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27/03/2024 | FRANCE | N°23/00282

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 27 mars 2024, 23/00282


ARRET







[N]





C/



S.A.S. FRANCE SOLAR



























































copie exécutoire

le 27 mars 2024

à

Me TELLACHE

Me MEUNIER

LDS/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 27 MARS 2024



********************

*****************************************

N° RG 23/00282 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IUYB



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 09 DECEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 21/00106)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [YZ] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté, concluant et plaidant par Me Jacques TELLACHE de la SE...

ARRET

[N]

C/

S.A.S. FRANCE SOLAR

copie exécutoire

le 27 mars 2024

à

Me TELLACHE

Me MEUNIER

LDS/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 27 MARS 2024

*************************************************************

N° RG 23/00282 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IUYB

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 09 DECEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 21/00106)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [YZ] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté, concluant et plaidant par Me Jacques TELLACHE de la SELARL GUYOT DE CAMPOS, avocat au barreau de REIMS

ET :

INTIMEE

S.A.S. FRANCE SOLAR prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée, concluant et plaidant par Me Caroline MEUNIER de la SELARL CAROLINE MEUNIER, avocat au barreau de STRASBOURG substituée par Me Laura CLAUS, avocat au barreau de STRASBOURG

Me Aude TONDRIAUX-GAUTIER de la SELAS DOREAN AVOCATS, avocat au barreau d'AMIENS, avocat postulant

DEBATS :

A l'audience publique du 07 février 2024, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Madame Laurence de SURIREY en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Madame Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 27 mars 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 27 mars 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [N], né le 13 août 1988, a été embauché à compter du 18 novembre 2019 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société France solar (la société ou l'employeur), en qualité de voyageur représentant placier exclusif.

La société France solar est spécialisée dans la commercialisation et la pose des énergies de l'habitat (pompes à chaleur, photovoltaïque, aérovoltaïque') et emploie plus de 10 salariés.

La convention collective applicable est celle du bâtiment.

Par courrier du 20 août 2020, M. [N] a informé son employeur de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail.

Par courrier du 16 septembre 2020, la société France solar a contesté tous les manquements allégués par le salarié.

Demandant la requalification de la prise d'acte en licenciement abusif et ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Laon le 3 août 2021.

Par jugement du 9 décembre 2022, le conseil a :

dit et jugé que la prise d'acte de rupture du contrat de travail initiée par M. [N] produisait les effets d'une démission ;

condamné la société France solar à verser à M. [N] la somme de 300 euros au titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale ;

débouté M. [N] du surplus de ses demandes ;

débouté la société France solar de ses demandes ;

dit que chaque partie conserverait la charge de ses propres dépens.

M. [N], qui est régulièrement appelant de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 décembre 2023, demande à la cour de :

le recevoir en son appel et le déclarer bien fondé ;

confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société France solar à lui payer la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale ;

l'infirmer pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

juger que la société France solar a gravement manqué à ses obligations contractuelles ;

En conséquence,

juger que la prise d'acte du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

juger que la clause de bonne fin insérée au contrat de travail est nulle et de nul effet.

En conséquence,

condamner la société France solar à lui payer les sommes suivantes :

- 10 679,29 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (1 mois) ;

- 10 679,29 euros au titre de l'indemnité de préavis (1 mois) ;

- 1 067,92 euros au titre des congés payés sur préavis.

Au titre des demandes accessoires,

condamner la société France solar à lui payer les sommes suivantes :

- 51 025,69 euros au titre du rappel de salaire au titre des commissions et CP/ commissions ;

- 64 075,72 euros au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé (6 mois) ;

- fixer la moyenne du salaire à la somme brute de 10 679,29 euros.

Subsidiairement, si la cour écartait la nullité de la clause de bonne fin,

condamner la société France solar à lui payer les sommes suivantes :

- 8 455,64 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (1 mois) ;

- 8 455,64 euros au titre de l'indemnité de préavis (1 mois) ;

- 845,56 euros au titre des congés payés sur préavis.

