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28/03/2024 | FRANCE | N°23/01219

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 28 mars 2024, 23/01219


ARRET







S.A.S. LA SOCIETE SUN CHEMICAL SA





C/



[I]



























































copie exécutoire

le 28 mars 2024

à

Me BOULET

Me DAIME

CPW/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 28 MARS 2024



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N° RG 23/01219 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWSO



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 27 JANVIER 2023 (référence dossier N° RG F22/00004)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.S. SUN CHEMICAL

[Adresse 15]

[Adresse 20]

[Adresse 20]



représentée, concluant et plaida...

ARRET

S.A.S. LA SOCIETE SUN CHEMICAL SA

C/

[I]

copie exécutoire

le 28 mars 2024

à

Me BOULET

Me DAIME

CPW/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 28 MARS 2024

*************************************************************

N° RG 23/01219 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWSO

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 27 JANVIER 2023 (référence dossier N° RG F22/00004)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. SUN CHEMICAL

[Adresse 15]

[Adresse 20]

[Adresse 20]

représentée, concluant et plaidant par Me Jean-François BOULET de la SELARL BLB ET ASSOCIÉS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Barbara MOSTEFAOUI, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIME

Monsieur [A] [I]

né le 31 Décembre 1970 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne,

assisté, concluant et plaidant de Me Aurelien DAIME, avocat au barreau de COMPIEGNE

DEBATS :

A l'audience publique du 01 février 2024, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Mme Caroline PACHTER-WALD en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Mme Caroline PACHTER-WALD indique que l'arrêt sera prononcé le 28 mars 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Caroline PACHTER-WALD en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 28 mars 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

La société Sun chemical (la société ou l'employeur), spécialisée dans la production d'encres et de pigments, qui compte plus de 10 salariés, a embauché M. [I], né le 31 décembre 1970, à compter du 23 mai 2005 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée en qualité de commercial. La relation contractuelle s'est ensuite poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 24 mai 2006. Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié exerçait la fonction de commercial, branche offset.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle des industries chimiques.

Courant août 2021, M. [I] et la société Sun chemical ont engagé des négociations en vue de la rupture conventionnelle de son contrat de travail. Le 28 octobre 2021, la société a mis un terme à ces discussions et, par courrier du 9 novembre suivant, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 17 novembre, assorti d'une mise à pied conservatoire. Il a été licencié pour faute grave le 22 novembre 2021, par lettre ainsi libellée :

« (...) Par courrier en date du 8 novembre 2021, vous avez été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, qui s'est tenu le 17 novembre 2021 à 09h00. Au cours de cet entretien, vous étiez assisté de Monsieur [X] [F] en sa qualité de membre du Comité Social et Economique.

Les faits vous ont été exposés et vous n'avez pas souhaité apporter de commentaires ou tout autre élément de quelque nature que ce soit vous contentant de nous demander d'envoyer le dossier à votre avocat.

Nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Les faits qui nous amènent à prendre cette décision et qui vous ont été énoncés lors de l'entretien sont les suivants :

Le 18 mai vous vous trouviez avec votre manager en visite chez le client Miclo à [Localité 11]. Il était convenu que vous visitiez dans l'après-midi de ce même jour un autre client, Bpack à [Localité 6].

Vous étiez en congé à partir du lendemain, le 19 mai.

Vous avez le 4 juin, soumis une note de frais comportant une demande de remboursement pour une nuit d'hôtel le 18 mai (nuitée du 18 au 19) à [Localité 12].

Devant le refus de votre manager de prendre en charge cette nuitée, vous avez, dans un mail daté du 28 juin, expliqué que cette nuit à l'hôtel était inévitable du fait de la fin tardive de votre visite chez le client Bpack :

Par contre cette nuit d'hôtel n'est pas le 19 mais du 18 au 19 mai Comme tu le sais je travaillais le 18 : tu m'as demandé de prendre rendez-vous chez Miclo ce jour avec toi et donc j'ai organisé mon voyage en fonction. Après Miclo, je suis sorti de chez Bpack [Localité 6] vers 17h-17h30 et je ne me voyais pas rentrer chez moi. Donc j'ai dormi à [Localité 12] et suis parti en vacances. Quoiqu'il arrive, j'aurais pris une chambre d'hôtel. Mais je prends acte : j'aurais du faire la route, peu importe la fatigue. Mais je te rassure, je ne suis pas à 120€. Donc je vais annuler cette ligne pour que tu puisses me signer cette note. Merci de ton attention.

Selon les relevés de télépéage en notre possession et qui ont été partagées avec vous, vous n'êtes pas allé chez le client Bpack le 18 mai. Vous êtes entré sur l'autoroute à la Gare de [Localité 4] à 14h21 et êtes sortis à la gare [Localité 19]-[Localité 10] à 17h14 sans sortir de l'autoroute pour rencontrer le client Bpack (sortie en gare de [Localité 2] Sud ou Nord).

Ces mêmes relevés nous indiquent que vous avez repris l'autoroute le 19 mai à 10h21 en gare de [Localité 17] pour vous rendre sur le lieu de vos vacances. Vous avez quitté l'autoroute à 13h29 à la gare de [Localité 14] Nord.

Ils résultent de ces constatations que :

Vous avez induit votre manager en erreur, pour le moins, en prétendant visiter le client Bpack, le18 mai,

Vous avez menti à votre manager le 28 juin en affirmant par mail avoir visité le client Bpack le 18 mai dans l'après-midi, et ceci afin de justifier le remboursement d'une nuit d'hôtel se trouvant... sur la route de vos vacances,

Vous avez tenté d'escroquer l'entreprise en lui demandant le remboursement indu d'une nuit d'hôtel, tentant de justifier cette nuit par l'heure tardive de fin d'une visite client ... qui n'avait pas eu lieu,

Vous avez débuté vos vacances dans l'après-midi du 18 alors que vous n'aviez posé des congés qu'à partir du lendemain,

Vous avez utilisé votre télépéage pendant vos congés, faisant ainsi supporter par l'entreprise une partie du coût de vos vacances. Or vous n'êtes pas sans ignorer que l'utilisation du télépéage entreprise est interdite pendant les congés et les week-ends.

Pour l'ensemble de ces raisons, et pour la perte de confiance totale qu'elles engendrent, nous vous notifions votre licenciement, pour faute grave.

Compte tenu de la gravité de votre faute et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Votre licenciement prend donc effet immédiatement dès réception de cette lettre. ».

