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27/03/2024 | FRANCE | N°23/00083

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 27 mars 2024, 23/00083


ARRET







S.A.R.L. PC INVESTISSEMENTS





C/



[Z]





































































copie exécutoire

le 27 mars 2024

à

Me TOURNUS GOSSART

Me BOREL

LDS/IL/SF



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRE

T DU 27 MARS 2024



*************************************************************

N° RG 23/00083 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IUMJ



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE CREIL DU 25 NOVEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 21/00157)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.R.L. PC INVESTISSEMENTS

[Adresse 2]

[Localité 6]



représentée, concluant et p...

ARRET

S.A.R.L. PC INVESTISSEMENTS

C/

[Z]

copie exécutoire

le 27 mars 2024

à

Me TOURNUS GOSSART

Me BOREL

LDS/IL/SF

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 27 MARS 2024

*************************************************************

N° RG 23/00083 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IUMJ

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE CREIL DU 25 NOVEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 21/00157)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.R.L. PC INVESTISSEMENTS

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée, concluant et plaidant par Me Anne TOURNUS GOSSART de la SELARL ABPM AVOCATS, avocat au barreau de COMPIEGNE

ET :

INTIMEE

Madame [J] [Z] épouse [G]

née le 14 Avril 1980 à [Localité 5] (Slovaquie)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée, concluant et plaidant par Me Grégory BOREL de l'AARPI BOREL ET SOUBRE ASSOCIES, avocat au barreau de VAL D'OISE

Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau D'AMIENS, avocat postulant

DEBATS :

A l'audience publique du 07 février 2024, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Madame Laurence de SURIREY en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Madame Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 27 mars 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 27 mars 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [Z] épouse [G] a été embauchée le 6 janvier 2011, par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'assistante comptable, par la société PC investissements (la société ou l'employeur) dont le gérant, M. [C] [G], était son époux et dont elle était associée.

La société est une holding qui compte moins de onze salariés et applique la convention collective de la métallurgie.

Une procédure de divorce est en cours entre les époux [G] depuis le 31 août 2020 sur requête de Mme [Z].

Par courrier du 26 août 2020, M. [G] a informé la salariée de ce que « le retour au bureau » au [Adresse 4] à [Localité 6] s'effectuerait à partir du 31 août 2020.

Mme [Z] a contesté cette décision par le biais de son avocat par lettre du 27 août 2020 faisant valoir l'usage antérieur qui lui permettait de travailler à son domicile.

La société lui a adressé une mise en demeure de justifier son absence dans les locaux de la société depuis le 31 août 2020, puis l'a convoquée à un entretien préalable à un licenciement le 11 septembre 2020 avant de la licencier pour faute grave au motif de son absence injustifiée depuis le 31 août 2020 et de son refus de reprendre son poste dans les locaux de l'entreprise, par courrier du 9 octobre 2020.

Contestant la légitimité de son licenciement, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Creil le 2 avril 2021.

Par jugement du 25 novembre 2022, statuant en formation de départage, le conseil a :

-dit que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse ;

-condamné la société à verser à Mme [Z] :

à titre d'indemnité légale de licenciement : 5 728,18 euros

à titre d'indemnité compensatrice de préavis : 4 700,04 euros brut

au titre des congés payés afférents au préavis : 470 euros brut

à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 9 400,08 euros

à titre de rappel de salaire pour la période du 1er septembre au 9 octobre 2020 : 3 032,28 euros brut

à titre de congés payés : 303,23 euros brut

à titre de dommages intérêts pour préjudice moral : 1 000 euros

- Dit que l'ensemble des sommes allouées à Mme [Z] étaient productives d'intérêt au taux légal à compter de la notification du présent jugement ;

- Dit qu'il serait fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil relatives à la capitalisation des intérêts échus ;

-Dit que la société devrait transmettre à Mme [Z] dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et des bulletins de paie conformes sous astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard passé un délai d'un mois suivant la notification du jugement et dit qu'il se réservait le droit de liquider cette astreinte ;

- Ordonné le remboursement par la société, aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Mme [Z] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 4 mois dans les conditions prévues à l'article L. 1235-4 du code du travail et dit que le secrétaire greffe en application de l'article R. 1235-2 du code du travail adresserait à la direction générale de Pôle Emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci a fait ou non l'objet d'un appel ;.

- Condamné la société à verser à Mme [Z] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sous réserve des dispositions des articles R.1454-14 et 15 du code du travail selon laquelle la condamnation de l'employeur au paiement des sommes visées par les articles R.1454-14 et 15 du code du travail est exécutoire de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire dans les conditions prévues par l'article R. 1454-28 ;

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

- Condamné la société aux dépens.