Au titre des demandes accessoires,

condamner la société France solar à lui payer les sommes suivantes :

- 33 236,49 euros au titre du rappel de salaire au titre des commissions et CP/ commission ;

- 50 733,84 euros au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé (6 mois) ;

- fixer la moyenne du salaire à la somme brute de 8 455,64 euros ;

Dans tous les cas,

condamner la société France solar à lui payer les sommes suivantes :

- 3 416,62 euros au titre du rappel de salaires au titre des heures supplémentaires ;

- 341,66 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire/heures supplémentaires ;

- 2 214,32 euros au titre de la contrepartie financière des temps de déplacement ; - 221,43 euros au titre des congés payés y afférent ;

- 94,90 euros au titre de la contrepartie financière en l'absence de repos compensateur ;

- 4 000 euros au titre des dommages et intérêts au titre de l'exécution fautive du contrat de travail ;

dire que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la date de la requête ;

ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

ordonner la communication de l'attestation Pôle emploi rectifiée et du dernier bulletin de salaire rectifié, le tout sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

débouter la société France solar de ses demandes reconventionnelles ;

condamner la société France solar à lui payer la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société France solar, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 janvier 2024, demande à la cour de :

déclarer l'appel principal recevable mais mal fondé ;

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions hormis en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle, en l'espèce la demande de condamnation de M. [N] à régler la somme de 1 539,45 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et en ce qu'il l'a condamnée à régler à M. [N] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'absence de visite médicale ;

l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle, en l'espèce la demande de condamnation de M. [N] à régler la somme de 1 539,45 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et en ce qu'il l'a condamnée à régler à M. [N] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'absence de visite médicale.

Statuant à nouveau,

A titre principal,

débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes et prétentions ;

le condamner à lui régler la somme de 1 539,45 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 916,75 euros brut au titre du trop-perçu dans le dossier Hua.

A titre subsidiaire,

limiter l'indemnisation de M. [N] au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum légal de zéro mois de salaire avec un plafond d'un mois de salaire ;

limiter l'indemnisation de M. [N] au titre de l'ensemble des demandes indemnitaires et salariales à de plus justes proportions ;

juger que M. [N] ne justifie d'aucun préjudice.

En tout état de cause,

débouter M. [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de sa demande d'exécution provisoire ;

condamner M. [N] à lui verser la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS :

1/ Sur la prise d'acte :

Le salarié qui reproche à l'employeur des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du travail peut prendre acte de la rupture de son contrat. La prise d'acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail. Si la prise d'acte est justifiée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul. Dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission.

Au soutien de sa prise d'acte M. [N] invoque :

son assujettissement au statut de VRP exclusif ne correspondant pas à la réalité de ses fonctions,

le non-paiement du salaire,

le non-paiement des heures supplémentaires,

le non-paiement des primes,

l'absence de visite d'information et de prévention,

l'exécution déloyale du contrat de travail.

L'employeur conteste l'ensemble de ces griefs.

1-1/ Sur le statut de VRP :

M. [N] soutient qu'il ne disposait d'aucune liberté et d'aucune autonomie dans l'organisation de son travail, son agenda et ses rendez-vous étant planifiés par l'employeur et ne lui laissant pas la faculté d'assurer sa propre activité de prospection, se trouvant ainsi soumis à des horaires déterminés et placé constamment sous le contrôle de l'employeur.

La société répond que les allégations de M. [N] sont mensongères.

Elle fait valoir que la prospection personnelle était prévue et même encouragée par le versement de primes spéciales, que la nature des produits vendus impliquait la réunion de nombreux critères et, par conséquent, un important travail de préparation en amont pour l'obtention de rendez-vous qualifiés c'est-à-dire utiles, que M. [N] avait la possibilité de demander le décalage des rendez-vous qualifiés, qu'elle n'avait pas la main sur son agenda et que le seul fait que M. [N] n'ait jamais signé de contrat à l'issue de sa propre prospection n'implique pas qu'il lui ait été interdit de le faire.

Sur ce,

Selon l'article L. 7311-3 du code du travail : est voyageur, représentant placier, toute personne qui :

1° travaille pour le compte d'un ou plusieurs employeurs ;

2° exerce en fait de façon exclusive et constante une profession de représentant ;

3° ne fait aucune opération commerciale pour son compte personnel ;

4° est lié à l'employeur par des engagements déterminants :

a) la nature des prestations de services, des marchandises offertes à la vente ou à l'achat ;

b) la région dans laquelle il exerce son activité ou les catégories de clients qu'il est chargé de visiter ;

c) le taux des rémunérations.

