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11/04/2024 | FRANCE | N°23/00053

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 11 avril 2024, 23/00053


ARRET







[P]





C/



ASSOCIATION LES FRANCAS DE L'AISNE



























































copie exécutoire

le 11 avril 2024

à

Me CHEMLA

Me BROYON

CB/MR/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 11 AVRIL 2024



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N° RG 23/00053 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IUKM



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SOISSONS DU 30 NOVEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 21/00109)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [Z] [P]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée et concluant par Me Gérard CHEMLA de l...

ARRET

[P]

C/

ASSOCIATION LES FRANCAS DE L'AISNE

copie exécutoire

le 11 avril 2024

à

Me CHEMLA

Me BROYON

CB/MR/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 11 AVRIL 2024

*************************************************************

N° RG 23/00053 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IUKM

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SOISSONS DU 30 NOVEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 21/00109)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [Z] [P]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée et concluant par Me Gérard CHEMLA de la SCP SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

ET :

INTIMEE

ASSOCIATION LES FRANCAS DE L'AISNE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée et concluant par Me Ludovic BROYON de la SELARL LEFEVRE-FRANQUET ET BROYON, avocat au barreau de SOISSONS

DEBATS :

A l'audience publique du 22 février 2024, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 11 avril 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 11 avril 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [P], née le 1er février 1976, a été embauchée à compter du 1er août 2007 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée par l'association Les francas de l'Aisne, ci-après dénommée l'association ou l'employeur, en qualité d'animatrice permanente. La relation contractuelle s'est ensuite poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2008.

La convention collective applicable est celle de l'animation socio-culturelle.

L'association emploie moins de 10 salariés.

Au dernier état de la relation contractuelle, elle exerçait la fonction de directrice animatrice de service périscolaire et de centre de loisirs.

Mme [P] a observé un arrêt de travail du 10 juillet 2019 jusqu'en octobre 2019.

Le 29 octobre 2020, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste de travail par avis ainsi libellé :

« Inapte au poste actuel de directrice animatrice à l'école de [Localité 4]. Lors de l'étude de poste et de l'échange avec l'employeur, aucune possibilité de reclassement n'a été identifiée au sein de l'entreprise.

Les capacités restantes : Mme [P] peut occuper un poste d'animatrice SH et d'accueil périscolaire dans une autre structure et son état de santé actuel lui permet aussi de suivre une formation ».

Par courrier du 12 novembre 2020, Mme [P] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 23 novembre 2020.

Par lettre du 26 novembre 2020, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant la légitimité de son licenciement et estimant avoir subi un harcèlement moral ainsi qu'un manquement de l'employeur à son obligation de prévention des risques professionnels, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Soissons le 29 novembre 2021.

Par jugement du 30 novembre 2022, le conseil a :

- jugé que l'inaptitude de Mme [P] était d'origine non professionnelle et que son licenciement comportait une cause réelle et sérieuse ;

- condamné l'association Les francas de l'Aisne à verser la somme de 1 600 euros au titre du manquement par l'employeur à l'obligation de prévention des risques professionnels ;

- débouté Mme [P] du surplus de ses demandes ;

- débouté l'association Les francas de l'Aisne de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que Mme [P] conserverait la charge des dépens.

Mme [P], qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 février 2024, demande à la cour de :

- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions, sauf celles relatives à la responsabilité de l'employeur au titre de l'obligation de prévention des risques professionnels et au quantum des dommages et intérêts alloués ;

Statuant à nouveau,

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;

- condamner l'association Les francas de l'Aisne à lui verser :

- 12 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi ;

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des risques professionnels ;

- juger nul et, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse son licenciement pour inaptitude ;

En conséquence,

- condamner l'association Les francas de l'Aisne à lui verser :

- 4 172,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 417,23 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse ;

- 2 086,17 euros à titre de licenciement irrégulier ;

En tout état de cause,

- juger que son inaptitude est d'origine professionnelle ;

- condamner l'association Les francas de l'Aisne à lui verser :

- 4 172,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 417,23 euros au titre des congés payés afférents ;

- 7 878,95 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement ;

- confirmer le jugement pour le surplus ;

