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04/04/2024 | FRANCE | N°22/02768

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 04 avril 2024, 22/02768


ARRET

N° 317





[S]





C/



Organisme CPAM DE LA SOMME













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 04 AVRIL 2024



*************************************************************



N° RG 22/02768 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IO4U - N° registre 1ère instance : 21/00369



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE AMIENS EN DATE DU 09 mai 2022





PARTIES EN CAUSE :



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APPELANT





Monsieur [M] [S]

[Adresse 1]

[Localité 4]





Comparant, assisté et plaidant par Me Antoine Canal, avocat au barreau d'Amiens, vestiaire : 10











ET :





INTIMEE





CPAM de la Somme agissant poursuites et diligence...

ARRET

N° 317

[S]

C/

Organisme CPAM DE LA SOMME

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 04 AVRIL 2024

*************************************************************

N° RG 22/02768 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IO4U - N° registre 1ère instance : 21/00369

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE AMIENS EN DATE DU 09 mai 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [M] [S]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Comparant, assisté et plaidant par Me Antoine Canal, avocat au barreau d'Amiens, vestiaire : 10

ET :

INTIMEE

CPAM de la Somme agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Mme [L] [Z] dûment mandatée

DEBATS :

A l'audience publique du 21 décembre 2023 devant Monsieur Renaud Deloffre, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 avril 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Blanche Tharaud

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur Renaud Deloffre en a rendu compte à la cour composée en outre de :

M. Philippe Mélin, président,

Mme Graziella Hauduin, président,

et Monsieur Renaud Deloffre, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 04 avril 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, M. Philippe Mélin, président a signé la minute avec Mme Blanche Tharaud, greffier.

*

* *

DECISION

M. [M] [S], salarié de la société [5] en qualité de laveur de matériel agricole a fait une déclaration de maladie professionnelle le 12 mars 2018, en indiquant être atteint d'une « tendinopathie du sous scapulaire gauche sans rupture et une tendinopathie long biceps droit », suivant certificat médical initial du même jour faisant état d'une tendinopathie du sous scapulaire gauche sans rupture échographique, d'une tendinopathie du long biceps droit sans signe de rupture et d'une arthrose acromio-claviculaire bilatérale.

Après avis motivé du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région [Localité 7] Hauts de France, qui le 12 mars 2019 a reconnu un lien direct entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle, la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme (ci-après la CPAM) a pris en charge la pathologie au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles.

Le médecin-conseil a fixé la date de consolidation au 10 septembre 2020 et a évalué le taux d'incapacité permanente partielle à 8 % pour des « séquelles fonctionnelles indemnisables de la prise en charge chirurgicale d'une tendinopathie rompue de la coiffe des rotateurs droite chez un assuré droitier à type de limitation légère de l'ensemble des mouvements, sur état antérieur révélé lors du bilan ».

Suivant notification du taux d'incapacité le 12 novembre 2020, M. [S] a contesté cette évaluation et a saisi la commission médicale de recours amiable des Hauts de France, laquelle a implicitement rejeté son recours, puis le pôle social du tribunal judiciaire d'Amiens lequel a ordonné une consultation médicale et a désigné, à cet effet, le docteur [P] qui, dans son rapport du 29 septembre 2021 a indiqué ce qui suit : 

A l'examen de ce jour :

Droitier

Doléances : toujours des engourdissements avant-bras droit et main droite sans déclencheur précis. Ne prend que peu de médicaments (intolérance aux anti- inflammatoires et pathologie rénale non précisée).

Le déshabillage est précautionneux.

Pas d'asymétrie des épaules ni d'amyotrophie spontanément visible des massifs scapulaires.

Cicatrices interventionnelles peu visibles.

Point douloureux à la palpation de la face antérieure de l'épaule droite et gêne douloureuse alléguée lors des mobilisations.

Mobilisations des épaules

En actif Antépulsion droite 90° Antépulsion gauche 150°

Abduction droite 90° Abduction gauche 120°

Rotation externe droite 30° Rotation externe gauche 50°

Rotation interne pouce-sacrum à droite et pouce L1 à gauche

Adduction symétrique

En passif Antépulsion droite 90° Antépulsion gauche 150°

Abduction droite 80° Abduction gauche 120°

Mouvements complexes main vertex et main dos incomplets à droite

Force de serrage légèrement diminuée des deux côtés

Il n'y a pas d'anomalie des massifs articulaires sous-jacents des membres supérieurs.