La représentation consiste à visiter la clientèle en vue de prendre et de transmettre les commandes. Elle suppose donc une action de prospection à l'extérieur des locaux de l'entreprise et auprès d'une clientèle. La prospection implique une activité de démarchage personnel du représentant auprès de la clientèle, reposant sur ses propres efforts et ses initiatives.

Si, en application de l'article L 7311-2 du code du travail, l'exercice d'autres activités pour le compte de l'employeur, conjointement à la représentation, ne fait pas perdre au salarié le bénéfice du statut légal de VRP, ce n'est qu'à la condition que ces dernières demeurent accessoires par rapport à la représentation, laquelle doit rester l'activité principale.

L'application du statut de VRP dépend uniquement de l'activité réellement exercée.

La charge de la preuve incombe au salarié.

En l'espèce, le contrat de travail stipule, en son article V « droits et obligations », que M. [N] s'engage, notamment :

- à effectuer personnellement tous les déplacements et visites qui lui seront prescrits par la société dans les conditions et délais impartis,

- à être présent auprès de la clientèle lors de l'installation d'un équipement afin de s'assurer du bon déroulement du chantier, de récupérer le règlement à la fin de l'installation,

- à mettre en 'uvre les moyens mis à sa disposition pour obtenir des clients de la société l'exécution intégrale de leurs engagements, notamment le paiement à l'égard de cette dernière,

- à enregistrer les ordres conformément aux modalités fixées par la direction commerciale de la société, étant toutefois précisé que ces commandes ne devront être acceptées qu'avec la clause « sous réserve d'approbation par la société » laquelle se réserve le droit de ne pas y donner suite,

- à remettre hebdomadairement un rapport détaillé d'activité au cours de la période considérée et apportant toutes informations utiles tenant notamment à l'état des marchés et aux besoins de la clientèle,

- à statuer systématiquement sur l'état des rendez-vous sur le logiciel de l'entreprise,

- à justifier de son activité les jours où il n'a pas de rendez-vous fournis par le centre d'appel de la société,

- à assister à toutes les réunions organisées au siège de la société.

Il n'est pas fait mention d'une obligation de démarchage personnel. Si la « note de détachement-objectif-VRP exclusif » prévoit l'octroi de primes pour toute vente issue d'un contact personnel ce qui suppose qu'un tel mode de démarchage n'était pas interdit, encore faut-il que cette activité soit rendue possible dans les faits.

Or, il résulte de la lecture de l'agenda commercial produit aux débats que M. [N] se voyait attribuer tous les jours d'office des rendez-vous qualifiés dont il n'est pas contesté qu'ils étaient en moyenne de trois par jour, que l'horaire lui était imposé et qu'ils pouvaient durer plusieurs heures au regard de l'enjeu financier.

De plus, si M. [N] ne rapporte pas la preuve de ce qu'il était tenu d'assurer le service après-vente, il supportait contractuellement plusieurs charges annexes telles que la supervision de l'installation vendue et au moins une réunion hebdomadaire à [Localité 3].

Il ne ressort pas des pièces produites que M. [N] ait eu à justifier de son activité pour une journée où il n'aurait pas eu de rendez-vous fixé par le centre d'appel et la société convient elle-même, qu'en tout état de cause, l'activité qu'elle déploie rend quasiment vain tout démarchage en dehors du procédé qu'elle a mis en place consistant à une prospection par le biais d'un centre d'appel après achat de listes de consommateurs potentiels appelées « leads ».

Il résulte de ce qui précède que M. [N], dont le planning de travail était fixé par l'employeur, ne disposait pas de la liberté d'organisation qui caractérise le statut de VRP au regard de la trop faible part laissée à ses propres efforts et initiatives dans son activité de représentation.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Ce seul motif justifie la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il y a néanmoins lieu d'examiner les autres griefs tenant au paiement du salaire et des primes qui ont des effets sur le calcul des conséquences financières de la requalification et à l'absence de visite de prévention et d'information dès lors qu'une demande de dommages-intérêts est formulée de ce chef.

