12 mai 2017 et d'autre part que les jours n'étaient pas valorisés à 263,37 euros mais à une somme moindre.

Sur ce

L'article L3245-1 du code du travail prévoit que l'action en paiement ou en répétition de salarie se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce l'action du salarié a été engagée devant le conseil de prud'hommes de Saint-Quentin qui a constaté son incompétence territoriale, conformément aux dispositions de l'article R.1412-1 du code du travail, et a renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes d'Amiens. La saisine d'une juridiction même incompétente interrompt le délai de prescription, l'action de la société qui sollicitait le remboursement des RTT est intervenue dans le délai de 3 ans à compter du jour où le salarié a formé sa demande en inopposabilité de la convention de forfait jours.

L'employeur est bien fondé à revendiquer les jours de RTT sur les 3 années qui ont précédés la rupture du contrat de travail soit à compter du 12 mai 2017 jusqu'à la rupture le 12 mai 2020.

Au vu des fiches de paie produites aux débats la cour retient que pour la période comprise entre le 12 mai 2017 et le 12 mai 2020 l'entreprise a versé au salarié 36 jours de RTT dont les montants varient selon les années ce qui aboutit à un total de 7253,10 euros, que le salarié devra rembourser à l'employeur.

La cour par infirmation mais seulement sur le montant des RTT dues par M. [A] fixera désormais le montant de l'indû à la somme de 7253,10 euros.

Sur le dépassement du contingent d'heures supplémentaires

M. [A] soutient qu'il a dépassé le contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures et il revendique le paiement des heures en sus à 100%.

L'employeur ne réplique pas sur ce point.

Sur ce

Il résulte des articles L.3121-11, L.3121-22 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi 2008-789 du 20 août 2008 qu'en plus des majorations prévues en contrepartie des heures supplémentaires, les salariés ont droit à une contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel. Selon l'article 18 IV de cette loi, la contrepartie obligatoire en repos, qui remplace le repos compensateur obligatoire, due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent prévu aux deux derniers alinéas de l'article L.3121-11 du code du travail dans la rédaction issue de cette loi, est fixée à 50% pour les entreprises de 20 salariés au plus, et à 100% pour les entreprises de plus de 20 salariés. Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte le montant d'une indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos, auquel s'ajoute le montant de l'indemnité de congé payé.

En application de l'article D 3121-14-1 du code du travail le contingent d'heures supplémentaires annuel est fixé à 220 heures supplémentaires annuels.

En l'espèce, au regard des développements qui précèdent sur les heures supplémentaires, M. [A] a travaillé au-delà du nombre d'heures supplémentaires autorisées, il est légitime à revendiquer le paiement de :

Pour l'année 2017 : 95,5 d'heures supplémentaires hors contingent

Pour l'année 2018 : 166 heures supplémentaires hors contingent

Pour l'année 2019 : 196,5 heures supplémentaires hors contingent

correspondant à une somme totale de 23 302,41 euros non spécifiquement contestée par l'employeur.

La cour, par infirmation du jugement, condamnera la société à payer à M. [A] la somme de 23 302,41 euros à titre de dépassement du contingent d'heures supplémentaires.

Sur le travail dissimulé

M. [A] sollicite le paiement de l'indemnité pour travail dissimulé soutenant que l'employeur a privilégié le risque d'inopposabilité de la convention de forfait jours plutôt que de lui accorder des garanties lui permettant une charge de travail raisonnable, que ce procédé était délibéré ce qui justifie la condamnation.

La société conteste tout travail dissimulé soutenant qu'elle a versé l'intégralité des déclarations auprès des organismes compétents notamment l'Urssaf, qu'elle n'a pas eu l'intention de dissimuler le travail réalisé par le salarié.

Sur ce

Il résulte de l'article L.8223-1 du code du travail que le salarié dont le travail a été dissimulé par l'employeur a droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Selon l'article L.8221-5 du même code, le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié est notamment caractérisé par le fait pour l'employeur de mentionner intentionnellement sur les bulletins de paie, un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou encore par le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Cette indemnité forfaitaire est cumulable avec des dommages et intérêts du fait du préjudice résultant de la dissimulation de l'emploi.