Il n'y a pas d'élément objectivable d'état antérieur interférant.

Compte tenu des éléments relevés et en référence au barème indicatif d'invalidité, il s'agit d'une limitation moyenne d'un mouvement et modérée des autres de l'épaule droite chez un droitier avec retentissement sur l'activité professionnelle exercée au moment de la déclaration.

Le taux d'IPP peut être évalué à 12 %.

Par jugement, en date du 9 mai 2022, le pôle social du tribunal judiciaire d'Amiens a décidé ce qui suit :

« Le tribunal judiciaire d'Amiens, statuant après débats publics, en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition des parties au greffe,

FIXE à 10 % le taux d'incapacité permanente partielle de M. [M] [S] à la date du 10 septembre 2020,

REJETTE les demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme aux dépens de l'instance,

DIT que les frais de consultation seront pris en charge par la caisse nationale d'assurance maladie en vertu de l'article L. 142-11 du code de la sécurité sociale ».

Ce jugement est pour l'essentiel motivé comme suit :

Aux termes du rapport médical d'évaluation du taux d'incapacité permanente, le médecin conseil a consulté l'ensemble des certificats et documents médicaux qui lui ont été remis, y compris des examens d'imagerie, a pris en compte les doléances de l'assuré, a réalisé un examen clinique et a conclu à un taux de 8 %, compte tenu d'une tendinopathie rompue de la coiffe des rotateurs droite chez un assuré droitier à type de limitation légère de l'ensemble des mouvements, sur état antérieur révélé lors du bilan.

(') Le médecin consultant n'a pas relevé d'état antérieur interférant.

(') En définitive, au regard du barème indicatif d'invalidité, il convient de retenir les conclusions du médecin consultant, sauf à réduire de 2 % le taux de 12 % dans la mesure où il n'a pas été tenu compte par ce médecin d'un état antérieur avéré.

Le jugement a été notifié le 11 mai 2022 à M. [M] [S].

Un appel de ce jugement a été interjeté par M. [M] [S] par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 juin 2022.

Par ordonnance rendue le 20 septembre 2022 par le magistrat chargé d'instruire l'affaire, le docteur [K] [V] a été désignée en qualité de médecin consultant et a déposé un rapport le 15 février 2023 au terme duquel elle indique que :

M. [M] [S] a fait le 12.3.2018 une demande de reconnaissance en maladie professionnelle 57 A pour tendinopathie de l'épaule droite et dans le même temps une demande en maladie professionnelle hors tableau pour arthrose acromio-claviculaire ce qui montre que le médecin traitant et l'assuré étaient conscients qu'il s'agissait de 2 pathologies distinctes. Le tableau 57 A est limitatif et ne comprend pas l'arthrose acromio-claviculaire c'est donc à juste titre que les pathologies avaient été différenciées. Cette arthrose participe aux douleurs et à la limitation de l'épaule concernée par la maladie professionnelle 57 A et doit donc être considérée comme un état concomitant interférant dans les séquelles.

Dans le cas de M. [M] [S] la limitation passive des 2 mouvements principaux est supérieure à la limitation active ce qui devrait être le contraire et est en faveur d'une opposition au mouvement de sa part.

On peut donc considérer qu'il ne s'agit pas ici d'une limitation moyenne de tous les mouvements de l'épaule dominante mais d'une limitation à la limite entre la limitation légère et la limitation moyenne pour laquelle toutefois conformément au barème un taux de 12 % pourrait être attribué.

Pour les raisons évoquées plus haut il y a lieu de considérer qu'une partie des séquelles est en rapport avec l'arthrose acromio-claviculaire indépendante de la maladie professionnelle. Les séquelles justifient donc un taux médical d'IPP de 10 % à la consolidation.

CONCLUSION :

A la date du 10/09/2020, le taux d'incapacité permanente partielle était de 10 %.

Par conclusions, enregistrées au greffe le 14 décembre 2023 et soutenues oralement par avocat, M. [S] demande à la cour de :

infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d'Amiens le 9 mai 2022 en ce qu'il a :

fixé le taux d'incapacité permanente partielle de M. [S] à 10 % à la date du 10 septembre 2020

rejeté les demandes plus amples ou contraires

Statuant à nouveau,

lui attribuer un taux d'IPP de 20 %,

ordonner par conséquent que lui soit versée la rente prévue à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale,

dire ce que de droit quant aux dépens.

