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10/04/2024 | FRANCE | N°23/00400

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 10 avril 2024, 23/00400


ARRET







Association CENTRE MEDICO CHIRURGICAL DES JOCKEYS (CMCJ)





C/



[H]

UNEDIC [Localité 6]



























































copie exécutoire

le 10 avril 2024

à

Me ALFOSEA

Me DETWILLER

UNEDIC [Localité 6]

LDS/IL



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME

CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 10 AVRIL 2024



*************************************************************

N° RG 23/00400 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IU7U



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 15 DÉCEMBRE 2022 (référence dossier N° RG F 21/00169)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



CENTRE MEDICO CHIRURGICAL DES ...

ARRET

Association CENTRE MEDICO CHIRURGICAL DES JOCKEYS (CMCJ)

C/

[H]

UNEDIC [Localité 6]

copie exécutoire

le 10 avril 2024

à

Me ALFOSEA

Me DETWILLER

UNEDIC [Localité 6]

LDS/IL

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 10 AVRIL 2024

*************************************************************

N° RG 23/00400 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IU7U

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 15 DÉCEMBRE 2022 (référence dossier N° RG F 21/00169)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

CENTRE MEDICO CHIRURGICAL DES JOCKEYS (CMCJ)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée, concluant et plaidant par Me Guy ALFOSEA de la SELARL LA GARANDERIE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Juliette HALBOUT, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMÉES

Madame [L] [H] épouse [W]

née le 07 Janvier 1949 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée, concluant et plaidant par Me Lucille DETWILER, avocat au barreau de PARIS

UNEDIC [Localité 6]

Venant aux droits des AGS-CGEA

[Adresse 2]

[Localité 6]

non constitué, non comparant

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 février 2024, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Madame Laurence de SURIREY en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Madame Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 10 avril 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIÈRE LORS DES DÉBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 10 avril 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DÉCISION :

La société Centre médico chirurgical des jockeys (la société ou l'employeur) est un établissement de soins privé à but non lucratif participant au service public hospitalier.

Elle a embauché Mme [H] épouse [W], née le 7 janvier 1949, à compter du 8 septembre 2016 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel, en qualité de médecin spécialiste. A compter du 9 janvier 2017, la salariée est passée à temps complet. La relation contractuelle s'est ensuite poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er mai 2017.

Le 30 septembre 2018, le contrat de travail a été rompu à la demande de Mme [W] dans le but de liquider ses droits à la retraite et de reprendre son activité dans le cadre d'un cumul emploi-retraite.

Un nouveau contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel a donc été conclu entre la société Centre médico chirurgical des jockeys et Mme [W] à compter du 1er octobre 2018 dans le cadre de la reprise du même poste de médecin spécialiste en cumul emploi retraite. Au dernier état de la relation contractuelle elle travaillait trois jours par semaine à raison de trente heures hebdomadaires.

La convention collective applicable est celle de l'hospitalisation privée à but non lucratif.

La société compte plus de dix salariés.

Mme [W] a reçu, le 6 janvier 2021 par courrier recommandé son solde de tout compte et les documents de fin de contrat de travail arrêtés au 31 décembre 2020.

Par courrier du 15 janvier 2021, elle a indiqué à son employeur qu'elle n'avait jamais eu la volonté de démissionner de son poste au 31 décembre 2020.

Demandant la requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Creil le 12 avril 2021.

Par jugement du 15 décembre 2022, le conseil a :

mis hors de cause les AGS CGEA d'[Localité 6] ;

fixé la moyenne des salaires brut de Mme [W] à 7 309 euros ;

jugé le licenciement de Mme [W] sans cause réelle et sérieuse ;

condamné la société Centre médico chirurgical des jockeys à payer à Mme [W] les sommes suivantes :

- 21 927 euros pour indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-3 du code du travail ;

- 4 933 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

- 43 854 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 4 385,40 euros au titre d'une indemnité compensatrice de congés payés afférents ;

- 100 euros à Mme [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [W] à payer au CGEA d'[Localité 6], la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ordonné le remboursement par la société Centre médico chirurgical des jockeys aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Mme [W] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de un mois dans les conditions prévues à l'article L.1235-4 du code du travail et dit que le greffe en application de l'article R.1235-2 du code du travail adresserait à la direction générale de Pôle emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci avait fait ou non l'objet d'un appel ;

ordonné à la société Centre médico chirurgical des jockeys de remettre à Mme [W] les documents suivants, conformes à la décision sans astreinte :

- bulletin de paie ;

- certificat de travail ;

- reçu pour solde de tout compte ;

précisé que les sommes à caractère salarial produisaient intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2021 ;

précisé que les dommages et intérêts produisaient des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision le 15 décembre 2022 ;

ordonné la capitalisation des intérêts ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

rappelé qu'en application de l'article R.1454-28 du code du travail, la décision était de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ;

condamné la société Centre médico chirurgical des jockeys aux entiers dépens de l'instance.