Enfin, l'attribution par une juridiction au salarié d'heures supplémentaires non payées ne constitue pas à elle seule la preuve d'une dissimulation intentionnelle.

En l'espèce, la cour a jugé que M. [A] avait accompli des heures supplémentaires non rémunérées par l'employeur au cours de la relation contractuelle. Cependant, cette circonstance ne suffit pas à établir la dissimulation d'emploi salarié intentionnelle de la part de la société, dont le manquement résulte davantage d'une mauvaise application de la convention de forfait jours dont il est résulté l'existence d'heures supplémentaires. Cette mauvaise application de la législation sociale n'établit pas une volonté délibérée de dissimuler l'emploi du salarié.

Il convient donc de rejeter la demande de M. [A] formée au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de confirmer le jugement entrepris en son principe.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le licenciement

L'employeur expose que M. [A] exerçait la fonction de chef de région, manager de plusieurs collaborateurs, rattaché à la région Nord, que dés 2017 il avait été alerté sur la nécessité de progresser dans le management de ses équipes notamment lors de l'entretien annuel, qu'il a bénéficié avec son assentiment d'un accompagnement personnalisé d'un cabinet de formation pour développer ses compétences managériales qui n'a pas porté ses fruits omettant par exemple d'inviter un chef de centre à une convention destinée aux nouveaux arrivants ou en n'informant que tardivement sa hiérarchie des difficultés relationnelles d'un collaborateur avec un collègue en ne prenant pas la mesure de sa détresse, que peu après l'entretien préalable du 27 mars 2020 au cours duquel il lui avait été rappelé ses fonctions de manager, il a laissé M. [Y] chef de pôle Aisne- Champagne-Ardennes prendre en charge une réparation d'une armoire électrique défectueuse sans mettre en copie le service de la gestion des travaux alors que M. [Y] n'avait pas la compétence technique pour intervenir sur une installation électrique et pouvait se blesser alors qu'un service spécifique aurait dû être sollicité, ces faits constituant la faute fondant le licenciement pour faute grave.

M. [A] réplique qu'il subissait le harcèlement de sa direction pour accepter une rupture conventionnelle de son contrat de travail et cherchait à lui imputer un grief car il refusait de quitter amiablement son poste, qu'il n'a pas violé un quelconque process de sécurité ceci ne relevant pas de sa compétence alors que l'employeur se base sur un couriel au terme duquel il se contentait d'informer le responsable du matériel et des travaux qu'un salarié avait pris l'initiative de réaliser une intervention, ce dernier donnant suite tardivement en expliquant qu'en temps normal il n'aurait pas validé mais qu'il fallait tenir compte de la situation (confinement), celui-ci n'ayant pas été sanctionné, que la dangerosité de l'intervention n'est pas caractérisée car il ne s'agissait que de remplacer un disjoncteur défectueux.

Il soutient que M. [E], son N+1, lui avait précisé que M. [W] n'avait pas être convié à la convention destinée aux nouveaux arrivants car il n'était plus factuellement responsable de pôle, qu'il avait alerté dés 2018 sa hiérarchie du conflit existant entre M. [R] et M. [P] qu'il avait renouvelé en 2019 ce qui avait abouti à la mutation du premier sur un autre site alors que si le rapport du CSE de mars 2020 avait pointé son absence de management des conflits, il ajoutait par l'un de ses membres qu'il y avait plusieurs causes dans la difficulté du harcèlement moral, dont des manquements de l'entreprise dans la gestion de ces problématiques, le témoignage de la directrice des ressources humaines étant à examiner avec précaution puisqu'elle a été à l'origine de son licenciement.

Il fait valoir qu'en mars 2020 la société présentait au CSE un projet de réorganisation de sa structure impliquant le passage de 6 à 4 régions ce qui induit la suppression de deux postes de responsable de région, qu'il lui a été proposé une rupture conventionnelle à des conditions dérisoires et qu'à défaut il serait licencié pour faute grave pour des motifs fantaisistes, que les entretiens annuels de 2016 et 2017 étaient satisfaisants et que s'il avait bénéficié d'une formation c'était à sa demande et non à l'initiative de l'employeur.