- condamner l'association Les francas de l'Aisne à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter l'association Les francas de l'Aisne de toutes ses demandes reconventionnelles ;

L'association Les francas de l'Aisne, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 février 2024, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- jugé que l'inaptitude de Mme [P] était d'origine non professionnelle et que son licenciement comportait une cause réelle et sérieuse ;

- débouté Mme [P] du surplus de ses demandes ;

- dit que Mme [P] conserverait la charge des dépens ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 1 600 euros au titre de son manquement à l'obligation de prévention des risques professionnels, et l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire et juger que Mme [P] n'a été victime d'aucun harcèlement moral ;

- dire et juger bien fondé le licenciement pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement de Mme [P] ;

- débouter Mme [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner Mme [P] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 février 2024.

MOTIFS

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que, sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Mme [P] soutient avoir subi un harcèlement moral de la part de Mme [F], employée de la commune de [Localité 4] détachée sur le temps périscolaire, dont le comportement agressif à son égard, les hurlements, les remarques désobligeantes et le refus d'obéir aux consignes données sont décrits dans les bilans trimestriels annuels qu'elle adressait à la direction de l'association depuis 2015. Elle ajoute que le comportement de Mme [F] a eu pour conséquence l'apparition d'une situation d'épuisement professionnel et d'une dépression.

L'association conteste la matérialité des faits invoqués en exposant notamment que la salariée ne fait état que de ses propres sentiments sur le comportement supposé de Mme [F] sans établir le moindre fait précis.

Or, les bilans annuels et trimestriels établis pour l'activité périscolaire, outre le fait que ces documents ont été rédigés par Mme [P] elle-même et que leur contenu ne relève que de ses seules affirmations, se bornent à des considérations d'ordre général sur comportement habituellement agressif et contestataire de Mme [F] sans référence à des évènements précis et circonstanciés.

Il en est de même des messages échangés entre la salariée et ses collègues de travail qui, s'ils témoignent des relations difficiles et de l'exaspération de l'équipe à l'égard de Mme [F], n'apportent aucun renseignement utile sur la matérialité d'agissements à son égard.

Les témoignages de parents, affirmant que Mme [F] adoptait un comportement maltraitant à l'égard de leurs enfants, ne sont pas davantage propres à renseigner la cour sur la matérialité de faits précis mettant en cause le comportement de cette employée à l'égard de Mme [P].

S'il n'est pas contesté que la salariée ait averti l'employeur à plusieurs reprises de leur mésentente puis de son mal-être au travail, qu'une mesure de médiation a été tentée par l'association, et qu'elle a ensuite observé un arrêt de travail continu de juillet 2019 à octobre 2020 pour une pathologie psychique, aucun élément précis et circonstancié n'est présenté à la cour permettant d'établir la matérialité d'agissements répétés de la part de cette employée à l'égard de Mme [P].

La matérialité d'agissements répétés à l'égard de Mme [P] qui ont eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, n'est pas rapportée.

Ainsi, à l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de la salariée tendant d'une part à la reconnaissance d'une situation de harcèlement moral et à la condamnation de l'association Les francas de l'Aisne au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur le manquement de l'employeur à son obligation de prévention

Mme [P] expose que l'employeur a manqué à son obligation de prévention des risques professionnels dès lors qu'en dépit de ses alertes depuis 2015 portant sur le comportement agressif de Mme [F] à son égard mais aussi de ses collègues de travail, il a laissé perdurer cette situation pendant plusieurs années, avec pour conséquence une dégradation de son état de santé.

L'association les francas de l'Aisne réplique avoir fait le nécessaire pour améliorer les relations entre Mmes [P] et [F] en organisant plusieurs réunions avec la commune de [Localité 4].

Sur ce

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité et de prévention envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En l'espèce, il convient au préalable de relever que la salariée, qui évoque un manquement à l'obligation de prévention de l'employeur, axe exclusivement son argumentation sur son absence de réaction, ou a minima de sa réaction insuffisante, à ses alertes sur le comportement de Mme [F] contenues dans les bilans annuels et trimestriels qu'elle lui adressait.

