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04/04/2024 | FRANCE | N°23/00644

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 04 avril 2024, 23/00644


ARRET







[Z]





C/



S.A.R.L. KEOLIS OISE S.A.R.L.



























































copie exécutoire

le 04 avril 2024

à

Me HAMEL

Me GEOFFRION

CPW/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 04 AVRIL 2024



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N° RG 23/00644 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IVOU



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 30 DECEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 22/00062)





PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [C] [Z]

né le 04 Février 1967 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Loc...

ARRET

[Z]

C/

S.A.R.L. KEOLIS OISE S.A.R.L.

copie exécutoire

le 04 avril 2024

à

Me HAMEL

Me GEOFFRION

CPW/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 04 AVRIL 2024

*************************************************************

N° RG 23/00644 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IVOU

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 30 DECEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 22/00062)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [C] [Z]

né le 04 Février 1967 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté, concluant et plaidant par Me Christine HAMEL de la SELARL CHRISTINE HAMEL, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Laurine DESCAMPS, avocat au barreau d'AMIENS

ET :

INTIMEE

S.A.R.L. KEOLIS OISE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée, concluant et plaidant par Me Pascal GEOFFRION de la SELEURL PG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Emmanuelle KRAEMER, avocat au barreau de PARIS

Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES, avocat postulant

DEBATS :

A l'audience publique du 15 février 2024, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Mme [P] [R] indique que l'arrêt sera prononcé le 04 avril 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Caroline PACHTER-WALD en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 04 avril 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

La société Keolis Oise (la société ou l'employeur), spécialisée dans le transport de personnes dans le cadre d'une mission de service public, a embauché M. [Z] en qualité de conducteur en période scolaire à compter du 2 septembre 2013, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, avec reprise d'ancienneté au 5 mai 2013.

La convention collective applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires.

A compter du 13 décembre 2019, M. [Z] a été élu membre titulaire du comité économique et social.

Par courrier du 7 septembre 2020, l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable à une sanction, fixé au 21 septembre, et lui a notifié un avertissement le 5 octobre 2020, qu'il a contesté par courrier du 11 octobre 2020.

Le salarié a été placé en arrêt de travail de droit commun à compter du 6 janvier 2021 jusqu'en octobre 2021 inclus.

Demandant la nullité de l'avertissement du 5 octobre 2020 et ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Creil, le 21 mars 2022, qui par jugement du 30 décembre 2022, a :

annulé l'avertissement du 5 octobre 2020 ;

condamné la société Keolis Oise à verser à M. [Z] les sommes suivantes :

- 500 euros à titre de dommages et intérêts consécutifs à l'annulation de l'avertissement ;

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

dit que la condamnation prononcée au titre de dommages et intérêts consécutifs à l'annulation de l'avertissement produirait intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2022, date de mise à disposition du jugement ;

dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

condamné la société Keolis Oise aux entiers dépens.

Entre-temps, le salarié a de nouveau été placé en arrêt de travail, un avis d'inaptitude avec dispense de reclassement est intervenu le 3 avril 2023, l'inspection du travail, saisie par l'employeur, a autorisé le licenciement le 27 juin suivant, et son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement a été notifié au salarié le 12 juillet 2023.

M. [Z], qui est régulièrement appelant du jugement du 30 décembre 2022, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique 3 janvier 2024, demande à la cour de le dire recevable et bien fondé en son appel en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, et y faisant droit :

- à titre principal, d'infirmer le jugement dont appel, dire nul l'avertissement qui lui a été notifié en date du 5 octobre 2020 et par conséquent, condamner la société Keolis Oise a lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts consécutifs à l'annulation de l'avertissement du 5 octobre 2020 ;

- à titre subsidiaire, d'annuler l'avertissement qui lui a été notifié en date du 5 octobre 2020 en raison de son caractère injustifié et par conséquent, condamner la société Keolis Oise à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de dommages-intérêts consécutifs à l'annulation de l'avertissement du 5 octobre 2020 ;

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel d'heures de délégation non payées pour les mois de novembre et décembre 2020, et par conséquent, statuant à nouveau et y ajoutant de :

condamner la société Keolis Oise à lui payer la somme de 684,19 euros à titre de rappel d'heures de délégation non payées, outre 68,42 euros relative aux congés payés afférents ;

déclarer recevables ses demandes et condamner la société Keolis Oise à lui payer les sommes suivantes:

- 4 891,93 euros à titre de remboursement des retenues illégitimes ;

- 1 383,64 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement ;

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité spécifique réparant le manquement de la société Keolis Oise à son obligation de prévenir les actes de harcèlement moral dans l'entreprise et par conséquent, condamner la société Keolis Oise à lui payer la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité spécifique réparant le manquement de la société Keolis Oise à ce titre ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Keolis Oise au paiement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

y ajoutant :

condamner la société Keolis Oise au paiement 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant la cour ainsi qu'aux entiers dépens ;

dire que l'ensemble des condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la première saisine du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Creil ;

débouter la société Keolis Oise de l'ensemble de ses demandes.