Sur ce

L'article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse. La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave privative du préavis prévu à l'article L.1234-1 du même code est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Elle s'apprécie in concreto, en fonction de l'ancienneté du salarié, de la qualité de son travail et de l'attitude qu'il a adoptée pendant toute la durée de la collaboration. La mise en 'uvre de la procédure de licenciement doit donc intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

C'est à l'employeur qui invoque la faute grave et s'est situé sur le terrain disciplinaire de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu'ils rendaient impossibles la poursuite du contrat de travail. Le doute doit profiter au salarié.

Par ailleurs, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à un engagement de poursuite disciplinaire au-delà d'un délai de deux mois, en application de l'article L.1332-4 du même code. La seule possibilité pour l'employeur de différer l'engagement des poursuites disciplinaires est la nécessité prouvée de recourir à des mesures d'investigation sur les faits reprochés au salarié et de se déterminer sur la mise en 'uvre d'une procédure de licenciement pour faute grave. En cas de nécessité d'ordonner une enquête sur les faits reprochés au salarié, le jour de ses résultats constitue le point de départ du délai de deux mois. Enfin, la prescription courant à compter du jour où l'employeur a eu connaissance des faits, et non du jour de leur commission, l'absence de datation précise des faits reprochés importe peu.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige vise 3 griefs :

- ne pas avoir communiqué avec un manager chef de centre non retenu comme participant à la convention nationale organisée en septembre 2019, ce qui a provoqué des tensions à l'opposé de la dynamique souhaitée pour cet événement

- ne pas avoir répercuté suffisamment tôt les difficultés relationnelles entre M. [R] et M. [P], ne prenant pas en compte la détresse de M. [R] pour remonter l'information à la DRH ni solliciter une aide

- le 17 avril 2020 avoir mis en danger la santé et la sécurité de M. [Y] chef de pôle Aisne-Champagne- Ardennes alors que suite à une panne électrique celui-ci est intervenu alors qu'il n'est pas habilité sans que M. [A] lui ait demandé de suivre la procédure de gestion des travaux par le service dédié.

Sur le second grief

Ce grief a été révélé suite au dépôt du rapport d'enquête le 18 mars 2020. La convocation du salarié à l'entretien préalable datant du 13 mars 2020, ce grief ne peut être jugé prescrit.

La fiche de poste de chef de région indique qu'il assure le suivi et l'évaluation annuelle des chefs de centre et de leurs collaborateurs, ses compétences relevant essentiellement de fonctions commerciales. Il n'est pas indiqué dans sa fiche de poste qu'il soit responsable de la sécurité au travail et notamment des risques psycho-sociaux, cette responsabilité devant revenir au service des ressources humaines.

L'employeur verse aux débats le mail daté du 16 octobre 2019 adressé par M. [A] au directeur des opérations faisant état du témoignage de M. [R] sur son mal-être dans l'entreprise qui se plaint de comportements et agissements déplacés à son égard par son ancienne hiérarchie ; Ce courriel fait suite à celui envoyé par M. [R] à M. [A] le même jour une heure plus tôt qui relate ses difficultés avec son supérieur hiérarchique M. [P] depuis deux ans, ajoutant qu'il a déjà fait remonter à sa hiérarchie.

Le rapport d'enquête interne du 18 mars 2020 diligentée par le CHSCT suite à une réunion extraordinaire du 12 novembre 2019 conclut à l'existence de relations conflictuelles entre M. [R] et M. [P] depuis deux ans qui semblent avoir atteint une proportion du fait notamment d'un manque de réactivité dans le management PL et d'une absence de gestion des conflits de la part du chef de région (les remontées d'informations ayant été nombreuses et de sources variées).

Cependant, M. [B] membre du CHSCT, témoigne que le compte rendu de l'enquête sur le harcèlement moral fait apparaître un manque de réactivité dans la gestion des conflits mais qu'il « s'agirait de considérer l'enquête dans sa globalité car les causes sont diverses et variées. »

Les conclusions du rapport d'enquête visent à ce que l'employeur clarifie les rôles et responsabilités des différents managers auprès de l'ensemble des contrôleurs, de renforcer la formation des managers à la gestion des conflits et rappeler à l'ensemble des salariés l'existence de la cellule d'écoute Elleas sur les sujets de prévention des risques psycho-sociaux avec désignation de référent harcèlement.