La société PC Investissements, qui est régulièrement appelante de ce jugement, par conclusions notifiées le 2 octobre 2023, demande à la cour de :

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- Constater que le licenciement pour faute grave notifié à Mme [Z] est fondé ;

- Débouter Mme [Z] de son appel incident et de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire le motif du licenciement était considéré comme constituant seulement une cause réelle et sérieuse,

- Constater que le salaire moyen mensuel des 3 derniers mois de Madame [Z] est de 2 350,02 brut,

- Fixer l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 4 700,04 euros brut,

- Fixer l'indemnité légale de licenciement à la somme de 5 728,18 euros,

-Débouter Mme [Z] du surplus de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, le licenciement était déclaré sans cause réelle et sérieuse,

- Débouter Mme [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, comme étant excessive et infondée,

En tout état de cause, condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 3 juillet 2023, Mme [Z] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qui a :

-dit que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse ;

-condamné la société à lui verser :

à titre d'indemnité légale de licenciement : 5 728,18 euros

à titre d'indemnité compensatrice de préavis : 4 700,04 euros brut

au titre des congés payés afférents au préavis : 470 euros brut

à titre de rappel de salaire pour la période du 1er septembre au 9 octobre 2020 : 3 032,28 euros brut

à titre de congés payés : 303,23 euros brut

à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral : 1 000 euros

sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile : 1 200 euros

-ordonné le remboursement par la société à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à concurrence de 4 mois,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à lui verser à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 9 400,08 euros et à titre de dommages intérêts et pour préjudice moral : 1 000 euros,

Et statuant à nouveau,

- Condamner la société PC Investissements à lui verser les sommes de :

- 21 150,18 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

En tout état de cause,

- Condamner la société à lui verser la somme de 16 110,00 euros (somme à parfaire au jour du prononcé) au titre de l'astreinte fixée en première instance,

- Débouter la société de toutes ses demandes,

- Condamner la société à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS :

1/ Sur le motif du licenciement :

L'employeur soutient que le lieu de travail de Mme [Z] a toujours été dans ses locaux de [Localité 6] même si, compte tenu de son statut d'épouse du dirigeant, celle-ci profitait d'une certaine souplesse lui permettant de travailler occasionnellement à son domicile d'[Localité 3] ; que sa demande exprimée le 26 août 2020 ne constituait donc pas une modification du contrat de travail qui ne précise pas le lieu d'exécution du travail et que, par conséquent, son absence prolongée et son refus réitéré de reprendre son poste, source de désorganisation de l'entreprise compte tenu du poste clef qu'elle occupait, justifiait son licenciement pour insubordination grave.

Il conteste la fiabilité des attestations adverses et considère irrecevable celle de Mme [E] comme n'étant pas manuscrite, explique les termes de son courrier par le contexte sanitaire de l'époque et nie que les propos de M. [G] à l'audience du conseil de prud'hommes constituent un aveu judiciaire.

Il ajoute que s'il fallait considérer néanmoins qu'il a modifié le lieu de travail de Mme [Z], cette modification ne constituerait pas une modification du contrat de travail mais une modification des conditions de travail dès lors que le nouveau lieu se situe dans le même secteur géographique que l'ancien ; que Mme [Z] ne s'est pas plainte en première instance d'une atteinte à sa vie personnelle et familiale, ce moyen ayant été soulevé d'office par le conseil de prud'hommes et qu'elle ne justifie pas d'une telle atteinte ; qu'il avait un intérêt légitime compte tenu de la procédure de divorce en cours et du caractère stratégique du poste de la salariée à ce que celle-ci exerce ses missions au siège social.

Il expose encore qu'au vu du contexte familial, il n'est pas anormal que le gérant ait commencé à prendre des contacts fin août 2020 pour pourvoir au remplacement de Mme [Z].

Cette dernière soutient qu'elle rapporte la preuve de ce que son lieu de travail habituel depuis dix ans était le domicile conjugal à [Localité 3] ; que M. [G] l'a expressément reconnu devant le conseil de prud'hommes ; que le contexte sanitaire de l'époque conduisait justement à privilégier le télétravail ; que l'employeur avait préparé son remplacement en amont ; que le changement de son lieu de travail, qui s'est accompagné d'une privation de ses outils de travail (ordinateur et téléphone portable professionnels) constituait, non pas une modification de ses conditions de travail, mais une modification de son contrat de travail dès lors que ce changement a emporté un temps de trajet supplémentaire d'une à deux heures, qu'il n'existe pas de transport en commun entre les deux lieux, que les fonctions qu'elle occupait ne rendaient pas indispensable sa présence continue dans les locaux de l'entreprise et que par sa brutalité, ce changement l'empêchait de réorganiser sa vie familiale et personnelle alors qu'elle s'occupe de ses trois enfants.

Sur ce,

Selon l'article 202 du code de procédure civile, l'attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur.