La société Keolis Oise, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 décembre 2023, demande à la cour de :

- déclarer et juger irrecevables les demandes nouvelles formées par M. [Z] pour la première en cause d'appel suivant conclusions communiquées le 27 octobre 2023, à savoir :

- 4 891,93 euros à titre de « remboursement des retenues illégitimes » ;

- 1 383,64 euros au titre de « solde » de l'indemnité de licenciement ;

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté M. [Z] des demandes suivantes :

- 684,19 euros brut à titre de rappel d'heures de délégation pour les mois de novembre et décembre 2020 outre 68,42 euros brut de congés payés afférents ;

- 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral allégué ;

- l'infirmer en ce qu'il a annulé l'avertissement notifié au salarié par courrier du 5 octobre 2020 et l'a condamnée au paiement de 500 euros à titre de dommages et intérêts consécutifs à l'annulation de l'avertissement et 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau, de :

juger que l'avertissement du 5 octobre 2020 est bien fondé ;

débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner M. [Z] à lui verser une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur les demandes nouvelles

M. [Z] forme pour la première fois en cause d'appel une demande de remboursement de retenues illégitimes et une demande en paiement d'un reliquat d'indemnité de licenciement.

La société soulève l'irrecevabilité de ces chefs de demande comme n'ayant nullement été présentés devant le conseil de prud'hommes. M. [Z] réplique que ses demandes sont au contraire recevables dès lors notamment qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant puisque l'illégitimité de la somme réclamée au titre des retenues et le reliquat de licenciement permettent de démontrer l''uvre d'acharnement mise en place par la société constitutifs du harcèlement moral invoqué.

Sur ce,

Par application de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Suivant l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. L'article 566 ajoute que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Dans la présente affaire, il n'est pas sérieusement contesté qu'aucune demande relative à une demande de remboursement de retenues illégitimes et au paiement d'un reliquat d'indemnité de licenciement n'était soutenue devant les premiers juges par M. [Z] qui formulait uniquement les demandes suivantes :

«A titre principal, juger nul l'avertissement notifié le 5 octobre 2020

Subsidiairement, l'annuler au vu de son caractère injustifié

Dans tous les cas,

Condamner la société Keolis à verser à M. [Z] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts consécutifs à l'annulation de l'avertissement

Condamner la société Keolis à verser à M. [Z] la somme de 684,19 euros à titre de rappel d'heures de délégation non payées pour les mois de novembre et décembre 2020 outre 68,42 euros au titre des congés payés afférents

Condamner la société Keolis à verser à M. [Z] la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité spécifique réparant le manquement de la société Keolis à son obligation de prévenir les actes de harcèlement dans l'entreprise

Condamner la société Keolis à verser à M. [Z] la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner la société Keolis aux entiers dépens

Ordonner l'exécution provisoire

Juger que les sommes allouées à M. [Z] porteront intérêts au taux légal à compter de la demande.»

La demande en paiement d'un rappel au titre de l'exécution du contrat de travail, qui pouvait tout à fait être invoquée dès la première instance dès lors qu'elle n'est pas la conséquence d'un élément nouveau intervenu postérieurement, ne tend pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, et n'est pas l'accessoire ou le complément des prétentions formées en première instance. Il sera observé que l'existence de retenues illégitimes ne figurait pas même dans les développements de M. [Z] au soutien de sa demande d'indemnisation d'un préjudice résultant de l'absence de prévention du harcèlement moral par l'employeur. Par ailleurs, cette demande nouvelle n'est pas destinée à faire écarter les prétentions adverses ou faire juger la question née de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Elle est dès lors irrecevable.

Il n'en va pas de même de la demande en paiement d'un reliquat d'indemnité de licenciement dès lors qu'elle est la conséquence de la rupture et du solde de tout compte établi par l'employeur, et donc d'un élément nouveau intervenu postérieurement au jugement. Elle est donc recevable.

2. Sur l'annulation de l'avertissement du 5 octobre 2020

M. [Z] fait valoir que l'avertissement doit être annulé en ce qu'il sanctionne l'exercice de son mandat électif et que les griefs qu'il conteste, soit sont prescrits, soit ne sont pas établis. Il estime que la sanction est la conséquence de ses engagements en tant que représentant du personnel. La société Keolis conteste quant à elle tout caractère discriminatoire de l'avertissement adressé à M. [Z], qui ne précise d'ailleurs pas selon elle explicitement le motif de discrimination qu'il subirait. Elle soutient que l'avertissement est parfaitement justifié du fait des griefs reprochés qui sont établis, et estime qu'en tout état de cause, M. [Z] ne justifie pas d'un préjudice lié à cet avertissement.

Sur ce,

Il résulte des dispositions de l'article L.1333-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire, la juridiction saisie apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l'employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction et qu'au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'elle estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Aux termes de l'article L.1333-2 du même code, la juridiction peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Il résulte de l'article L.1134-1 du code du travail qu'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe ensuite à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire de cette mesure d'établir que sa décision est justifiée par des critères objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, l'avertissement notifié à M. [Z] le 5 octobre 2020 est ainsi libellé : « Par courrier du 07 septembre 2020, vous avez été convoqué pour un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement, qui s'est tenu le 21 septembre 2020 dans nos locaux de [Localité 6], entretien auquel vous vous êtes présenté accompagné de Monsieur [E] [H], représentant du personnel.