1-2/ Sur le paiement des commissions :

M. [N] fait valoir :

qu'au regard du nombre de ventes réalisées du 29 novembre 2019 au 20 août 2020, il est manifeste que la société n'a pas réglé l'intégralité des primes qui lui étaient dues ;

que l'employeur ne lui a adressé, durant la relation contractuelle, aucun décompte lui permettant de contrôler le montant de ses commissions ;

que les éléments produits par l'employeur pour justifier que certaines ventes n'aient pas abouti sont empreintes d'incohérences, de mensonges et de contradictions, qu'il apparaît notamment que l'employeur a systématiquement diminué de 800 euros le montant de commissions réglées au motif de remises accordées aux clients qui ne figurent pas sur les bons de commande dans le seul but de diminuer ses primes, qu'il a réduit arbitrairement son pourcentage de commission pour un dossier sous prétexte qu'il aurait fourni une fausse information au client et au regard du délai écoulé entre la date de vente et celle du paiement, qu'il n'a pas compté une vente pour le mois de mai 2020 pour considérer que le seuil de deux ventes dans le mois n'était pas atteint, qu'il a menti sur le montant de la vente Hua et sur le prétendu non-aboutissement de la vente Tresczkiewicz, ce dossier illustrant particulièrement la mauvaise foi et la malhonnêteté de l'employeur  ;

que la clause de bonne fin invoquée par l'employeur pour éviter de lui payer ses commissions est illégale en ce qu'elle fait peser sur lui les conséquences de la piètre prestation des sous-traitants et donc de sa faute et est contraire à l'article 5-3 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 ainsi qu'aux dispositions de l'article L.1331-2 du code du travail prohibant les sanctions pécuniaires à l'encontre des salariés.

En réponse, la société soutient :

que la clause de bonne fin est licite en ce qu'elle est liée à des éléments qui ne dépendent pas d'elle (aléa relatif au financement et à la délivrance d'autorisations administratives) ;

que le salarié ne tient pas compte pour les ventes signées et non-annulées, du taux de commissionnement variable selon la remise qu'il a appliquée lui-même et qui figure au bon de commande ;

qu'elle a appliqué une décote sur trois commissions pour lesquels M. [N] a commis des manquements qui ne permettaient pas la facturation totale prévue initialement ;

qu'elle justifie de la rétractation de clients et de l'annulation de ventes pour des raisons qui lui sont étrangères dans plusieurs dossiers.

Sur ce,

L'introduction d'une clause de « vente menée à bonne fin » dans le contrat de travail de représentants de commerce est, par principe, licite à condition toutefois qu'elle ne permette pas à l'employeur de modifier unilatéralement et à tout moment la rémunération du salarié, qu'elle ne prive le salarié concerné de son droit à commission que sur les commandes définitivement non exécutées ou non payées par les clients et non pas sur les commandes payées avec retard et que l'inexécution de la commande ou son défaut de paiement par le client ne résulte pas d'une défaillance ou d'une faute imputable à l'employeur.

En l'espèce, la cour observe tout d'abord que la société a attendu la prise d'acte et la saisine de la juridiction prud'homale pour fournir le détail du calcul des commissions versées à M. [N] et certains justificatifs afférents, les bulletins de paie ne comportant qu'un montant dans la rubrique « à payer », rendant invérifiable le montant versé et ne permettant même pas de le rattacher aux ventes traitées ce qui constitue un autre manquement de l'employeur.

La note de détachement stipule que M. [N], s'il avait atteint l'objectif de deux ventes signées et installées par mois, devait percevoir une commission brute égale à 5% du chiffre d'affaires hors taxe lié à la vente de produits présents dans le catalogue de la société hors produits vendus à prix coûtant ou aide à la vente, que cette prime ne se déclencherait que si les conditions suivantes étaient remplies : la société a encaissé 90% du règlement total du client, le maire a autorisé l'installation, l'installation est réalisée. Elle prévoit également que dans l'hypothèse dans laquelle la vente reste en instance plus de 15 jours ou dont le règlement est incomplet (financement non accepté, photos manquantes au dossier), la société se réservait le droit de réduire le commissionnement de 50%. Elle stipule, enfin, que les primes étaient revues à la baisse si la vente était réalisée avec des remises (entre 2,5 et 4,5% en fonction du montant de la remise).

La clause de bonne fin est licite en ce que les conditions qu'elle pose au déclenchement de la commission ne dépendent pas de l'employeur, peuvent faire l'objet d'un contrôle de la part du salarié et ne privent celui-ci que d'un droit éventuel et non d'un droit acquis au paiement de sa rémunération.

Tel n'est pas le cas, en revanche, de la clause qui offre la possibilité à la société de se réserver de réduire de 50% la commission pour une vente restée en instance plus de 15 jours dont elle a fait usage pour le dossier [M].

