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04/04/2024 | FRANCE | N°23/00089

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 04 avril 2024, 23/00089


ARRET







[E]





C/



S.A.S. PARCS ET SPORTS IDF

































































copie exécutoire

le 04 avril 2024

à

Me BOUDJENANE

Me VANDEVELDE-

PETIT

CBO/IL/



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET D

U 04 AVRIL 2024



*************************************************************

N° RG 23/00089 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IUMV



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 24 NOVEMBRE 2022 (référence dossier N° RG F 21/00260)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [N] [E]

née le 29 Octobre 1973 à [Localité 2]

de nationalité Française

[...

ARRET

[E]

C/

S.A.S. PARCS ET SPORTS IDF

copie exécutoire

le 04 avril 2024

à

Me BOUDJENANE

Me VANDEVELDE-

PETIT

CBO/IL/

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 04 AVRIL 2024

*************************************************************

N° RG 23/00089 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IUMV

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 24 NOVEMBRE 2022 (référence dossier N° RG F 21/00260)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [N] [E]

née le 29 Octobre 1973 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

concluant par Me Mehdi BOUDJENANE, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

S.A.S. PARCS ET SPORTS IDF

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée, concluant et plaidant par Me Murielle VANDEVELDE-PETIT de la SELAS KPMG AVOCATS, avocat au barreau de LYON, substituée par Me William DULAC, avocat au barreau de LYON

DEBATS :

A l'audience publique du 08 février 2024, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Madame Corinne BOULOGNE en son rapport,

- l'avocat en ses conclusions et plaidoirie.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 04 avril 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 04 avril 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [E], née le 29 octobre 1973, a été embauchée à compter du 21 juillet 2008 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société Express gazon, devenue la société Parcs et sports IDF, ci-après dénommée la société ou l'employeur, en qualité de directrice d'agence.

La société Parcs et sports IDF emploie plus de 10 salariés.

La convention collective applicable est celle du personnel d'encadrement des entreprises paysagistes.

Par courrier du 6 juillet 2020, Mme [E] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 17 juillet 2020.

Au cours de l'entretien préalable, elle s'est vue remettre un dossier de contrat de sécurisation professionnelle, ainsi qu'une liste de proposition de reclassement.

Le 2 juillet 2020, Mme [E] a été licenciée pour motif économique, par lettre ainsi libellée :

« Madame,

Nous faisons suite à notre entretien préalable qui s'est déroulé le 17 juillet 202D auquel vous avez été régulièrement convoquée et auquel vous vous êtes présentée, accompagnée par M. [S] [G].

Nous vous informons que nous sommes contraints de poursuivre à votre égard notre projet de licenciement pour motif économique et de supprimer votre poste de travail aux motifs suivants.

Le Groupe Parcs et Sports a pour activité l'aménagement et l'entretien des espaces paysagers ainsi que la création et l'aménagement des sols sportifs.

La société Parcs et Sports IDF est spécialisée dans la création et l'aménagement des terrains sportifs synthétiques pour 80% de son chiffre d'affaires.

Il s'agissait dans les années 2015/2016 d'un marché porteur auprès des collectivités locales.

En effet, la société réalisait en moyenne entre 10 et 15 terrains synthétiques en ile de France.

L'argument principal résidait dans le fait que les stades pouvaient être utilisés toute l'année avec un entretien limité. Il représentait par ailleurs un enjeu environnemental fort sans impacter la ressource en eau du fait de l'absence d'arrosage.

De nombreux acteurs du marché se sont positionnés sur ce créneau à l'origine d'une dégradation des marges commerciales, l'offre devenant supérieure à la demande et entrainant une baisse significative des prix de vente.

Ajoutée à cela une baisse sensible de la commande publique en 2018/2019 liée aux suspicions de composants cancérigènes dans la fabrication du gazon synthétique. La multiplication des reportages TV orientés en ce sens ayant une influence considérable sur le comportement des élus locaux.