Alors qu'il a été précédemment retenu que les informations contenues dans les bilans annuels et trimestriels ne relevaient que des seules affirmations de Mme [P] et se limitaient à des considérations d'ordre général sur le comportement de Mme [F], ces documents font également état des réunions régulières organisées conjointement par l'association et la commune de [Localité 4] pour remédier à leur mésentente.

La salariée, qui se borne à affirmer que l'employeur n'a pas adopté des mesures adéquates à la suite de ses alertes, ne présente aucun argumentaire pour expliquer en quoi les nombreuses diligences entreprises par l'employeur, qui sont pourtant propres à démontrer la mise en 'uvre effective de mesures pour remédier à cette situation, étaient insuffisantes.

Par ailleurs, s'il n'est aucunement justifié par l'employeur d'une évaluation des risques professionnels au sein de l'association et d'une planification de la prévention pour éviter ces mêmes risques, notamment sur l'organisation du travail, les conditions de travail et les relations sociales, la salariée ne présente aucun élément ou même argument propres à établir un lien entre cette carence de l'employeur et la dégradation de son état de santé.

Il n'est donc pas démontré que l'association les francas a manqué à son obligation de prévention à l'égard de la salariée.

Partant, par voie d'infirmation du jugement déféré, Mme [P] sera déboutée de sa demande de condamnation de l'employeur au paiement de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de prévention.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le licenciement pour inaptitude

Mme [P] expose que l'inaptitude à son poste de travail trouve sa cause dans le harcèlement moral subi, et, subsidiairement, le manquement de l'employeur à son obligation de prévention. Par ailleurs, elle soulève que, pourtant déclarée apte à un poste d'animatrice, les recherches de reclassement entreprises par l'association ont été insuffisantes comme en témoigne la communication de son profil à un nombre restreint de fédérations des Francas, et que deux postes ont été pourvus dans le département de l'Aisne en septembre 2020 et janvier 2021. Elle affirme que le président de l'association n'avait pas le pouvoir pour la licencier alors que les statuts de l'association donnent des compétences très étendues au comité directeur et au bureau.

L'association réplique qu'en l'absence de manquement à son obligation de prévention, la salariée ne peut prétendre que son licenciement serait sans cause réelle et sérieuse de ce chef. Elle affirme avoir satisfait à son obligation de recherche de reclassement en transmettant son profil aux fédérations départementales selon le souhait de la salariée de ne pas être reclassée sur un poste situé à plus de 100 kilomètres de son domicile. Elle indique que le poste en contrat à durée déterminée pourvu en septembre 2020 était ouvert aux candidatures alors qu'elle se trouvait toujours en arrêt de travail et que celui de janvier 2021 a été pourvu postérieurement à son licenciement. Elle précise que la salariée n'était pas apte à occuper ces postes en ce qu'elle pouvait exercer les fonctions d'animatrice mais dans une autre structure. Enfin, elle soutient que le président de l'association, qui représente l'association en justice et dans tous les actes de la vie civile, avait le pouvoir de prononcer son licenciement.

Sur ce

Selon l'article L.1226-2 du code du travail, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

En application de ces dispositions, la recherche doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la mutation de tout ou partie du personnel.

Cette recherche peut également porter sur une fédération d'associations à condition que soit caractériser la permutation de tout ou partie du personnel.

L'employeur peut prendre en compte la position exprimée par le salarié déclaré inapte à son poste de travail pour déterminer le périmètre de ses recherches de reclassement.

En l'espèce, ayant été précédemment retenu que Mme [P] n'avait pas été victime de harcèlement moral et que l'association les francas de l'Aisne n'avait pas manqué à son obligation de prévention, la demande de la salariée tendant à déclarer son licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse par ces motifs sera rejetée.

S'agissant des recherches de reclassement, il est indéniable que l'association les francas de l'Aisne appartient à une fédération nationale décomposée en associations départementales dans tous les départements de métropole et d'outre-mer partageant un objectif commun d'intervention dans l'action éducative à partir de modes collectifs d'accueil et d'animation des enfants et des adolescents, caractérisant ainsi la permutation de tout ou partie du personnel sur l'ensemble du territoire national.