Contestant la légitimité de son licenciement et ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Compiègne, qui par jugement du 27 janvier 2023, a :

dit que le forfait jour lui était inopposable ;

en conséquence, accordé le paiement des heures supplémentaires de la façon suivante :

- 40 832,29 euros brut à titre d'heures supplémentaires à 25% outre la somme de 4 083,23 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires à 25% ;

- 18 011,37 euros brut à titre d'heures supplémentaires à 50% outre la somme de 1 801,14 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires à 50% ;

- 25 587,56 euros brut au titre des contreparties obligatoires de repos outre de 2 558,76 euros brut de congés payés y afférents ;

- 3 587,61 euros brut au titre des rappels d'heures non majorées outre 358,76 euros brut au titre des congés payés sur rappels d'heures non majorées ;

fixé la moyenne des salaires à 6 061,25 euros brut ;

dit que le licenciement de M. [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamné l'employeur à lui payer :

- 56 975,75 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- 50 000 euros net au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2 352,42 euros brut au titre de mise à pied conservatoire outre 235,24 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

- 13 460,52 euros brut au titre d'indemnités compensatrices de préavis outre 1 346,05 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

- 192,12 euros net au titre du remboursement de ses frais professionnels ;

ordonné à la société Sun chemical de remettre à M. [I] l'attestation Pôle emploi et les documents de fin de contrat correspondants au jugement ;

débouté les parties de leurs plus amples demandes ;

ordonné le remboursement par la société Sun chemical des sommes versées par Pôle emploi, à hauteur de trois mois, en l'application de l'article L.1235-4 du code du travail ;

condamné la société Sun chemical à verser à M. [I] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 août 2023, la société Sun chemical qui est régulièrement appelante de ce jugement, demande à la cour :

de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande en paiement de :

- 125,15 euros net de remboursement de frais pour la nuit d'hôtel du 18 au 19 mai 2022 ;

- 5 000 euros net de dommages-intérêts pour non-paiement du salaire intégral ;

- 10 000 euros net de dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail et du droit au repos ;

- 5 000 euros net de dommages-intérêts pour remise d'une attestation Pôle emploi erronée ;

- 36 367,48 euros net d'indemnité de travail dissimulé,

de réparer l'omission de statuer du jugement et débouter M. [I] sa demande de 10 000 euros net de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire.

La société demande à la cour d'infirmer le jugement sur le surplus et statuant à nouveau, de :

juger que le licenciement de M. [I] repose sur une faute grave ;

débouter en conséquence M. [I] de ses demandes à ce titre ;

débouter M. [I] de sa demande d'inopposabilité de la convention de forfait jour ;

débouter en conséquence M. [I] de ses demandes à ce titre.

A titre subsidiaire et si la cour annule la convention de forfait jour, elle demande à la cour de :

condamner M. [I] au paiement de la somme de 11 823,35 euros brut au titre des jours de repos indument pris ;

débouter M. [I] de ses demandes de rappels de salaires antérieures au 22 novembre 2018 du fait de leur prescription, de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

condamner M. [I] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [I], par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 1er juin 2023, demande à la cour de le dire et juger recevable et bien fondé en toutes ses demandes et en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que le forfait jour lui était inopposable  et qu'en conséquence le paiement des heures supplémentaires a été accordé ;

- dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Sun chemical à lui payer les sommes suivantes :

2 352,42 euros brut au titre des rappels de mise à pied conservatoire ;

235,24 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

13 460,52 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

1 346,05 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

192,12 euros net au titre du remboursement de ses frais professionnels (20 octobre - 8 novembre 2021) ;

56 975,75 euros net au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

40 832,29 euros brut au titre des rappels d'heures supplémentaires à 25% ;

4 083,23 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

18 011,37 euros brut au titre des rappels d'heures supplémentaires à 50% ;

1 801,14 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

3 587,61 euros brut au titre des rappels d'heures non majorées ;

358,76 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

25 587,56 euros brut à titre de contreparties obligatoire en repos ;

2 558,76 euros brut à titre de congés payés y afférents ;

1 500 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- fixé la moyenne des salaires à 6 061,25 euros brut ;

- ordonné la remise des documents de fin de contrat conformes au jugement ;

- débouté la société Sun chemical de toutes ses demandes.

Il demande à la cour de réparer l'omission de statuer sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, et d'infirmer le jugement déféré sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et aussi en ce qu'il l'a débouté des demandes de condamner la société Sun chemical à lui verser les sommes suivantes :

. 125,15 euros net à titre de remboursement de la nuit d'hôtel du 18 au 19 mai 2021,

. 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-paiement du salaire intégral,

. 10 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour violation des durées maximales du travail et du droit au repos

. 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour remise d'une attestation Pôle emploi erronée,

. 36 367,48 euros net à titre d'indemnité de travail dissimulé ;

et statuant à nouveau, de :

condamner la société Sun chemical à lui verser les sommes suivantes :

- 10 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;

- 125,15 euros net à titre de remboursement de la nuit d'hôtel du 18 au 19 mai 2021 ;

- 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-paiement du salaire intégral ;

- 10 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour violation des durées maximales du travail et du droit au repos ;

- 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour remise d'une attestation Pôle emploi erronée ;

- 5 000 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

condamner la société aux intérêts au taux légal à compter de la saisine, ainsi qu'à la capitalisation des intérêts ;

condamner la société Sun chemical aux entiers dépens ;

débouter la société Sun chemical de toutes ses demandes.

Il demande également à titre principal de condamner la société Sun chemical à lui verser les sommes suivantes :

- 81 826,84 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 36 367,48 euros net à titre d'indemnité de travail dissimulé ;

A titre subsidiaire, de condamner la société Sun chemical à lui verser les sommes suivantes :

- 66 684,76 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 46 432,33 euros net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 8 184,36 euros brut au titre des jours de dépassement du forfait ;

- 818,44 euros brut au titre des congés payés sur jours de dépassement du forfait ;

- 36 367,48 euros net à titre d'indemnité de travail dissimulé.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 janvier 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I - Sur l'exécution du contrat de travail

1. Quant au remboursement des frais pour la nuit d'hôtel du 18 au 19 mai 2022

M. [I] fait valoir qu'il aurait dû se faire rembourser sa nuit d'hôtel du 18 au 19 mai 2021 rendue nécessaire par ses déplacements professionnels, puisqu'il avait initialement rendez-vous sur site avec la société Bpack et qu'il a réalisé ce rendez-vous par téléphone sur la route en se rendant chez ce client car il était sorti trop tardivement de son rendez-vous précédent. Il souligne qu'il aurait dans tous les cas dû prendre une nuit d'hôtel, même s'il n'était pas parti en congés le lendemain, du fait de son éloignement de son domicile à la fin du rendez-vous, qui ne lui aurait pas permis de rentrer avant la nuit.

L'employeur s'oppose à la demande en soulignant que cette nuit d'hôtel n'était aucunement justifiée par les besoins professionnels mais uniquement par le départ en congés du salarié, alors que l'hôtel était précisément sur la route de ses vacances et que cette nuité n'est pas en lien avec un rendez-vous chez un client du côté de [Localité 12], qui n'a pas eu lieu.

Sur ce,

L'employeur a l'obligation de rembourser au salarié les frais qu'il a exposés pour son travail et dans l'intérêt de l'entreprise.

En l'espèce, M. [I] réclame le remboursement d'une note de frais remise à l'employeur le 4 juin 2021 pour une nuit d'hôtel près de [Localité 12] du 18 au 19 mai 2021.

Il est établi que le salarié avait réservé un hôtel à [Localité 7] près de [Localité 12] le 14 mai 2021 pour le 18 mai 2021 en vue d'un rendez-vous sur site avec la société Bpack située à [Localité 6]. Il est par ailleurs constant qu'il était en congé à compter du 19 mai 2021.

Interrogé par son supérieur hiérarchique sur sa demande de remboursement, il a répondu de la façon suivante : «J'avais un rendez-vous chez Bpack à 16 heures comme je vous l'ai dit chez [A] et donc j'ai dormi à [Localité 12] car je suis sorti de là-bas plus tard et je ne me voyais pas faire la route. Donc voilà pourquoi j'ai pris à [Localité 12] une chambre d'hôtel».