S'agissant du rapport du docteur [P], il soutient que ce dernier mentionne une limitation moyenne et non une limitation légère, que ses conclusions démontrent que les mouvements sollicités à gauche ne permettent pas d'atteindre les valeurs de référence mentionnées au chapitre 1.1.2 du barème et précise que ce dernier a procédé à une revalorisation du taux par rapport à celui évalué par la caisse.

En ce qui concerne le rapport du docteur [V], il explique que le consultant considère que l'arthrose est un état concomitant interférant dans les séquelles alors même qu'en réalité il est admis que l'arthrose est une conséquence des tendinopathies de l'épaule et qu'en tout état de cause aucun symptôme de cette maladie n'avait été retrouvé avant la maladie.

Il ajoute que le docteur [V] n'a pas pris en compte le rapport du docteur [F] et ne mentionne nullement l'incidence professionnelle alors même que dans les suites de sa maladie professionnelle il a été placé en arrêt de travail pendant plus de deux ans, a ensuite été déclaré inapte à son poste et a été licencié pour inaptitude professionnelle le 15 avril 2021.

Il précise que l'inaptitude a été prononcée en raison de son état général et non uniquement du fait de sa seconde maladie déclarée, que son employeur lui a fait une proposition de reclassement mais uniquement pour les besoins de la cause en sachant qu'il refuserait, qu'il n'a toujours pas retrouvé de travail et que, dès lors, sa pathologie a bien eu un retentissement professionnel qu'il convient de prendre en compte.

Au titre des arguments de la caisse, il fait valoir que les rapports médicaux produit par cette dernière ne sont pas probants.

Par conclusions, enregistrées au greffe le 21 décembre 2023 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM de la Somme demande à la cour de :

A titre principal,

infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d'Amiens en ce qu'il a porté le taux médical attribué à Mr [S] à 10 %,

dire et juger que le taux d'incapacité permanente partielle de 8 % retenu à la date de consolidation de la maladie professionnelle « tendinopathie du long biceps droit » dont a été reconnu atteint M. [M] [S] le 12 mars 2018 a été justement évalué,

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'assuré de sa demande d'indemnisation au titre socio-professionnel,

rétablir en conséquence le taux initialement fixé à 8 %,

A titre subsidiaire,

confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d'Amiens le 9 mai 2022,

entériner l'avis du docteur [V],

En tout état de cause,

débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes.

Elle fait essentiellement valoir que lors de l'examen le médecin conseil a relevé que l'ensemble des mouvements de l'épaule dominante étaient limités légèrement, qu'il a également été relevé qu'il existait un état antérieur totalement indépendant, ayant fait l'objet d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle et que le docteur [C], médecin conseil, explique clairement le taux qu'il a retenu.

Elle précise que pour évaluer le taux il convient de ne tenir compte que des séquelles de la tendinopathie, en excluant les interactions d'autres pathologies de sorte que le taux ne saurait être évalué à 20 % comme le soutient l'appelant.

S'agissant du taux professionnel, elle indique que l'avis d'inaptitude est daté du 10 février 2021 et le licenciement du 15 avril suivant, de sorte que ces éléments sont postérieurs de plusieurs mois à la date impartie pour statuer, à savoir celle du 10 septembre 2020, date de consolidation.

Elle explique donc que l'inaptitude et le licenciement ont été prononcés au terme d'une période d'arrêts de travail sans lien avec la pathologie en cause.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le taux d'incapacité permanente partielle de M. [M] [S]

En vertu des articles L. 434-1, L. 434-2 et R. 434-22 du code de la sécurité sociale, l'assuré social bénéficie, au titre d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, d'une indemnisation de son incapacité permanente en fonction du taux d'incapacité qui lui est reconnu.