La société Parcs et Sports IDF a subi de plein fouet cette crise qui s'est traduite par une chute de son chiffre d'affaires et de ses résultats

Le tableau ci-après résume la situation

La masse salariale, quant à elle, est restée constante en 2019 voire légèrement supérieure par rapport à 2018.

Le chiffre d'affaires des 4 premiers mois de l'année 2020 s'établit à 566928 € HT contre 870 519 euros au 30 avril 2019 soit une chute de 35%.

La baisse significative du chiffre d'affaires est ainsi continue depuis plus de deux trimestres consécutifs.

Les mois à venir s'annoncent sombres non seulement pour la société mais pour le Groupe essentiellement sur le secteur sportif et ce, pour plusieurs raisons :

- La crise liée à la Covid 19 qui a gelé toute activité économique pendant 3 mois

- La commande publique en berne en cette période électorale suspendue pendant la crise sanitaire

- Au-delà, les budgets d'investissements des collectivités locales provenant majoritairement des dotations de l'Etat, celles-ci vont fortement diminuer pour compenser les dépenses publiques liées au Covid 19 (prise en charge par l'Etat du chômage partiel)

- L'arrêt des championnats de football et des entraînements depuis mi-mars jusqu'à la reprise hypothétique cet automne

Par conséquent, compte tenu des difficultés avérées de la société Parcs et Sports IDF et d'un manque certain d'activité dans les mois qui viennent, il est envisagé une restructuration visant à sauvegarder la compétitivité de la société et le secteur d'activité du Groupe auquel elle appartient.

Cette restructuration passe par un allègement des charges salariales de la société Parcs et Sports IDF.

Il a été étudié tous les postes de travail aux fins de déterminer ceux dont la suppression impacterait le moins le fonctionnement de la société tout en assurant sa pérennité

Le départ de M. [H] [J] en retraite en janvier 2020 et de M. [D] [O] à la même date a conduit les nouveaux dirigeants à repenser les attributions de chacun en vue d'une mutualisation optimale.

Il est ainsi envisagé la suppression de 4 postes de travail

Le poste de Directeur d'agence

Le poste de Chef d'Equipe ' TAM

Un poste de secrétaire

Le poste d'assistant du bureau d'études

En effet, les fonctions actuellement exercées par la direction de l'agence seront assurées par la société Parcs et Sports par le biais de la direction générale Groupe et Filiales assistée des fonctions transversales Finances/Comptabilité et Ressources Humaines.

Et en raison de la baisse du chiffre d'affaires et des commandes à venir, les postes de chef d'équipe TAM, de secrétariat, d'assistant du bureau d'études ne sont plus justifiés.

Lors de la consultation du CSE en date du 26 juin 2020, nous avons défini conjointement les critères fixés pour l'ordre des licenciements en tenant compte de l'ensemble des critères légaux

Ainsi, une application stricte de l'ensemble des critères nous conduits à supprimer votre poste de travail.

Préalablement à cette décision envisagée, nous avons mené une large réflexion visant à vous proposer un reclassement à un emploi de la même catégorie, équivalent, voire inférieur assorti d'une rémunération équivalente voir différente.

Le 6 juillet dernier, par lettre recommandée avec accusé de réception, nous vous avons proposé 10 postes de reclassement :

- Un poste d'ouvrier paysagiste - entretien en CDI au sein de la Société PARC5 ET SPORTS LYON

- Un poste d'ouvrier paysagiste - entretien en CDD au sein de la Société PARCS ET SPORTS LYON
- Un poste de chef d'équipe création au sein de la Société PARCS ET SPORTS LYON

- Deux postes d'ouvrier paysagiste qualifié au sein de la Société SPORTS ET
PAYSAGES

- Un poste de chef d'équipe création - Maçon au sein de la Société SPORTS ET
PAYSAGES

- Un poste de conducteur de travaux au sein de la Société SPORTS ET PAYSAGE

- Un poste de responsable des études au sein de la Soclété SPORTS ET PAYSAGES

- Un poste de chef comptable confirmé au sein de la Société PARCS ET SPORTS LYON

- Un poste d'ouvrier agricole polyvalent au sein de la Société PARCS ET SPORTS IDF

Un délai supplémentaire de réflexion vous a été accordé jusqu'au 27 juillet 2020. Aussi, en l'absence de réponse au 27 juillet 2020 inclus, nous considérons que vous avez refusé les propositions qui vous ont été faites.

