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04/04/2024 | FRANCE | N°23/01157

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 04 avril 2024, 23/01157


ARRET







[F]





C/



S.A.R.L. HOTELLERIE DE FLANDRE



























































copie exécutoire

le 04 avril 2024

à

Me LANCKRIET

Me MELIN

CBO/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 04 AVRIL 2024



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N° RG 23/01157 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWOQ



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 27 JANVIER 2023 (référence dossier N° RG F 21/00223)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [Z] [F] épouse [H]

née le 07 Avril 1974 à [Localité 5] (60) ([Localité 5])

de nationa...

ARRET

[F]

C/

S.A.R.L. HOTELLERIE DE FLANDRE

copie exécutoire

le 04 avril 2024

à

Me LANCKRIET

Me MELIN

CBO/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 04 AVRIL 2024

*************************************************************

N° RG 23/01157 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWOQ

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 27 JANVIER 2023 (référence dossier N° RG F 21/00223)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [Z] [F] épouse [H]

née le 07 Avril 1974 à [Localité 5] (60) ([Localité 5])

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

concluant par Me Sophie LANCKRIET, avocat au barreau de COMPIEGNE

ET :

INTIMEE

S.A.R.L. HOTELLERIE DE FLANDRE

[Adresse 1]

[Localité 4]

concluant par Me Géraldine MELIN de la SCP GOSSARD BOLLIET MELIN, avocat au barreau de COMPIEGNE

DEBATS :

A l'audience publique du 08 février 2024, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 04 avril 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 04 avril 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [F], épouse [H], née le 7 avril 1974, a été embauchée à compter du 23 juillet 1997 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée par la société Hôtellerie de Flandre, ci-après dénommée la société ou l'employeur, en qualité d'employée polyvalente. La relation contractuelle s'est ensuite poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

La société emploie moins de 10 salariés.

La convention collective applicable est celle des hôtels, cafés et restaurants.

Le 17 juin 2020, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à son poste et a précisé que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Le 19 juin 2019, Mme [H] a été placée en arrêt maladie jusqu'en juillet 2020.

Par courrier du 17 juillet 2020, Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable, fixé au 31 juillet 2021.

Le 4 août 2020, Mme [H] a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

En parallèle, une demande de reconnaissance de maladie professionnelle a été déposée par Mme [H] à laquelle la CPAM a fait droit le 10 juin 2021, suite à l'avis favorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Le 15 juin 2021, Mme [H] a déposé plainte à l'encontre de son employeur pour harcèlement moral.

Contestant la légitimité de son licenciement et ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Compiègne le 5 août 2021.

Par jugement du 27 janvier 2023, le conseil a :

- débouté Mme [H] de sa demande de dire que son licenciement pour inaptitude avait été causé par des manquements graves de son employeur à ses obligations de prendre toutes les mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de sa salariée laquelle avait été victime d'agissement répété de harcèlement moral ;

- débouté Mme [H] de sa demande de 18 672 euros à titre d'indemnité en application des dispositions de l'article L.1235-1 et 3 du code du travail ;

- condamné la société Hôtellerie de Flandre à payer à Mme [H] la somme de 1 081,39 euros à titre de rappel d'indemnité légal de licenciement ;

- condamné la société Hôtellerie de Flandre à payer à Mme [H] la somme de 1 200 euros à titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit qu'il y avait lieu à l'exécution provisoire.

- dit que les sommes ne porteraient pas intérêt au taux légal à compter du jugement ;

- mentionné que la moyenne des trois derniers mois de salaires à 1 081,39 euros ;

Mme [H], qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 février 2024, demande à la cour de :

infirmer le jugement des chefs critiqués.

Statuant à nouveau de,

juger que son licenciement pour inaptitude dont elle a fait l'objet le 17 août 2020 a été causé par des manquements graves de son employeur à ses obligations de prendre toutes les mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de sa salariée laquelle a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral.

En conséquence,

condamner la société Hôtellerie de Flandre à lui payer les sommes suivantes :

- 18 672 euros soit 12 mois de salaire à titre d'indemnité en application des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail ;

- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens d'appel.

La société Hôtellerie de Flandre, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 août 2023, demande à la cour de :

confirmer le jugement dans son intégralité.

Ce faisant,

débouter Mme [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions pour les motifs sus énoncés.

Y ajoutant,

condamner Mme [H] à lui payer la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 février 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 8 février 2024.