La société Centre médico chirurgical des jockeys, qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 12 octobre 2023, demande à la cour de :

la déclarer recevable et bien fondée en son appel.

Y faisant droit,

infirmer le jugement en ce qu'il a :

- jugé le licenciement de Mme [W] sans cause réelle et sérieuse ;

- l'a condamnée à payer à Mme [W] les sommes suivantes :

21 927 euros pour indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-3 du code du travail ;

4 933 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

43 854 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

4 385,40 euros au titre d'une indemnité compensatrice de congés payés afférents

100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [W] à payer au CGEA d'[Localité 6], la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- lui a ordonné le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Mme [W] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence d'un mois dans les conditions prévues à l'article L.1235-4 du code du travail et dit que le greffe en application de l'article R.1235-2 du code du travail adresserait à la direction générale de Pôle emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci avait fait ou non l'objet d'un appel

- lui a ordonné de remettre à Mme [W] des documents suivants, conformes à la décision sans astreinte :

bulletin de paie ;

certificat de travail ;

reçu pour solde de tout compte ;

- précisé que les sommes à caractère salarial produisaient intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2021 ;

- précisé que les dommages et intérêts produisaient des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision le 15 décembre 2022 ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- rappelé qu'en application de l'article R.1454-28 du code du travail, la décision était de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ;

- l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance ;

débouter Mme [W] de son appel incident ;

Statuant à nouveau de,

juger que la rupture s'analyse en une démission ;

débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes ;

condamner Mme [W] à 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire,

limiter l'indemnisation de Mme [W] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum du barème de l'article L.1235-1 du code du travail, soit 21 927 euros brut ;

limiter l'indemnisation du préavis à 14 618 euros brut et les congés payés afférents à 1 461,80 euros.

Mme [W], par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 12 décembre 2023, demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu'il a :

- fixé la moyenne de ses salaires brut à 7 309 euros ;

- jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Centre médico chirurgical des jockeys CMCJ à lui payer les sommes suivantes :

43 854 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis de licenciement ;

4 385,40 euros brut au titre des congés payés afférents au préavis de licenciement ;

4 933 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-3 du code du travail ;

- ordonné à la société Centre médico chirurgical des jockeys CMCJ de lui remettre les documents suivants, conformes à la décision sans astreinte :

bulletin de paie ;

certificat de travail ;

reçu pour solde de tout compte ;

- précisé que les sommes à caractère salarial produisaient intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2021 ;

- précisé que les dommages et intérêts produisaient des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision le 15 décembre 2022 ;

- ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ;

- condamné la société Centre médico chirurgical des jockeys CMCJ aux entiers dépens ;

infirmer le jugement en date du 15 décembre 2022 en ce qu'il a :

- limité le montant de la condamnation de la société Centre médico chirurgical des jockeys au titre de l'article 700 du code de procédure civile à 100 euros ;

- limité le montant de la condamnation de la société Centre médico chirurgical des jockeys au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 21 927 euros bruts ;

- l'a déboutée du surplus de ses demandes.

Statuant à nouveau de,

condamner la société Centre médico chirurgical des jockeys à lui verser les sommes suivantes :

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- 25 581,50 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 20 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour circonstances brutales et vexatoires de la rupture de son contrat de travail.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS :

1/ Sur la qualification de la rupture :

La société soutient que Mme [W] a démissionné de son poste à effet au 31 décembre 2020 et en veut pour preuve les faits suivants :

-Mme [W] a présenté sa remplaçante, Mme [O], et n'a pas réagi à un courriel adressé à cette dernière le 9 septembre 2020 évoquant le recrutement d'un oncologue pour la remplacer alors qu'elle était en copie,