Or, il ressort de l'attestation de M. [O] qu'une rencontre sur site était en effet prévue le 18 mai, mais entre 15h et 15h30, mais que le salarié lui a cependant téléphoné en début d'après midi pour lui signaler qu'étant sorti plus tard que prévu de son précédent rendez-vous du côté de [Localité 13], il ne pourrait être présent qu'au plus tôt à 16h30, ce à quoi M. [O] lui avait répondu ne pouvoir attendre jusqu'à cette heure. Le rendez-vous sur site n'a donc pas eu lieu. Si M. [O] précise néanmoins avoir alors fait «le point par téléphone des différents dossiers en cours, et nous avons convenu de nous revoir la semaine suivante : le jeudi 27 mai 2021 sur le site de Bpack.», il ne saurait être considéré que le salarié a alors remplacé le rendez-vous par ce simple point par téléphone en vue de la préparation du rendez-vous sur site repoussé à la semaine d'après, point dont la durée n'est d'ailleurs pas précisée. Aucun des éléments produit ne permet de retenir qu'il aurait duré même une heure et encore moins plusieurs heures.

Les relevés télépéages communiqués par l'employeur qui ne sont pas sérieusement critiqués par le salarié alors qu'ils correspondent bien à ses trajets de la journée du 18 au 19 mai 2021 et que rien ne justifie de douter de leur validité, révèlent qu'il était à 14h30 au péage de l'autoroute situé à proximité immédiate de son précédent rendez-vous. Ainsi, dès le tout début d'après-midi M. [I], qui était en partance de [Localité 13], était informé de l'absence de possibilité de maintenir un rendez-vous sur site à [Localité 6], et rien au dossier ne justifie qu'il ait néanmoins, pour des raisons professionnelles, poursuivi sa route jusque [Localité 12], dans une direction opposée à celle de son domicile au regard du plan mappy produit.

Le salarié ne prouve pas non plus que lorsqu'il a été informé de l'absence de maintien du rendez-vous sur site à [Localité 6], il était déjà à une distance telle de son domicile qu'il ne pouvait y rentrer le soir, ni le cas échéant, à considérer même qu'il ait été légitime de poursuivre sa route vers [Localité 6] pour faire le point sur les dossiers durant l'appel, qu'à la fin de la conversation il était déjà tellement avancé sur le trajet qu'il ne pouvait changer d'itinéraire pour envisager de rentrer à son domicile. Le fait que la nuit d'hôtel ait été réservée le 14 mai indépendamment de son départ en congés le lendemain, est indifférent.

En conséquence, M. [I] échoue à prouver que les frais pour sa nuit d'hôtel à [Localité 12] du 18 au 19 mai 2021 ont été exposés pour son travail et dans l'intérêt de l'entreprise. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement.

2. Quant au remboursement de ses frais professionnels entre le 20 octobre et le 8 novembre 2021

M. [I] fait valoir qu'il est fondé à réclamer le remboursement de frais de repas pour des déjeuners qu'il a dû prendre hors de son domicile du fait de ses déplacements professionnels. Il soutient que l'employeur ne justifie pas des règles pour lesquels il invoque une violation, alors que les repas d'affaires font partie du travail et qu'à ce titre il est autorisé à inviter les client, ne mangeant pas à lui seul quatre déjeuners, et non deux évoqués par la société.

La société s'oppose à la demande en répliquant que M. [I] n'explique pas en quoi il a engagé ses frais dans le cadre de son activité, alors que pour la journée du 5 novembre 2021, il sollicite le remboursement de deux repas en dépit des règles de remboursement des frais professionnels.

Sur ce,

Au regard des règles précédemment exposées sur le remboursement des frais professionnels, il appartient à M. [I] de démontrer que les frais ont été exposés pour 192,12 euros pour son travail et l'intérêt de l'entreprise. Il résulte de sa pièce n°26 comportant des tickets de caisse et factures que les frais réclamés correspondent à :

- 1 repas le 20 octobre 2021 à [Localité 16] pour 16,80 euros, l'horaire sur le ticket de caisse étant effacé,

- 1 repas le 27 octobre à [Localité 8] pour 23,50 euros, le ticket étant édité à 14h41,

- 1 repas le 28 octobre à [Localité 5] pour 18,10 euros, le ticket étant édité à 13h38,

- 1 repas le 4 novembre pour 14,65 euros au Quick de [Localité 3] à 12h13 ;

- 3 repas le 5 novembre à [Localité 18] pour 45,40 euros avec MM. [P] et [U] dont il n'est pas contesté qu'il s'agissait de clients, le ticket étant édité à 12h55 ;

- 1 repas le 8 novembre à [Localité 5] pour 18,10 euros, le ticket étant édité à 13h24.

Il ressort par ailleurs de son relevé d'heures qu'il travaillait ces jours là.

L'employeur ne produit pas d'éléments contraires à ceux du salarié permettant d'exclure que ces repas auraient été pris dans un cadre professionnel en sa qualité de commercial. Il ne justifie pas non plus des règles de remboursement des frais professionnels en opposition avec la demande qu'il invoque pour le 5 novembre.

S'agissant des autres frais, M. [I] réclame en outre :

- le remboursement d'une facture de téléphone pour 41,99 euros qui n'est pas à son nom mais à celui de son épouse, sans pour autant justifier qu'il s'agirait de frais en lien avec son activité au sein de la société intimée ;

- le remboursement de 14 euros pour un lavage d'une voiture, sur base d'une photocopie tellement floue qu'elle est illisible, et sans aucune preuve que ce lavage aurait concerné un véhicule mis à sa disposition par la société ni le moindre élément permettant d'établir un lien avec son activité professionnelle au sein de la société Sun chemical.

Ces deux montants ne seront donc pas retenus.

Le jugement déféré sera donc infirmé et il sera fait droit à la demande de remboursement à hauteur de 136,13 euros.

3. Quant à l'inopposabilité de la convention de forfait

M. [I] demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu l'inopposabilité de la convention de forfait annuelle en jours mise en place par avenant à son contrat de travail du 9 octobre 2009. Il fait valoir que cette convention de forfait est nulle dès lors que l'accord collectif sur lequel elle se fonde du 29 novembre 2005 indique uniquement le nombre de jours à travailler par an, soit 207 jours (article 5.1) et est vide de toute stipulation assurant la garantie sur le respect des durées maximales de travail et des repos. Il soutient par ailleurs que la convention de forfait lui est inopposable dès lors qu'aucun entretien n'a jamais été organisé avec son supérieur hiérarchique prévu par l'article L.3121-46 du code du travail pour évoquer sa charge de travail mais aussi «l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié».

La société Sun chemical s'oppose à la demande en répliquant que les parties ont contractuellement prévu que la durée du travail de M. [I] est déterminée par un forfait en nombre de jours travaillés fixés à 207 jours par année complète, et qu'elle a organisé la mise en place du forfait jour sur le fondement de la convention collective et de l'accord d'entreprise en vigueur. Elle soutient que le salarié a largement utilisé les avantages du forfait jours puisqu'il bénéficiait de nombreux jours de repos supplémentaires à ceux dont bénéficie un salarié dont la durée du travail est décomptée en heures et il les prenait tous.

Sur ce,

A titre liminaire, contrairement aux motifs qu'il développe, l'appel de M. [I] tel qu'il est circonscrit par le dispositif de ses dernières conclusions, ne tend pas à la nullité de la convention de forfait, mais uniquement à son inopposabilité.

