ARRET
N° 307
CPAM DE L'ARTOIS
C/
[G]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 04 AVRIL 2024
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N° RG 21/04241 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IGLW - N° registre 1ère instance : 20/00406
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ARRAS EN DATE DU 22 juillet 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
CPAM de l'Artois agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée et plaidant par Mme [M] [T] dûment mandatée
ET :
INTIME
Monsieur [X] [G]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Bibard, avocat au barreau d'Amiens substituant Me Dorothée Legros avocat au barreau d'Arras
DEBATS :
A l'audience publique du 21 décembre 2023 devant Monsieur Renaud Deloffre, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 avril 2024.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Blanche Tharaud
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Monsieur Renaud Deloffre en a rendu compte à la cour composée en outre de :
M. Philippe Mélin, président,
Mme Graziella Hauduin, président,
et Monsieur Renaud Deloffre, conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 04 avril 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, M. Philippe Mélin, président a signé la minute avec Mme Blanche Tharaud, greffier.
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DECISION
M. [X] [G], né le 5 juin 1965, ayant exercé la profession de régleur sur machine au sein de la société [5], puis d'encartonneur suite à un reclassement, a effectué une déclaration de maladie professionnelle le 26 février 2018, sur la base d'un certificat médical initial du 5 février précédent faisant état d'une « demande de reconnaissance en maladie professionnelle d'une rupture quasi-totale du sus-épineux d'épaule droite ».
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois a pris en charge cette pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels.
Le médecin-conseil a fixé la consolidation à la date du 1er mars 2019 et a évalué le taux d'incapacité permanente partielle à 8 % pour les séquelles suivantes : « rupture de coiffe réinsérée. Fatigabilité et diminution de force du bras droit avec limitation des rotations de l'épaule droite chez un droitier ».
M. [X] [G] a présenté une rechute suivant certificat du 18 mars 2019 mentionnant une « demande de rechute ce jour pour douleurs importantes avec limitation nette des mouvements de l'épaule droite et impossibilité de travailler ».
Le médecin-conseil a fixé la consolidation à la date du 5 juillet 2019 et a maintenu le taux d'incapacité permanente partielle à 8 % pour les motifs suivants : « Rupture de coiffe réinsérée. Rechute pour aggravation des douleurs. Séquelles inchangées. Fatigabilité et diminution de force du bras droit avec limitation des rotations de l'épaule droite, chez un droitier ».
Contestant cette décision, M. [G] a saisi la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois le 26 septembre 2019, laquelle a implicitement rejeté sa demande, puis le tribunal judiciaire d'Arras.
Les parties ont été appelées à l'audience du 3 juin 2021.
Compte tenu des appréciations divergentes des parties et du caractère médical du litige, le tribunal a ordonné une consultation à l'audience, laquelle a été confiée au docteur [F].
Au retour de la consultation, le praticien en a rendu compte comme suit :
« M. [G] [X], 53 ans lors de sa demande, droitier, a sollicité la reconnaissance de la maladie professionnelle (MP ci-après) 57 A côté droit par certificat médical initial rédigé le 05/02/2018 non contributif car il ne mentionnait que le certificat médical initial « demande de reconnaissance maladie professionnelle ».
La consolidation aura lieu le 03/03/2019 à 13 mois post déclaration, un certificat médical final qui mentionne la coiffe des rotateurs de l'épaule droite avec expression de douleurs et limitation de l'épaule, handicap fonctionnel. Le bilan lésionnel retrouvait à l'examen arthroscanner de l'épaule droite le 24 janvier 2018 une arthrose acromioclaviculaire. Enthésophytique potentionnellement agressif . Une rupture transfixiante quasi complète de l'entèse du tendon supra épineux qui était rétracté avec un clivage étendu au sous épineux. Également enfin une gléno humérale postérieure de la tête. En résumé on a une épaule droite qui est dégénérative avec une atteinte articulaire et une atteinte arthrocaviculaire.