L'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale dispose que le taux d'incapacité permanente partielle est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Il résulte de ce texte et du principe d'indemnisation intégrale du préjudice sans perte ni profit qu'en cas d'état pathologique préexistant, révélé ou aggravé par un accident du travail, l'incapacité permanente indemnisée correspond à l'aggravation de cet état résultant de l'accident. (en ce sens 2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 20-10.714 / Ass. plén., 27 novembre 1970, pourvoi n° 69-10.040, Bulletin des arrêts Cour de cassation Assemblée plénière n° 006 P009/ Egalement Soc., 29 mars 2001, pourvoi n ° 99-16.8 72), que l'aggravation, due entièrement à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, d'un état pathologique antérieur n'occasionnant auparavant aucune incapacité, doit être indemnisée en sa totalité au titre de l'accident du travail (en ce sens 2e Civ., 8 avril 2021, pourvoi n° 20-10.621) tandis qu'une aggravation postérieure imputée pour partie à un accident du travail et pour partie à une autre cause, notamment à l'évolution normale d'un état pathologique préexistant ne doit être indemnisée qu'à hauteur de la partie imputable à l'accident du travail (Soc., 30 novembre 1967, Bull civ IV, p. 642 n° 758) et qu'il n'y a pas lieu de tenir compte dans l'estimation du taux d'incapacité de séquelles qui ne sont que la manifestation de l'état antérieur (Soc., 13 janvier 2000, pourvoi no 97-17.982) pas plus qu'il n'y a lieu de prendre en compte dans l'évaluation des séquelles l'état antérieur évoluant pour son propre compte (2e Civ., 13 février 2014, pourvoi n° 13-10.126 et  Soc., 22 mars 1990, pourvoi n° 88-11.501 ainsi que Soc., 14 mars 2002, pourvoi n° 00-14.857 qui censure un arrêt d'appel ayant retenu qu'il convenait d'indemniser une pathologie dégénérative silencieuse révélée par l'accident alors qu'il résultait de ses constatations que la pathologie ainsi révélée par l'accident avait évolué pour son propre compte vers une décompensation chronique ayant nécessité un arrêt de travail puis des soins, sans que cette décompensation ne résulte ni spontanément ni directement de l'accident initial /Egalement Soc., 23 février 1983, pourvoi n° 81-14.160, Bulletin  n° 107) et il n'y a pas lieu enfin de prendre en considération dans l'estimation du taux d'incapacité ni pour l'exclure ni pour l'intégrer dans l'évaluation l'état antérieur parfaitement asymptomatique avant et après l'accident révélé par l'AT/MP mais non aggravé par ce dernier puisqu'étant et restant muet cet état ne génère aucune séquelle.

Le chapitre 1.1.2 du barème indicatif d'invalidité indique que la mobilité de l'épaule est considérée comme normale lorsque l'abduction est de 170°, l'adduction de 20°, l'antépulsion de 180°, la rétropulsion de 40°, la rotation interne de 80° et la rotation externe de 60°.

Ce même chapitre prévoit ce qui suit concernant la mobilité de l'épaule :

DOMINANT

NON DOMINANT

Blocage de l'épaule, omoplate bloquée

55

45

Blocage de l'épaule, avec omoplate mobile

40

30

Limitation moyenne de tous les mouvements

20

15

Limitation légère de tous les mouvements

10 à 15

8 à 10

En l'espèce, le docteur [I], dans le rapport médical d'évaluation du taux d'incapacité permanente du 27 août 2020, a retenu un taux d'incapacité de 8 % et a conclu en ces termes : Séquelles fonctionnelles indemnisables de la prise en charge chirurgicale d'une tendinopathie rompue de la coiffe des rotateurs droite chez un assuré droitier à type de limitation légère de l'ensemble des mouvements, sur état antérieur révélé lors du bilan.

Le médecin désigné par les premiers juges, le docteur [P], a conclu à un taux d'incapacité de 12 % en ne retenant pas d'état antérieur et en qualifiant la limitation d'un mouvement de moyenne et de modérée pour les autres mouvements de l'épaule dominante.

Le docteur [V], désignée par la présente cour, mentionne comme le médecin-conseil de la caisse l'existence d'un état antérieur caractérisé par une arthrose acromio-claviculaire et précise, sur ce point, qu'une demande en reconnaissance de maladie professionnelle a été faite, pour cette arthrose, par l'assuré. Elle conclut à un taux d'incapacité de 10 % en prenant en compte cet état antérieur et en retenant une limitation qualifiée de légère à moyenne.

Les premiers juges ont, à juste titre, constaté qu'une IRM de l'épaule droite réalisée par le docteur [Y], laquelle a été prise en compte par le docteur [V] pour son évaluation, a mis en évidence une arthrose acromio-claviculaire qualifiée d'avancée et, eu égard au compte-rendu du docteur [F], en date du 27 juillet 2018 et également pris en compte par le médecin consultant, il a été mentionné une arthropathie acromio-claviculaire très importante.