MOTIFS

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur

Mme [H] estime avoir été victime de harcèlement moral de la part de M. [L] qui exerçait dans un premier temps en qualité d'adjoint de direction puis de gérant qui tenait des propos dénigrants à son égard comme envers ses collègues, que l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité quant aux risques psycho-sociaux, qu'elle a développé une sévère dépression ayant abouti à une tentative de suicide, qu'elle était surchargée de travail depuis de nombreuses années mais que l'arrivée de M. [L] a aggravé sa situation, que la Cpam a pris en charge sa pathologie au titre de la législation professionnelle et que même si la plainte qu'elle a déposé a été classée sans suite, elle a permis des auditions de ses collègues de travail qui ont confirmé la réalité du harcèlement subi sans réaction de la société.

Elle fait valoir que ses plannings de travail étaient modifiés jusqu'à la veille ce qui impactait sa vie privée, que ses fiches de paie ne lui parvenaient qu'avec retard, que ses tâches étaient multiples et variées mais qu'elle travaillait dans de mauvaises conditions du fait du non-remplacement de collègues partis et du refus de la société de fournir le matériel nécessaire à la réalisation du travail et ce malgré ses demandes réitérées, que même l'audition de la gérante confirme la réalité des reproches qu'elle lui adressait, que suite à la tentative de suicide M. [L] n'a eu aucune réaction; elle verse aux débats de nombreuses pièces de nature médicale qui attestent de l'importance de sa souffrance dont il subsiste une IPP reconnue par la sécurité sociale et par la reconnaissance de son statut de travailleur handicapé.

La société conteste tout manquement à l'obligation de sécurité répliquant que les relations entre M. [L] alors qu'il était encore salarié et Mme [H] étaient cordiales comme le démontre les courriels échangés, qu'il n'est pas établi l'existence de frictions particulières, que la plainte pénale a été classée sans suite alors que les témoignages de deux collègues ne comportent pas d'élément sur la situation de la salariée mais seulement sur leurs situations personnelles, que du fait de l'indépendance des rapports entre la Cpam et l'employeur et la Cpam et l'assurée la décision de prise en charge de la maladie de Mme [H] par la caisse n'a aucune incidence, que les SMS produits ne sont pas probants.

Sur ce,

A titre liminaire la cour relève que les développements de la salariée dans la discussion reprennent les modalités de preuve et visent à voir reconnaître le harcèlement moral. Toutefois en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les demandes du dispositif des conclusions qui ne visent qu'à voir jugé que le licenciement pour inaptitude a été causé par des manquements graves de l'employeur à son obligation de sécurité.

L'article L.4121-1 du code du travail dispose :

« L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ».

En vertu du contrat de travail, l'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité et il lui incombe à ce titre, en présence de risques identifiés, de prendre toutes dispositions nécessaires pour en protéger de manière effective le salarié.

En l'espèce, Mme [H] estime que l'employeur a créé une situation de surcharge de travail qui a provoqué un harcèlement moral de la part de M. [L], d'abord directeur adjoint devenu gérant qui selon elle usait de méthodes managériales humiliantes le tout ayant entrainé un état dépressif et une tentative de suicide entrainant son hospitalisation en psychiatrie.

Il convient donc d'examiner l'existence d'un harcèlement moral qui aurait été provoqué par une surcharge de travail et aurait entrainé des méthodes managériales inadaptées.

Sur l'existence d'un harcèlement moral

La salariée produit à la procédure la prise en charge par la Cpam de l'Oise du 10 juin 2021 de la maladie hors tableau, à savoir un syndrome dépressif suite à l'avis favorable du CRRMP de l'Oise et les conclusions de l'enquête administrative menée par la Cpam à l'occasion de l'instruction de la demande de reconnaissance du caractère professionnelle de la maladie déclarée par la salariée qui précise que l'assurée a ressenti les effets du surmenage dû au manque d'effectif ou au remplacement pour congés, que suite à un conflit entre ses deux employeurs il s'en est suivi une mauvaise ambiance de travail entre employés, que des critiques et même des insultes étaient dites devant ses autres collègues hors sa présence mais revenaient à ses oreilles, des tâches différentes de celles figurant sur la fiche de poste lui étaient demandées, qu'elle devait essuyer les plaintes des clients quant aux dysfonctionnements des installations vétustes et non réparées, qu'elle ne pouvait organiser sa vie personnelle ni prendre des congés, qu'au moment de la tentative de suicide il lui restait 37 jours de congés à prendre, qu'elle n'avait pas reçu de soutien face aux difficultés et a dû faire face à des scènes choquantes arrivées à l'hôtel (suicide, accident), que les choses se sont aggravées lors du décès du gérant et à l'arrivée de M. [L] nommé assistant de direction qui a mis en place un graphique d'activité avec chronométrage de la réalisation des tâches, le tout aboutissant le 18 juin 2019 à une tentative de suicide de la salariée après avoir informé l'employeur qu'elle ne serait pas présente le lendemain. Ainsi elle produit le SMS envoyé à M. [L] le 16 juin 2019 en en ces termes « hello [O] saches que j'ai fait le nécessaire je ne serai pas là demain au boulot je dis adieu, comme çà tu as une employée de moins tu auras pas besoin de la harceler et d'inventer des subterfuges pour t'en débarrasser ».