Par conséquent, en l'absence de toute autre solution et notamment de possibilité de reclassement que nous avons étudiée avec une grande attention, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique pour sauvegarder la compétitivité de la Société.

Nous vous rappelons qu'au cours de notre entretien préalable du 17 juillet 2020, nous vous avons proposé d'adhérer au Contrat de sécurisation professionnelle (CSP), conformément à l'article L1233-65 du Code du Travail.

Nous vous avons invité à en prendre attentivement connaissance et à prendre contact auprès du Pôle Emploi afin de convenir d'un rendez-vous pour que l'ensemble des mesures concernant ce CSP vous soit explicité.

Nous vous rappelons que vous disposez d'un délai de 21 jour calendaire pour nous faire part de votre volonté de bénéficier de ce dispositif, soit jusqu'au 7 août 2020.

En cas d'acceptation, nous vous remercions de nous adresser le volet détachable que vous trouverez dans le dossier de Contrat de sécurisation professionnelle, complété et signé.

SI vous manifestez votre accord pendant ce délai, votre contrat de travail sera rompu à compter de la date d'expiration du délai de réflexion de 21 jours, soit le 7 août 2020, sans exécution de préavis.

Vous bénéficieriez, dès le jour suivant la rupture du contrat de travail, du statut attaché au CSP, celui de stagiaire de la formation professionnelle.

Si vous refusez expressément d'adhérer ou si vous ne pouvez pas, compte tenu de votre situation, bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle ou à défaut de réponse au terme de ce délai de réflexion, vous serez licencié pour motif économique.

La présente lettre vaudra notification de licenciement pour motif économique.

Sa date de présentation à votre domicile fixera la date de départ de votre préavis de trois mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu, que nous vous dispensons d'effectuer. Il vous sera indemnité aux échéances normales lors de l'établissement des bulletins de salaire.

A l'issue de votre contrat de travail, nous tiendrons à votre disposition, votre solde de tout compte, votre certificat de travail et l'attestation destinée au POLE EMPLOI.

Durant l'année qui suivra la fin du préavis ou la rupture d'un commun accord, vous bénéficiez d'une priorité de réembauchage au sein de l'entreprise à condition de nous avoir informés dans les 12 mois suivant la fin du préavis de votre désir de faire valoir cette priorité.

Celle-ci concerne les postes compatibles avec votre qualification et également ceux qui correspondraient à une nouvelle qualification acquise après la rupture de votre contrat, sous réserve cependant que vous nous la fassiez connaître.

Nous vous informons également qu'en application des dispositions légales, les actions en contestation de la régularité ou de la validité du motif économique ou du licenciement doivent être engagées dans un délai de douze mois à compter de la notification de la présente ou à compter de la date d'adhésion au CSP.

En outre, nous vous informons qu'en application de la Loi de Sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013, vous conserverez, à titre gratuit, le bénéfice des garanties frais de santé et de prévoyance en vigueur au sein de l'entreprise et ce, pour une durée de 12 mois à compter de la date de cessation de votre contrat de travail.

Vous devrez pour cela justifier auprès de l'organisme de frais de santé et de prévoyance, par le biais du formulaire de demande de portabilité, de la cessation de votre contrat de travail, de votre prise en charge par le régime d'assurance chômage, ainsi que de l'ouverture chez votre dernier employeur de vos droits à remboursements complémentaires.