Depuis 2016, monsieur souffrait de l'épaule droite et à l'époque il avait bénéficié d'infiltrations, il a eu des corticoïdes et il a effectué une imagerie à l'épaule que l'on n'a pas aujourd'hui. Fin 2017, il avait bénéficié de deux infiltrations et sera opéré le 07/03/2018 après avoir bénéficié d'examens complémentaires. Successivement on notera une rupture de la coiffe avec des lésions prédominantes sur le tendon sus épineux, lésions intermédiaires avec arthrophie du tendon restant. Également une rupture intestitielle avec longue portion du biceps également un clivage du tendon intra tendineux également une bursite sous-acromiale avec un acromion de type 3 (c'est-à-dire un bout d'os qui pousse sous l'acromion et qui en poussant irrite en permanence le tendon). L'irritation crée d'abord une inflammation, puis cela peut créer des lésions tendineuses et les lésions peuvent être suffisamment graves pour entraîner une rupture. D'où l'intérêt de traiter cet acromion agressif qui est en rapport avec une arthrose.
Dans le dossier de monsieur, il n'a pas été relevé d'état antérieur. Je rappelle toujours qu'en matière de maladie professionnelle et d'accident de travail, cela peut être repris si l'état antérieur était connu à la date de déclaration et symptomatique (c'est-à-dire qu'il entraîne une gêne). On sait qu'en 2016, il avait déjà une épaule douloureuse mais on n'a pas plus de précisions. Donc, on n'a pas de preuve formelle que cette pathologie était connue antérieurement et surtout si elle était symptomatique, on n'a aucune preuve. Comme le médecin-conseil l'a conclu cela n'a pas été repris dans l'état antérieur.
L'intervention a eu lieu le 07/03/2018, a consisté en une réinsertion de la coiffe, à une ténodèse du biceps c'est-à-dire qu'on coupe le tendon du biceps, qui entraîne notamment une perte de force. Par la suite, il bénéficiera d'un suivi kinésithérapique. L'examen du médecin conseil du 24/05/2019 note que l'intéressé se plaint de douleur à l'épaule droite, de difficulté, de fatigabilité, d'une perte de force à l'abduction et à l'antépulsion de l'épaule droite traité par le Floctorgel, du paracétamol (c'est un antalgique de type 1) mais à la demande. Il n'avait pas de traitement antalgique continu. Par contre, il bénéficiait d'une balnéothérapie 3 fois par semaine.
Sur le plan de l'examen clinique, je rappelle une nouvelle fois que l'examen clinique, le barème nous indique qu'il faut étudier les mouvements passifs de l'épaule.
Dans le rapport du médecin conseil on retrouve en 2019 une antépulsion à 170° on ne sait pas si c'est actif ou passif, une abduction à 170° c'est mentionné passif. Une rotation interne L1L2 et une rotation externe à 40°. Côté gauche on a une antépulsion à 180 donc une différence qui est très faible 10°, l'abduction est à 180° donc très faible, la rotation interne est en L1L2 à droite D3D4 à gauche. Le médecin-conseil nous dit que les mouvements de l'épaule droite sont souvent complexes à réaliser.
La man'uvre de Jobe est positive c'est-à-dire qu'il y a une souffrance persistante du tendon sus épineux avec une perte de force de l'épaule droite et une amyothrophie des muscles de l'épaule droite. Il conclut dans son rapport (2ème) rechute pour douleurs suite à la reprise du travail, pas d'aggravation des séquelles fonctionnelles et il mentionne refus pour inflammations des douleurs, séquelles inchangées, fatigabilité et diminution de force du bras droit, limitation de la rotation de l'épaule droite chez un droitier.
Rappelons que probablement il avait été une première fois consolidé le 01/03/2019 avec un taux d'IP de 8% devant indemniser une fatigabilité avec diminution du bras droit, mais avec limitation de l'épaule droite chez un droitier.
Entre les deux examens ce que l'on peut noter c'est qu'il y a toujours, lors du deuxième examen, une limitation modérée et certaine de l'amplitude de tous les mouvements de l'épaule droite chez un droitier avec une souffrance du tendon sus-épineux à l'examen clinique et une fonte musculaire. Selon le barème, on a un taux proposé entre 10 et 15 %. Moi je pense que l'on peut fixer un taux de 12 % qui indemnise l'ensemble des douleurs de l'épaule droite cliniquement constatées et qui bénéficient d'un traitement non continu mais d'un traitement quand même. Le taux de 12 % me paraît pour moi correspondre à la réalité. ».
Par jugement du 22 juillet 2021, le tribunal judiciaire d'Arras a décidé ce qui suit :
Le tribunal, statuant contradictoirement, publiquement et en premier ressort et par mise à disposition au greffe
Ordonne la jonction des recours 20.520 et 20.406
Fixe le taux d'incapacité permanente de [X] [G] à 15 %
Condamne la CPAM aux dépens.