Il résulte des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Les conventions individuelles de forfait sur l'année sont conditionnées à la signature préalable d'un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, de branche (article L.3121-63 du code du travail) qui doit déterminer les catégories de salariés concernées, la période de référence du forfait, le nombre de jours compris dans le forfait, les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période, les caractéristiques principales des conventions individuelles, les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié, les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise et les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion (article L.3121-64 du code du travail en sa rédaction en vigueur depuis le 22 décembre 2017). Selon l'article L.3121-60 du code du travail, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.

Le non-respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours prive d'effet la convention de forfait.

En application de l'article L.3121-65 du code du travail en sa rédaction en vigueur depuis l e 22 décembre 2017, les'conventions'de'forfait' conclues' sur'la'base'd'accords collectifs 'antérieurs' au' 10' août 2016' ne' comportant' pas' les' mentions' légales' ajoutées'par'la' loi' Travail' sont' sécurisées' à'la'condition' que' l'employeur mette'en'place'un'certain'nombre'de'modalités permettant'de'pallier'l'absence'de ces'mentions'conventionnelles,'à'savoir'l'établissement'd'un document de'contrôle'faisant'apparaître' le' nombre' et'la' date' des 'journées 'ou' demi-journées travaillées,'la'vérification par'l'employeur'que 'la'charge'de' travail' du'salarié 'est' compatible' avec' le' respect' des' temps' de' repos' quotidiens' et' hebdomadaires et l'organisation une fois par an d'un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

En l'espèce, le contrat de travail de M. [I] stipule que «la durée du travail de M. [A] [I] est déterminée par un forfait en nombre de jours travaillés fixé à 207 jours par année complète selon l'application en vigueur de l'accord Sun chemical «durée du temps de travail», personnel cadre itinérant. A l'intérieur de ce forfait annuel et dans le cadre de la charge de travail définie avec sa hiérarchie, M. [A] [I] devra s'organiser pour accomplir pleinement sa mission.»

Les dispositions de l'accord d'entreprise auquel le contrat de travail renvoie, produit par l'employeur, n'instituent pas de suivi effectif régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable et permettant une articulation entre activité professionnelle et vie personnelle du salarié.

La'convention'de'forfait'ayant été conclue'sur'la'base'd'accords'collectifs'antérieurs'au' 10' août 2016' ne' comportant' pas' les' mentions' légales' ajoutées' par' la' loi' Travail, et les modalités prévues par ces accords n'étant donc pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et compatibles avec la vie personnelle et la santé de M. [I], l'employeur ne pouvait s'en contenter, de sorte, s'agissant des mesures nécessaires au contrôle de la charge de travail de M. [I], qu'il y a lieu de se référer aux dispositions supplétives de l'article L.3121-65 précité. Il appartenait ainsi à la société Sun chemical d'organiser un système permettant d'assurer un contrôle réel de la charge de travail de l'intéressé en forfait jours permettant de garantir que tant l'amplitude que la charge de travail du salarié étaient raisonnables, ce qui exclut le cas échéant, à le supposer même établi, le système auto-déclaratif sans supervision par un supérieur hiérarchique choisi invoqué par l'employeur pour contester à titre subsidiaire les heures supplémentaires dont se prévaut M. [I], en ce qu'un tel système repose sur le salarié.

Or, l'absence d'entretien annuel, mensuel, voire hebdomadaire dédiés au contrôle de la charge de travail n'est pas contestée, et il ne résulte pas des documents versés aux débats que la société ait mis en place un quelconque dispositif de suivi et de contrôle sur la charge de travail et sa compatibilité avec les horaires effectivement réalisés, l'organisation du travail et l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle de l'intéressé afin de garantir sa santé, sa rémunération.

En conséquence, faute de justifier d'un contrôle opéré lui donnant une possibilité concrète d'intervenir en temps utile en tant que de besoin et de remédier à une éventuelle incompatibilité entre les différentes composantes de la vie professionnelle et personnelle du salarié, l'employeur n'a pas rempli son obligation de contrôle destinée à protéger la santé physique et mentale et la sécurité de M. [I] en matière de durée du travail, ce qui prive d'effet la convention de forfait en jours à son égard.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a refusé d'appliquer la convention de forfait, sauf à dire qu'elle est privée d'effet à l'égard de M. [I], de sorte que celui-ci peut prétendre au paiement d'heures.

4. Sur les conséquences de l'inopposabilité de la convention de forfait

Au soutien de ses demandes de rappels de salaire, M. [I] fait valoir qu'il s'est vu imposer de nombreuses heures de travail au-delà de la durée légale qui ne lui ont pas été payées et qu'il fournit à ce titre un tableau de synthèse sur trois ans précisant son temps de travail effectif d'au minimum 10 heures par jour travaillé, en excluant le temps de trajet qu'il n'a jamais revendiqué comme étant assimilé à un temps de travail effectif. Il souligne l'absence de preuve contraire rapportée par la société. S'agissant de la prescription de quelques semaines soulevée par l'employeur, il l'estime non fondée puisque le salaire de novembre était exigible au 1er décembre 2018. Il soutient que l'employeur tente d'escroquer le jugement en produisant pour la première fois en cause d'appel un tableau de son temps de travail qui aurait été mis en place par le directeur commercial, alors qu'il s'agit d'un document unilatéral établi par la société sans que rien ne justifie qu'il ait été rempli et transmis par le salarié, étant en outre souligné qu'il ne reprend que le temps passé en visite chez le client et pas son temps de travail effectif. M. [I] souligne qu'à sa demande de rappel d'heures supplémentaires, s'ajoute une demande de rappel des heures non majorées au titre notamment des journées d'absence liées à des jours fériés chômés ou des congés.

L'employeur réplique que la demande de M. [I] pour la période précédant le 22 novembre 2018 est prescrite puisque le licenciement est intervenu le 22 novembre 2021. Il affirme que les éléments présentés par M. [I] sont insuffisamment précis pour lui permettre d'apporter une réponse puisque le tableau se contente notamment de mentionner une durée quotidienne linéaire du travail sans aucune précision de l'heure d'arrivée et de départ, ce tableau ne permettant pas de comprendre à quoi l'amplitude horaire de 10 heures par jours ainsi déclarée correspond. Il ajoute que M. [I] ne précise pas ce qu'il faisait, alors que si son temps de travail avait été décompté en heures, ses temps de trajets domicile/clients n'auraient pas été considérés comme du temps de travail effectif de nature à générer des heures supplémentaires. Il soutient que les déclarations du salarié sont mensongères car il a justifié le 18 mai 2021 une demi-journée de travail par un rendez-vous professionnel qui ne s'est jamais tenu, et qu'il devait, comme tous les commerciaux de la société, compléter un tableau excel dans lequel il enregistrait la totalité de son activité commercial, outil mis en place en 2015 pour permettre au directeur commercial d'avoir une visibilité sur l'activité des salariés qu'il encadrait.

Sur ce,

4.1 - Sur la prescription partielle

La demande de rappel de salaire formée par un salarié est soumise au délai de prescription triennal de l'article L.3245-1 du code du travail. Ce délai court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré. Cette date constitue le terme de l'obligation de l'employeur de payer le salaire, date à laquelle le salarié est en mesure de connaître la défaillance de son cocontractant. Le manquement est alors apparent et son effet immédiat, puisqu'il fait naître le droit de créance du salarié. La particularité de cette obligation est qu'elle est à exécution successive et perdure tout au long de l'exécution du contrat. Ainsi, chaque défaillance de l'employeur à son obligation de payer le salaire à l'échéance fera courir un délai de prescription propre à chaque terme de créance.