En l'espèce, le seul fait que l'attestation de Mme [E] ne soit pas manuscrite en dehors de la mention relative à la sanction attachée à la rédaction d'une fausse attestation ne suffit pas à l'écarter des débats, la cour ayant la possibilité d'en apprécier le caractère probant ou non.

Selon l'article L.1121 du code du travail, « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

En l'absence de clause de mobilité, sauf si le contrat prévoit que le salarié exercera son travail dans un lieu déterminé, le changement du lieu de travail n'emporte modification dudit contrat que si le nouveau lieu de travail se situe dans un secteur géographique différent, ou si ce changement porte une atteinte excessive aux droits du salarié à la santé et au repos et à une vie personnelle et familiale et si une telle atteinte ne peut être justifiée par la tâche à accomplir et est disproportionnée au but recherché.

C'est au salarié qu'il incombe de rapporter la preuve de l'existence de la modification apportée par l'employeur à son contrat de travail.

En l'espèce, le contrat de travail ne contient pas de clause concernant le lieu de travail et a fortiori de clause de mobilité.

Les attestations versées aux débats par les parties n'établissent pas que Mme [Z] travaillait « constamment à son domicile, à quelques exceptions près » comme elle le prétend ou « habituellement » au siège de l'entreprise comme le soutient l'employeur. En effet, aucune n'émane de personnes travaillant constamment dans les bureaux de [Localité 6], ou de personnes vivant au quotidien avec Mme [Z], pouvant témoigner d'une permanence en matière de lieu de travail.

Elles permettent seulement de conclure que la salariée alternait les lieux de travail, disposant à [Localité 6] d'un bureau où se trouvait la documentation administrative et comptable et où elle recevait le public et à son domicile où elle disposait du matériel informatique nécessaire, cette alternance se faisant à sa guise.

C'est ce qui résulte également des propos suivants tenus par M. [G] devant le juge départiteur, ainsi qu'il ressort de la note d'audience : « il n'y avait pas de contrainte, elle travaillait à la maison et à [Localité 6], c'était la femme du patron, elle faisait sa vie, elle faisait comme elle voulait. Il y avait du matériel à la maison et il y en avait à [Localité 6] (') ».

Ainsi, M. [G], en mettant fin à la liberté d'organisation de la salariée et en l'obligeant à ne plus travailler qu'à [Localité 6] a modifié son lieu de travail.

Il convient donc de vérifier si le nouveau lieu de travail se situait dans le même secteur géographique que le précédent et s'il a porté une atteinte au droit de Mme [Z] à une vie personnelle et familiale, dans l'affirmative si cette atteinte est justifiée par la tâche à accomplir et si elle est proportionnée au but recherché.

Le domicile à Ermenonville et les locaux de l'entreprise ne sont distants que d'une trentaine de kilomètres qui s'effectuent, ainsi qu'il en est justifié, habituellement entre 22 et 45 minutes en voiture par la nationale, ce qui permet de considérer, comme le conseil de prud'hommes, qu'ils se situaient dans le même secteur géographique, Mme [Z] disposant d'une voiture personnelle dont il n'est pas soutenu qu'elle ne se servait déjà pas lorsqu'elle se rendait à [Localité 6].

Plusieurs personnes attestent que Mme [Z] allait chercher les enfants à l'école et venait les rechercher et qu'elle profitait de la possibilité de travailler chez elle pour concilier travail et éducation de ces derniers. En la privant complètement de cette possibilité, l'employeur a bouleversé sa vie personnelle et familiale.

Or, alors que cette organisation n'avait fait l'objet d'aucune critique ni réserve pendant de nombreuses années, l'employeur ne justifie d'aucun motif ou intérêt légitime à sa suppression.

En effet, les documents bancaires en langue étrangère qu'il produit ne constituent pas la preuve du détournement de fonds qu'il invoque, et l'employeur n'évoque que l'hypothèse d'une dégradation rapide des relations de travail compte tenu de la procédure de divorce sans la concrétiser, justification qui, d'ailleurs, s'accommode mal avec le souhait de travailler de manière rapprochée avec son épouse.

En conséquence, le conseil de prud'hommes doit être approuvé en ce qu'il a jugé que, dans ces circonstances, le refus opposé par Mme [Z] à la modification de son lieu de travail ne revêtait pas un caractère fautif et dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

2/ Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le licenciement étant injustifié, la salariée peut prétendre, non seulement aux indemnités de rupture mais également à des dommages et intérêts à raison de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

2-1/ Sur l'indemnité légale de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis :

Les parties sont d'accord sur le quantum des sommes octroyées par le conseil de prud'hommes, le jugement sera donc confirmé de ces chefs.