Des tableaux, bons de commandes et documents divers produits par les parties, il ressort les éléments suivants :

dossier [W] : la société justifie qu'elle a été conduite à accorder un avoir et une remise au client justifiant une réduction à 2,50% de la prime de M. [N],

dossier Hua : la société, contrairement à ce que soutient le salarié rapporte la preuve de ce que le financement n'a finalement été accepté que pour 28 000 euros ce qui justifie un trop-perçu de commission qui avait été calculée initialement sur un montant de 39 900 euros,

dossier [LN] : la société justifie qu'après un premier avis défavorable de la mairie en date du 19 août 2020, le bon de commande avec un financement par Financo, signé le 2 juillet 2020 par M. [N] n'a pu être converti en vente, qu'un nouveau bon de commande a été établi, après le départ de M. [N], par un autre commercial, M. [I], financé par Cetelem, qui a pu aboutir après que l'autorisation a été finalement délivrée sous conditions,

dossiers [T], [P], [U], [B], [O], [X], [CS], [SA], [E]/[H], [PB], [EM], [TR], [C], [R], [A], [PD], [JV], [CS], [S], [VL], [IA], [Z], [V], [AL] : il est prouvé que ces bons de commande n'ont pu aboutir comme régulièrement rétractés ou ayant fait l'objet de refus de financement ou encore de refus d'autorisation administrative,

dossier [J] : une première facturation à hauteur de 26 340 euros a été faite le 3 juillet 2020 pour une installation effective le même jour, toutefois cette facture est demeurée impayée dans son intégralité, le client étant en attente de financement et ayant appris que le crédit d'impôt promis par M. [N] (4 800 euros plus 120 euros par enfant à charge) n'existait plus depuis 2014 ; une nouvelle facture a été émise le 25 février 2022 pour 21 850 euros le 25 mars 2022 après accord de financement du 23 mars 2022 ; l'anomalie dénoncée par le salarié est donc inexistante,

dossier [RY] : M. [N] ayant fixé le prix à 22 000 euros alors qu'au catalogue, il était de 27 000 euros ainsi qu'il en est justifié et ayant spécifié une « prime maison » de 800 euros sur l'annexe au bon de commande, a bien consenti une remise importante qui justifie une réduction de sa prime à 3% en application de la note de détachement.

En revanche, il apparaît que :

Dossiers [Y], [NI], [GF], [XG], [XE], [B], [K], [F], [L], mentionnés comme annulés par la société dans son tableau en pièce n°81 : il n'est pas produit le bordereau, preuve de la rétractation du client, ni aucun autre élément de nature à prouver la réalité de ces annulations de commande,

dossier [M] : la commission a été versée à moitié et tardivement (octobre 2022 pour des travaux réglés en 2021),

dossier [G] : la société considère, au vu de son tableau, que la commission n'était pas due car il n'y avait eu qu'une vente au cours du mois considéré alors qu'il y en avait bien deux ([G] et Beata), néanmoins elle l'intègre dans son tableau avec une commission due de 5% sur le chiffre d'affaires net,

dossier [D] : l'employeur ne prouve pas que le salarié ait accordé une autre remise que la « prime maison » de 800 euros à ce client, le taux de commissionnement applicable était donc de 4,5% et non de 3% comme appliqué par la société.

De ce qui précède, il résulte que si M. [N] ne justifie pas de l'intégralité des manquements qu'il impute à l'employeur en termes de paiement des commissions et d'annulations abusives de ventes, il est établi qu'il n'a pu obtenir d'explication et de justificatif concernant le paiement de certaines commissions qu'à la suite de sa prise d'acte et de sa saisine du conseil de prud'hommes, que pour d'autres il n'a pas obtenu de justificatifs et que pour plusieurs ventes il n'a pas été rempli de ses droits en termes de commission. Ces manquements relèvent d'une exécution déloyale du contrat de travail.

1-3/ Sur la visite d'information et de prévention :

Il n'est pas contesté que M. [N] n'a pas bénéficié de la visite prévue par l'article R.4624-10 du code du travail et l'employeur ne justifie pas que l'une des exceptions prévues par ce texte trouvait à s'appliquer.

Toutefois, en l'absence d'allégation et a fortiori de démonstration d'un préjudice, il convient d'infirmer le jugement qui a alloué une indemnité à ce titre.