Nous attirons votre attention sur le fait que les garanties qui vous sont maintenues sont celles dont bénéficieront les salariés de l'entreprise pendant votre période de chômage, de telle sorte que toute évolution collective de ces garanties à compter de votre départ vous sera opposable.

Ce maintien des garanties est subordonné à votre prise en charge par le régime d'assurance chômage. Il cessera donc dès lors que vous aurez retrouvé un emploi, entraînant l'arrêt du versement des allocations chômage.

Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification, par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé.

Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.

Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de 15 jours suivant la notification du licenciement.

Enfin, nous levons toute clause de non concurrence. Vous êtes donc libre d'exercer toute activité de votre choix ».

Le 7 août 2020, elle a signé le contrat de sécurisation professionnelle proposé par son employeur.

Contestant la légitimité de son licenciement et ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Creil le 23 juillet 2021.

Par jugement du 24 novembre 2022, le conseil a :

jugé le licenciement économique de Mme [E] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

jugé que la société Parcs et sports IDF avait respecté son obligation de recherche de reclassement ;

jugé les critères d'ordre de licenciement inapplicables à Mme [E] ;

débouté Mme [E] de l'ensemble de ses demandes ;

condamné Mme [E] à payer à la société Parcs et sports IDF la somme de 1 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme [E], qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 mars 2023, demande à la cour de :

infirmer le jugement en ce qu'il a :

- jugé son licenciement économique fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- jugé que la société Parcs et sports IDF avait respecté son obligation de recherche de reclassement ;

- jugé que les critères d'ordre de licenciement lui étaient inapplicables ;

- l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il l'a condamnée au titre des frais irrépétible et des entiers dépens de l'instance.

Statuant à nouveau de,

dire et juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

condamner la société Parcs et sports IDF à lui payer la somme de 154 478,80 euros à titre d'indemnité' de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

à titre subsidiaire, condamner la société Parcs et sports IDF à lui payer la somme de 84 963,34 euros à titre d'indemnité' de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause,

condamner la société Parcs et sports IDF à lui payer les sommes suivantes :

- 23 171,82 euros au titre de l'indemnité' compensatrice de préavis ;

- 2 317,18 euros congés payés afférents au préavis ;

- 154 478,8 euros à titre principal et 84 963,34 euros à titre subsidiaire, en réparation du préjudice subi du fait de la violation des critères d'ordre de licenciement ;

- 30 000 euros à titre de dommage de dommages-intérêts ;

ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes à l'arrêt à intervenir ;

dire que s'appliquerons les intérêts au taux légal au jour de la saisine du conseil de prud'hommes sur l'intégralité' des condamnations ;

ordonner la capitalisation des intérêts ;

condamner la société Parcs et sports IDF à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Parcs et sports IDF, par dernières conclusions notifiés par la voie électronique le 28 novembre 2023, demande à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

condamner Mme [E] à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2024 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 8 février 2024.

MOTIFS

Sur le licenciement

Sur le licenciement verbal

La salariée prétend qu'avant même l'entretien préalable au licenciement le directeur général de la société et un membre du CSE l'avaient informé de son licenciement à venir ce qui équivaut à un licenciement verbal et donc sans cause réelle et sérieuse.

La société conteste avoir communiqué la décision de procéder au licenciement de la salariée avant la notification qui lui a été faite.

Sur ce

Le licenciement verbal entraîne la rupture du contrat de travail. L'existence d'un licenciement se déduit d'un acte par lequel l'employeur a manifesté sa volonté de mettre fin de façon irrévocable au contrat de travail. La preuve du licenciement verbal peut se faire par tout moyen.

Mme [E] verse aux débats un courriel qu'elle a adressé le 9 juillet 2020 à M. [K] directeur général le remerciant de l'avoir informée le 11 juin de la décision du groupe de la licencier pour motif économique s'étonnant que le nom des futurs licenciés dont le sien circulait dans l'entreprise depuis 3 semaines et que M. [W] (membre du CSE) l'interroge sur la réception de la lettre de licenciement.