Le jugement est motivé comme suit :
Au plan médical, il convient d'entériner l'avis donné par le médecin consultant dans la mesure où celui-ci apparaît clair, concis, complet et dépourvu d'ambiguïté et d'évaluer le taux médical d'IPP à 12 %.
Concernant l'incidence professionnelle, M. [G] justifie avoir été déclaré inapte à son poste de régleur machine le 28 août 2019. S'il a pu faire l'objet d'un reclassement, il a néanmoins connu une perte de salaire pour ce nouveau poste d'encartonneur aux lignes. Il convient en conséquence de majorer le taux à hauteur de 3 %.
Il convient en conséquence de fixer le taux d'incapacité permanente à 15 %.
Le jugement a été notifié le 29 juillet 2021 à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois.
La CPAM de l'Artois a interjeté appel de ce jugement le 6 août 2021.
Par ordonnance rendue le 5 août 2022 par le magistrat chargé d'instruire l'affaire, le docteur [D] [Y] a été désignée en qualité de médecin consultant et a déposé un rapport le 21 octobre 2022 au terme duquel elle indique que :
« M. [X] [G] a été pris en charge par la CPAM pour une maladie professionnelle inscrite au tableau n°57A pour rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule dominante. Le traitement a été chirurgical sous couvert de séances de rééducation.
L'état de santé de M. [X] [G] est considéré comme consolidé le 01/03/2019 avec un taux d'IPP fixé à 08 p. cent pour « Rupture de coiffe réinsérée. Fatigabilité et diminution de force du bras droit avec limitation des rotations de l'épaule droite, chez un droitier ». A cette date, l'examen du médecin conseil note une limitation légère de quelques amplitudes articulaires d'une épaule dominante (une antépulsion et une abduction de l'épaule à 170° est considérée comme subnormale).
Une rechute a été prise en charge par la CPAM le 18/03/2019 pour « demande de rechute pour douleurs importantes avec limitation nette des mouvements de l'épaule droite et impossibilité de travailler ».
L'état de santé de M. [X] [G] a été considéré comme consolidé le 05/07/2019 de la rechute du 18/03/2019 avec un taux d'IPP maintenu à 08 pour cent (l'examen clinique du médecin conseil est comparable à celui du 24/05/2019).
Que ce soit à la date du 01/03/2019 ou le 05/07/2019, les examens sont comparables et le taux de 08 pour cent indemnise très correctement les séquelles de M. [X] [G] : d'autant qu'il existe un état antérieur (arthrose acromio-claviculaire connue et documentée qui évolue pour son propre compte à la consolidation).
Les séquelles justifient donc un taux d'IPP de 08 p. cent (médical), englobant les douleurs séquellaires.
M. [X] [G] a été déclaré inapte au poste de régleur le 28/08/2019 mais des capacités restantes font qu'il exerce un autre poste dans son entreprise avec restrictions (il semble exister une perte de salaire sans que l'on puisse la quantifier). Le tribunal pourra apprécier le taux de coefficient professionnel à adjoindre en fonction de la perte de salaire.
CONCLUSION :
A la date du 01/03/2019 et du 05/07/2019, les séquelles décrites justifient un taux d'incapacité permanente partielle de 08 p. cent (médical). ».
Par conclusions, visées par le greffe le 21 décembre 2023 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM de l'Artois demande à la cour de :
constater que M. [G] présente une pathologie antérieure à la maladie professionnelle dont il s'agit,
constater que les restrictions émises par la médecine du travail et la perte de rémunération résultent en partie d'un état pathologique antérieur indépendant à la maladie professionnelle,
constater que le taux de 8 % fixé par le praticien conseil de la caisse s'inscrit dans les préconisations du guide barème,
dire n'y avoir lieu à une incidence professionnelle en lien direct et exclusif avec la pathologie professionnelle,
infirmer le jugement du 22 juillet 2021 rendu par le tribunal judiciaire d'Arras,
entériner ainsi le rapport du docteur [Y], expert désigné, et confirmer la décision du service médical près la caisse attribuant un taux d'incapacité permanente partielle médical de 8 % à M. [X] [G],
débouter M. [G] de toutes ses demandes.
Elle fait essentiellement valoir que l'assuré présentait, à la date de consolidation, des séquelles d'une rupture de coiffe réinsérée, avec rechute pour aggravation des douleurs et qu'à la date de consolidation de la rechute les séquelles restaient inchangées.
