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11/04/2024 | FRANCE | N°22/01880

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 11 avril 2024, 22/01880


ARRET







[Y]





C/



S.A.R.L. EUROPE AMBULANCES SERVICES



























































copie exécutoire

le 11 avril 2024

à

Me DAIME

Me MARRAS

CB/MR



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 11 AVRIL 2024



**********

***************************************************

N° RG 22/01880 - N° Portalis DBV4-V-B7G-INJN



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 11 AVRIL 2022 (référence dossier N° RG 21/00156)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [P] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté et concluant par Me Aurelien DAIME, avocat ...

ARRET

[Y]

C/

S.A.R.L. EUROPE AMBULANCES SERVICES

copie exécutoire

le 11 avril 2024

à

Me DAIME

Me MARRAS

CB/MR

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 11 AVRIL 2024

*************************************************************

N° RG 22/01880 - N° Portalis DBV4-V-B7G-INJN

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 11 AVRIL 2022 (référence dossier N° RG 21/00156)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [P] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté et concluant par Me Aurelien DAIME, avocat au barreau de COMPIEGNE

ET :

INTIMEE

S.A.R.L. EUROPE AMBULANCES SERVICES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée et concluant par Me Giuseppina MARRAS de la SCP DELARUE VARELA MARRAS, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me François-Julien SCHULLER, avocat au barreau D'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 22 février 2024, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 11 avril 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 11 avril 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [Y], né le 5 mars 1988, a été embauché à compter du 18 avril 2016 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société Europe ambulances services, ci-après dénommée la société ou l'employeur, en qualité de chauffeur DEA.

La société Europe ambulances services emploie plus de 10 salariés.

La convention collective applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires de transport sanitaire.

Par courrier du 28 mai 2021, M. [Y] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Demandant la requalification de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Compiègne le 31 mai 2021.

Par jugement du 11 avril 2022, le conseil a :

-dit que M. [Y] était recevable en son action ;

-dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [Y] produisait les effets d'une démission ;

-condamné la société Europe ambulances services à payer à M. [Y] la somme de 167,45 euros au titre des congés payés de fractionnement ;

-condamné la société Europe ambulances services à payer à M. [Y] la somme de

1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-débouté M. [Y] du surplus de ses demandes ;

-débouté la société Europe ambulances services de ses demandes reconventionnelles au titre de la procédure abusive et de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné la société Europe ambulances services aux entiers dépens.

M. [Y], qui est régulièrement appelant de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 juin 2022, demande à la cour de :

-le dire et juger recevable et bien fondé en toutes ses demandes.

En conséquence,

-confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Europe ambulances services à lui payer la somme de 167,45 euros au titre des congés payés de fractionnement, et

1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de première instance ;

-constater que la cour d'appel d'Amiens n'est saisie d'aucun appel sur les congés payés de fractionnement ;

-infirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que la prise d'acte de la rupture produisait les effets d'une démission et l'a débouté des demandes suivantes:

- dire et juger que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Europe ambulances services à lui payer les sommes suivantes :

''6 061,28 euros nets au titre des rappels d'indemnités de repas ;

''13 097,13 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 mois) ;

''3 059,63 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (2 mois) ;

''305,96 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

''2 728,57 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement ;

''5 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour dépassement des durées maximales du travail ;

''5 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail ;

''2 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail ;

''1 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour non-paiement du salaire intégral ;

- ordonner la remise de l'attestation de salaire, des documents de fin de contrat conformes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document ;

- ordonner l'anatocisme.

Statuant à nouveau de,

-dire et juger que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-condamner la société Europe ambulances services à lui payer les sommes suivantes :

'' 6 061,28 euros nets au titre des rappels d'indemnités de repas ;

'' 13 097,13 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 mois) ;

'' 3 059,63 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (2 mois) ;

'' 305,96 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

'' 2 728,57 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement ;

'' 5 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour dépassement des durées maximales du travail ;

'' 5 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail ;

'' 2 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail ;

''1 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour non-paiement du salaire intégral ;

'' 3 000 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

-ordonner la remise de l'attestation de salaire, des documents de fin de contrat conformes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document ;

-condamner la société Europe ambulances services aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution du jugement à intervenir ;

-ordonner l'anatocisme ;

-débouter la société Europe ambulances services de ses demandes reconventionnelles.