-Elle a demandé à solder ses congés avant le 31 décembre 2020 alors que la période de congé dans la société s'étend jusqu'à fin mai et a effectivement posé des congés du 16 au 27 décembre 2020,

-Elle a annoncé, le 17 décembre, qu'elle reprendrait « pour la dernière semaine » après son retour de vacances,

-elle n'a pas réagi au message de M. [J] évoquant sa fin d'activité au 31 décembre 2020,

- elle ne s'est plus présentée à son poste au-delà du 31 décembre 2020 et aucun rendez-vous n'était plus programmé la concernant, ses patients étant réattribués à Mme [O],

-elle a participé au pot de départ organisé par son équipe,

-elle n'a pas émis de réserve ni protestation à compter du 1er janvier 2021.

La salariée répond qu'elle n'a jamais manifesté sa volonté de démissionner ni par écrit ni verbalement, ni adopté un comportement laissant présumer une telle intention de sa part ; qu'elle restait dans l'attente d'un avenant à son contrat de travail formalisant son passage de trois jours à un jour par semaine comme elle l'avait réclamé depuis 2019 mais qui était différé en raison de l'épidémie de Covid 19, que sa proposition de créer une unité de chimiothérapie orale ne peut s'analyser en une volonté de démissionner, qu'il en va de même de son souhait de solder ses vacances. Elle conteste l'organisation d'un pot de départ et affirme avoir présenté Mme [O] dans le seul but qu'elle prenne en charge les consultations qu'elle ne pourrait plus assurer au vu de la réduction de temps de travail sollicitée.

Elle fait valoir que l'employeur est de mauvaise foi puisqu'il ne lui a jamais demandé oralement ou par écrit de confirmer ses intentions, ni répondu à son email de contestation du 15 janvier et au courrier de son conseil dans le même sens et lui a proposé une régularisation rétroactive postérieure à la saisine du conseil de prud'hommes pour les seuls besoins de la cause, régularisation qu'elle ne pouvait accepter compte tenu de la rupture du lien de confiance indispensable à des conditions de travail normales.

Sur ce,

Sauf disposition conventionnelle contraire, la démission n'est soumise à aucune règle de forme.

Ne pouvant se présumer, elle doit résulter d'une volonté claire et sans équivoque du salarié, ne laissant aucune place au doute et ne peut que très exceptionnellement se déduire de son seul comportement.

En l'espèce, il est constant que Mme [W] n'a pas adressé à l'employeur de lettre de démission et les pièces versées aux débats par ce dernier n'établissent en rien la manifestation claire et non équivoque de sa volonté de démissionner.

En effet :

- il ressort du courriel qu'elle a écrit à M. [J] le 17 décembre 2020 que la présentation et le recrutement de Mme [O], oncologue, s'expliquent par la volonté de Mme [W] de ne plus travailler qu'une seule journée par semaine ce qui nécessitait une prise en charge de ses patients pour les deux autres jours précédemment assurés ;

-le souhait de prendre son reliquat de congés en fin d'année n'est en rien un indice de la volonté de démissionner,

-c'est par une dénaturation de son message électronique du 17 décembre 2020 que l'employeur prétend que Mme [W] a annoncé qu'elle reprendrait le travail le 28 décembre pour une dernière semaine, alors qu'elle évoque simplement à l'évidence la dernière semaine de l'année et des vacances (« je suis actuellement en vacances jusqu'au 24/12 et reprendrai le travail lundi 28/12 pour la dernière semaine où vous, êtes en vacances ») ;

-elle a, au contraire, indiqué dans le même courriel, après s'être enquis du sort de sa proposition de réduction du temps de travail à un jour par semaine, qu'elle souhaitait « encore rester poursuivre une année » ;

-il ne peut être déduit non plus sa volonté de quitter l'entreprise du seul fait qu'elle n'a pas réagi au courriel en réponse ambigüe de M. [J] selon lequel il avait « bien noté sa fin d'activité au 31/12/2010 » alors qu'il évoquait dans le même temps son accord de principe à une réduction du temps de travail « dans le cadre du fonctionnement des soins de supports et de la consultation de chimiothérapie » ;

-plusieurs salariés, dont son ancienne secrétaire médicale et un médecin avec lequel elle travaillait en lien étroit, témoignent de ce qu'aucun pot de départ n'a été organisé et qu'ils n'ont jamais entendu Mme [W] évoquer ou annoncer son départ à la retraite ;

-l'absence de reprise du travail début janvier peut s'expliquer par l'attente dans laquelle elle se trouvait de recevoir l'avenant actant la réduction de son temps de travail comme elle l'explique ;

-contrairement à ce que soutient la société, Mme [W] a réagi rapidement en découvrant, à la lecture des documents de fin de contrat qui lui ont été adressés début janvier, qu'elle était considérée comme démissionnaire.