Nous précisons que vous vous êtes présenté à 10h35 alors même que l'heure de la convocation était prévue à 10h00. Par ailleurs, nous précisons également que, avant de débuter cet entretien, vous avez souhaité être assisté par deux représentants. Nous vous avons alors rappelé l'article L.1332-2 du code du travail (...)

Lors de cet entretien, nous avons pu vous exposer les faits qui nous ont conduits à engager cette procédure disciplinaire dans le but de pouvoir recueillir vos explications. En préambule de l'entretien, Monsieur[H]h [E] nous a expliqué que vous ne souhaitiez pas prendre la parole durant cet entretien et que, par conséquent, ce dernier parlerait en votre nom.

Dernièrement, nous avons eu à déplorer des manquements de votre part qui, malheureusement nuisent au service de qualité que nous nous devons d'apporter à nos clients et également à l'image de rigueur que nous nous efforçons de maintenir au quotidien.

En votre qualité de conducteur-receveur, vous devez respecter vos obligations concernant l'exécution de notre service et notamment le respect des règles internes qui prévalent au sein de notre organisation. A titre d'exemple, chaque matin les conducteurs en prise de service appellent l'exploitation pour prévenir de leur présence. Cela permet à l'exploitation de fiabiliser les services. Or, vous avez revendiqué à plusieurs reprises votre refus de vous pliez à cette règle en prétextant que vous n'étiez jamais en retard ni absent. Nous vous avons alors expliqué que ce refus dégradait les conditions de travail de vos collègues. De plus, il s'agit d'une règle commune à l'ensemble des salariés de l'entreprise et que le fait que vous refusiez de vous y soumettre pourrait s'apparenter à une insubordination. C'est parce que vous avez maintenu votre position que nous avons, parmi d'autres faits, été contraints de vous convoquer à un entretien disciplinaire. Lors de ce entretien, Monsieur [H] nous a indiqué qu'à l'avenir vous appelleriez l'exploitation conformément aux règles de Keolis Oise.

Autre fait, le 31 août dernier, Madame [X] vous a reçu pour vous expliquer la régularisation de votre mutuelle sur votre bulletin de salaire de janvier 2020. En effet, elle vous a reçu pendant plus d'une heure afin de vous détailler les éléments que vous ne compreniez pas. A la fin de cet entretien, et soucieuse de savoir si vous aviez compris cette régularisation, Madame [X] vous a demandé si tout était clair pour vous, question à laquelle vous avez répondu que vous aviez compris et vous ne reviendriez plus sur le sujet. Dans la continuité des faits, le 02 septembre 2020, lors d'un échange avec le service RH, vous avez interpellé Madame [U], chargée de missions RH, sur un ton agressif en précisant que Madame [X] était une « voleuse » et une « menteuse ». Les propos que vous avez eu à son égard, en plus d'être intolérables, sont diffamatoires. Lors de l'entretien, vous avez nié ce fait.

Autres faits, en date du 10 juin dernier, vous avez eu un entretien avec Monsieur [M], responsable de production et moi-même durant lequel vous avez exprimé le souhait de travailler plus. Nous vous avons alors répondu que votre gamme serait modifiée à la rentrée. Immédiatement, vous avez manifesté un comportement impulsif en quittant mon bureau et en vous adressant à moi et à Monsieur [M] sur un ton agressif et menaçant. Nous avons ainsi tenté de vous calmer en vous rappelant que votre comportement n'était pas exemplaire.

Toujours de façon impulsive, vous vous êtes rendu sur le site de [Localité 6] afin d'interpeller le responsable planning avec insistance concernant un sujet évoqué ensemble lors de l'entretien.

Par ailleurs, lors de la réunion comité économique et social du 02 juin, vous avez une fois de plus manifesté une attitude impulsive générant un climat d'insécurité. En effet, vous vous êtes emporté concernant un sujet sur lequel nous n'étions pas d'accord à tel point que nous avons été contraints de demander à l'un des élus présents de vous calmer.

De façon générale, vous avez une attitude agressive et malheureusement celle-ci ne contribue nulle part à favoriser une ambiance de travail saine. Dès lors que nous ne sommes pas d'accord avec vous, vous entrez en conflit immédiatement et manifestez de toute évidence une défiance qui se traduit par de l'agressivité.

Pour finir, nous tenons à vous préciser que la communication que nous souhaitons établir avec vous est trop souvent houleuse et que par vos agissements vous dégradez les conditions de travail de nos collaborateurs en instaurant un climat anxiogène.

En conséquence et après réflexion, c'est donc dans ces conditions que nous vous notifions par la présente un avertissement et dont le double sera versé à votre dossier.

Immédiatement, nous vous invitons à changer votre comportement et à respecter strictement les règlements applicables au sein de notre entreprise. A défaut, nous nous verrions dans l'obligation d'envisager une sanction disciplinaire plus contraignante. »

Il est ainsi reproché au salarié une insubordination et un comportement inadapté.