L'employeur verse quant à lui la réponse de M. [K] à ce mail contestant qu'il lui aurait dit que le groupe avait décidé de la licencier pour motif économique même s'il avait évoqué la situation dramatique de la société et des mesures envisagées pour la redresser, qu'elle ne peut s'étonner que son nom circule s'il l'avait vraiment informée dès le 11 juin de la décision de la licencier.

M. [K] confirme les termes de ce courriel par une attestation et M. [W] témoigne quant à lui qu'il n'avait pas demandé à la salariée le 9 juillet 202 si elle avait reçu la lettre de licenciement, qu'il était tenu à une obligation de confidentialité sur les discussions tenues lors des réunions du CSE.

Ainsi la preuve d'un licenciement verbal n'est pas rapportée et ce moyen sera écarté, par confirmation du jugement.

Sur la cause économique

Mme [E] expose que le licenciement a été fondé sur la cause économique dûe à une baisse significative des prix de ventes en raison de la concurrence et à une baisse des commandes de gazon synthétique mais que la société n'apporte aucun élément sur sa situation financière, qu'en 2020 le chiffre d'affaires de la société mère était très élevé alors qu'elle se présentait comme en pleine croissance avec de nombreuses embauches à des conditions plus avantageuses que celles dont elle avait bénéficié et un investissement massif dans du matériel technologique de pointe ce qui contredit la nécessité de réduire les effectifs.

La société objecte que la cause économique était caractérisée, qu'elle verse aux débats ses comptes annuels de l'année 2020 alors que le contexte de crise sanitaire ne prévoyait pas la perspective de commandes par les collectivités publiques et l'arrêt des championnats de football pour l'automne 2020, que suite au départ en retraite de deux salariés il a été prévu de mutualiser ses attributions pour réduire les coûts alors que la projection de ceux-ci en gardant la salariée aggravait la situation financière ; que la situation s'est encore dégradée en 2021 du fait de l'effondrement de l'activité gazon synthétique le tout attesté par l'expert- comptable.

Sur ce

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi.

Ce n'est que si la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise est établie que sa réorganisation peut constituer un motif économique de licenciement. La sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l'amélioration des résultats, et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement. Le fait qu'une entreprise cherche à être plus performante ne justifie pas à lui seul une réorganisation se traduisant par des licenciements économiques, la survie de l'entreprise doit être en cause pour justifier une réorganisation entraînant des licenciements économiques.

La cour est tenue de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, mais elle ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en 'uvre de la réorganisation.

Le motif économique doit s'apprécier à la date du licenciement mais il peut être tenu compte d'éléments postérieurs à cette date permettant au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité.

C'est à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité des difficultés économiques.

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que Mme [E] a été licenciée pour motif économique dans le cadre d'une restructuration visant à sauvegarder la compétitivité et le secteur d'activités ; la lettre de licenciement mentionne notamment la baisse du chiffre d'affaires pendant les 4 premiers mois de l'année 2020 alors que la baisse des commandes avait déjà débuté avec des suspicions de composants cancérigènes dans le gazon synthétique et de mauvaises perspectives pour l'avenir du fait de la crise covid, de la diminution des budgets d'investissement des collectivités locales avec une commande publique en berne et l'arrêt du championnat de football.

La société Parcs et sports IDF produit aux débats les bilans des années de 2019 à 2021 qui révèlent que le compte de résultat de l'année 2019 est déficitaire de 303 688 euros, il l'a aussi été en 2020 avec un résultat négatif de 183 091 euros certes un peu moins mauvais mais négatif tout de même alors qu'en 2021 il était très légèrement positif de 11 009 euros mais il faut tenir compte des 4 licenciements intervenus en 2020 ce qui a diminué les charges salariales.

La cour relève qu'au jour du licenciement les résultats de la société Parcs et sports ne sont pas meilleurs puisque le compte de résultat de l'année 2020 est déficitaire de 144 091 euros alors que l'année précédente il était positif de 400 482 euros.