2-2/ Sur les dommages-intérêts :

L'entreprise occupant habituellement moins de onze salariés, Mme [Z] peut prétendre à une indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, d'un montant compris entre 2,5 et 9 mois de salaire.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge (40 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi, de son expérience professionnelle et de son ancienneté dans l'entreprise (9 ans), la cour confirme le jugement quant au montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société employant moins de onze salariés, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [Z].

3/ Sur les autres demandes financières :

3-1/ Sur la demande de rappel de salaire :

L'employeur soutient que Mme [Z] ayant de manière fautive refusé de travailler dans les locaux de l'entreprise où elle disposait de tout le matériel nécessaire, il était fondé à ne pas lui verser son salaire pour la période postérieure au 31 août 2020.

C'est par de justes motifs que la cour adopte que, retenant que Mme [Z], comme elle le fait valoir, avait été mise dans l'impossibilité de travailler à son domicile par l'employeur qui lui avait retiré ses outils de travail habituels (ordinateur, téléphone), a condamné ce dernier à lui verser son salaire pour la période du 1er septembre au 9 octobre 2020 soit la somme de 3 032,28 euros outre les congés afférents dont le montant n'est pas spécifiquement contesté.

3-2/ Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct du licenciement :

L'employeur soutient qu'aucune brutalité n'a été commise dans la mise en 'uvre de la procédure de licenciement et que la preuve du lourd préjudice allégué n'est pas rapportée alors notamment, que dans le cadre du divorce son épouse a bénéficié de la jouissance gratuite du domicile conjugal, de la voiture familiale et d'une prise en charge importante du crédit et de la taxe foncière.

Mme [Z] fait valoir, en substance, que la brutalité de son licenciement provoqué parce qu'elle avait demandé le divorce, lui a causé un préjudice moral et un préjudice financier important s'étant retrouvée sans rémunération du jour au lendemain.

La cour rappelle que le salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse peut prétendre à des dommages-intérêts distincts de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de comportement fautif de l'employeur dans les circonstances de la rupture. Ainsi, la caractérisation d'un préjudice distinct causé par ce comportement autorise le cumul des indemnisations.

Néanmoins, le seul recours à une procédure de licenciement pour faute grave, même si elle n'est pas justifiée, ne constitue pas en soi un procédé brutal et vexatoire.

Les éléments invoqués par Mme [Z] au soutien de sa demande de dommages-intérêts soit sont inhérents au licenciement pour faute grave (perte brutale d'emploi et des revenus afférents), soit ne revêtent pas le caractère de brutalité ou vexatoire allégué (délais, modification du lieu de travail pendant ses congés, retrait des outils de travail comme conséquence de cette modification), soit sont déjà indemnisés par les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le rappel de salaire (perte financière, préjudice moral, contexte de demande en divorce).

Au surplus, Mme [Z] ne démontre pas que M. [G] a agi dans le but de l'affaiblir dans le cadre de la procédure de divorce.

En conséquence, c'est à tort que le conseil de prud'hommes a fait droit à cette demande.

4/ Sur la demande de liquidation de l'astreinte :

Mme [Z] expose qu'elle n'a reçu aucun des documents sociaux dont le conseil de prud'hommes avait ordonné la production sous astreinte et demande que cette astreinte soit liquidée à hauteur de la somme de 16 110 euros.

L'employeur n'a pas conclu sur ce point.

L'exécution provisoire est de droit pour ce qui est de la remise de pièce par l'employeur au salarié par application de l'article R.1454-28 2° du code du travail.

En application du principe de l'effet dévolutif de l'appel, la cour est compétente pour liquider l'astreinte que le conseil de prud'hommes a prononcé et qu'il s'est réservé de liquider.

L'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que « Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.
Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère ».

En l'espèce, l'employeur ne rapporte pas la preuve de ce qu'il a délivré les documents dans le délai imparti ni n'invoque de motif légitime à cette inexécution.

Il convient donc de liquider l'astreinte à la somme de 6 480 euros compte tenu du nombre de jours écoulés entre la notification du jugement à l'employeur et la demande.

5/ Sur les demandes accessoires :

L'issue du litige conduit à confirmer le jugement du chef des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

La société, qui perd le procès en appel pour l'essentiel, doit en supporter les dépens et sera condamnée à payer à Mme [Z] la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de sa propre demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a condamné la société PC investissements à payer à Mme [Z] la somme de 1 000 euros pour préjudice distinct et à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute Mme [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct,

Dit n'y avoir lieu de condamner la société PC investissements à rembourser à Pôle emploi devenu France travail les indemnités de chômage versées à Mme [Z],

Condamne la société PC investissements à payer à Mme [J] [Z] la somme de 6 480 euros au titre de la liquidation de l'astreinte,

Condamne la société PC investissements à payer à Mme [J] [Z] la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société PC investissements aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/00083
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;23.00083 ?
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