A titre liminaire, alors que la société soutient que la plupart des attestations versées aux débats par M. [Z] doivent être rejetées, il convient de souligner que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité et que les attestations litigieuses, certes non conformes, présentent toutefois des garanties suffisantes pour permettre à la cour de se forger une conviction sur la valeur et la portée des éléments qu'elles contiennent.

Il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats ces attestations et il conviendra d'analyser leur caractère probant.

M. [Z] soutient tout d'abord de façon non équivoque, que l'avertissement est discriminatoire en ce qu'il sanctionne l'exercice de son mandat électif lors de l'envoi d'un courrier à l'inspection du travail pour dénoncer la violation des règles sanitaires s'imposant dans le contexte du Covid 19. Or, s'il produit un courrier destiné à l'inspection du travail du 5 septembre 2020 pour dénoncer la violation des règles sanitaires s'imposant dans le contexte du Covid 19, et un courriel de M. [H], délégué syndical, du 6 septembre suivant, adressant ce document à l'inspection du travail, à la médecine du travail et à plusieurs représentants du personnel en précisant qu'il avait préalablement été transmis à l'employeur, rien au dossier ne permet cependant de vérifier cette affirmation contestée par la société, qui n'était pas en copie de ce courriel. Il n'est ainsi pas établi que l'employeur en aurait eu connaissance avant l'envoi de la convocation à l'entretien préalable voire au moment de la notification de la sanction, et M. [Z] ne présente donc pas d'élément propres à établir la matérialité de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre en raison de l'exercice de son mandat électif.

M. [Z] conteste ensuite les griefs, soulignant que les faits fautifs reprochés dans le cadre du second grief sont prescrits.

S'agissant du grief d'insubordination, il ne conteste pas les faits mais conteste en revanche l'existence de consignes de l'employeur portées à sa connaissance. Pourtant, pour justifier la réalité de règles organisationnelles en vigueur au sein de la société au moment des faits et qui auraient été portées à la connaissance du salarié avant les faits, la société produit un règlement intérieur de la société du 11 mars 2022 postérieur et donc dépourvu de toute force probante. L'employeur produit également un document intitulé «option portable personnel» du 1er avril 2010 signé par M. [Z] sous la mention dactylographiée «j'ai bien noté mes obligations (...) Appeler chaque jour à la prise de service pour pointage (...)», un document portant le même intitulé daté du 7 janvier 2016 mais non signé et donc dépourvu de force probante, ainsi qu'un document intitulé «indemnité téléphonique» signé par le salarié le 16 novembre 2021 mentionnant les obligations imposées au signataire, et dont il ressort qu'il ne reprenait pas l'obligation mentionnée dans le document du 1er avril 2010. Ainsi, en l'absence de tout document justifiant que l'obligation était toujours en vigueur en 2020 et le cas échéant que le salarié avait connaissance du maintien de cette consigne, alors qu'en 2021 elle ne faisait plus partie des obligations lui étant rappelées, il subsiste à tout le moins un doute à tout le moins quant au caractère délibéré du comportement de M. [Z] devant profiter au salarié. Le seul fait que, lors de l'entretien préalable, au regard des explications de la direction, le conseiller salarié indique que désormais le salarié respecterait cette obligation, ne saurait suffire à évacuer ce doute raisonnable. Le grief n'est donc pas établi.

S'agissant du comportement inadapté, il est reproché à M. [Z] d'avoir, le 2 septembre 2020, tenu à Mme [U] des propos insultants et diffamatoires concernant Mme [X], responsable des ressources humaines. L'employeur produit, à l'appui de ses allégations, une attestation de Mme [U] contredite par le témoignage de M. [Y] produit en pièce n°30, qui accompagnait le salarié ce jour là. Il s'ensuit qu'un doute raisonnable subsiste, qui doit profiter au salarié.

Il est également reproché à M. [Z] d'avoir adopté un comportement agressif à l'égard du directeur, du responsable de production, et du responsable planning le 10 juin 2020, et de s'être emporté lors de la réunion du comité économique et social du 2 juin 2020 de façon disproportionnée à l'occasion d'un désaccord, comportement ayant nécessité l'intervention de l'un des élus présents pour qu'il retrouve son calme. Or, les faits pouvant justifier une sanction disciplinaire à l'égard du salarié doivent avoir été accomplis dans un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a connaissance, cette règle ne souffrant que deux exceptions, la réitération du comportement ou son maintien durant les deux mois en question. A défaut de tout élément sur une découverte tardive de la commission des faits reprochés, moins de deux mois avant d'engager la procédure disciplinaire en septembre 2020, de la réitération ou de la persistance du comportement allégué en juin 2020, les faits reprochés à M. [Z] sont donc prescrits.

Il ressort ainsi de l'ensemble de ces éléments que les faits reprochés à M. [Z] fondant son avertissement, soit étaient prescrits lorsque la procédure a été initiée, soit ne sont pas matériellement établis. Le jugement entrepris ayant annulé la sanction sera donc confirmé.

La sanction injustifiée a causé un préjudice à M. [Z] qui sera intégralement indemnisé par la somme de 500 euros exactement évaluée par les premiers juges.