La société Europe ambulances services, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 juin 2022, demande à la cour de :

-dire et juger M. [Y] recevable mais mal fondé en son appel ;

-confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [Y] produisait les effets d'une démission ;

- débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes ;

-l'infirmer pour le surplus en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [Y] les sommes suivantes :

'' 167,45 euros au titre des congés payés de fractionnement ;

'' 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau de,

-débouter M. [Y] de toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions ;

-débouter le salarié de sa demande au visa de l'article 700 du code de procédure civile, compte tenu de sa bonne foi.

A titre reconventionnel,

-condamner M. [Y] à lui verser les sommes suivantes :

'' 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive et injustifiée ;

'' 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 octobre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 22 février 2024.

MOTIFS

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur les indemnités de repas

M. [Y] sollicite le paiement d'indemnités de repas exposant que jusqu'en août 2018 l'employeur payait deux indemnités de repas par jour une dite indemnité de repas et l'autre indemnité de repas unique, qu'à compter de septembre l'indemnité de repas a disparu avec rajout d'une indemnité spéciale moins importante que celle qui a été supprimée alors qu'il peut revendiquer le paiement d'une indemnité prévue par l'article 3 du protocole du 30 avril 1974 de la convention collective du transport routier relatifs aux frais de déplacement des ouvriers. Il argue que la société lui a versé une indemnité de repas prévue pour le transport de voyageurs mais que même en appliquant ce texte l'indemnité était dûe car l'employeur ne l'avertissait pas au plus tard la veille au midi de son planning de travail.

La société réplique qu'en application de l'article 8 de la convention collective le salarié ne peut prétendre à une indemnité de repas alors qu'il perçoit l'indemnité de repas unique car il disposait de pauses suffisantes certains jours comme l'établit le logiciel de planning.

Sur ce

Le contrat de travail vise précisément la convention collective " transports routiers et activités auxiliaires de transport-transport sanitaire- IDCC n ° 0016 ".

L'employeur a fait application de l'article 8 de la convention collective qui dispose que " le personnel qui se trouve, en raison d'un déplacement impliqué par le service, obligé de prendre un repas hors de son lieu de travail perçoit une indemnité de repas unique, dont le taux est fixé par le tableau joint au présent protocole, sauf taux plus élevé résultant des usages.

Toutefois, lorsque le personnel n'a pas été averti au moins la veille et au plus tard à midi d'un déplacement effectué en dehors de ses conditions habituelles de travail, l'indemnité de repas unique qui lui est allouée est égale au montant de l'indemnité de repas, dont le taux est également fixé par le tableau joint au présent protocole.

Enfin, dans le cas où, par suite d'un dépassement de l'horaire régulier, la fin de service se situe après 21 h 30, le personnel intéressé reçoit pour son repas du soir une indemnité de repas.

2° Ne peut prétendre à l'indemnité de repas unique :

a) Le personnel dont l'amplitude de la journée de travail ne couvre pas entièrement la période comprise soit entre 11 heures et 14 h 30, soit entre 18 h 30 et 22 heures

b) Le personnel qui dispose à son lieu de travail d'une coupure ou d'une fraction de coupure, d'une durée ininterrompue d'au moins 1 heure, soit entre 11 heures et 14 h 30, soit entre 18 h 30 et 22 heures.

Toutefois, si le personnel dispose à son lieu de travail d'une coupure d'une durée ininterrompue d'au moins 1 heure et dont une fraction au moins égale à 30 minutes est comprise soit entre 11 heures et 14 h 30, soit entre 18 h 30 et 22 heures, une indemnité spéciale, dont le taux est fixé par le tableau joint au présent protocole, lui est attribuée.'

Cet article vise spécifiquement le transport routier de voyageurs, M. [Y] est ambulancier. Cependant l'article 3 de la convention collective invoqué par le salarié vise le cas général des déplacements dans les transports routiers de marchandises et n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce.

Les fiches de paie du salarié mentionnent le paiement à la fois d'indemnité de repas et d'indemnité de repas unique jusqu'en septembre 2018 puis le paiement d'indemnité de repas unique et d'indemnités spéciales.

Il résulte des cycles de travail produits aux débats que le salarié disposait pour l'essentiel d'une coupure repas de 30 minutes sur la plage horaire comprise soit entre 11 heures et 14 h 30, ce qui ouvre droit à l'indemnité de repas unique.