La cour relève que le rapport d'enquête précise que le 17 octobre 2018 le présumé harceleur a fait l'objet d'une mise en garde écrite (qui n'est pas une sanction disciplinaire) pour un fait rapporté à sa hiérarchie par le présumé harceleur. L'employeur ne peut donc prétend qu'il ignorait le conflit entre M. [R] et M. [P] et ne l'a découvert que tardivement suite à l'information délivrée par M. [A] le16 octobre 2019.

Par ailleurs M. [R] indique dans son courriel qu'il renforce depuis un an les sites de [Localité 6] et de [Localité 4] ce qui requérait nécessairement l'accord de son chef de région et lui permettait d'échapper au harcèlement dont il se plaint. Le salarié ayant visiblement tenté dans sa mesure d'éviter le contact entre le salarié se plaignant de harcèlement moral et le salarié présumé harceleur.

En tout état de cause l'employeur ne justifie pas de l'existence d'une fiche de process pour faire remonter une information préoccupante sur un possible harcèlement moral et le rapport d'enquête relève les carences de la société en termes de sécurité au travail et notamment des risques psycho-sociaux.

Ce grief n'est donc pas établi.

Sur le troisième grief

Le règlement intérieur de la société stipule à l'article 3 relatif à la sécurité et à la prévention que tout salarié doit signaler sans retard à son responsable hiérarchique tout incident de fonctionnement nécessitant une renonciation ou une perte éventuelle.

M. [K] directeur technique atteste qu'en cas de panne il doit y avoir transmission systématique par la personne la constatant d'un formulaire de demande d'intervention au service matériels et travaux qui sont réalisés par le personnel de maintenance ou un prestataire externe et que le personnel opérationnel n'est pas habilité à intervenir sur une installation électrique.

Le 16 avril 2020 en fin de journée, M. [A] est informé par couriel de M. [Y] chef de pôle Aisne-Champagne-Ardennes que le centre de Reims était en arrêt suite à une panne sur le banc de freinage avec pour origine un problème sur le disjoncteur triphasé dans l'armoire électrique.

Le lendemain à 9 heures, M. [A] informe M. [D] responsable des services, matériels et travaux que M. [Y] s'occupe lui-même de faire la réparation selon la télémaintenance faite la veille, que M. [Y] a réussi à obtenir d'un client un disjoncteur et va faire le nécessaire.

M. [D], informe par retour de mail à 13h28 M. [Y] qu'en temps normal c'est une situation qu'il n'aurait pas acceptée au vu du risque électrique et du manque d'habilitation pour toucher une armoire électrique dans un banc de freinage ; qu'après avoir fait le point avec MAHA il pense qu'ils pouvaient intervenir l'après-midi et changer le disjoncteur qui aurait été livré. Puis à 13h40 il lui adresse un nouveau mail indiquant qu'il n'avait pas bien compris, qu'il lui déconseille fortement de mettre les mains dans l'armoire électrique sans habilitation et devoir faire installer un nouveau disjoncteur.

A 15 h 36 M. [A] a averti M. [E] directeur des opérations que la consigne a été passée (sécurité) que M. [D] « a remonté les bretelles » à M. [Y] qui a indiqué que cela ne se reproduira plus et qu'il refusera à l'avenir de bricoler pour faire redémarrer le matériel.

La cour observe que M. [Y] a précisé n'avoir pu contacter M. [D] suite à un dérangement chez Orange si bien qu'il a pris attache avec le chef de région. La cour observe encore que de ces échanges il n'est pas caractérisé que M. [A] ait demandé ni même accepté que M. [Y] effectue lui-même la réparation du disjoncteur, mais a informé sa hiérarchie que la réparation avait été effectuée. L'interlocuteur du responsable de pôle n'était pas le chef de région mais le directeur des services travaux et maintenance et il n'a contacté M. [A] que parce qu'il ne pouvait joindre son interlocuteur naturel.

Par ailleurs M. [Y] n'a pas été sanctionné pour son intervention sans autorisation sur l'armoire électrique défectueuse.

En tout état de cause la fiche de poste de M. [A] ne vise pas une quelconque responsabilité dans le domaine de la maintenance des matériels et il n'est pas versé aux débats de délégation de pouvoir relativement sécurité.

Il ne peut être reproché dans ces conditions une faute de M. [A] sur l'intervention de M. [Y] sur l'armoire électrique. Le grief n'est pas caractérisé.