3. Sur la demande de rappel d'heures de délégation

M. [Z] fait valoir que la société ne lui a pas payé 25,14 heures et 33,69 heures de salaire, correspondant à des heures de délégations effectuées aux mois d'octobre et novembre 2020. Il conteste ne pas être resté à la disposition de l'employeur après ses heures de délégation lorsqu'elles se terminaient avant l'heure de fin de ses heures de travail, en particulier le 1er octobre 2020. La société Keolis répond que les heures de délégations non rémunérées alléguées concernent des heures de délégation mutualisées par le salarié et l'absence injustifiée le 1er octobre 2020 dès lors que M. [Z] n'a pas repris son service après ses heures de délégation, ce qu'il faisait régulièrement.

Sur ce,

Les représentants du personnel qu'ils soient élus ou désignés disposent pour l'exercice de leurs missions d'un crédit d'heures mensuel de délégation. Les heures de délégations sont de plein droit considérées comme du temps de travail effectif et payées à l'échéance normale.

Les crédits d'heures bénéficient d'une présomption de bonne utilisation, qui ne reçoit toutefois pas application en cas de dépassement du crédit d'heures. Dans une telle hypothèse, l'employeur est en droit de ne pas régler le salaire afférent à un tel dépassement effectué au détriment des heures de travail.

En l'espèce, le litige ne porte pas sur le nombre d'heures de délégation octroyé à M. [Z] en sa qualité de représentant du personnel au sein du comité économique et social, mais sur le nombre d'heures de délégation dont le salarié pouvait bénéficier au regard d'une mutualisation alléguée par l'employeur et contestée par M. [Z], et de l'absence du salarié à son poste de travail à l'issue de l'accomplissement des heures de délégations le 1er octobre 2020.

L'article 5 de l'accord du 2 juillet 2019 relatif à la mise en place et au fonctionnement du comité économique et social prévoit un crédit d'heures mensuel de 22 heures pour les membres du comité économique et social, pouvant être utilisé en une ou plusieurs fois, ou partagé entre les membres du comité économique et social sans qu'un membre ne dispose plus de 33 heures par mois. Le crédit d'heures est reportable le mois suivant dans la limite d'un tiers (11 heures).

Il n'est pas contesté que M. [Z] disposait de 33 heures de délégation en octobre comme en novembre 2020. L'employeur produit cependant des courriels du délégué syndical de la CFDT des 1er et 8 octobre, 6 et 17 novembre 2020 dont il ressort (ce qui est précisé dans l'objet ou l'intitulé de la pièce jointe des messages) qu'ils concernent tous la mutualisation de ses heures de délégation par M. [Z], avec la précision les 1er octobre et 6 novembre que cette mutualisation concerne Mme [G], et les 8 octobre et 17 novembre qu'elle concerne M. [H]. Les pièces jointes sont également produites, dont il ressort que :

- dans la pièce jointe au message du 1er octobre 2020, M. [Z] précise sans équivoque en objet « répartition de mes heures de délégation restant, pour le mois d'octobre 2020 », et indique consentir à répartir 10 heures à Mme [G] sur son crédit d'heure de délégation restant,

- dans la pièce jointe au message du 8 octobre 2020, M. [Z] précise sans équivoque en objet « répartition de mes heures de délégation restant, pour le mois d'octobre 2020 », et indique consentir à répartir 20 heures à M. [H] sur son crédit d'heure de délégation restant,

- dans la pièce jointe au message du 6 novembre 2020, M. [Z] qui précise sans équivoque en objet « répartition de mes heures de délégation restant, pour le mois de novembre 2020 », et indique consentir à répartir 10 heures à Mme [G] sur son crédit d'heure de délégation restant,

- dans la pièce jointe au message du 17 novembre 2020, M. [Z] précise sans équivoque en objet « répartition de mes heures de délégation restant, pour le mois de novembre 2020», et indique consentir à répartir 20 heures à M. [H] sur son crédit d'heure de délégation restant.

Ainsi, le salarié ne peut sérieusement contester sans aucun élément utile contraire, avoir effectivement partagé 30 heures de délégation en octobre comme en novembre 2020 dont il ne saurait légitimement réclamer le paiement au titre de bons de délégation portant sur ces mêmes heures.

Par ailleurs, si, selon l'article L.2314-1 du code du travail, le temps accordé à l'exercice de son mandat peut être augmenté pour des circonstances exceptionnelles dès lors que l'élu doit prendre tout le temps nécessaire à l'exercice de son mandat, il doit néanmoins justifier de ces circonstances exceptionnelles s'il dépasse son crédit d'heures de délégation pour pouvoir obtenir le paiement de ces heures comme du temps de travail, ce que ne fait pas M. [Z] en ce qui concerne la journée du 1er octobre 2020, alors qu'il ne conteste pourtant pas ne pas avoir repris son poste de travail après 17h15 malgré une fin de service prévue à 18h09. Il ne justifie pas non plus avoir pris contact avec l'employeur qui l'aurait dispensé de s'y présenter et affirme sans élément à l'appui qu'il se serait malgré tout tenu à la disposition de l'employeur (sans même préciser le lieu où il se trouvait).