La cour observe toutefois que l'employeur, qui supporte la charge de la preuve, n'établit pas qu'il avait informé le salarié au plus tard la veille avant 12 heures de déplacement effectué en dehors de ses conditions habituelles de travail, ce qui induit que l'indemnité de repas unique qui lui est allouée sera égale au montant de l'indemnité de repas.

Dans ces conditions, faute de rapporter cette preuve, la cour par infirmation du jugement, condamnera la société à verser à M. [Y] la somme réclamée soit 6061,28 euros non spécifiquement contestée.

Sur les congés de fractionnement

Le salarié objecte que l'employeur n'ayant pas interjeté appel sur ce point, en application de l'article 562 du code de procédure civile, la cour n'est pas saisie d'une demande de réformation. Sur le fond, M. [Y] revendique des congés de fractionnement exposant qu'il avait pris des congés en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre et qu'il lui est dû un jour de fractionnement par an.

La société s'y oppose invoquant l'absence de preuve du droit à congés payés du fait du fractionnement alors que la société a été racheté et que le nouveau gérant n'avait pas géré les congés du salarié.

Sur ce

L'article 954 du code de procédure civile alinéa 3 dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Si la page d'entête des conclusions de l'employeur ne mentionne pas qu'il est appelant incident, le dispositif reprend la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné à payer au salarié la somme de 167,45 euros au titre des congés payés de fractionnement. La cour est donc saisie de cet appel incident.

En vertu des articles L. 3141-21 et L. 3141-23 du code du travail, les règles de fractionnement du congé principal peuvent être fixées par accord d'entreprise, d'établissement ou, à défaut, par accord de branche.

Ce n'est qu'à défaut d'accord collectif que la loi fixe le nombre de jours de congés supplémentaires auxquels le salarié a droit.

Ainsi, le reliquat du congé principal (soit 24 jours - 12 jours non fractionnables = 12 jours) pris en dehors de la période du 1er mai - 31 octobre donne lieu à des jours supplémentaires de congés à raison de :

* 2 jours supplémentaires si le reliquat pris hors période légale est au minimum de 6 jours ;

* 1 jour supplémentaire si le reliquat pris hors période légale est compris entre 3 et 5 jours.

La société est représentée par son gérant et le fait qu'elle ait été rachetée ne change pas sa situation juridique en ce qu'elle est responsable de la gestion passée.

En l'espèce, il n'est pas justifié d'un accord d'entreprise ou de branche qui dérogerait aux dispositions légales ci-dessus reprises.

La cour observe que les tableaux de l'employeur intitulés " plages horaires " pour les années 2017 à 2021 indiquent que M. [Y] a été en congés :

- sur l'année 2019 : 3 jours du 3 au 5 janvier inclus puis 6 jours du 25 au 30 mars puis le 1er avril soit 10 jours au total pour la période avant le 1er mai et le 31 octobre 2019

- sur l'année 2020 : 7 jours les 13 et 14 mars et du 17 au 21 mars puis 3 jours du 2 au 4 avril inclus soit au total 10 jours.

Ainsi le salarié pouvait légitimement prétendre à deux jours de congés supplémentaires pour fractionnement. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société à verser à M. [Y] la somme de 167,45 euros au titre de congés de fractionnement.

Sur le non-paiement du salaire intégral

M. [Y] prétend avoir subi un préjudice né de l'absence de paiement intégral du salaire (congés de fractionnement et indemnités de repas) ce qui diminue son niveau de vie.

La société s'y oppose, la demande n'est pas justifiée, que le salarié n'avait pas formé de réclamation, qu'il n'est pas justifié de préjudice.

Sur ce

La cour a jugé que l'employeur n'a pas versé l'intégralité des sommes dues au salarié pour les indemnités de repas et pour le fractionnement des congés.

Toutefois le salarié ne justifie pas d'un préjudice particulier alors que le salarié sollicite les intérêts sur les sommes auxquelles l'employeur est condamné et la capitalisation de ces intérêts. Faute de justifier d'un préjudice consécutif au non-paiement de l'intégralité des indemnités de repas et des congés fractionnés, la cour, par confirmation du jugement, déboutera le salarié de cette demande.

Sur les demandes relatives à l'organisation du travail

M. [Y] sollicite des dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de l'exécution déloyale du contrat de travail et de la modification unilatérale du contrat de travail faisant valoir que si l'employeur fixe à l'avance les jours de travail il ne précise pas les horaires qui ne sont communiqués que la veille au soir sans respect du délai de prévenance alors qu'ils varient de jour en jour tant pour la prise de poste que pour la fin, cette situation entrainant une atteinte disproportionnée à son droit à la vie personnelle et familiale.