La salariée produit la plainte déposée le 15 juin 2020 pour harcèlement moral (subi par le comportement de l'employeur) et les auditions de ses collègues décrivant les conditions de travail à l'hôtel de Flandres :

* Mme [I] indique que suite au décès de M. [J] ancien gérant les conditions de travail se sont dégradées, qu'elle est en arrêt de travail suite à cette situation, que M. [L] refusait de remplacer ou changer le matériel endommagé, les pannes n'étant pas réparées

* Mme [N] précise que suite au changement de décès de M. [J] qui donnait les plannings 48 heures à l'avance, elle n'avait plus les plannings que la veille pour le lendemain voire au jour le jour, qu'il y avait un manque de personnel avec un matériel inadapté, que Mme [H] répondait immédiatement aux sollicitations, qu'elle a continué à travailler alors qu'elle s'était faite une entorse

* Mme [V] expose qu'elle a subi le harcèlement de M. [L] qui la rabaissait ce qui l'a amené à démissionner après une demande de rupture conventionnelle acceptée puis refusée par l'employeur suite à l'opposition de M. [L] qui a fait changer d'avis Mme [Y], gérante qui était sous l'influence de M. [L]  avec lequel elle entretenait une liaison ; qu'il n'y avait pas de planning fixe prévu pour Mme [H], celle-ci étant rappelable à tout moment, qu'elle passait beaucoup de temps au travail parfois des journées de 7 heures à 19 heures en ayant un seul jour de repos par semaine, l'hôtel ayant de moins en moins de personnel et du matériel désuet ou en panne, que Mme [H] lui avait expliqué que M. [L] la surveillait, la chronométrait comme les autres et lui faisait des remarques sur tout et n'importe quoi lui faisant même le reproche de prendre une pause, qu'elle lui a dit qu'elle n'avait pas pu quitter son poste avant l'heure prévue alors qu'elle s'était blessée à la cheville et avait besoin de se faire soigner mais que M . [L] refusait de régulariser une déclaration d'accident du travail. Mme [V] ajoute que Mme [H] avait peur de M. [L] qui la harcelait.

Si Mme [E] salariée de l'hôtel relate avoir été surveillée et espionnée par M. [L], avoir contestée son licenciement devant le conseil de prud'hommes et avoir obtenu gain de cause, celui-ci ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, elle n'a pas constaté personnellement du harcèlement à l'égard de Mme [H] mais affirme avoir été choquée de la revoir en 2019 suite à la tentative de suicide.

- Mme [Y] gérante indique que suite au départ de plusieurs salariés il n'a pas été possible de les remplacer pour des raisons financières, qu'elle a été en burn out en 2025-2016 puis a subi une intervention chirurgicale en 2017 si bien que M. [L] prenait les décisions sur la gestion, elle précise que Mme [H] pouvait être rappelée tout le temps en cas de besoin, que le matériel était vétuste.

- Le bulletin de sortie du service psychiatrie de l'hôpital de [Localité 4] du 30 juillet 2019 suite à la tentative d'autolyse qui précise que la salariée a développé un syndrome dépressif sévère avec passage à l'acte sévère secondairement à un surmenage au travail, que si au plan psychiatrique elle va mieux avec disparition de la tristesse et d'idéations suicidaires elle reste fragile à l'évocation du travail.

Mme [H] justifie, par ailleurs, de prescriptions médicamenteuses en rapport avec des troubles anxio-dépressifs concomitantes aux arrêts de travail, et d'un protocole de soins renseigné le 7 août 2015 par son médecin-traitant visant un état anxieux à compter du 23 février 2015 et un état dépressif à compter d'août 2015.