Sur le premier grief

M. [E] directeur des opérations atteste qu'en septembre 2019 devait avoir lieu une convention sur la nouvelle organisation du travail à laquelle devait assister les managers de sites, M. [A] a omis de prévenir M. [W], manager non sélectionné pour y participer du fait de la fusion de deux pôles lui faisant perdre son statut de manager ; qu'il appartenait aux chefs de région d'avertir leurs équipes des choix faits par la société, que M. [W] n'avait pas été averti de la situation et l'avait sollicité pour participer à l'événement. Le message de M. [W] à M. [E] du 27 août 2019 est produit et précise qu'il a appris par [O] ([A]) qu'il y avait une convention les 9 et 10 septembre que le salarié lui avait confirmé qu'il était convié mais qu'il n'avait pas reçu les modalités de logement et souhaitait savoir s'il était confirmé. La société justifie de la réponse de M. [E] à M. [A] soulignant l'erreur et rappelant que chacun devait connaitre son rôle dans l'organisation avant la convention.

Or le 28 août 2019 M. [A] a écrit à M. [E] directeur des opérations que l'information sur la convention manager ne venait pas de lui ni de son équipe mais que M. [W] avait été averti par un mail initial de la direction re-routé, que dans la future organisation la date prévisionnelle de rachat de site était fixée en novembre si bien que M. [W] retrouverait un poste de manager, qu'il lui paraissait opportun que M. [W] soit invité.

Ce grief n'est pas suffisamment sérieux pour fonder un licenciement pour faute grave ni même un licenciement pour cause réelle et sérieuse alors que le salarié avait 14 ans d'ancienneté et avait donné satisfaction à l'employeur au vu de ses évaluations produites aux débats et ce malgré un avertissement infligé le 9 octobre 2018 pour ne pas avoir traité rapidement une réclamation client.

La cour, par infirmation du jugement, dira le licenciement de M. [A] sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnisation du licenciement

M. [A] sollicite la condamnation de la société à lui payer un rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire, l'indemnité compensatrice de 3 mois prévue par la convention collective applicable, l'indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 16 mois de salaire.

Il demande à la cour de fixer le montant du salaire de référence à la somme de 6914,24 euros tenant compte de la part variable de salaire à laquelle s'ajoutent la prime exceptionnelle versée en mai 2020 et les heures supplémentaires.

La société conteste le montant du salaire de référence demandé par le salarié précisant qu'il y a lieu de prendre en compte le salaire moyen perçu dans les 12 mois précédents le licenciement en ce compris les primes mais que les prétendues heures supplémentaires doivent être compensées par le remboursement des jours de RTT.

Elle souligne que le barème d'indemnisation prévoit un plafond d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse de 11 ,5 mois de salaire et non 16 mois, qu'il conviendra, le cas échéant de calculer le montant de l'indemnité compensatrice de préavis et de licenciement sur le salaire de référence dont elle fait état.

Sur ce

Aitre liminaire la cour relève que le salarié sollicite que le licenciement soit jugé nul en indiquant que les agissements répétés de l'employeur afin « d'arracher » une rupture conventionnelle du contrat de travail s'apparentent à des faits de harcèlement moral.

Outre que s'apparenter ne caractérise pas des faits précis, le salarié n'énonce pas les agissements précis répétés constitutifs selon lui de harcèlement moral et il n'appartient pas à la cour de rechercher ces éléments non repris dans les conclusions. Le licenciement ne peut être jugé nul et les demandes formées à ce titre seront rejetées.

Le jugement déféré étant infirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de M.[A] est justifié par une faute grave, et statuant à nouveau de ce chef, la cour ayant jugé que le licenciement pour faute grave doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié est rétabli dans ses droits à :

- l'indemnité de licenciement,

- l'indemnité due au titre de la non rémunération de la période de mise à pied conservatoire

- l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis

- l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de mise à pied conservatoire

- des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le salaire de référence

En application des dispositions de l'article R 1234-4 du code du travail « Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion. »

En l'espèce le salarié ayant été licencié le 12 mai 2020 qu'il convient de reprendre les salaires de l'année précédente à compter d'avril 2019 outre l'avantage en nature pour le véhicule, auxquels il conviendra d'ajouter la prime liée à l'activité durant la période de référence et les heures supplémentaires qui ont été jugées précédemment.