Elle soutient que les constatations médicales relevées par le médecin-conseil justifient un taux d'incapacité de 8 % au regard du chapitre 1.1.2 du barème.
Par conclusions, déposées au greffe le 19 décembre 2023 et soutenues oralement à l'audience, M. [G] demande à la cour par son avocat de :
confirmer le jugement rendu le 22 juillet 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Arras en ce qu'il a fixé son taux d'IPP à 15%,
condamner la CPAM aux entiers frais et dépens de la procédure.
Il indique qu'il conserve, depuis le 5 juillet 2019, des séquelles médicales et d'importantes conséquences au niveau professionnel et produit en ce sens deux comptes-rendus du docteur [N] en date des 25 avril et 4 juillet 2019 dans lesquels il explique qu'il est nécessaire d'adapter l'activité professionnelle à la situation actuelle.
Il précise que le 19 février 2019, la maison départementale des personnes handicapées lui a accordé la reconnaissance de travailleur handicapé et une orientation en milieu ordinaire de travail.
Il note que, le 18 juillet 2019, lors de la visite de pré-reprise, le médecin du travail a mentionné la nécessité d'un aménagement de poste et a fait état de plusieurs contre-indications ayant entraîné son inaptitude au poste de régleur, ce dernier étant incompatible avec son état de santé et un reclassement au poste d'encartonneur lequel a entraîné une perte importante de salaire, à savoir un salaire annuel brut de 26 800 euros en lieu et place d'un salaire annuel brut de 32 700 euros qu'il percevait en tant que régleur.
Il explique également qu'il connaît des limitations dans le cadre de sa vie quotidienne et dans la réalisation de ses activités de loisirs antérieures.
S'agissant de l'état antérieur souligné par le docteur [Y], il soutient que le médecin-conseil de la caisse n'avait pas retenu d'état antérieur tout comme le médecin désigné par les premiers juges.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur le taux d'incapacité permanente partielle de M. [X] [G]
L'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale prévoit que le taux d'incapacité permanente partielle est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
Il résulte de ce texte et du principe d'indemnisation intégrale du préjudice sans perte ni profit qu'en cas d'état pathologique préexistant, révélé ou aggravé par un accident du travail, l'incapacité permanente indemnisée correspond à l'aggravation de cet état résultant de l'accident (en ce sens 2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 20-10.714 / Ass. plén., 27 novembre 1970, pourvoi n° 69-10.040, Bulletin des arrêts Cour de cassation Assemblée plénière n° 006 P009/ Egalement Soc., 29 mars 2001, pourvoi n ° 99-16.8 72), que les séquelles d'une pathologie antérieure opérée ne doivent pas être prise en compte dans les séquelles de la nouvelle pathologie (2e Civ., 13 février 2014, pourvoi n° 13-10.126), que l'aggravation, due entièrement à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, d'un état pathologique antérieur n'occasionnant auparavant aucune incapacité, doit être indemnisée en sa totalité au titre de l'accident du travail (en ce sens 2e Civ., 8 avril 2021, pourvoi n° 20-10.621) tandis qu'une aggravation postérieure imputée pour partie à un accident du travail et pour partie à une autre cause, notamment à l'évolution normale d'un état pathologique préexistant ne doit être indemnisée qu'à hauteur de la partie imputable à l'accident du travail (Soc., 30 novembre 1967, Bull civ IV, p. 642 n° 758) et qu'il n'y a lieu de prendre en compte dans l'évaluation des séquelles celles résultant de l'évolution naturelle d'un état morbide préexistant, même révélé par l'accident (Soc., 23 février 1983, pourvoi n° 81-14.160, Bulletin des arrêts Cour de cassation Chambre sociale n°107 / Dans le même sens Soc., 22 mars 1990, pourvoi n° 88-11.501 qui approuve les juges du fond d'avoir retenu qu'il n'y avait aucune séquelle indemnisable, l'accident du travail n'avait fait que révéler un état arthrosique antérieur, indépendant dudit accident et évoluant pour son propre compte / dans le même sens Soc., 13 janvier 2000, pourvoi no 97-17.982 ainsi que Soc., 14 mars 2002, pourvoi n° 00-14.857 qui censure un arrêt d'appel ayant retenu qu'il convenait d'indemniser une pathologie dégénérative silencieuse révélée par l'accident alors qu'il résultait de ses constatations que la pathologie ainsi révélée par l'accident avait évolué pour son propre compte vers une décompensation chronique ayant nécessité un arrêt de travail puis des soins, sans que cette décompensation ne résulte ni spontanément ni directement de l'accident initial).
