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27/03/2024 | FRANCE | N°23/01125

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 27 mars 2024, 23/01125


ARRET







[Y]





C/



S.E.L.A.R.L. FIDUCIAIRE EXPERTISES JURIDIQUES FIJUREX



























































copie exécutoire

le 27 mars 2024

à

Me MARRAS

Me DRYE

EG/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 27 MARS 2024



*************************************************************

N° RG 23/01125 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWMZ



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 12 DECEMBRE 2022 (référence dossier N° RG F21/00365)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [M] [K] [Y]

née le 27 Mai 1985 à [Localité 5] (ALGER)

de nationalité Fran...

ARRET

[Y]

C/

S.E.L.A.R.L. FIDUCIAIRE EXPERTISES JURIDIQUES FIJUREX

copie exécutoire

le 27 mars 2024

à

Me MARRAS

Me DRYE

EG/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 27 MARS 2024

*************************************************************

N° RG 23/01125 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWMZ

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 12 DECEMBRE 2022 (référence dossier N° RG F21/00365)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [M] [K] [Y]

née le 27 Mai 1985 à [Localité 5] (ALGER)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée, concluant et plaidant par Me Giuseppina MARRAS de la SCP DELARUE VARELA MARRAS, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Lou JOSEAU, avocat au barreau d'AMIENS

ET :

INTIMEE

S.E.L.A.R.L. FIDUCIAIRE EXPERTISES JURIDIQUES FIJUREX

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée, concluant et plaidant par Me Bruno DRYE de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES, avocat au barreau de SENLIS substituée par Me Manon DRAIN, avocat au barreau de SENLIS

DEBATS :

A l'audience publique du 31 janvier 2024, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Mme [H] [V] indique que l'arrêt sera prononcé le 27 mars 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme [H] [V] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 27 mars 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [Y], née le 27 mai 1985, a été embauchée à compter du 23 avril 2019 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société Fiduciaire expertises juridiques Fijurex (la société ou l'employeur), en qualité de juriste.

La société Fiduciaire expertises juridiques Fijurex emploie moins de 11 salariés. La convention collective applicable est celle des avocats et de leur personnel.

Mme [Y] a été placée en arrêt-maladie d'origine professionnelle du 7 au 14 septembre 2021.

Le 27 septembre 2021, la société lui a adressé une mise en demeure de justifier les raisons de son absence ou de reprendre le travail.

Ce même jour, dans le cadre d'une visite de pré-reprise, le médecin du travail a constaté que la salariée ne pouvait pas reprendre son poste actuel et l'a orientée vers son médecin-traitant pour prise en charge.

Le 1er octobre 2021, le médecin du travail a préconisé une étude de poste.

Une déclaration d'accident de travail a été régularisée le 14 octobre par l'employeur et le 15 octobre 2021 par la salariée pour les faits survenus le 7 septembre 2021 sur le trajet domicile-travail.

Par courrier du 26 octobre 2021, Mme [Y] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement, fixé au 9 novembre 2021.

Le 16 novembre 2021, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse.

Ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail et contestant la légitimité de son licenciement, Mme [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Creil le 14 décembre 2021.

Le 5 janvier 2022, la CPAM a notifié à l'employeur son refus de reconnaitre le caractère professionnel de l'accident de trajet de Mme [Y]. Celle-ci a contesté ce refus devant le tribunal judiciaire de Beauvais.

Par jugement du 12 décembre 2022, le conseil a :

débouté Mme [Y] de sa demande de classification au niveau 2 « cadres » de la convention collective nationale des avocats et de leur personnel du 20 février 1979 ;

jugé que le licenciement de Mme [Y] n'était entaché d'aucune nullité ;

jugé le licenciement de Mme [Y] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

débouté Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

condamné Mme [Y] à restituer la somme de 2 473,65 euros à la société Fiduciaire expertises juridiques Fijurex au titre du trop-perçu de son solde de tout compte ;

dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

dit que chaque partie conservait la charge de ses propres dépens.

Mme [Y], régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 septembre 2023, demande à la cour de :

infirmer la décision en ce qu'elle :

- l'a déboutée de sa demande de classification au niveau 2 « cadres » de la convention collective nationale des avocats et de leur personnel du 20 février 1979 ;

- jugé que son licenciement n'était entaché d'aucune nullité ;

- jugé son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

- l'a condamnée à restituer la somme de 2 473,65 euros à la société Fiduciaire expertises juridiques Fijurex au titre du trop-perçu de son solde de tout compte.