En l'espèce, le licenciement est intervenu le 22 novembre 2021. Il peut donc solliciter un rappel de salaire jusqu'au 22 novembre 2018. Toutefois, M. [I] n'a été en mesure de connaître la défaillance de son cocontractant qu'à la date du paiement du salaire, mentionnée dans le bulletin de paie comme étant le 30 novembre 2018, alors qu'il ressort de l'examen des bulletins de paie produits que la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise était le dernier jour du mois. Il s'ensuit que, la date à laquelle la créance pour le mois de novembre 2018 est devenue exigible étant postérieure au 22 novembre 2018, aucune prescription ne saurait être retenue. Il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir.

4.2 - Sur le fond

Aux termes de l'article L.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L.3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire. Enfin, selon l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Les jours fériés chômés ou les congés payés sont notamment assimilés à du temps de travail effectif pour le calcul de la rémunération du salarié mais n'entrent pas en compte dans le calcul des heures supplémentaires.

En l'espèce, le temps de travail de M. [I] doit, en conséquence de l'inopposabilité de la convention de forfait, être décompté selon le droit commun fixant la durée légale du travail effectif à 35 heures par semaine, que les semaines comprennent ou non des jours fériés chômés ou des congés payés, et le salarié peut donc prétendre au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires et heures non majorées de novembre 2018 jusqu'à la rupture de son contrat de travail en novembre 2021 pour tenir compte de la prescription.

Il produit un tableau récapitulant, pour chaque journée travaillée sur cette période, une amplitude fixée à 10 heures. Au vu de l'horaire journalier systématique ainsi évoqué, il présente un élément suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre. Le salarié verse ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.

La société conteste l'accomplissement d'heures supplémentaires impayées en rétorquant que M. [I] s'appuie sur des journées types de 10 heures, des hypothèses non étayées, en se basant quasi exclusivement sur ses propres déclarations pour prétendument établir l'amplitude de ses journées de travail, mais l'employeur ne produit pas d'éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par M. [I], ni aucun élément permettant de contredire les relevés d'heures que celui-ci produit.

En effet, elle soutient en vain s'être dotée d'un tableau excel de gestion de l'activité des commerciaux alimenté par les commerciaux eux-mêmes destinés à permettre d'avoir une vision complète et réelle du temps et de la charge de travail et de contrôler l'activité, alors que M. [I] fait valoir, sans être utilement contredit, que ce tableau est limité aux seuls temps d'intervention chez le client, ce qui ne permet pas de connaître les horaires du salarié dont il n'est pas sérieusement contesté qu'il exerçait d'autres tâches que les seules visites aux clients, ne serait-ce que de préparation de ces visites. Il s'ajoute que rien ne permet de retenir que ces tableaux auraient été remplis par le salarié lui-même, qui le conteste, comme le prétend l'employeur sans élément pour appuyer ses allégations. Il n'est par ailleurs pas prouvé l'absence de tout travail par M. [I] le 18 mai 2018 après midi.

Ainsi, au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, la cour a acquis la conviction, au sens du texte précité, que M. [I] a bien effectué les heures supplémentaires dont le paiement est réclamé. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Sun chemical à lui payer les sommes exactement retenues au titre des rappels de salaire pour les heures supplémentaires à 25%, pour les heures supplémentaires à 50% et au titre des heures non majorées, outre les congés payés afférents à chacun de ces rappels, sommes qui ne sont d'ailleurs pas spécifiquement contestées par l'employeur à titre subsidiaire.

5. Quant à la demande reconventionnelle de la société Sun chemical

La société Sun chemical sollicite, du fait de l'inopposabilité de la convention de forfait, la condamnation de M. [I] à lui rembourser 11 823,35 euros brut au titre des RTT dont il a bénéficié entre 2019 et 2021. Elle conteste que M. [I] aurait travaillé, comme il le prétend faussement, davantage que le nombre de jours prévus dans son forfait-jours.

Le salarié réplique que si les RTT ne sont plus justifiées dans la mesure où il est censé être payé sur la base des 35 heures par semaine, la possibilité pour l'employeur de se voir rembourser un indu suppose de se baser sur le temps de travail réel du salarié semaine par semaine alors qu'il n'a pas travaillé moins que ce qu'il était censé travailler mais plus que le nombre de jours prévus au forfait. Il conteste le raisonnement de l'employeur et sa méthode de calcul théorique de nombre de jours travaillés qui ne prennent pas en considération le fait qu'il a travaillé 213 jours en 2018, 222 jours en 2019 et 208 jours en 2020 étant systématiquement au-delà du forfait.

Sur ce,

En application de l'article 1376 devenu 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu. Le paiement des jours de repos en application d'une convention de forfait privée d'effet est indu.

En l'espèce, la convention de forfait étant, au vu des développements qui précèdent, privée d'effet, il ne peut en être demandé l'application ni par l'employeur, ni par le salarié qui invoque donc de façon inopérante un dépassement du nombre de jours prévus à la convention. La suspension de la convention individuelle de forfait en jours a pour conséquence que le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention privée d'effet, de novembre 2018 à novembre 2021, est devenu indu. La société Sun chemical est donc fondée à en demander le remboursement à hauteur de la somme exactement calculée de 11 823,35 euros brut, qui n'est d'ailleurs pas spécifiquement contestée à titre subsidiaire par le salarié. La décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a rejeté la demande reconventionnelle et M. [I] sera condamné à rembourser cette somme.

6. Quant à la contrepartie obligatoire en repos 

M. [I] soutient n'avoir jamais bénéficié des contreparties obligatoires en repos devant donc lui être payées.

L'employeur s'oppose à la demande en répliquant que le contingent d'heures supplémentaires n'a jamais été dépassé puisqu'aucune heures supplémentaires ne peut être retenue.

Sur ce,

Il résulte des articles L.3121-11, L.3121-22 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi 2008-789 du 20 août 2008 qu'en plus des majorations prévues en contrepartie des heures supplémentaires, les salariés ont droit à une contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel. Selon l'article 18 IV de cette loi, la contrepartie obligatoire en repos, qui remplace le repos compensateur obligatoire, due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent prévu aux deux derniers alinéas de l'article L.3121-11 du code du travail dans la rédaction issue de cette loi, est fixée à 50% pour les entreprises de 20 salariés au plus, et à 100% pour les entreprises de plus de 20 salariés.

Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une telle demande de repos, a droit à l'indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte le montant d'une indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos, auquel s'ajoute le montant de l'indemnité de congé payé. L'article D.3121-14 du code du travail prévoit ainsi que le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis. Cette indemnité a le caractère de salaire. Le volume du contingent annuel d'heures est fixé par accord collectif, ou à défaut, par décret.

En application de l'article L.3121-30 du code du travail, les heures imputées sur le contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale. Toute heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent conventionnel, ou du contingent réglementaire ouvre droit à une contrepartie obligatoire en repos. Il s'agit d'une règle d'ordre public. La durée, les caractéristiques et les conditions de prise de cette contrepartie obligatoire en repos sont fixées par accord collectif, ou à défaut par le code du travail Il s'agit des heures de travail effectif ou assimilées comme telles par la loi au regard de la législation sur les heures supplémentaires.