Le calcul ainsi réalisé aboutit à une somme de 6914,24 euros exactement calculée par le salarié.

Sur l'indemnisation

Le licenciement ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse le salarié a droit au paiement de la période de mise à pied conservatoire non justifiée. La société est donc condamnée à payer à M. [A] la somme de 3404,75 euros outre 340,47 euros de congés payés afférents, somme non spécifiquement contestée.

Le salarié licencié pour faute grave n'avait pas perçu d'indemnité compensatrice de préavis.

En application de l'article 4-10 de la convention collective la durée du préavis pour un cadre est fixée à 3 mois. Le salarié est bien fondé à solliciter la condamnation de la société à lui verser la somme de 20 742 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 2074,20 de congés payés afférents.

L'article 4-11 de la convention collective applicable prévoit que sauf en cas de faute grave ou lourde, il est versé au salarié ayant au moins 8 mois d'ancienneté dans l'entreprise une indemnité de licenciement distincte des salaires dus jusqu'au terme du préavis ou de l'indemnité compensatrice de préavis mentionnée à l'article 4.10.

L'ancienneté dans l'entreprise, calculée conformément aux prescriptions de l'article 1.13 de la présente convention, est appréciée par années et mois complets pour le calcul de cette indemnité de licenciement.

L'indemnité de licenciement s'établit comme suit :
- 1/4 de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans ;
- 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de 11 ans.

L'indemnité de licenciement est calculée sur la base de 1/12 de la rémunération brute des 12 derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, de 1/3 des 3 derniers mois, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, qui aura été versée au salarié pendant cette période, n'étant prise en compte que dans la limite d'un montant calculé au prorata temporis.

Le salarié a été embauché le 26 décembre 2006 et licencié le 12 mai 2020, il avait donc une ancienneté de 13 ans et 8 mois puisqu'il faut intégrer la durée du préavis de 3 mois.

Au regard du montant du salaire moyen, la cour, par infirmation du jugement, retient une indemnité de licenciement d'un montant de 27 736 ,34 euros.

Il est constant qu'à la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [A] avait de plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise de plus de 11 salariés ; il y a donc lieu à l'application de l'article L. 1235-3 du Code du travail dont il ressort que le juge octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure à 3 mois de salaire ni supérieure à 11,5 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [A], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [A] doit être évaluée à la somme de 55 315 euros soit l'équivalent de 8 mois de salaires.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société à payer à M. [A] la somme de 55 315 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande au titre du licenciement vexatoire

M. [A] fait valoir que l'employeur a exercé des pressions afin qu'il accepte une rupture conventionnelle à des conditions dérisoires, que face à son refus la société a cherché à le licencier sur des motifs fallacieux, que le réel motif du licenciement est d'ordre économique tel que s'il avait été licencié avec ce motif il aurait bénéficier d'un contrat de sécurisation professionnel plus favorable avec maintien du salaire pendant un an sans délai de carence.

La société réplique que le salarié ne peut affirmer péremptoirement que le licenciement aurait une cause économique, que les griefs invoqués étaient établis notamment les graves négligences incompatibles avec son poste de chef de région ; qu'en outre il n'est établi aucun préjudice distinct de la rupture du contrat de travail.

Sur ce

Le salarié peut réclamer la réparation d'un préjudice particulier lié au caractère abusif et vexatoire de la procédure.

Il lui appartient d'établir à cet égard un comportement fautif de l'employeur.

En l'espèce il résulte des pièces produites aux débats que des discussions avaient été engagées entre le salarié et la société pour une rupture conventionnelle du contrat de travail. Cependant il n'est pas pour autant caractérisé un comportement vexatoire de l'employeur qui a fait le choix de poursuivre un licenciement pour faute grave et d'assumer la charge de la preuve des griefs invoqués.

Il n'est pas produit des éléments établissant des circonstances particulières de mise en oeuvre de la procédure de licenciement de manière brutale ou vexatoire ayant causé à M. [A] un préjudice distinct de celui résultant de la perte illégitime de son emploi et qui a déjà été réparé.

La demande d'indemnité présentée ne peut par conséquent être accueillie.