M. [Z], qui a ainsi dépassé le nombre d'heures de délégation dont il disposait du fait de plusieurs mutualisations, et était en absence injustifiée le 1er octobre 2020 de 17h15 à 18h09, ne justifie pas ne pas avoir été rempli de ses droits pour ses heures de délégation effectivement exercées dans la limite ci-dessus énoncée en octobre et novembre 2020, de sorte que la retenue de salaire pratiquée était fondée. Il convient donc de confirmer le jugement entrepris.

4. Sur l'obligation de prévention du harcèlement moral

M. [Z] soutient avoir été victime d'un harcèlement moral à compter de 2016, ce que conteste l'employeur.

Sur ce,

Contrairement aux motifs qu'il développe, l'appel de M. [Z] tel qu'il est circonscrit par le dispositif de ses dernières conclusions ne tend pas à la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages et intérêts pour un harcèlement moral, mais uniquement à sa condamnation à lui payer des dommages et intérêts pour un manquement à son obligation de prévention du harcèlement moral. En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statuera donc que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

L'article L.4121-1 du code du travail prévoit que l'employeur doit prendre toutes les mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs : actions de prévention, de formation et d'information et mise en place d'une organisation et de moyens appropriés et adaptés conformément aux principes généraux de la prévention énumérés à l'article L4121-2 du même code.

L'interdiction du harcèlement moral constitue une déclinaison de l'obligation faite à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs par l'article L.4121-1.

Ne méconnait pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures nécessaires prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

Selon l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par l'employeur ou un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, l'article L.1154-1 du code du travail dispose que le salarié doit établir la matérialité de faits permettant de présumer l'existence du harcèlement moral, à charge ensuite pour l'employeur de rapporter la preuve que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs de harcèlement et s'expliquent par des éléments objectifs.

Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs.

Il résulte enfin des articles L.1152-1, L.4121-1 et L.4121-2 du même code que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

En l'espèce, M. [Z] soutient que l'employeur a manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral, et allègue un préjudice moral du fait d'un harcèlement moral subi depuis 2016, et ce, malgré plusieurs alertes sur les conditions de travail. Il produit à ce titre :

- un courrier de la médecine du travail du 14 novembre 2017 adressé à l'employeur dont il ressort qu' «en tant que spécialiste en santé au travail», le médecin du travail précisait au directeur du secteur Oise et à la responsable des ressources humaines de l'entreprise, être «très préoccupée par la prévention des risques psychosociaux au sein de votre filiale Keolis Oise.», compte tenu d'un stress important parmi plusieurs salariés, de l'absentéisme en augmentation régulière sur l'année écoulée, aux arrêts de travail et au nombre de départs par démission en allégeant des «difficultés professionnelles» ou licenciement depuis 2016 ;

- plusieurs alertes de la part des représentants du personnel adressés à la médecine du travail et à l'employeur en 2016 en ce qui concerne les conditions de travail dans la société.

Pour autant, la société Keolis ne justifie pas de la moindre mesure de prévention en vigueur dans l'entreprise.

Le manquement est donc établi. Pour démontrer la réalité d'un préjudice, M. [Z] soutient avoir subi des faits de harcèlement moral au sein de la société, ses conditions de travail s'étant dégradées à compter de 2016, en ce que l'employeur :

- l'a pris à partie en raison des revendications légitimes qu'il portait en sa qualité d'élu du personnel,

- a tenté de le pousser à la démission,

- lui a notifié un avertissement abusif le 5 octobre 2020 en représailles à son courrier du 5 septembre 2020 à l'occasion duquel il informait l'inspection du travail de la gestion catastrophique des cas de Covid-19 au sein de la société et du non-respect du protocole sanitaire en vigueur,

- a refusé de lui payer des heures de délégation et lui a imposé des sanctions pécuniaires déguisées, d'une part en procédant à des régularisations sur salaires au motif d'indemnités journalières de sécurité sociale prétendument indues dans le seul but de l'asphyxier financièrement, lui imposant ainsi des bulletins de paie négatifs à compter de février 2023, d'autre part en tardant à lui verser les indemnités journalières perçues par la sécurité sociale dans le cadre de la subrogation mise en place contrairement aux engagements pris dans le cadre d'un accord du 3 mars 2022, et enfin en ayant réduit son indemnité de licenciement à 2 943,48 euros alors que pour une ancienneté de 10 ans et 2 mois il aurait dû percevoir 4 327,12 euros,

- a subitement modifié à la baisse ses plannings de travail en évitant de le faire travailler sur le temps des repas le privant ainsi de 4 des paniers repas dont il bénéficiait auparavant, au seul motif qu'il était représentant du personnel à compter du 31 août 2020 après qu'il ait alerté par mail du 3 juin sur des problématiques relatives à la rémunération rencontrées par les salariés de l'entreprise ayant constaté des irrégularités de paiement, et par mail du 6 juin 2020 sur des problèmes de transmission des arrêts pour garde d'enfant et des attestations de salaire à la sécurité sociale.