Il y a lieu en conséquence, par confirmation du jugement, de dire que la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2/ Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

La salariée peut prétendre, non seulement aux indemnités de rupture mais également à des dommages et intérêts à raison de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il convient de confirmer le jugement qui a alloué à Mme [W] les sommes de 43 854 euros au titre du préavis, de 4 385,40 euros au titre des congés payés afférents et de 4 933 euros au titre de l'indemnité de licenciement, ces sommes justifiées dans leur principe n'étant pas utilement critiquées dans leur quantum.

L'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, Mme [W] peut prétendre, compte tenu de son ancienneté réelle de plus de quatre années, à une indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, d'un montant compris entre 3 et 5 mois de salaire.

Mme [W] justifie de ce que ses revenus ont baissé drastiquement après son licenciement pour passer de 7 300 à 1 400 euros et elle a perdu le bénéfice de la prévoyance et de la mutuelle à défaut de portabilité.

En considération de la situation particulière de la salariée et eu égard notamment à son âge (plus de 70 ans), à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer la réparation qui lui est due à la somme mentionnée au dispositif.

3/ Sur la demande au titre des circonstances de la rupture :

Mme [W] fait valoir que la rupture a revêtu un caractère brutal et vexatoire en ce qu'elle l'a découverte à son retour de vacances seulement en lisant les documents de fin de contrat qui n'étaient accompagnés d'aucune explication, elle n'a reçu aucun réponse à son courrier électronique du 15 janvier 2021 sollicitant de légitimes explications ce qui témoigne d'une certaine forme de mépris de la part de la direction, elle n'a pas eu la possibilité de dire au revoir à ses collègues et ses patients et la direction a laissé planer un doute sur les raisons de son départ qui a entaché sa réputation de sérieux et de professionnalisme.

La société soutient que Mme [W] ayant démissionné, sa demande doit être rejetée.

La cour rappelle que le salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse peut prétendre à des dommages-intérêts distincts de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de comportement fautif de l'employeur dans les circonstances de la rupture. Ainsi, la caractérisation d'un préjudice distinct causé par ce comportement autorise le cumul des indemnisations.

En l'espèce, la rupture sans aucune explication, sans même de réponse aux demandes d'explications formulées par Mme [W] et son conseil et avec une brusquerie qui a interdit toute possibilité de dire au revoir à la communauté de travail et aux patients, a revêtu un caractère brutal et vexatoire générateur d'un préjudice distinct de la perte d'emploi indemnisée précédemment.

Il convient donc, par infirmation du jugement, de condamner la société à payer à Mme [W] la somme indiquée au dispositif à titre de dommages et intérêts.

4/ Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement s'agissant de la remise des documents de fin de contrat rectifiés.

Il est rappelé que les condamnations de nature salariale, si la demande en est faite, portent intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation et que, par application de l'article 1231-7 du code civil, les demandes de nature indemnitaire, portent intérêts de plein droit au taux légal à compter de la décision qui les prononce, en l'espèce le présent arrêt et non le jugement.

5/ Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'issue du litige conduit à confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société, qui perd le procès devant la cour pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens d'appel et à verser à la salariée la somme de 2 500 euros supplémentaires sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a rejeté la demande présentée par Mme [W] au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement, en ce qu'il a limité la condamnation de la société au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 21 927 euros et en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts moratoires sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au 15 décembre 2022,

statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

condamne la société Centre médico chirurgical des jockeys à payer à Mme [L] [H] épouse [W] les sommes de :

-25 581,50 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-3 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

dit que ces sommes porteront intérêts de plein droit au taux légal à compter du présent arrêt,

ordonne à la société Centre médico chirurgical des jockeys de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [W] depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations,

condamne la société Centre médico chirurgical des jockeys à payer à Mme [W] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

rejette toute autre demande

condamne la société Centre médico chirurgical des jockeys aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/00400
Date de la décision : 10/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-10;23.00400 ?
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