En l'espèce, en application de l'article 8 de l'accord cadre 1999-02-08 en vigueur le jour suivant l'extension BO conventions collectives 99-13 étendu par arrêté du 4 août 1999 JORF 8 août 1999, «le contingent individuel annuel d'heures supplémentaires prévu par l'article L.212-6 du code du travail est fixé, dans les industries chimiques, à 130 heures par an et par salarié.» Compte tenu du nombre d'heures supplémentaires accomplies annuellement par le salarié entre 2018 et 2021 au-delà du contingent de 130 heures par an sans que l'intéressé ne soit informé de son droit à contrepartie obligatoire en repos et sans qu'il ne prenne effectivement ce repos avant la rupture de son contrat de travail, il est dû au salarié la somme exactement calculée, qui n'est d'ailleurs pas spécifiquement contestée par l'employeur à titre subsidiaire. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

7. Quant à la demande de dommages-intérêts pour non-paiement du salaire intégral

M. [I] fait valoir qu'il subit un préjudice du fait du non paiement intégral de ses salaires pendant plusieurs années alors que le montant total des rappels s'élève à plus de 65 000 euros, son niveau de vie ayant été considérablement diminué.

L'employeur s'oppose à la demande.

Sur ce,

Le salarié qui entend obtenir des dommages-intérêts pour non-paiement de ses heures supplémentaires au cours de la relation contractuelle doit cependant établir la réalité et l'ampleur du préjudice causé, ce point relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond. Or, le retard de paiement est réparé par l'octroi d'intérêts moratoires, et le salarié n'établit pas avoir subi un préjudice spécifique de ce fait, consécutif à l'absence de paiement d'heures supplémentaires et non majorées durant la relation contractuelle résultant de la privation d'effet de la convention de forfait sollicitée postérieurement à la rupture du contrat de travail, étant souligné l'absence de toute réclamation de sa part au cours de la relation de travail. En outre, le salarié a perçu durant l'ensemble de la relation contractuelle un salaire déterminé par le fait que les parties avaient convenu d'appliquer une convention de forfait, et il ne prouve ni même n'allègue que son salaire de base serait demeuré le même si aucune convention de forfait n'avait dès l'origine trouvé à s'appliquer. Le jugement déféré qui l'a débouté de sa demande indemnitaire, sera confirmé.

8. Quant à la demande de dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail et du droit au repos

M. [I] fait valoir qu'il a régulièrement dépassé les durées maximales du travail hebdomadaires puisqu'une semaine habituelle de travail représentait au moins 50 heures, ce qui lui cause nécessairement un préjudice puisqu'outre l'état d'épuisement induit, cela obère le droit à une vie privée et familiale, celle-ci étant réduite à la portion congrue du fait du travail.

La société Sun chemical s'oppose à la demande en soulignant qu'elle n'est pas fondée puisque le salarié n'a jamais travaillé les heures alléguées, et qu'il ne démontre aucun préjudice.

Sur ce,

Selon l'article L.3121-18 du code du travail, la durée quotidienne du travail effectif ne peut excéder 10 heures, sauf dans des cas particuliers détaillés. En application de l'article L.3121-5, la durée du travail hebdomadaire ne peut dépasser 48 heures. Cette limite d'ordre public s'apprécie nécessairement sur une semaine, peu important que le temps de travail soit organisé sur une période plus longue que la semaine.

La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.

En l'espèce, le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail, en l'occurrence hebdomadaire, ouvre droit à réparation. La société échoue en effet à démontrer qu'elle a respecté les durées maximales du travail et que le salarié a bénéficié du repos auquel il pouvait prétendre. Au contraire, il est établi par les éléments du dossier et les développements qui précèdent que l'amplitude horaire a à plusieurs reprises dépassé la durée maximale hebdomadaire du travail sur la période considérée, et que s'il a bénéficié des repos prévus dans le cadre de la convention de forfait alors appliquée par les parties, M. [I] n'a cependant pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il avait droit du fait des heures supplémentaires accomplies.

Eu égard au déséquilibre ainsi nécessairement engendré au détriment de la vie personnelle et familiale du salarié et de son droit au repos, mais aussi de l'absence de tout élément produit par l'intéressé pour illustrer le préjudice allégué, et de nature à justifier le montant sollicité, il convient d'évaluer la réparation due pour réparer intégralement son préjudice à la somme de 150 euros. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a intégralement débouté M. [I] de cette demande.

9. Quant à l'indemnité de travail dissimulé

M. [I] fait valoir que l'intention de dissimulation de l'employeur est évidente.

L'employeur, qui le conteste, s'oppose à la demande.

Sur ce,

Il résulte des dispositions des articles L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail, que le fait, pour l'employeur, de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie du salarié un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires. Ainsi, la dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, la cour a privé d'effet la convention de forfait en jours liant la société Sun chemical et M. [I] et a, en conséquence de cette inopposabilité, a posteriori, retenu la réalisation d'heures supplémentaires au profit du salarié. Cette circonstance de l'absence d'heures supplémentaires mentionnées sur les bulletins de paie ne saurait donc suffire à établir la volonté délibérée de dissimuler l'emploi du salarié par la société, qui a pu se méprendre quant à la validité de la convention de forfait, étant souligné l'absence de toute remise en cause par l'intéressé au cours de la relation de travail, et même l'absence de toute réclamation pour des heures accomplies non rémunérées. Aucune intention frauduleuse de dissimulation durant la relation contractuelle n'est établie en l'état des moyens débattus et des pièces versées aux débats, de sorte qu'il convient, par confirmation du jugement, de le débouter de ce chef de prétention.

II - Sur la rupture

1. Sur le licenciement

M. [I] fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu'il a été orchestré par le responsable des ressources humaines, M. [Z], dont la spécialité était de réduire les effectifs avec des techniques conduisant à inventer un dossier de toute pièce pour broyer des salariés irréprochables, qu'il décrit dans un livre et un reportage de télévision produit. Il souligne que M. [Z] a ainsi mis fin brutalement à des discussions engagées pour une rupture conventionnelle, en lui adressant une lettre de licenciement pour faute grave fondée sur des faits anciens et qu'il conteste. Il soutient qu'il s'agit d'un licenciement économique déguisé, n'ayant pas été remplacé à son poste de travail, alors qu'un PSE a ensuite été mis en place. Il affirme que l'évidence du prétexte est d'ailleurs d'autant plus grande que les faits allégués par l'employeur, connus dès juin 2018 et dont il n'allègue pas avoir eu connaissance tardivement dans la lettre de licenciement, sont manifestement prescrits, et qu'en outre la réaction tardive de l'employeur qui a attendu plus de quatre mois entre la connaissance des faits et l'engagement de la procédure l'empêche d'invoquer la faute grave. Il conteste les faits reprochés, qu'il considère en tout état de cause insignifiants (soulignant notamment en ce qui concerne l'utilisation du télépéage le premier jour de ses congés, qu'il avait tout simplement oublié de déconnecter le badge) et partant parfaitement insuffisants à caractériser la faute grave alléguée. Il estime dans tous les cas que la mesure est manifestement disproportionnée dès lors qu'en 16 ans d'ancienneté il n'avait jamais été sanctionné.