Il souligne ailleurs avoir déposé une main courante le 8 octobre 2020 pour dénoncer les faits infligés par l'employeur. Toutefois, alors qu'il est mentionné dans le document que l'identité de la personne se déclarant être M. [Z] n'a pu être authentifiée par la gendarmerie, cette main courante ne fait en tout état de cause, à supposer même la difficulté liée à l'identité levée, que reprendre ses propres déclarations. Le document est ainsi dans tous les cas d'une force probante extrêmement limitée.

Il produit des attestations selon lui « établissant le harcèlement moral » sans plus d'explication. Ainsi, il ne présente aucunement les faits qui, selon lui, seraient constitutifs d'un harcèlement moral, mais se contente de renvoyer à des attestations au demeurant d'ordre général et insuffisamment circonstanciées, alors que la cour n'est pas tenue de rechercher dans l'ensemble des éléments évoqués dans ces attestations ceux qui pourraient venir caractériser un harcèlement moral.

La réalité d'heures de délégation impayées et de sanctions pécuniaires déguisées n'est par ailleurs pas matériellement établie. M. [Z] n'étaye pas non plus ses allégations d'ordre général quant au fait d'avoir été pris à partie par la société, quant au retard de versement des indemnités journalières perçues par la sécurité sociale dans le cadre de la subrogation mise en place contrairement aux engagements pris dans le cadre d'un accord du 3 mars 2022, ou quant à la tentative par celle-ci de le pousser à la démission.

M. [Z] justifie en revanche que sa gamme de travail a été modifiée à compter d'août 2020.

Il justifie certes avoir envoyé un courriel alertant l'employeur sur un problème de rémunération de salariés suite aux arrêts maladie et chômage partiel le 3 juin 2020, et la réponse de l'employeur lui indiquant qu'il va faire un point pour «apporter une réponse plus précise», mais ne produit cependant pas la réponse ni aucune relance. Cet élément incomplet ne saurait donc caractériser la répression alléguée alors que rien au dossier ne permet de rapprocher cet échange du comportement reproché plusieurs mois après à l'employeur, en août 2020.

Par ailleurs, il ne justifie pas d'un courriel de réclamation envoyé le 6 juin 2020 à l'employeur. S'il produit une réponse de l'employeur le 12 mai 2020 à un courriel qu'il avait précédemment envoyé sur une difficulté liée aux fiches de paie qui semble correspondre aux allégations datées de juin 2020, qui n'est cependant pas versé aux débats, alors qu'il ressort du courriel de l'employeur de mai 2020 uniquement qu'il lui confirme que les bulletins de paie ont été envoyés au domicile de chacun des salariés en expliquant le retard par les délais d'acheminement de la poste plus longs du fait des jours fériés et du ralentissement de l'activité de la poste, et qu'il confirme par ailleurs la régularisation de ses périodes d'arrêt pour garde d'enfants. Rien au dossier ne permet de lier ce courriel de mai 2020 auquel une réponse a été apportée et le comportement reproché plusieurs mois après à l'employeur, en août 2020.

M. [Z] justifie par ailleurs qu'à compter de février 2023, la société a procédé à des régularisations sur salaires au motif de 4 891,93 euros d'indemnités journalières de sécurité sociale trop perçues pour la période du 1er octobre 2022 au 6 janvier 2023.

Il justifie également avoir reçu un avertissement le 5 octobre 2020, dont le caractère injustifié ressort des développements qui précèdent, sans toutefois étayer ses allégations d'une sanction en représailles à un courrier de dénonciation du 5 septembre, la seule concordance des dates ne pouvant sur ce point suffire alors même que rien ne justifie que l'employeur en ait eu connaissance au moment de l'engagement de la procédure disciplinaire voire au moment de la notification de la sanction, et M. [Z] ne présente donc pas d'élément propres à établir la matérialité des représailles alléguées.

Enfin, le montant de l'indemnité doit être déterminé sur la base de la rémunération brute perçue par le salarié dont peuvent seulement être déduites les sommes représentant le remboursement de frais exposés pour l'exécution du travail. Après vérification, il apparaît que M. [Z] aurait dû percevoir une indemnité de licenciement de 3 950,85euros, sur la base d'un salaire moyen de 1 693,22 euros calculé selon la formule la plus avantageuse pour le salarié sur les 12 mois ayant précédé la notification du licenciement, pour une ancienneté de 9 ans et 4 mois (du 5 mai 2013 compte tenu de la reprise d'ancienneté au 12 juillet 2023, date de la notification du licenciement compte tenu de l'inaptitude, déduction faite des périodes de suspension du contrat de travail de M. [Z] qui n'entrent pas en compte pour le calcul de l'indemnité légale dès lors qu'elles ne sont pas assimilées à un travail effectif pour le calcul de l'ancienneté). Il reste donc dû la somme de 1 007,38 euros.

Quant à la plainte du 30 mars 2021 dont M. [Z] se prévaut, elle concerne un vol en décembre 2019 de ses plannings dans son casier pendant son arrêt de travail, sans que rien ne permette de l'imputer à l'employeur.