Et statuant à nouveau,

Sur l'exécution du contrat de travail, le coefficient à attribuer et les rappels de salaires afférents,

juger que son niveau de qualification et d'emploi devait être fixé conformément aux critères de la convention collective à tout le moins au niveau « cadre débutant » 1er échelon du niveau 2 - coefficient 385 de la convention collective ;

en conséquence, condamner l'employeur à lui payer :

- 1 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice moral subi du fait de cette inexécution ;

- 1 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice matériel ;

- rappels de salaire à raison des rémunérations minimums prévues par la convention collective pour le niveau de compétence et de fonction prévu par le contrat de travail :

4 828 euros pour l'année 2019, outre 482,80 euros de congés payés ;

5 252 euros pour l'année 2020, outre 525,20 euros de congés payés ;

5 255,25 euros pour l'année 2021, outre 525,52 euros de congés payés.

Sur l'invalidation de la rupture du contrat de travail,

à titre principal, annuler le licenciement notifié le 16 novembre 2021 en période de suspension du contrat de travail suite à une inaptitude provoquée par un accident du travail ;

subsidiairement, juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et intervenu dans des conditions discriminatoires et particulièrement vexatoires ;

en conséquence, condamner l'employeur à lui verser :

- 5 428 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 542,80 euros de congés payés afférents ;

- 16 284 euros à titre d'indemnité réparatrice d'un licenciement nul comme intervenu en période de suspension du contrat de travail ;

subsidiairement, condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dans des conditions particulièrement vexatoires fondées sur l'état médical de la salariée, fixés à 9 499 euros ;

débouter l'employeur de ses demandes, et dire qu'il n'y a pas lieu à restitution de l'indemnité spéciale de licenciement ;

très subsidiairement, ne condamner qu'en denier ou quittance et ordonner la compensation de la condamnation avec celle prononcée contre l'employeur ;

condamner l'employeur à lui verser 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes (attestation Pôle emploi, bulletin de salaire, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte), le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter du 8ème jour du prononcé de la décision, la juridiction prud'homale se réservant la faculté de liquider l'astreinte ;

dire et juger que les sommes allouées par la cour porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud'homale ;

condamner l'employeur aux entiers dépens, en ce compris les frais liés à l'exécution de la présente décision.

La société Fiduciaire expertises juridiques Fijurex, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2024, demande à la cour de :

déclarer mal fondée Mme [Y] en son appel du jugement ;

déclarer irrecevable et en tous les cas mal fondée Mme [Y] en ses demandes en ce qu'elles sont dirigées à son encontre ;

l'en débouter ;

confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

condamner Mme [Y] à lui payer 2 473,65 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2022, sur le fondement des articles 1302 et suivants du code civil.

Et y ajoutant,

condamner Mme [Y] à lui payer 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

la condamner aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS

1/ Sur l'exécution du contrat de travail

Mme [Y] conteste la qualification professionnelle retenue par l'employeur pour revendiquer le niveau 2 échelon 1 coefficient 385 aux motifs qu'elle dispose d'un niveau bac + 5, avait acquis plus de 4 années d'expérience et exerçait des fonctions de niveau « cadre » telles que la gestion des actes juridiques de leur rédaction à leur signature et l'adaptation des modèles.

L'employeur répond que l'embauche de la salariée s'est faite à la suite d'une mise en situation professionnelle dans le cadre d'une convention tripartite avec Pôle emploi qui a montré qu'elle ne disposait pas de compétences suffisantes pour envisager d'autres fonctions que d'exécution, notamment en l'absence d'expérience professionnelle dans le domaine du droit des affaires.

Il précise que Mme [Y] n'a jamais reçu de clients seule, n'a jamais eu à rédiger un acte juridique mais uniquement à remplir des données précises dans une matrice préexistante, et disposait de modèles pour les courriers qui ne lui étaient pas dictés, la tentative de lui confier une plus grande autonomie au printemps 2021 s'étant soldée par un échec.

La qualification professionnelle d'un salarié se détermine selon les fonctions réellement et concrètement exercées.

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

En cas de différend sur la classification professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, il y a lieu de rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé par le salarié et la qualification qu'il requiert au regard de la convention collective applicable.

En l'espèce, Mme [Y] a été embauchée en qualité de juriste niveau III échelon 2 coefficient 285.

Elle revendique le niveau II échelon 1 coefficient 385 qui correspond, aux termes de la convention collective des avocats et de leur personnel, au niveau cadre débutant défini comme suit :

« Personnel disposant d'une technicité lui permettant d'exercer ses fonctions avec autonomie. Il rend compte de l'état d'avancement des travaux selon les modalités définies par l'employeur. Il définit et réalise ou fait réaliser un programme de travail dans le respect des orientations données ; il peut animer et coordonner l'activité d'un ou plusieurs salariés.
Formation initiale : bac + 3 ou au moins équivalent, sans expérience professionnelle. »

Si Mme [Y] justifie du niveau de diplôme requis avec un Master en droit privé, son absence d'expérience professionnelle en droit des affaires n'étant pas un obstacle au regard du texte précité, il en va autrement des tâches qu'elle exerçait effectivement au sein du cabinet Fijurex.