Il résulte également des dispositions de l'article L. 434-2 précité qu'il convient d'indemniser toute modification préjudiciable dans la situation professionnelle de la victime au regard, notamment, de ses aptitudes et de sa qualification professionnelle (en ce sens, 2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n°20-10.714), et la répercussion des séquelles médicales sur la carrière professionnelle de la victime doit donner lieu à une majoration du taux d'incapacité résultant de ces dernières (2e Civ., 13 février 2014, pourvoi n°13-12.373).
Cette répercussion peut être constituée par la plus grande difficulté pour le salarié à exercer sa profession (Cass. soc., 15 juin 1983, n° 83-12.268 retenant qu'une incapacité permanente partielle peut être reconnue dès lors que la profession manuelle de la victime lui rend sensible la minime mais objective séquelle dont elle reste atteinte à la suite de l'accident ; également Cass. soc., 28 avr. 1986, pourvoi n° 84-16.859 Bull. civ. 1986, V, n° 185 qui approuve les juges du fond d'avoir accordé un coefficient socio-professionnel à un salarié amené à effectuer de fréquents efforts subissant une gêne professionnelle liée à un angor, même sans perte de salaire), par le fait pour le salarié d'avoir été licencié et de n'avoir retrouvé que des emplois d'une qualification inférieure (Cass. soc., 21 juin 1990, n° 88-13.605), d'avoir été classé à la suite de l'accident travailleur handicapé de catégorie B, subi une importante perte de salaire et avoir été contraint de suivre un stage de réorientation professionnelle (2e Civ., 13 février 2014, pourvoi n° 13-12.373) mais qu'elle peut également résulter de la perte de la rémunération complémentaire afférente à une activité secondaire (Soc., 17 mai 1982, pourvoi n° 80-16.358, Bulletin des arrêts Cour de cassation Chambre sociale n° 315 dont il résulte qu'ont légalement justifié leurs décisions les juges du fond ayant relevé que s'il n'a pas entraîné de changement de qualification professionnelle de l'intéressé l'accident a provoqué l'interdiction pour lui de conduire des poids lourds et partant la perte de la rémunération supplémentaire que cette activité de chauffeur lui avait précédemment procurée et accordé un coefficient professionnel pour réparer cette perte de revenu / Dans le sens que le salarié a vocation à voir prendre en compte les répercussions sur une activité professionnelle secondaire même si l'accident est survenu dans l'activité principale Soc., 26 mars 1984, pourvoi n° 82-16.503, Bulletin 1984 V n° 121.), peu important que l'accident soit survenu dans l'activité principale (Soc., 26 mars 1984, pourvoi n° 82-16.503, Bulletin 1984 V n° 121).
Le chapitre 1.1.2 du barème indicatif d'invalidité indique que la mobilité de l'épaule est considérée comme normale lorsque l'abduction est de 170°, l'adduction de 20°, l'antépulsion de 180°, la rétropulsion de 40°, la rotation interne de 80° et la rotation externe de 60°.
Ce même chapitre prévoit ce qui suit concernant la mobilité de l'épaule :
DOMINANT
NON DOMINANT
Blocage de l'épaule, omoplate bloquée
55
45
Blocage de l'épaule, avec omoplate mobile
40
30
Limitation moyenne de tous les mouvements
20
15
Limitation légère de tous les mouvements
10 à 15
8 à 10
En l'espèce, après avoir présenté les commémoratifs du dossier et exposé les constatations et mesures d'amplitudes articulaires prises par le praticien-conseil de la caisse, le docteur [Y], médecin-consultant désigné par la cour a noté que l'assuré présentait une limitation légère de quelques amplitudes articulaires de son épaule dominante et que ces séquelles justifiaient un taux d'incapacité de 8 %.
Le docteur [Y] tient compte dans cette évaluation de l'existence d'un état antérieur, caractérisé par une arthrose acromio-claviculaire, connue et évoluant pour son propre compte.
Cependant, comme le fait remarquer à juste titre le docteur [F], consultant désigné en première instance :
Je rappelle toujours qu'en matière de maladie professionnelle d'accident de travail, cela peut être repris si l'état antérieur était connu à la date de déclaration et symptomatique (c'est-à-dire qu'il entraîne une gêne). On sait qu'en 2016, il avait déjà une épaule douloureuse mais on n'a pas plus de précisions. Donc, on n'a pas de preuve formelle que cette pathologie était connue antérieurement et surtout si elle était symptomatique, on n'a aucune preuve. Comme le médecin-conseil l'a conclu cela n'a pas été repris dans l'état antérieur.