S'il est effectivement établi que l'association, dans ses recherches de reclassement, a restreint la communication de son profil aux associations départementales des régions des Hauts-de-France, d'Ile-de-France, et du Grand-Est, il est toutefois observé que cette recherche est conforme à la demande expresse de la salariée du 29 octobre 2020 d'occuper un potentiel poste dans un rayon de 100 kilomètres autour de son domicile situé dans l'Aisne.

Si à la lecture du registre du personnel présenté par l'employeur il est relevé qu'un poste d'animateur en contrat à durée déterminée à temps partiel a été pourvu le 1er septembre 2020, la salariée ne peut utilement soutenir que celui-ci devait lui être proposé alors qu'elle se trouvait encore en arrêt de travail et qu'elle n'avait toujours pas été déclarée inapte à son poste.

Il en est de même pour le poste d'animateur en contrat à durée déterminée à temps partiel pourvu le 4 janvier 2021, soit plus d'un mois après son licenciement, sans qu'il ne soit démontré qu'il était ouvert à candidature au jour de son licenciement.

De plus, les statuts de l'association conférant au président le pouvoir de représenter l'association dans les actes de la vie civile, c'est à tort que Mme [P] soutient qu'il n'était pas investi du pouvoir de la licencier.

Au vu de ces éléments, mettant en évidence l'absence de tout manquement de l'employeur à son obligation de prévention, des recherches de reclassement adéquates, et le pouvoir du président de l'association pour prononcer son licenciement, il conviendra de dire que son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est bien-fondé.

Par voie de confirmation du jugement entrepris, Mme [P] sera déboutée de sa demande tendant à la condamnation de l'association Les francas de l'Aisne au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la régularité de la procédure de licenciement

Mme [P] expose que l'employeur ne lui a pas fait connaître par écrit les raisons qui s'opposaient à son reclassement. Elle ajoute que l'association ne disposant pas de représentants du personnel, la convocation à l'entretien préalable devait mentionner la possibilité de se faire assister par un conseiller extérieur inscrit sur une liste dressée par le préfet.

L'association réplique que la salariée a été informée des raisons pour lesquelles son reclassement s'est avéré impossible à la réception de sa lettre de licenciement, et que la convocation à l'entretien préalable mentionnait qu'elle pouvait se faire assister par une personne de son choix dont la liste était située à l'inspection du travail ou à la mairie de son domicile. Elle ajoute qu'elle ne justifie d'aucun préjudice.

Sur ce

Selon l'article L. 1226-2-1 du code du travail, lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

Aux termes de l'article L. 1232-4 du même code, lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.

La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition.

L'omission de l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition constitue une irrégularité de procédure.

En l'espèce, la lettre de convocation à l'entretien préalable du 12 novembre 2020 précisant l'adresse des services dans lesquels la liste des conseillers du salarié était tenue à sa disposition, aucune irrégularité de la procédure ne peut être observée sur ce point.

Par ailleurs, s'il est effectivement établi que l'employeur ne l'a pas, préalablement à sa convocation à l'entretien, informée par écrit des raisons s'opposant à son reclassement, la cour relève que Mme [P] ne justifie ni n'évoque avoir subi un préjudice en lien avec cette irrégularité de la procédure de licenciement.

Par conséquent, le jugement déféré, qui avait rejeté la demande de la salariée tendant au paiement de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, est confirmé.

Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude

Mme [P] soutient qu'il n'existait aucune raison objective pour que l'employeur n'applique pas à son licenciement les dispositions protectrices relatives à la législation sur les risques professionnels. Elle précise que l'employeur avait connaissance de la dégradation de ses conditions de travail et de sa santé par un courriel du 4 juillet 2019, mais aussi de leur cause comme en témoigne sa volonté d'organiser une médiation avec Mme [F].

En réponse, l'association les francas de l'Aisne indique voir reçu communication de certificats d'arrêt de travail ordinaires n'établissant aucun lien avec l'activité professionnelle, et que la salariée ne démontre pas que sa mésentente avec Mme [F] serait à l'origine de sa maladie.

Sur ce

En application de l'article L.1226-10 du code du travail, les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. Ces deux conditions sont cumulatives.