Il argue que la jurisprudence considère que le dépassement de la durée maximale du travail crée nécessairement un préjudice ; que les feuilles de cumul mensuel mentionnant les cycles versés par l'employeur ne sont pas probants car les heures supplémentaires payées varient de semaine en semaine ce qui exclut tout cycle alors qu'il n'est pas établi l'existence d'un affichage sur le répartition des heures de travail.

La société réplique que le salarié travaillait rarement les dimanches et la nuit ce que la lecture des plannings établit, qu'il ne s'est jamais plaint de ses horaires, qu'elle justifie que les amplitudes ont été respectées sans modification unilatérale du contrat de travail.

Sur ce

L'article L 1222 1 du code du travail édicte que " le contrat de travail est exécuté de bonne foi. "

Tout comme le salarié, l'employeur est tenu d'une obligation générale d'exécuter de bonne foi le contrat de travail.

Le salarié qui invoque la violation de l'obligation de bonne foi se doit de rapporter la preuve de cette violation.

Le contrat de travail stipule un horaire de 35 heures semaine, le salarié s'engageant sur demande de l'employeur compte tenu des besoins de l'entreprise à effectuer des heures supplémentaires au-delà de la durée collective de travail.

Les tableaux d'heures effectuées révèlent que le salarié travaillait de façon épisodique en soirée, la journée se terminant au plus tard à 21 heures, parfois le dimanche mais de façon très irrégulière. Le travail le dimanche est inhérent à l'activité d'ambulancier puisqu'elle ne s'arrête jamais.

L'article 2 de l'accord du 16 juin 2016 de la convention collective relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités du transport sanitaire prévoit que la répartition hebdomadaire de la durée du travail et organisation de l'activité.

Le temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire est réparti dans la semaine dans le respect des dispositions légales et réglementaires relatives au repos hebdomadaire et à la durée du travail.

Le planning précisant l'organisation du travail (périodes de travail/périodes de repos) doit être établi au moins par mois et affiché au moins 15 jours avant les périodes considérées.

En cas d'événements imprévisibles tels qu'absence d'un salarié, quel qu'en soit le motif, le planning peut être modifié en ayant recours de préférence au volontariat.

Tout remplacement entre salariés doit être compatible avec l'organisation générale du travail et avec la prise des repos journaliers et/ou hebdomadaires et requiert l'accord préalable de l'employeur.

L'employeur fixe l'heure de prise de service la veille pour le lendemain et la communique aux personnels ambulanciers au plus tard à 19 heures.

Toutefois, en cas de nécessité de modification d'horaire et sans que cela puisse revêtir un caractère systématique ou trop fréquent, l'employeur informe le salarié dès qu'il en a connaissance.

Dans ces conditions il ne saurait être reproché à la société d'avoir parfois informé la veille le salarié d'un changement dans son planning alors qu'il reconnait que l'employeur lui communiquait à l'avance les plannings des jours de travail.

Par ailleurs le salarié qui ne revendique pas des heures supplémentaires impayées ne justifie pas d'un dépassement régulier des durées maximales journalières et hebdomadaires du travail, qui n'apparaît pas sur les fiches horaires versées par l'employeur, il n'est donc pas établi une modification unilatérale du contrat de travail mais seulement parfois une modification des conditions de travail.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté M. [Y] de ses demandes au titre de l'organisation du travail.

Sur le défaut d'affichage des textes conventionnels

M. [Y] argue de l'absence d'affichage des textes conventionnels.

L'employeur ne répond pas sur cette demande.

Sur ce

En application de l'article R2262-1du code du travail dans sa version applicable en l'espèce, à défaut d'autres modalités prévues par une convention ou un accord conclu en application de l'article L.2262-5, l'employeur :

1° Donne au salarié au moment de l'embauche une notice l'informant des textes conventionnels applicables dans l'entreprise ou l'établissement ;

2° Tient un exemplaire à jour de ces textes à la disposition des salariés sur le lieu de travail ;

3° Met sur l'intranet, dans les entreprises dotées de ce dernier, un exemplaire à jour des textes.

L'employeur ne conteste pas qu'il n'avait pas remis au salarié au jour de l'embauche une notice sur la convention collective applicable ni qu'il disposait d'un exemplaire disponible sur le lieu de travail.