Les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Il appartient, dès lors, à l'employeur de combattre cette présomption en prouvant qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

C'est en vain que l'employeur produit aux débats des échanges de SMS en nombre très limité sur les années de 2016 à 2019 puisqu'ils sont relatifs à des échanges anodins sur les v'ux de début d'année ou des horaires de prises de postes.

Ainsi, la société ne contredit pas les éléments de la salariée et ne justifie pas que les agissements que celle-ci dénonce étaient justifiés objectivement et non constitutifs de harcèlement moral.

Il y a lieu de retenir le harcèlement moral invoqué par la salariée.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Au vu des développements qui précédent, la cour relève que l'employeur a laissé se développer une situation de sous-effectif qui a conduit aux comportements managériaux oppressifs faute d'un nombre de salariés suffisant pour assurer un fonctionnement normal de l'hôtel. En restant passif face à l'augmentation de la charge de travail du fait de la réduction du personnel et en laissant le directeur adjoint adopter un comportement harcelant la société Hôtellerie des Flandres a manqué à son obligation de sécurité en laissant Mme [H] s'épuiser au travail sans se préoccuper de la surcharge de travail qui a entrainé un harcèlement moral du directeur adjoint qu'elle devait supporter en raison de ses fonctions ni prendre aucune mesure au sens de l'article L. 4121-1 du code du travail alors même que les signes d'alerte étaient nombreux.

La cour par infirmation du jugement jugera désormais que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité à l'égard de Mme [H].

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le licenciement

Mme [H] sollicite l'indemnisation du licenciement qu'elle estime sans cause réelle et sérieuse dans les motifs de ses conclusions mais en visant les dispositions de l'article L 1235-3-1 du code du travail relatifs au licenciement nul faisant valoir que le manquement de l'employeur a entraîné une IPP de 10 % et une reconnaissance du statut de travailleur handicapé alors qu'elle n'avait jusque là pas souffert de pathologie ni ressenti de mal-être.

La société rétorque qu'elle ne nie pas l'état psychique de la salariée mais affirme qu'elle a eu une vie difficile émaillée de deuils de parents proches susceptibles d'altérer sa santé.

Sur ce

Lorsque le licenciement pour inaptitude a pour origine le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

La cour relève que la salariée a été déclarée inapte avec dispense de reclassement alors qu'elle a été placée en arrêt maladie suite à une tentative de suicide, elle-même consécutive à une situation d'épuisement professionnel ayant engendré une grave dépression nerveuse.

La Cpam a pris en charge la salariée au titre de la législation des risques professionnels, elle a été reconnue travailleuse handicapée avec un taux d'IPP de 10%.

Contrairement aux assertions de l'employeur il n'est pas établi que la cause de la dépression serait liée à une vie douloureuse, tant le conjoint que la fille de Mme [H] indiquent que la salariée n'avait pas de problème particulier mais était sur les nerfs par épuisement ce qui l'amenait à être agressive.

Ainsi le lien entre l'inaptitude de la salariée et le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est caractérisé et le jugement sera infirmé sur ce point.

La cour retient que Mme [H] ayant au jour du licenciement une ancienneté de 23 ans elle est en droit d'obtenir en vertu de l'article L.1235-3 du code du travail, entre 3 et 17 mois de salaires bruts, et cela en sus des indemnités de rupture.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [H], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, notamment le statut de travailleur handicapé telles qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [H] doit être évaluée à la somme de 18 672 euros soit 12 mois de salaire, le montant du salaire n'étant pas spécifiquement contesté par l'employeur.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre de dommages et intérêts, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Hôtel de Flandres à payer à Mme [H] la somme de 18 672 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer la décision déférée en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.

La société Hôtellerie de Flandre, qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens d'appel, et à payer à M. [H] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel. La société sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS 

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a condamné la société Hôtellerie de Flandre au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Dit que la société Hôtellerie de Flandre a manqué à son obligation de sécurité à l'égard de Mme [Z] [F] épouse [H] provoquant un harcèlement moral ;

Dit que le licenciement de Mme [Z] [F] épouse [H] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Hôtellerie de Flandre à payer à Mme [Z] [F] épouse [H] la somme de 18 672 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Hôtellerie de Flandre à payer à Mme [Z] [F] épouse [H] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société Hôtellerie de Flandre aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/01157
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.01157 ?
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