En outre M. [C] directeur administratif et financier atteste que le prêt garanti par l'Etat a bénéficié à la société Parcs et sports Lyon qui est l'actionnaire de la société Parcs et sports IDF et a effectué de nombreux apports en trésorerie et réalisé des abandons en compte courant pour 600 K euros entre 2018 et 2021, dont 200 K euros en décembre 2021 selon la convention produite aux débats. De surcroit l'expert-comptable atteste qu'à la demande du commissaire aux comptes en raison des résultats de la société pars et sports IDF la société a déprécié la valeur de ses titres afin de présenter une image fidèle de la situation financière et patrimoniale.

Il est constant que du fait du confinement les investissements des collectivités publiques ont diminué alors que les stades étant fermés au printemps avec peu de perspectives de renouvellement de contrats à l'automne, la perspective d'une amélioration des commandes n'était pas envisageable en 2020.

Enfin il n'est pas contesté que suite à des suspicions de substances cancérigène dans le gazon synthétique la société, dont l'une des activités essentielles était l'installation de tels gazons, a subi une baisse des commandes avec une perspective bouchée pour ce produit.

Lors de la réunion du CSE du 26 juin 2020 il avait été indiqué aux membres qu'il avait été étudié tous les postes de travail afin de déterminer ceux qui impacteraient le moins le fonctionnement de la société tout en assurant sa pérennité, qu'au regard du départ en retraite de deux salariés la suppression d'un poste de directeur d'agence était envisagée avec reprise de ses fonctions par la direction générale groupe et filiales assistée des fonctions transversales finances/comptabilité et ressources humaines.

De l'ensemble de ces éléments il résulte que la compétitivité tant de la société Parcs et sports IDF que de société Parcs et sports étaient obérées. Si par la suite la société a pu réembaucher notamment en diffusant des offres d'emploi en 2022, les données financières de 2020 ne permettaient pas d'anticiper une amélioration rapide de la situation.

Ainsi la réorganisation de la société apparaissait indispensable afin de réduire les charges salariales qui n'étaient plus en adéquation avec l'activité, la société ayant d'ailleurs procédé en outre au licenciement d'un technicien, d'une secrétaire et d'un assistant en bureau d'études ; il est caractérisé la nécessité de réorganisation du personnel pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, cette circonstance peut constituer un motif économique de licenciement.

La cour écartera ce moyen, par confirmation du jugement.

Sur le reclassement

La salariée expose que son poste de directrice d'agence étant supprimé pour être absorbé par la direction générale, la société n'explique pas en quoi elle n'aurait pas pu intégrer cette direction générale alors qu'elle a un profil polyvalent et de l'expérience, que les propositions de reclassement qui lui ont été faites étaient inadaptées et doivent être considérées comme déloyales alors que la société Parcs et sports IDF fait partie du groupe Parcs et sports avec plusieurs filiales en Ile de France.

L'employeur souligne avoir proposé 9 postes de reclassement possible qui ont été refusés par la salariée, qu'elle ne s'est pas manifestée pour avoir des informations sur les postes publiés lorsque l'activité économique a repris, ajoutant qu'elle justifie par la production du registre du personnel qu'il n'y avait pas de poste disponible pour la reclasser.

Sur ce

Selon l'article L.1233-4 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, « Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. »

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyen.

Le licenciement économique d'un salarié ne pouvant intervenir que si le reclassement de l'intéressé dans l'entreprise ou dans le groupe dont elle relève est impossible, il appartient à l'employeur de justifier qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ou qu'un reclassement était impossible.

Sauf dispositions conventionnelles étendant le périmètre du reclassement, l'employeur n'est pas tenu de rechercher des reclassements extérieurs à l'entreprise, lorsque celle-ci ne relève pas d'un groupe dans lequel des permutations d'emplois sont possibles.