Ainsi, eu égard à l'état avancé de l'arthrose acromio-claviculaire et à la demande de reconnaissance, au titre d'une autre maladie professionnelle que celle en cause, par l'assuré, le docteur [V] a, aux termes de son rapport clair, motivé et étayé par l'ensemble des éléments médicaux du dossier, pu retenir l'existence d'un état antérieur participant aux douleurs et à la limitation des mouvements de l'épaule mais indépendant de la maladie professionnelle litigieuse et une limitation de ces mouvements pouvant être qualifiée de légère à moyenne.

En considération du barème, un taux de 20 % est préconisé lorsque tous les mouvements de l'épaule dominante présentent une limitation moyenne, et un taux compris entre 10 et 15 % lorsque la limitation de tous les mouvements est qualifiée de légère.

Eu égard à ces éléments et notamment à l'existence d'un état antérieur participant aux douleurs et à la limitation des mouvements, la cour entend faire sienne l'évaluation de son consultant et retenir, par voie de conséquence, que le taux médical de l'assuré s'établissait à 10 % à la date de consolidation.

Aux termes des dispositions de l'article L. 434-2 précité il convient d'indemniser toute modification préjudiciable dans la situation professionnelle de la victime au regard, notamment, de ses aptitudes et de sa qualification professionnelle (en ce sens, 2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n°20-10.714), et la répercussion des séquelles médicales sur la carrière professionnelle de la victime doit donner lieu à une majoration du taux d'incapacité résultant de ces dernières (2e Civ., 13 février 2014, pourvoi n°13-12.373).

Cette répercussion peut être constituée par la plus grande difficulté pour le salarié à exercer sa profession (Cass. soc., 15 juin 1983, n° 83-12.268 retenant qu'une incapacité permanente partielle peut être reconnue dès lors que la profession manuelle de la victime lui rend sensible la minime mais objective séquelle dont elle reste atteinte à la suite de l'accident ; également Cass. soc., 28 avr. 1986, pourvoi n° 84-16.859 Bull. civ. 1986, V, n° 185 qui approuve les juges du fond d'avoir accordé un coefficient socio-professionnel à un salarié amené à effectuer de fréquents efforts subissant une gêne professionnelle liée à un angor, même sans perte de salaire), par le fait pour le salarié d'avoir été licencié et de n'avoir retrouvé que des emplois d'une qualification inférieure (Cass. soc., 21 juin 1990, n° 88-13.605), d'avoir été classé à la suite de l'accident travailleur handicapé de catégorie B, subi une importante perte de salaire et avoir été contraint de suivre un stage de réorientation professionnelle (2e Civ., 13 février 2014, pourvoi n° 13-12.373) mais qu'elle peut également résulter de la perte de la rémunération complémentaire afférente à une activité secondaire (Soc., 17 mai 1982, pourvoi n° 80-16.358, Bulletin des arrêts Cour de cassation Chambre sociale n° 315 dont il résulte qu'ont légalement justifié leurs décisions les juges du fond ayant relevé que s'il n'a pas entraîné de changement de qualification professionnelle de l'intéressé l'accident a provoqué l'interdiction pour lui de conduire des poids lourds et partant la perte de la rémunération supplémentaire que cette activité de chauffeur lui avait précédemment procurée et accordé un coefficient professionnel pour réparer cette perte de revenu / Dans le sens que le salarié a vocation à voir prendre en compte les répercussions sur une activité professionnelle secondaire même si l'accident est survenu dans l'activité principale Soc., 26 mars 1984, pourvoi n° 82-16.503, Bulletin 1984 V n° 121.), peu important que l'accident soit survenu dans l'activité principale (Soc., 26 mars 1984, pourvoi n° 82-16.503, Bulletin 1984 V n° 121).

En outre, il est établi et non contesté que M. [S] exerçait l'activité de laveur de véhicules, que l'avis d'inaptitude, en date du 10 février 2021 a fait état de « capacités restantes : travail de type administratif sans manutention de charges de plus de 3/5kg ni travaux bras hauts (au-delà de 60°) ».

Par courrier du 15 avril 2021 son employeur, après avoir interrogé le médecin du travail, a proposé plusieurs postes à l'assuré, en ce qu'il est noté « Le 22 mars 2021 nous vous avons :

proposé le poste de vendeur comptoir au sein de notre établissement de [Localité 6] (77)

présenté la liste exhaustive des postes identifiés au sein du groupe afin que vous vous positionniez utilement si vous l'estimiez possible par rapport à tel ou tel poste de votre choix », lesquels ont été refusés par vous.