La société Sun chemical réplique que le licenciement est fondé, puisqu'elle prouve la matérialité de l'ensemble des faits reprochés, qui ne sont aucunement prescrits dès lors qu'elle n'a eu connaissance que fin octobre 2021 des relevés de télépéage révélant l'utilisation du badge par le salarié pendant ses congés et le caractère mensonger de ses déclarations en juin 2021 au sujet du rendez-vous avec un client et les raisons de sa nuit d'hôtel du 18 mai pour laquelle il a demandé un remboursement. Elle souligne que l'argumentation de M. [I] portant sur les méthodes de M. [Z] pour procéder à des licenciements injustifiés est inopérante dès lors que c'est M. [W], directeur du site de [Localité 16], qui a signé la lettre de licenciement. Elle soutient par ailleurs que contrairement à ses affirmations non prouvées, le salarié a bien été remplacé à son poste de travail, et qu'elle conteste tout objectif visant à réduire les effectifs, le PSE dont il est fait état étant d'ailleurs postérieur au licenciement. L'employeur souligne que M. [I] a été licencié pour avoir menti pour obtenir le paiement de sommes d'argent ne lui étant pas dues, alors qu'il a profité de son déplacement professionnel pour se rapprocher de son lieu de vacances et est parti en vacances alors qu'il ne s'est pas rendu au rendez-vous sur site avec le client. Il estime que les manoeuvres de M. [I] ont rompu le lien de confiance indispensable avec un employé qui dispose de son autonomie inhérente à ses fonctions. L'employeur souligne que les fautes graves de l'intéressé justifient parfaitement le licenciement intervenu.

Sur ce,

A titre liminaire, il convient de relever que rien au dossier ne démontre que la cause réelle du licenciement serait autre que les faits évoqués dans la lettre de licenciement.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Elle s'apprécie in concreto, en fonction de l'ancienneté du salarié, de la qualité de son travail et de l'attitude qu'il a adoptée pendant toute la durée de la collaboration. La mise en 'uvre de la procédure de licenciement doit donc intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

C'est à l'employeur qui invoque la faute grave et s'est situé sur le terrain disciplinaire de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu'ils rendaient impossibles la poursuite du contrat de travail. Le doute doit profiter au salarié.

Aux termes de l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ou qu'il relève d'un comportement fautif identique aux faits non prescrits donnant lieu à l'engagement des poursuites disciplinaires. Sous ces réserves, le licenciement disciplinaire prononcé à raison de faits connus de plus de deux mois par l'employeur est sans cause réelle et sérieuse.

Lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient donc à l'employeur de rapporter la preuve qu'il n'a eu connaissance de celui-ci que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la poursuite disciplinaire.

En l'espèce, dans la lettre de licenciement qui lie les parties et le juge et fixe les limites du litige, l'employeur reproche à M. [I] :

- d'avoir débuté ses vacances dans l'après midi du 18 mai 2021 en n'ayant posé de congés qu'à partir du lendemain ;

- d'avoir menti à son manager en affirmant par mail avoir visité le client Bpack le 18 mai dans l'après midi, afin de justifier le remboursement d'une nuit d'hôtel se trouvant sur la route de ses vacances, et d'avoir ainsi tenté d'escroquer l'entreprise en demandant le remboursement indu d'une nuit d'hôtel censée être justifiée par l'heure tardive de fin de visite d'un client qui en réalité n'avait pas eu lieu,

- d'avoir utiliser le télépéage pendant ses congés, faisant ainsi supporter par l'entreprise une partie du coût de ses vacances tout en sachant que l'utilisation est interdite pendant les congés et les week-ends.

Dès lors que l'ensemble des faits sanctionnés ont été commis en mai et juin 2021, soit plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement le 8 novembre 2021, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu pleinement connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites.

La lettre de licenciement ne fait certes pas état d'une connaissance différée par l'employeur, néanmoins, celui-ci produit des éléments suffisants pour convaincre la cour qu'il n'a eu connaissance de l'ampleur des faits reprochés que le 28 octobre 2021.

Il ressort en effet des échanges de courriels entre M. [I] et son supérieur hiérarchique en juin 2021, que le paiement de la nuit d'hôtel du 18 mai 2021 a été refusée au salarié le 18 juin du seul fait de son départ connu en congés payés le lendemain, alors que celui-ci justifiait sa demande de remboursement par la sortie tardive du rendez-vous chez le client Bpack sans que rien ne justifie alors de douter de la parole du salarié.

Il ressort du courriel produit par l'employeur du 17 septembre 2021 que la responsable de la flotte automobile de la société Sun chemical, Mme [J], a à cette date sollicité le service facturation de la société [Adresse 9] pour signaler «que nous ne sommes plus facturés depuis le 1er mai alors que le collaborateur s'en sert très régulièrement» et demander ainsi à être tenue «au courant.»

Il ressort de ses courriels que Mme [J] a obtenu le relevé de facturation pour l'immatriculation concernant M. [I] le 28 octobre 2021, ce qui est corroboré par le courriel du 24 mai 2022 de Mme [B], directrice juridique et conformité de la société Lease Plan, dans lequel elle précise que les informations d'utilisation du télépéage ont été transmises à la société le 28 octobre 2021, suite à la demande formée en septembre 2021. La société Sun chemical produit en outre des éléments concordants (courriel de Mme [N], assistante administrative de facturation de la société [Adresse 9] du 6 octobre 2021 et courriel de Mme [B]) établissant la réalité d'un problème technique du fournisseur de badge télépéage l'ayant empêchée d'obtenir avant cela les informations sur la consommation de M. [I] entre mai et octobre 2021.

Le relevé produit, établi pour la période du 1er mai au 28 octobre 2021, correspond de manière évidente au document alors transmis, rien au dossier ne permettant de considérer qu'il aurait pu être porté à la connaissance de l'employeur avant cette date comme le prétend M. [I].

Du fait de l'autonomie du salarié et de sa liberté d'organisation résultant de ses fonctions et de l'application alors de la convention de forfait, seul ce document, qui détaille l'utilisation par M. [I] de son badge de télépéage en mentionnant les entrées et sorties d'autoroute avec les dates et horaires, permettait à l'employeur de vérifier les trajets de M. [I] les journées des 18 et 19 mai 2021, et donc d'une part de vérifier l'utilisation du badge par le salarié pendant ses congés le 19 mai, et d'autre part de tirer des conclusions quant au caractère mensonger de ses déclarations pour son activité la journée du 18 mai 2021, faites au soutien de sa demande de remboursement par l'employeur d'une nuit d'hôtel au titre des frais professionnels.

En convoquant dès le 8 novembre M. [I] à l'entretien préalable au licenciement avec mise à pied à titre conservatoire, non seulement les faits reprochés ne sont donc pas prescrits mais encore le temps de réaction raisonnable de l'employeur ne saurait faire perdre leur gravité aux faits s'ils sont établis.

S'agissant du premier grief, il ressort des développements qui précèdent que l'employeur ne justifie pas l'absence de travail par M. [I] l'après midi du 18 mai 2021, étant souligné qu'en sa qualité de commercial, l'intéressé était autonome, habitué à s'organiser librement, et à notamment prendre ou passer des appels téléphoniques professionnels, y compris dans son véhicule. A tout le moins un doute raisonnable subsiste qui doit profiter au salarié. Le grief n'est donc pas établi.

Quant à l'utilisation ponctuelle du badge de télépéage de l'entreprise par M. [I] pour une entrée sur autoroute le matin et une sortie en tout début d'après midi le 19 mai 2021, alors qu'il était en congé, elle est matériellement établie au regard du relevé de télépéage dont la force probante n'est pas contestée de façon opérante au vu des développements supra. Toutefois, l'intention prêtée au salarié d'une utilisation délibérée malgré une interdiction connue n'est pas établie avec certitude, alors que le badge est automatique et que l'intéressé affirme avoir simplement oublié de le déconnecter le seul premier jour de ses congés dans le cadre de son départ en vacances. Les éléments produits par l'employeur ne permettant aucunement d'exclure cette possibilité en l'absence de toute autre négligence de ce type en 16 ans d'ancienneté, il subsiste un doute raisonnable quant au caractère volontaire allégué, qui doit profiter au salarié. Sans preuve d'une action délibérée, le grief ne sera pas retenu.