Le salarié bénéficie alors d'un régime d'indemnisation spécifique sans aucune condition d'ancienneté.

Selon l'article L.1226-14 du même code, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L.1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L.1234-9.

En l'espèce, il est constant que Mme [P], par courriel du 4 juillet 2019, a informé son employeur de son mal-être au travail et plus particulièrement de sa fatigue morale et de son stress au travail, et qu'à compter du 10 juillet 2019, elle a observé un arrêt de travail ininterrompu jusqu'au prononcé de son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Si ce courriel ne mentionne pas explicitement Mme [F] et les relations qu'elles entrainaient comme étant à l'origine de ce mal-être au travail, l'initiative conjointe de l'employeur et de la commune de [Localité 4] afin d'organiser une médiation avec cette employée le 4 octobre 2019, ainsi que les échanges postérieurs de courriers entre l'association et Mme [P] démontrent que leur mésentente est la cause de cette alerte ainsi que de la prescription des arrêts de travail successifs motivés par l'apparition d'une pathologie psychique.

La salariée présente également un certificat médical établi par le Dr [U], médecin psychiatre, indiquant la suivre depuis le 2 septembre 2019 pour un état dépressif majeur réactionnel à des difficultés au travail.

Enfin, les observations réalisées par le médecin du travail dans l'avis du 29 octobre 2020 indiquant qu'elle était inapte au poste de directrice-animatrice à l'école de [Localité 4] mais qu'elle demeurait apte à exercer les fonctions d'animatrice dans une autre structure, apparait cohérente avec la nature de la pathologie ayant justifié la prescription des arrêts de travail depuis le 10 juillet 2019.

Ces éléments sont propres à caractériser que l'inaptitude de la salariée avait au moins partiellement une origine professionnelle et que l'employeur, qui n'ignorait pas la cause de son mal-être au travail exprimé le 4 juillet 2019 et qui pouvait aisément déduire des termes de l'avis d'inaptitude qu'elle était en lien avec les relations dégradées que la salariée entretenait avec Mme [F], avait connaissance de cette origine.

Mme [P] est donc fondée à réclamer le paiement de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité compensatrice prévues à l'article L.1226-14 du code du travail.

Compte-tenu du salaire moyen de référence s'élevant à 2 086,17 euros, montant non spécifiquement contesté par l'employeur, il conviendra de condamner l'association à payer à la salariée la somme de 4 172,34 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Toutefois, cette indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail n'ayant pas la nature de l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1234-5, la salariée sera déboutée de sa demande en paiement des congés payés sur préavis.

Par ailleurs, la salariée ayant déjà perçu la somme de 7 878,95 euros à titre d'indemnité de licenciement, il conviendra de lui allouer la somme 7 878,95 euros correspondant au solde restant dû par l'employeur au titre de l'indemnité spéciale de licenciement.

Le jugement entrepris est infirmé sur ces points.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer la décision déférée en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.

L'équité commande de laisser aux parties la charge des frais irrépétibles qu'elles ont exposés en appel et de les débouter de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties succombant partiellement en leurs prétentions, elles supporteront chacune la charge de leurs propres dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a condamné l'association les francas de l'Aisne à payer à Mme [Z] [P] 1 600 euros pour manquement à l'obligation de prévention des risques professionnels, et rejeté les demandes en paiement de Mme [Z] [P] au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité compensatrice égale à l'indemnité compensatrice de préavis,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que l'association les francas de l'Aisne n'a pas manqué à son obligation de prévention des risques professionnels,

Rejette la demande de Mme [Z] [P] tendant à la condamnation de l'association les francas de l'Aisne au paiement de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de prévention des risques professionnels,

Dit que l'inaptitude de Mme [Z] [P], cause de son licenciement prononcé le 26 novembre 2020, a une origine professionnelle,

Condamne l'association les francas de l'Aisne à payer à Mme [Z] [P] :

- 7 878,95 euros correspondant au solde restant dû par l'employeur au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 4 172,34 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

Rejette la demande en paiement des congés payés sur préavis,

Rejette les demandes des parties au titre des frais irrépétibles d'appel,

Laisse aux parties la charge de leurs propres dépens.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/00053
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;23.00053 ?
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