Le salarié n'a pas formé de demande indemnitaire de ce fait.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la prise d'acte du contrat de travail

M. [Y] demande à la cour de juger que la prise d'acte de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur était justifiée par les manquements qu'il a commis à son égard en ne payant pas l'intégralité des indemnités de repas, en n'octroyant pas les congés de fractionnement, en n'affichant pas les textes conventionnels permettant au salarié de connaitre ses droits, en ne prévoyant pas le temps de travail de façon organisée ne permettant une vie de famille normale qui a pour effet de modifier le contrat de travail conclu, que la jurisprudence invoquée par l'employeur est caduque en ce que des faits anciens peuvent fonder une prise d'acte du contrat de travail si les manquements perdurent et qu'il importe peu qu'il ait retrouvé un emploi rapidement et qu'il avait proposé d'effectuer son préavis.

La société prétend que les manquements invoqués ne sont pas suffisamment graves pour fonder la prise d'acte du contrat de travail par le salarié, que l'exécution du préavis dément la gravité des griefs invoqués, qu'il ne s'était pas plaint de ses conditions de travail et quitté l'entreprise pour rejoindre un concurrent se gardant de justifier sa situation actuelle.

Sur ce

La prise d'acte est un mode de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié.

Il résulte de la combinaison des articles L 1231-1, L 1237-2 et L 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Il appartient au salarié d'établir les manquements invoqués et leur gravité ayant empêché la poursuite de contrat qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et cesse son travail à raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

En l'espèce, il résulte de la lettre de rupture du salarié qu'il reproche à l'employeur les manquements suivants :

- l'absence d'organisation du travail qui révèle une exécution déloyale et de bonne foi du contrat de travail

- un travail de nuit imposé alors qu'il s'agit d'une modification du contrat de travail

- l'atteinte disproportionnée au droit à une vie personnelle et familiale.

La cour a débouté le salarié de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et de l'atteinte disproportionnée au droit à une vie personnelle et familiale.

Si le salarié a été amené à travailler de façon épisodique jusqu'à 21 heures, il ne peut s'agir d'un travail de nuit au sens strict alors que l'activité d'ambulancier est par nature soumise à des fluctuations prises en compte par la convention collective quant à l'aménagement des horaires prévus aux plannings de travail.

La cour observe que pendant toute la durée de la relation de travail le salarié ne s'était pas plaint de ses horaires qui auraient impacté sa vie personnelle et familiale.

Par ailleurs il a indiqué qu'il effectuerait son préavis ce qui contredit l'existence d'un manquement grave ne pouvant permettre la poursuite du contrat de travail.

La cour en déduit que la prise d'acte du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur n'était pas justifiée et doit produire les effets d'une démission.

La cour, par confirmation du jugement déboutera M. [Y] de sa demande de prise d'acte du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes indemnitaires subséquentes.

Sur la remise de documents de fin de contrat

M. [Y] sollicite la condamnation de son employeur à lui remettre les documents de fin de contrat sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.

Sur ce,

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande.

L'employeur devra remettre à son salarié un solde de tout compte rectifié conformément aux dispositions du présent arrêt.

Aucun élément ne permet de penser sur la délivrance de ce document ne sera pas exécuté spontanément par l'employeur.

La demande d'astreinte est rejetée.

Sur la capitalisation des intérêts

Conformément à la demande du salarié, il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.

Sur le remboursement à France Travail

Le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application d'office des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, et d'ordonner à l'employeur de rembourser à l'antenne Pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressé depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé sur les dépens et les dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais qu'il a exposé pour la présente procédure d'appel. La société sera condamnée à lui verser une somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Compiègne le 11 avril 2022 sauf en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande de paiement d'indemnités de repas

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant

Condamne la société Europe ambulances services à payer à M. [P] [Y] la somme de :

- 6061,28 euros à titre d'indemnités de repas,

Dit que société Europe ambulances services devra remettre à son salarié un solde de tout compte rectifié conformément aux dispositions du présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière ;

Ordonne à la société Europe ambulances services de rembourser à l'antenne France travail concernée les indemnités de chômage versées à M. [P] [Y] depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations,

Condamne société Europe ambulances services à payer à M. [P] [Y] la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne société Europe ambulances services aux dépens.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 22/01880
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;22.01880 ?
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