Au regard du nombre et de la gravité des manquements de l'employeur, il y a lieu, par infirmation du jugement, de dire que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non d'une démission dont les conséquences financières dépendant du montant du salaire de référence, seront examinées plus loin.

2/ Sur les demandes consécutives à l'inapplication du statut de VRP :

2-1/ Sur la demande au titre des heures supplémentaires :

M. [N] soutient, à juste titre, que dès lors qu'il n'avait pas le statut de VRP, les dispositions sur la durée du travail trouvent à s'appliquer.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le salarié produit un tableau comportant, semaine par semaine, l'heure de début et de fin de journée de travail, la durée totale de travail et le nom des clients visités ainsi qu'un tableau de décompte incluant les temps de pause méridienne.

Le salarié présente ainsi des éléments préalables suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en apportant ses propres éléments.

Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, la cour a acquis la conviction au sens du texte précité que M. [N] a bien effectué les heures supplémentaires non rémunérées dont le paiement est réclamé.

En effet, la société conteste l'accomplissement de ces heures mais ne produit pas les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par M. [N], ni aucun élément permettant de contredire les relevés mensuels de ses horaires de travail dont il résulte qu'il a effectué des heures supplémentaires non payées à hauteur de la somme réclamée soit 3 416,62 euros outre 341,66 euros au titre des congés payés afférents.

2-2/ Sur la demande au titre du repos compensateur :

M. [N], au visa des articles L.3121-11 et D.3121-14-1 du code du travail réclame une somme de 94,90 euros au titre du dépassement du contingent d'heures supplémentaires.

Il convient à titre liminaire de relever que M. [N] invoque un repos compensateur mais sollicite en réalité une contrepartie en repos.

Aux termes de l'article L.3121-30 du code du travail (et non L.3121-11 qui concerne les astreintes), des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.

A défaut d'accord, ce contingent est fixé à 220 heures par l'article D. 3121-24 du code du travail.

En application de l'article L. 3121-28, toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel ouvre droit au salarié à une contrepartie obligatoire en repos qui s'ajoute à la rémunération des heures au taux majoré ou au repos compensateur de remplacement.

Au cas d'espèce, le contingent de 220 heures a été dépassé en 2020. Il y a donc lieu, dans les limites de la demande, de condamner la société au paiement de la somme de 94,90 euros.

2-3/ Sur la demande au titre de la contrepartie financière des temps de déplacement :

M. [N] évoque d'abord le fondement qu'il avait invoqué à l'appui de sa demande devant le conseil de prud'hommes à savoir le dépassement du temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail.

Puis soutient, au visa au de l'article L.3121-1 du code du travail et de l'arrêt de la Cour de cassation n°20-21.924 du 23 novembre 2022, qu'au vu des agendas produits aux débats et des distances séparant son domicile des sites des premiers et derniers clients, les temps de déplacement accomplis par lui répondaient à la définition du temps de travail effectif.

L'employeur répond que M. [N] n'était soumis à aucun horaire en sa qualité de VRP et qu'il ne démontre pas que les conditions fixées par la Cour de cassation, à savoir le maintien à disposition de l'employeur sans pouvoir vaquer à ses obligations personnelles pendant les temps de trajet, étaient remplies.

Sur ce,

Il résulte de l'obligation d'interprétation des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail que, lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code.

Selon l'article L.3121-1, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Selon l'article L.3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.

En l'espèce, M. [N] n'invoque aucun élément au soutien de son affirmation selon laquelle ses temps de trajet étaient du temps de travail effectif au sens du texte précité. Il ne peut donc prétendre au paiement de ses heures de déplacement comme du temps de travail effectif.

En revanche, l'employeur ne conteste pas l'évaluation qu'il fait de ses temps de trajet pour visiter les prospects qui lui sont assignés, lesquels dépassent dans la très grande majorité des cas, le temps de trajet moyen d'un travailleur (50 minutes) tel qu'il résulte de l'étude publiée sur le site de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, versée aux débats.

Le salarié a droit en conséquence à une contrepartie financière qu'il appartient à la cour de fixer.

Il y a lieu de retenir les calculs du salarié tel que présentés devant le conseil de prud'hommes, non spécifiquement contestés par l'employeur, et de condamner ce dernier au paiement de la somme de 1 107,16 euros. Compte tenu de sa nature indemnitaire, aucun congé payé n'est afférent à cette somme.