En effet, pour preuve d'un degré d'autonomie dans l'exécution de ces tâches correspondant à la classification de cadre, elle produit des fiches de validation d'heures supplémentaires concernant le travail réalisé sur des actes de cession en mai et juin 2021, deux courriels de septembre 2021 lui rappelant de renseigner le logiciel pour le temps passé à des recherches et déplorant son absence alors qu'un dossier dont elle avait la charge devait être finalisé, et se prévaut de pièces versées par l'employeur qui démontreraient qu'elle prenait les rendez-vous seule avec les clients.

Or, la cour constate que les pièces produites ne permettent de caractériser un travail en autonomie de la rédaction des actes au rendez-vous de signature, que pour le dossier [C] en mai-juin 2021 alors que Mme [Y] exerce au sein du cabinet depuis déjà 3 ans et que l'employeur qualifie cet épisode de tentative échouée de lui donner plus de responsabilités, ce que corrobore l'attestation de M. [C] particulièrement mécontent du manque de maîtrise de la salariée en charge de son dossier.

Il s'en déduit que Mme [Y] n'exerçait pas ses fonctions dans les conditions prévues par la convention collective pour le niveau II échelon 1 coefficient 385 de façon effective et permanente.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté les demandes de ce chef de la salariée.

2/ Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce.

En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée comme suit :

« Nous vous avons reçue, accompagnée de Monsieur [B] [J], le délégué que vous avez choisi sur la liste dressée par le préfet, pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre.

Vous ne nous avez fourni aucune explication quant à votre absence injustifiée depuis le 15 septembre 2021.

Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :

Vous avez été absente du 7 au 14 septembre 2021 inclus : cette absence a été justifiée par un certificat médical en date du 7 septembre 2021.

Vous auriez dû par suite reprendre votre poste le 15 septembre 2021. Or, il n'en a rien été.

Nous vous avons mis en demeure, par un courrier en date du 27 septembre 2021, réceptionné par vos soins le 28 septembre 2021, de justifier les raisons de votre absence, ou à défaut, de reprendre votre travail à réception dudit courrier.

Ce courrier est resté lettre morte, et vous n'avez apporté aucune explication lors de l'entretien de 9 novembre dernier.

Nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.»

La cour relève que bien que le caractère discriminatoire du licenciement conduise à sa nullité, le dispositif des conclusions de la salariée, qui la lie, fonde la demande en nullité sur la notification du licenciement en période de suspension du contrat de travail à la suite d'une inaptitude provoquée par un accident du travail, et la demande en requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse sur l'existence d'une discrimination.

2-1/ sur la demande en nullité du licenciement

L'article L.1226-7 alinéa 1 du code du travail dispose que le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie.

L'article L.1226-9 du même code dispose qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

En application de l'article L.1226-13 de ce code, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-18 est nulle.

En l'espèce, Mme [Y] ne justifiant d'aucun arrêt de travail au jour du licenciement, sa demande en nullité ne saurait prospérer.

2-2/ sur la demande de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse

En raison d'une discrimination

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, en raison de son état de santé.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Mme [Y] affirme qu'elle a été victime de discrimination à raison de son état de santé en ce qu'elle a été licenciée au motif de son absence injustifiée alors qu'elle avait été victime de violences verbales et physiques de la part de son employeur, à l'origine de son accident de trajet et de son arrêt de travail consécutif pour symptôme dépressif, et qu'aucun avis d'aptitude n'a été émis par le médecin du travail à l'issue de la visite de pré-reprise du 27 septembre 2021 dont l'employeur a été informé, une étude de poste étant au contraire préconisée le 22 octobre suivant.

L'employeur conteste toute altercation violente et affirme ne pas avoir été informé d'une visite à la médecine du travail alors qu'il avait mis en demeure la salariée le 27 septembre 2021 de justifier de son absence depuis le 15 septembre 2021 à l'issue de son arrêt de travail.

Il ressort du certificat médical produit que Mme [Y] a été placée en arrêt de travail du 7 au 14 septembre 2021 dans le cadre d'un accident du travail.

Le 27 septembre 2021, le médecin du travail a délivré à la salariée une attestation de visite mentionnant qu'elle ne pouvait reprendre son poste actuel et l'orientant vers son médecin traitant pour prise en charge.

Si aucun élément ne permet d'établir que ce document a été transmis à l'employeur, il ressort du formulaire de proposition de mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail du 22 octobre 2021 préconisant une étude de poste, qu'un échange entre l'employeur et le médecin du travail a eu lieu le 1er octobre 2021, et du courriel du 2 novembre 2021 que le médecin du travail était en attente d'une réponse de l'employeur après lui avoir proposé une date pour l'étude de poste.