Quant au mensonge de M. [I] à son supérieur hiérarchique, il est parfaitement établi. Il ressort du courriel de l'intéressé du 9 juin 2021 qu'il lui a clairement et sans équivoque indiqué, en réponse à une interrogation du même jour sur la légitimité de la demande de remboursement pour la nuit d'hôtel du 18 au 19 mai 2021, avoir sollicité ce remboursement, car : «De façon simple. J'avais rdv chez Bpack à 16h comme je vous l'ai dit chez [A] et donc j'ai dormi à [Localité 12] car je suis sorti de là-bas plus tard et je ne me voyais pas faire la route. Donc voilà pourquoi j'ai pris à [Localité 12] une chambre d'Hôtel.» Il n'est par ailleurs pas contesté que dans un courriel ultérieur, il a maintenu que, après un rendez-vous chez le client Miclo, «je suis sorti de chez Bpack [Localité 6] vers 17h-17h30 et je ne me voyais pas rentrer chez moi. Donc j'ai dormi à [Localité 12] et suis parti en vacances. (...) Mais je prends acte : j'aurais du faire la route, peu importe la fatigue. (...)»

Or, le relevé de télépéage démontre qu'il est entré sur l'autoroute à [Localité 4] à 14h21, et n'en est sorti qu'à 17h14 à [Localité 19]-[Localité 10], sans donc prendre la sortie lui permettant de rencontrer le client Bpack, ce qui n'est pas contesté. En la présente instance, M. [I], non seulement reconnait ne pas être sorti de l'autoroute au niveau de l'entreprise Bpack et ne pas s'être rendu ce jour là chez le client Bpack, mais encore produit une attestation de ce client le confirmant. Le mensonge est ainsi caractérisé. Le grief est retenu.

Au vu des développements qui précèdent au titre de la demande de remboursement de frais professionnels du 18 au 19 mai 2021, M. [I] ne justifie aucunement, autrement que par la poursuite de l'itinéraire initialement prévu pour se rapprocher de son lieu de vacances compte tenu des congés débutant le lendemain, qu'il ait poursuivi son trajet vers [Localité 12] malgré l'annulation du rendez-vous chez Bpack connu dès le début d'après midi, alors qu'il en était encore loin. Il est établi que le salarié a ainsi tenté de se faire rembourser indument des frais qu'il n'avait pas exposés pour son activité professionnelle ni dans l'intérêt de l'employeur.

En réponse, M. [I] fait valoir plusieurs moyens et arguments dont aucun n'est opérant dès lors qu'ils ne permettent pas de contredire utilement les reproches énoncés dans la lettre de licenciement ci-dessus retenus.

Ces faits ainsi retenus sont suffisamment sérieux pour, chacun, suffire à justifier le licenciement. En revanche, compte tenu des mois séparant les faits et la connaissance de ces faits dans toute leur ampleur par l'employeur sans qu'elle ne puisse être reprochée à M. [I], compte tenu également du caractère extrêmement ponctuel tant du mensonge que de la tentative d'obtenir un remboursement indu, compte tenu également du faible impact de cette tentative dès lors que, dès le 28 juin, le salarié a manifesté son intention de ne pas maintenir sa demande et que la société n'a rien payé, compte tenu encore de l'ancienneté de M. [I] qui n'avait jamais été jusqu'alors l'objet de la moindre remarque relative au respect de ses obligations contractuelles ou déontologiques et de la moindre sanction disciplinaire, son maintien dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis n'était pas impossible, de sorte qu'il n'y a pas lieu de retenir la faute grave.

Il s'en déduit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement sera donc réformé de ce chef et en ce qu'il a accordé au salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [I] est fondé en revanche à réclamer :

- la somme de 2 352,42 euros au titre du rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire non fondée, outre les congés payés afférents de 235,24 euros,

- 13 460,52 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents de 1 346,05 euros,

- la somme de 56 975,75 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

ces montants ne faisant d'ailleurs l'objet d'aucune contestation à titre subsidiaire par l'employeur.

Le jugement sera de ces chefs confirmé.

2. Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

Contrairement à ce que prétend la société Sun chemical, le conseil de prud'hommes a, dans son jugement du 27 janvier 2023, statué sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire en rejetant la demande. L'employeur et M. [I] seront donc déboutés de la demande de réparer une omission de statuer qui est sans objet.

Un licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation. Il appartient au salarié d'établir ces circonstances vexatoires de son licenciement.

En l'espèce,

il ne résulte pas des moyens débattus et des pièces versées aux débats des éléments établissant des circonstances particulières de mise en 'uvre de la procédure de licenciement de manière brutale ou vexatoire, et M. [I] ne produit aucun élément pour caractériser le préjudice allégué. En conséquence il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de ce chef de prétention.

3. Quant à la demande de dommages-intérêts pour remise d'une attestation Pôle emploi erronée

M. [I] fait valoir qu'il s'est vu remettre une attestation Pôle emploi erronée puisqu'elle ne tient pas compte de l'intégralité des heures supplémentaires réalisées, et que son salaire de référence aura ainsi été diminué et partant le montant de ses allocations de retour à l'emploi. Il ne verse toutefois aux débats aucun élément justifiant le préjudice allégué. Sa demande sera rejetée et la décision déférée confirmée.

III - Sur les intérêts judiciaires et la capitalisation

Les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à partir de la décision qui les prononce.

Les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

IV - Sur les autres demandes

L'issue du litige conduit à confirmer la décision déférée en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.

Chaque partie succombant partiellement, supportera la charge des dépens qu'elle a exposée en cause d'appel. L'équité commande par ailleurs de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande reconventionnelle de l'employeur concernant des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention de forfait privée d'effet, en ce qu'elle a rejeté la demande indemnitaire du salarié sur la violation des durées maximales de travail et du droit au repos, en ce qu'elle a condamné la société à rembourser au salarié 192,12 euros de frais professionnels, en ce qu'elle a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a alloué à M. [I] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'elle a condamné l'employeur à des remboursements à Pôle emploi ;

Le confirme sur le surplus, sauf à dire que la convention de forfait est privée d'effet ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription partielle de la demande de rappel de salaire pour le mois de novembre 2018 ;

Déboute la société Sun chemical et M. [I] de leur demande de réparer une omission de statuer qui est sans objet ;

Dit que la convention de forfait est privée d'effet à l'égard de M. [I] ;

Condamne la société Sun chemical à payer à M. [I] 150 euros net à titre de dommages et intérêts pour violation des durées maximales du travail et du droit au repos du salarié ;

Condamne M. [I] au remboursement à la société Sun chemical de la somme de 11 823,35 euros brut au titre des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention privée d'effet ;

Condamne la société Sun chemical à payer à M. [I] la somme de 136,13 euros net à titre de remboursement des frais professionnels exposés entre le 20 octobre et le 8 novembre 2021 ;

Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à partir de la décision qui les prononce ;

Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne chaque partie à assumer ses propres dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/01219
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;23.01219 ?
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