2-4/ Sur la demande au titre des commissions :

Au soutien de sa demande de rappel de commissions, M. [N] invoque la nullité de la clause de bonne fin et fait valoir que l'intégration de l'indemnité de congés payés dans les commissions n'est pas licite dès lors que la clause qui le prévoit ne précise pas la répartition entre la rémunération et les congés payés et que la société manque de clarté s'agissant des rétractations de clients, les ayant acceptées, pour certaines, au-delà du délai légal ou ayant été provoquées par ses propres manquements.

La société répond qu'aucune disposition légale n'interdit l'inclusion de l'indemnité de congés payés dans la rémunération dès lors qu'une convention expresse le prévoit ; que les règles sur le droit de rétractation des clients ont été respectées et qu'elle a versé plus que ce qu'elle devait à M. [N] en termes de commissions.

Sur ce,

Il est mentionné dans la note de détachement que les parties se sont entendues pour majorer le montant de l'ensemble des primes variables afin d'y intégrer immédiatement l'indemnité correspondant aux congés payés.

Il résulte de l'article L. 3141-24 du code du travail interprété à la lumière de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, que s'il est possible d'inclure l'indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d'une clause contractuelle transparente et compréhensible, ce qui suppose que soit clairement distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, et que soit précisée l'imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris.

Au cas d'espèce, aucune précision n'est apportée quant à la part de rémunération correspondant au travail et celle correspondant aux congés de sorte qu'il y a lieu de considérer que les congés payés ne sont pas inclus dans les commissions.

Par ailleurs, la cour rappelle que, par application combinée des articles 1353 du code civil et L.1221-1 du code du travail, la charge de la preuve du paiement du salaire repose sur l'employeur lorsqu'il est attrait en justice par son salarié pour une demande de paiement de rémunération.

Lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

S'agissant du paiement des commissions, il convient de rappeler que la commission n'est due que sur le chiffre d'affaires hors taxe or, l'employeur ne verse pas les éléments nécessaires pour calculer le montant hors taxe des ventes prétendument annulées, le montant de la TVA étant variable ainsi qu'il résulte des quelques bons de commande versés aux débats. La cour n'est donc en mesure de prendre en compte que le montant TTC, seul élément à sa disposition pour le calcul de certaines commissions.

De manière générale, dès lors que la société n'a pas produit de justificatif alors que la question est dans le débat depuis la saisine du conseil de prud'hommes, la cour s'en est tenue aux chiffres du salarié. Il est à noter qu'il existe plusieurs incohérences entre les conclusions de la société et les tableaux qu'elle produit notamment quant au taux de commission applicable et qu'en l'absence de précision sur les bulletins de paie s'agissant du dossier commissionné et du montant de chaque commission, la cour a mis au crédit de la société la somme totale figurant sur les bulletins de paie sans la ventiler entre les dossiers.

A cet égard, la société prétend notamment que la somme de 2 463,84 euros réglée en octobre 2022 correspond aux commissions pour les ventes [W], [J], [M] et un trop perçu Hua, toutefois, ainsi que le fait remarquer M. [N], le total de ces commissions est de 4 010,92 euros, soit une somme largement supérieure.

Au vu des tableaux respectifs des parties et des pièces produites de part et d'autre, notamment des bulletins de paie, l'état des sommes dues au titre des commissions s'établit à 22 409,86 euros.

Une seule vente ayant abouti au mois de juillet 2020 compte tenu de l'annulation de la vente Tereszkiewicz, aucune commission n'est due pour cette période.

A la lecture des bulletins de paie, il apparaît que la société a payé la somme totale de 12 116,76 euros.

Elle sera donc condamnée au paiement de la somme de 10 293,10 euros outre 1 029,31 euros au titre des congés payés afférents et déboutée de sa demande au titre du trop-perçu pour la vente Hua.

2-5/ Sur la demande au titre du travail dissimulé :

M. [N] soutient qu'en recourant à un statut juridique complètement dévoyé, la société s'est livrée à du travail dissimulé à ses dépens.

Cette dernière le conteste invoquant le statut de VRP de M. [N]. A titre subsidiaire, elle fait valoir que le montant forfaitaire s'élèverait tout au plus à la somme de 23 106,84 euros.