Suivant ce refus de reclassement, l'employeur de M. [S] l'a licencié pour inaptitude suivant courrier du 15 avril 2021, reçu le 23 avril suivant par l'assuré.

Le fait que l'inaptitude ait été prononcé à la suite d'une période d'arrêts de travail sans lien avec la pathologie en cause, retenu par les premiers juges, n'apparaît pas pertinent pour exclure l'existence d'un lien entre les séquelles de la maladie litigieuse et l'inaptitude, et ce d'autant moins que, comme le relève d'ailleurs expressément la caisse, l'autre pathologie à l'origine des arrêts de travail (tendinopathie du sous-scapulaire gauche) a été déclarée guérie au 30 janvier 2021 et n'est donc pas à l'origine de l'avis d'inaptitude.

Le fait relevé par les premiers juges, que l'état antérieur de l'intéressé ait été sévère n'apparaît pas pertinent à l'appui de leur affirmation selon laquelle le préjudice professionnel de l'intéressé ne pourrait être directement rattaché à la pathologie en cause, l'affirmation étant péremptoire et l'existence d'un état antérieur n'excluant pas en soi que les séquelles de la pathologie litigieuse puissent constituer une des causes nécessaires de l'inaptitude et donc du préjudice professionnel.

Le fait, relevé par les premiers juges, que l'assuré n'aurait pas contesté avoir refusé des propositions de reclassement compatibles avec les restrictions émises par le médecin du travail, n'implique aucunement que ce refus soit abusif, le salarié étant toujours fondé à refuser la modification de son contrat de travail et l'existence d'un refus abusif n'étant ni alléguée ni démontrée en l'espèce.

Le fait, invoqué par la caisse, que l'inaptitude soit postérieure de plusieurs mois à la date de consolidation n'implique aucunement qu'elle n'ait pas de lien avec les séquelles de la maladie.

Contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges et à ce que soutient la caisse, il résulte clairement des éléments médicaux du débat que les séquelles de la maladie litigieuse constituent une des causes nécessaires de la déclaration d'inaptitude du salarié et de son licenciement pour inaptitude, peu important que, comme le soutient la caisse, il serait impossible de déterminer avec certitude laquelle des pathologies imbriquées à l'épaule serait à l'origine de l'inaptitude.

En conséquence de tout ce qui précède, il convient de dire que le salarié a subi du fait des séquelles de la maladie litigieuse une modification préjudiciable dans sa situation professionnelle puisqu'il s'est retrouvé inapte à son activité de laveur de vitres et qu'il ne peut plus exercer qu'un travail administratif sans manutention de charges de plus de 3/5kg ni travaux bras hauts (au-delà de 60°), ce qui limite considérablement ses perspectives professionnelles, compte tenu notamment de ses qualifications professionnelles.

Cette incidence professionnelle indiscutable et préjudiciable justifie que le taux médical retenu de 10 % soit majoré d'un taux socioprofessionnel de 5%.

Le taux global ainsi retenu étant de 15%, il convient de réformer le jugement déféré en ses dispositions contraires et d'ordonner, en conformité avec ce qui précède, le versement par la caisse de la rente prévue à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale.

Sur les dépens et les frais de consultation.

Chacune des parties étant déboutée, en partie, de ses demandes, il convient de réformer les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et, statuant à nouveau de ce chef et ajoutant au jugement, de dire que les parties conserveront la charge de leurs propres dépens de première instance et d'appel.

N'étant pas contestées et étant au surplus parfaitement fondées, les dispositions du jugement déféré disant que les frais de consultation seront pris en charge par la caisse nationale d'assurance maladie doivent être confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Réforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celles portant sur les frais de consultation qu'il convient de confirmer.

Et statuant à nouveau du chef des prétentions ayant donné lieu aux dispositions réformées et ajoutant au jugement,

Fixe à 15 %, dont 10% de taux médical et 5% de taux socio-professionnel, le taux d'incapacité permanente partielle de M. [M] [S] à la date du 10 septembre 2020 et ordonne le versement à ce dernier par la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme de la rente prévue à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale.

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/02768
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;22.02768 ?
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