Il estime que la dégradation de ses conditions de travail a conduit à l'altération de son état de santé et produit à l'appui de ses allégations :

- ses arrêts de travail de droit commun à compter du 6 janvier 2021 à fin octobre 2021, avec reprise de ses fonctions en novembre 2021 dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ;

- un certificat médical de son médecin traitant du 13 avril 2021 et des prescriptions de janvier, février et mars 2021 dont il ressort qu'il l'a suivi depuis le mois de janvier pour un état anxiodépressif réactionnel et que «le patient est sous traitement au long cours» ;

- un courriel adressé à la médecine du travail pour solliciter un rendez-vous le 8 janvier 2021 dans lequel il dénonce des faits de harcèlement moral subis depuis septembre 2020, qui ne fait cependant que reprendre ses propres déclarations et ne peut donc servir à justifier des faits incriminés ;

- son dossier de la médecine du travail dont il ressort que l'état de santé du salarié s'est dégradé à compter de janvier 2021 et qu'en septembre 2022, celui-ci s'est plaint de ses conditions de travail au médecin du travail qui a reproduit certains de ses propos sans, à l'évidence, pouvoir témoigner de faits réels personnellement constatés ;

- l'avis d'inaptitude du 3 avril 2023 avec la précision que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Enfin, l'employeur conteste les allégations non étayées de M. [Z] selon lesquelles il aurait contracté le Covid-19 dans le cadre de l'exécution de ses missions au sein de la société Keolis.

Les faits matériellement établis sont donc les suivants :

- un avertissement injustifié le 5 octobre 2020,

- la modification de sa gamme de travail à compter d'août 2020,

- la dégradation de son état de santé à compter de mai 2021 ;

- les retenues opérées sur son bulletin de salaire pour un montant total de 4 891,91 euros à compter de février 2023,

- une indemnité de licenciement insuffisante payée au titre de la rupture du contrat de travail intervenue le 12 juillet 2023.

De ces éléments restants, pris dans leur ensemble, il ressort que M. [Z] établit la matérialité de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

La société justifie que la modification de gamme de travail augmentant le nombre de services à effectuer sur l'année scolaire 2020/2021 à compter de septembre 2020, a concerné M. [Z] à compter de la rentrée scolaire en raison d'une insuffisance d'horaire de plus de 200 heures constatée sur l'année scolaire 2019/2020. Il est également établi que ces aménagements, au demeurant conformes aux dispositions contractuelles, n'ont pas concerné que M. [Z] mais ont affecté 39 autres conducteurs, ce que le salarié ne conteste pas utilement. Il est par ailleurs relevé que les changements de plannings interviennent régulièrement pour faire coïncider le travail effectif avec la durée de travail prévue au contrat de travail. De la même manière, la perte de primes de panier a également concerné plusieurs autres salariés. Le fait matériellement établi est donc justifié (Cf: notamment pièces 4, 12 et 13) par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

La société Keolis justifie par ailleurs avoir opéré une retenue sur salaire pour un montant de 4 891,93 euros en raison d'arrêts de travail du 1er octobre 2022 au 6 janvier 2023 non médicalement justifiés, les indemnités journalières de la sécurité sociale devant donc être remboursées à la demande de la Caisse d'assurance maladie par courrier du 24 janvier 2023, de même que le complément de salaire également versé du fait d'arrêts de travail non médicalement justifiés et non pris en charge par la sécurité sociale. La retenue est donc justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

L'employeur souligne par ailleurs l'absence de signalement par le médecin du travail à l'employeur concernant un harcèlement moral subi par M. [Z] et le fait qu'il a validé sans réserve une reprise à temps partiel thérapeutique prescrit par le médecin traitant avec avis du médecin conseil de la Caisse d'assurance maladie en novembre 2021.

L'employeur produit encore un calcul erroné de l'indemnité de licenciement, et prouve ainsi par un élément objectif le montant insuffisant payé en juillet 2023.

Cependant, il échoue à justifier par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral la sanction intervenue le 5 octobre 2020.

Ce seul élément restant est néanmoins insuffisant pour caractériser un harcèlement moral, et quand bien même la société Keolis n'a pas respecté son obligation de prévention, le lien de causalité entre cet élément et la dégradation de l'état de santé de M. [Z] n'est pas établi.

Faute pour le salarié de justifier d'un préjudice au titre du manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral, la demande indemnitaire ne peut qu'être rejetée et la décision déférée de ce chef confirmée.

5. Sur les autres demandes

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer la décision déférée en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Keolis, qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. [Z] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par décision contradictoire mise à disposition au greffe,

Confirme la décision déférée en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande nouvelle de M. [Z] en paiement d'un rappel au titre de retenues illégitimes ;

Déclare recevable la demande en paiement d'un reliquat d'indemnité de licenciement ;

Condamne la société Keolis à payer à M. [Z] un reliquat de 1 007,38 euros d'indemnité de licenciement ;

Dit que les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à partir de la décision qui les prononce (soit le 30 décembre 2022 pour les dommages et intérêts consécutifs à l'annulation de l'avertissement) ;

Condamne la société Keolis à payer à M. [Z] 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Keolis aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/00644
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.00644 ?
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