L'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L .8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule application erronée du statut de VRP et de l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées découlant du seul rétablissement du salarié dans son véritable statut. Il y a donc lieu de rejeter cette demande.

2-6/ Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution fautive du contrat de travail :

M. [N] soutient que compte tenu de l'amplitude horaire générée par l'organisation mise en place, du non-paiement des commissions, de sa faible rémunération, du stress généré par les appels incessants de clients mécontents par les prestations réalisées par les sous-traitants de la société, il a subi un préjudice qu'il évalue à 4 000 euros.

L'employeur fait valoir que cette demande fait doublon avec ses demandes de règlement des heures supplémentaires et des commissions.

M. [N] ne justifie pas qu'il était tenu d'assurer le service après-vente et d'être l'interface entre la société et les clients mécontents qui l'appelaient en dehors de ses heures de travail, ni du stress très important prétendument généré.

En revanche, les manquements précédemment mis en exergue constitutifs d'une exécution déloyale du contrat de travail qui a conduit le salarié à exécuter de nombreuses heures de travail pour une rémunération bien moindre que ce qui lui était dû ont causé à ce dernier un préjudice distinct de celui réparé par le rappel de commissions et heures supplémentaires.

La société sera donc condamnée de ce chef au paiement de la somme de 3 500 euros.

2-7/ Sur la fixation du salaire moyen de M. [N] :

Après réintégration, au montant total des salaires versés (24 104,12 euros) du rappel de commissions et des heures supplémentaires, le salaire moyen de M. [N] s'établit, sur la période du 18 novembre 2019 au 20 août 2020, date effective de la prise d'acte, à la somme de 4 201,53 euros.

3/ Sur les conséquences financières de la prise d'acte :

La prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [N] est en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents.

La société sera condamnée à lui verser la somme de 4 201,53 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 420,15 euros au titre des congés payés.

Par confirmation du jugement, la société sera déboutée de sa propre demande au titre du préavis non exécuté.

L'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, M. [N] peut solliciter une indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, d'un montant compris entre 0 et 1 mois de salaire.

Il convient de rappeler que si l'article L.1235-3 du code du travail prévoit que le juge peut tenir compte pour déterminer le montant des dommages et intérêts à allouer, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture.

Le salarié ne fournit aucune information sur sa situation financière et professionnelle postérieure à la rupture du contrat de travail et n'invoque pas de préjudice particulier alors que le dommage causé par l'exécution déloyale du contrat de travail est déjà indemnisé par ailleurs.

Dans ces conditions, la cour ne peut que rejeter la demande de dommages-intérêts.

4/ Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu d'ordonner à l'employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat rectifiés pour tenir compte du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette obligation d'une astreinte.

Il est rappelé que les condamnations de nature salariale, si la demande en est faite, portent intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation.

La capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite sera ordonnée.

L'issue du litige conduit à infirmer le jugement en ce qu'il a dit que chaque partie conserverait ses dépens et a rejeté la demande du salarié présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société, qui perd le procès devant la cour pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à verser à M. [N] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a débouté M. [N] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre du travail dissimulé et en ce qu'il a débouté la société France solar de ses demandes au titre du préavis, du trop-perçu de commission et des frais irrépétibles,

statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

dit que la prise d'acte de M. [N] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

dit que M. [N] n'avait pas le statut de VRP exclusif,

dit que la clause de bonne fin n'est pas nulle,

dit que M. [N] a accompli des heures supplémentaires non rémunérées,

condamne la société France solar à payer à M. [YZ] [N] les sommes de :

- au titre des heures supplémentaires : 3 416,62 euros outre 341,66 euros au titre des congés payés afférents,

- au titre de la contrepartie obligatoire en repos : 94,90 euros,

- au titre des frais de déplacement : 1 107,16 euros,

- au titre des commissions : 10 293,10 euros outre 1 029,31 euros au titre des congés payés afférents,

- à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 3 500 euros,

- au titre de l'indemnité compensatrice de préavis 4 201,53 euros outre 420,15 euros au titre des congés payés afférents,

dit que les condamnations de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation,

ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

ordonne à la société France solar de remettre à M. [N] une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie rectifiés pour tenir compte du présent arrêt,

rejette la demande d'astreinte,

condamne la société France solar à payer à M. [YZ] [N] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

rejette toute autre demande,

condamne la société France solar aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/00282
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;23.00282 ?
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