Force est effectivement de constater qu'avant les investigations du 24 janvier 2018, il n'existe aucune preuve que l'état antérieur d'arthrose acromio-claviculaire ait été connu et encore moins qu'il ait été symptomatique.
Il s'agit en réalité d'une pathologie qui a été révélée par les examens nécessités par la pathologie litigieuse de l'épaule, à savoir la rupture de la coiffe des rotateurs, mais pour laquelle on ne dispose d'aucun élément permettant de dire avec certitude qu'elle entraînait en elle-même une incapacité ou des douleurs.
Compte tenu de ce constat, il n'y a pas lieu, comme l'a fait le docteur [Y], d'exclure cette arthrose acromio-claviculaire de l'évaluation des séquelles.
La limitation légère de tous les mouvements de l'épaule dominante donnant lieu, en application du barème à un taux situé entre 10 et 15% et cette limitation étant en l'espèce légère sans affecter la totalité des mouvements de l'épaule mais sans qu'il y ait lieu d'en minorer l'évaluation pour tenir compte d'un état antérieur, la cour estime disposer de suffisamment d'éléments pour fixer le taux litigieux à la date de la rechute à 10 %.
En outre, au titre du taux socio professionnel, il résulte des éléments versés aux débats que :
le docteur [H], médecin du travail a, le 28 août 2019, déclaré M. [G] inapte à son poste de régleur, en indiquant au titre de ses capacités restantes qu'il peut exercer un travail sans activité répétée ou prolongée du membre supérieur droit au-dessus du plan horizontal des épaules avec port de charges autorisé jusqu'à 15 kg sans dépasser le plan horizontal des épaules et qu'il peut suivre une formation pour un poste adapté aux capacités restantes avec si besoin bilan de compétence préalable,
par courrier du 6 septembre 2019, l'employeur de M. [G] lui a proposé un reclassement au poste d'encartonneur, suivant les recommandations du médecin du travail, en lui précisant que ce nouveau poste entraînerait une baisse de ses rémunérations de sorte qu'il passerait d'un salaire annuel brut de 32 700 euros à 26 800 euros,
il résulte de ce même courrier que l'employeur et le salarié ont constaté que les postes de cariste de production, cariste aux expéditions, conducteur recyclage, contrôleur qualité et aide-extrudeur n'étaient pas compatibles avec les restrictions d'aptitude prévues par le médecin du travail,
M. [G] a signé un contrat à durée indéterminée pour le poste d'encartonneur avec une prise de fonction au 1er novembre 2019,
le 16 janvier 2023, la responsable des ressources humaines de la société [5] dans laquelle travaille M. [G] a attesté que ce dernier était employé dans l'entreprise depuis le 1er juillet 1986 et que « Suite à un reclassement interne dû à une inaptitude au poste délivré par le médecin du travail ' le docteur [H] -, M. [G] a quitté son poste de régleur qu'il occupait pour un poste d'encartonneur à la date du 1er novembre 2019. Ce changement de poste a entraîné pour M. [G], une différence totale de rémunération, d'un montant brut de 21 201.84 €uros ».
Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il est constant que l'inaptitude, prononcée par le médecin du travail est en lien avec les séquelles médicales de sa maladie professionnelle et que cette inaptitude a entraîné la nécessité d'un changement de poste occasionnant une perte financière.
Les séquelles de l'assuré ayant entraîné une modification préjudiciable dans sa situation professionnelle au regard, notamment, de ses aptitudes et de sa qualification professionnelle il convient, de ce fait, de majorer le taux médical retenu ci-dessus d'un taux socio-professionnel de 4 % ce qui justifie, réformant le jugement déféré, la fixation du taux d'incapacité de M. [G] à 14%.
Sur les dépens
Les parties étant toutes deux déboutées d'une partie de leurs prétentions, il apparaît justifié de réformer le jugement en ses dispositions relatives à la charge des dépens et, statuant à nouveau de ce chef et ajoutant au jugement déféré, de dire qu'elles conserveront la charge de leur propre dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement,
Fixe le taux d'incapacité de M. [X] [G] à 14% dont 10 % de taux médical et 4 % de taux socioprofessionnel à la date du 5 juillet 2019.
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, Le président,