Il convient, pour ces motifs, de confirmer le jugement entrepris qui en a débouté M. [A].

Sur la perte de chance de percevoir une rémunération variable pour l'année 2020

M. [A] indique que sa rémunération variable d'un montant de 15% a été augmentée lors de sa promotion au poste de responsable région à 17,5%, qu'au regard de la réalisation des objectifs il pouvait légitimement penser qu'il aurait pu percevoir l'intégralité de cette prime dont il a été privé du fait du licenciement.

La société s'y oppose.

Sur ce

L'article 5 du contrat de travail stipule que le salarié pourra percevoir en complément de sa rémunération forfaitaire brute fixe, une part variable pouvant atteindre annuellement 15 % de sa rémunération annuelle de base dès lors qu'il aura réalisé 100 % des objectifs annuels, les objectifs seront définis par la direction.

Le salarié a perçu pour l'année 2019 une prime liée à l'activité d'un montant de 8936 euros, pour 2017 le montant de la prime était de 6376 euros et en 2018 la prime s'élevait à 7202 euros. Il est versé aux débats un fichier avec les objectifs pour l'année 2020.

L'employeur n'établit pas que cette prime ne pouvait pas être versée à M. [A] pour l'année 2020 du fait d'objectifs en retard par rapport aux autres années alors que lui seul dispose des éléments permettant de disposer d'une certaine visibilité sur la réalisation des objectifs.

Le préjudice du salarié s'analyse en une perte de chance et ne saurait indemniser la totalité d'un préjudice existant et calculable en faisant application du pourcentage fixé contractuellement.

La cour, par infirmation du jugement, fixe à la somme de 5000 euros la perte de chance de M. [A] qui s'il était resté salarié de la société Dekra aurait pu percevoir la prime d'objectifs.

Sur le remboursement à France Travail

Le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application d'office des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, et d'ordonner à l'employeur de rembourser à l'antenne Pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressé depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations.

Sur les autres demandes

Les dommages et intérêts alloués seront assortis des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Les autres sommes octroyées qui constituent des créances salariales, seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Dekra de la convocation devant le bureau de conciliation.

La cour infirme le jugement sur les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et le confirme sur les dépens.

Il apparaît inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de M. [A] les frais qu'il a exposés pour la présente procédure.

La société Dekra sera condamnée à verser au salarié la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.

Elle sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire et en dernier ressort mis à disposition du greffe

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [O] [A] de ses demandes relatives à l'inopposabilité de la convention du forfait jours, du principe de la condamnation de la société Dekra au paiement d'heures supplémentaires et aux congés payés afférents, au travail dissimulé, au débouté de la demande du salarié à des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, au principe des intérêts au taux égal à compter de la décision pour les créances de nature indemnitaire, à la remise de documents de fin de contrat conforme à l'arrêt sans prononcé d'une astreinte

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [O] [A] est sans cause réelle et sérieuse

Condamne la société Dekra à payer à M. [O] [A] les sommes suivantes :

- 53 237,10 euros au titre des heures supplémentaires

- 5323,71 euros au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires

- 23 302,41 euros au titre du dépassement du contingent d'heures supplémentaires

- 3404,75 euros au titre de la mise à pied conservatoire

- 340,47 euros au titre des congés payés sur la mise à pied conservatoire

- 20 742 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 2074,20 euros au titre des congés payés sur indemnité compensatrice de préavis

- 27 736,34 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 55 315 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 5000 euros de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de percevoir une rémunération variable pour l'année 2020

Condamne M. [O] [A] à payer à la société Dekra la somme de 7253,10 euros en remboursement des RTT

Dit que les dommages et intérêts alloués à M. [O] [A], sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Dit que les créances salariales allouées à M. [O] [A] sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Dekra de la convocation devant le bureau de conciliation,

Ordonne la capitalisation des intérêts et dit qu'elle s'opérera par année entière en vertu de l'article 1343-2 du code civil,

Ordonne à la société Dekra de remettre M. [O] [A] le certificat de travail, les bulletins de paie et l'attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision, dans les deux mois de la notification de la présente décision,

Ordonne le remboursement par la société Dekra aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [O] [A], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la société Dekra à verser à M. [O] [A] une somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Dekra de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Dekra aux dépens de la procédure d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/00081
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;23.00081 ?
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