L'employeur doit rechercher et proposer au salarié les postes disponibles avant tout licenciement économique et le reclassement doit être tenté avant la notification du licenciement.

Le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts.

En l'espèce, l'employeur justifie avoir proposé à Mme [E] 9 postes, à savoir 3 postes d'ouvrier, 2 postes de chef d'équipes, un poste de chef comptable, un poste de conducteur de travaux et un poste de responsable des études qu'elle a refusés étant précisé qu'elle a d'abord exercé en qualité de jardinière puis conductrice de travaux avant de devenir directrice d'agence.

L'employeur ayant fait choix de réduire les coûts salariaux en supprimant le poste de Mme [E] et en attribuant ses missions à la direction générale, l'affecter à cette direction n'aurait pas permis la réduction des coûts.

Si des offres d'emploi ont été diffusées en 2022 qui auraient pu convenir, tels chargé d'études, directeur administratif et financier, chef de culture, il convient de considérer le laps de temps qui s'est écoulé entre le licenciement et ces offres proposées alors que la situation sanitaire et économique était dégradée en 2020, l'employeur n'étant tenu de les offrir que dans le cadre de la priorité au réembauchage dans l'année qui suit le licenciement, ce qui en l'occurrence dans le cas de Mme [E] n'était pas indispensable, le délai d'un an étant expiré lors de la diffusion des postes à pourvoir.

Par ailleurs le poste d'ouvrier paysagiste proposé le 23 mars 2021 avait déjà été proposé à la salariée qui l'avait refusée il n'est pas indiqué la date de l'embauche de la responsable de communication. Enfin la photographie des salariés de l'équipe Ile de France n'est pas datée et n'est pas probante en ce qu'il ne peut en être déduit qu'un poste était disponible qui n'aurait pas été proposé à la salariée dans le cadre d'un reclassement.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur a loyalement rempli son obligation de reclassement. Par conséquent, la cour jugera, par confirmation du jugement que le licenciement de Mme [E] n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse et la déboutera de ses demandes indemnitaires.

Sur les critères d'ordre

Mme [E] fait valoir que l'employeur n'a pas indiqué les critères d'ordre qu'il a retenu.

La société rétorque que la salariée n'a pas sollicité la communication des critères d'ordre, qu'en tout état de cause elle était seule dans sa catégorie si bien qu'elle n'avait pas de choix à opérer.

Sur ce

L'article L 1233-5 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce dispose que « lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou d'accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements après consultation du comité social et économique.

Ces critères prennent en compte notamment :

1° les charges de famille, en particulier celles des parents isolés

2° l'ancienneté de service, dans l'établissement ou l'entreprise

3° la situation de salariés présentant des caractéristiques sociales rendant leur insertion professionnelle particulièrement difficile, notamment, celles des personnes handicapées et des salariés âgés

4° les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

Il n'a pas été établi par l'employeur un ordre avant de procéder aux licenciements des 4 salariés dont le licenciement avait été envisagé lors de la réunion du CSE du 26 juin 2020. Toutefois la cour observe que Mme [E] occupait un poste de directrice d'agence et était seule dans cette catégorie professionnelle à être licenciée.

La salariée était la seule de sa catégorie, il n'y avait pas lieu d'établir à son égard un ordre des licenciements.

La cour par confirmation du jugement, déboute la salariée de sa demande de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions de première instance seront confirmées sur les dépens et la condamnation de la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant en cause d'appel, Mme [E] sera condamnée en application de l'article 700 du code de procédure civile à payer à la société une somme que l'équité commande de fixer à 500 euros pour la procédure d'appel.

Partie perdante, elle supportera les dépens et sera déboutée de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort mis à disposition du greffe

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Creil le 24 novembre 2022 en toutes ses dispositions

y ajoutant

Condamne Mme [E] à payer à société Parcs et sports IDF la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Déboute Mme [E] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [E] aux dépens de la procédure d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/00089
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;23.00089 ?
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