La procédure de licenciement ayant été engagée le 26 octobre 2021, alors que l'employeur avait connaissance de la saisine du médecin du travail par la salariée, les éléments présentés par cette dernière laissent présumer l'existence d'une situation de discrimination à raison de son état de santé.

Pour démontrer que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, l'employeur soutient qu'à défaut de réponse à sa mise en demeure du 27 septembre 2021, il était bien fondé à licencier pour cause réelle et sérieuse la salariée absente depuis le 15 septembre 2021.

La durée et le motif de l'arrêt de travail de Mme [Y] n'imposant aucune visite de reprise pour constater l'aptitude de cette dernière, l'attestation de visite du 27 septembre 2021 ne saurait être interprétée comme interdisant la reprise de travail en l'absence de tout arrêt-maladie.

A défaut d'arrêt-maladie postérieur au 14 septembre 2021 et d'avis d'inaptitude, la seule intervention du médecin du travail en vue d'une étude de poste ne saurait suffire à justifier l'absence de Mme [Y] à son travail à compter du 15 septembre 2021 malgré une mise en demeure de reprendre le travail du 27 septembre 2021 sous peine de sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, une convocation à un entretien préalable du 26 octobre 2021 et un entretien préalable du 9 novembre 2021.

Au vu de ces éléments, la décision de licencier Mme [Y] était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Ce moyen ne saurait donc conduire à la remise en cause du licenciement.

En raison de l'absence de cause réelle et sérieuse

Mme [Y] fait valoir que l'employeur ne peut lui reprocher une absence injustifiée sans manquer à son obligation de sécurité alors qu'il était informé par le médecin du travail qu'elle n'était pas en état de reprendre ses fonctions et qu'une étude de poste était préconisée.

L'employeur estime qu'à défaut d'élément sur les raisons de l'absence de la salariée malgré une mise en demeure et une convocation à un entretien préalable, il était bien fondé à la licencier pour cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L.1232-1, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, il est constant que Mme [Y], placée en arrêt de travail du 7 au 14 septembre 2021, ne s'est pas représentée à son travail entre le 15 septembre et le 16 novembre 2021, date de son licenciement.

Elle ne justifie d'aucun arrêt de travail pour cette période ni même d'explication fournie à son employeur malgré une mise en demeure de justifier de son absence du 27 septembre 2021.

Si le médecin du travail lui a remis une attestation de visite du 27 septembre 2021 mentionnant qu'elle ne pouvait pas reprendre son poste actuel et la renvoyant vers son médecin traitant, ce document, dont la transmission à l'employeur n'est pas établie et qui ne valait pas inaptitude, ne pouvait l'exonérer de satisfaire à ses obligations professionnelles en justifiant de son absence auprès de son employeur par l'envoi d'un arrêt de travail.

De même, la préconisation d'une étude de poste par le médecin du travail ne la dispensait pas de reprendre son travail dans l'attente d'un éventuel avis d'aménagement de poste ou d'inaptitude.

Mme [Y] s'étant absentée de son travail pendant deux mois sans fournir elle-même aucune explication ou justificatif à son employeur, elle ne peut reprocher à ce dernier un manquement à son obligation de sécurité pour justifier cette absence.

Il convient donc de valider le licenciement pour cause réelle et sérieuse notifié le 16 novembre 2021 et de rejeter les demandes indemnitaires subséquentes à la demande de requalification par confirmation du jugement entrepris.

2-3/ sur l'indemnité de licenciement

Mme [Y] se prévaut des dispositions du code du travail accordant une indemnité spéciale de licenciement en cas d'inaptitude d'origine professionnelle.

Elle ajoute avoir remboursé à l'employeur un trop-perçu de 2 473,65 euros le 11 janvier 2023.

L'employeur répond que le licenciement n'était pas lié à une inaptitude, et encore moins à une inaptitude d'origine professionnelle, il est en droit d'obtenir restitution du double paiement opéré par erreur.

L'article L.1226-14 du code du travail dispose notamment que la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L.1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L.1234-9.

En l'espèce, aucun avis d'inaptitude n'ayant été émis par le médecin du travail, Mme [Y] ne saurait prétendre au versement de l'indemnité spéciale prévue par l'article précité.

Cette dernière ne contestant pas avoir perçu deux fois le montant du solde de tout compte, il convient de confirmer le jugement entrepris qui a fait droit à la demande de restitution de l'employeur, au vu de la demande d'infirmation de ce chef de la salariée.

3/ Sur les demandes accessoires

Le sens de la présente décision conduit à confirmer le jugement entrepris quant aux dépens et aux frais irrépétibles, et à mettre à la charge de Mme [Y] les dépens d'appel.

L'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles engagés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [M] [Y] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/01125
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;23.01125 ?
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