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21/03/2024 | FRANCE | N°22/04496

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 21 mars 2024, 22/04496


ARRET







S.A.S. MANPOWER FRANCE





C/



[P]

S.A.S. ONEPI

S.A.S.U. LEADER INTERIM 5980

S.A.S. LEGAY S.A.S





















































copie exécutoire

le 21 mars 2024

à

Me FARABET

Me NOUBLANCHE

Me WEBER

Me RIQUELME

Me BIBARD

CBO/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMI

ENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 21 MARS 2024



*************************************************************

N° RG 22/04496 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ISJA



(RG 22/4496 - 22/4574 - 22/4686 - 22/4731 : Affaires jointes par le présent arrêt)



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ABBEVILLE DU 13 SEPTEMBRE 20...

ARRET

S.A.S. MANPOWER FRANCE

C/

[P]

S.A.S. ONEPI

S.A.S.U. LEADER INTERIM 5980

S.A.S. LEGAY S.A.S

copie exécutoire

le 21 mars 2024

à

Me FARABET

Me NOUBLANCHE

Me WEBER

Me RIQUELME

Me BIBARD

CBO/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 21 MARS 2024

*************************************************************

N° RG 22/04496 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ISJA

(RG 22/4496 - 22/4574 - 22/4686 - 22/4731 : Affaires jointes par le présent arrêt)

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ABBEVILLE DU 13 SEPTEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 21/00049)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. MANPOWER FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 9]

représentée, concluant et plaidant par Me Florence FARABET ROUVIER de la SELARL AUMONT FARABET ROUVIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMES

Monsieur [V] [P]

né le 06 Juillet 1982 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 7]

représenté , concluant et plaidant par Me Elisabeth NOUBLANCHE VEYER, avocat au barreau d'AMIENS

S.A.S. ONEPI

[Adresse 1]

[Localité 6]

concluant par Me Matthias WEBER de la SELARL TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS

S.A.S.U. LEADER INTERIM 5980

[Adresse 4]

[Localité 10]

représentée, concluant et plaidant par Me Laurent RIQUELME de l'AARPI RIQUELME AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me BOUQUET Emilie, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. LEGAY

[Adresse 3]

[Localité 8]

concluant par Me Pascal BIBARD de la SELARL CABINETS BIBARD AVOCATS, avocat au barreau d'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 25 janvier 2024, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Madame Corinne BOULOGNE en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 21 mars 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 21 mars 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

M.[V] [P], né le 6 juillet 1982, a été embauché à compter du 26 mai 2015 jusqu'au 14 août 2019 dans le cadre de plusieurs contrats d'intérim pour la société Legay, établis auprès de trois agences de travail temporaire, à savoir la société AXXIS interim devenue la société Onepi, la société Leader interim et la société Manpower France.

La société Legay emploie plus de 10 salariés.

La convention collective applicable est celle des entreprises de personnel intérimaire n° 2378.

Demandant la requalification de son contrat de travail en un contrat à durée indéterminée et ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes d'Abbeville le 2 décembre 2019.

Il s'est désisté de sa procédure le 15 septembre 2020 pour des motifs tenant à l'identité de l'entreprise utilisatrice.

Une nouvelle saisine est intervenue le 1er octobre 2020 et par jugement du 9 mars 2021, le conseil a déclaré nulle la requête de M. [P].

Il a de nouveau saisi le conseil de prud'hommes d'Abbeville le 22 juillet 2021.

Par jugement du 13 septembre 2022, le conseil a :

dit et jugé que les parties étaient liées par un contrat à durée indéterminée à temps complet ;

dit et jugé que la rupture était imputable à la société Legay in solidum avec la société Onepi, la société Leader intérim et la société Manpower France ;

condamné la société Legay in solidum avec la société Onepi, la société Leader intérim et la société Manpower France, à verser à M. [P] les sommes suivantes :

- 2 797,27 euros brut au titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 5 164,20 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 516,42 euros brut au titre d'indemnité de congés payés sur préavis ;

- 15 492,60 euros net au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 000 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

dit que les rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R.1454-14 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire, calculées sur la moyenne des trois derniers mois de salaire étaient de droit exécutoires en application de l'article R.1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élevant à la somme mensuelle brute de 2 537 euros ;

ordonné la remise par la société Legay à M. [P] des bulletins de paie rectifiés et de l'attestation destinée à Pôle emploi rectifiée, le tout conforme à la décision ;

débouté les défendeurs de leur demande reconventionnelle ;

condamné la société Legay aux dépens.

La société Legay, qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 mars 2023, demande à la cour de :

la dire autant recevable que bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ;

infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Par conséquent, et statuant à nouveau,

accueillir la fin de non-recevoir tirée de la prescription, et partant dire que les demandes, fins, et prétentions de M. [P] sont assurément irrecevables.

Subsidiairement, si la fin de non-recevoir tirée de la prescription est rejetée,

débouter M. [P] de sa demande de requalification de ses contrats d'intérim en contrat à durée indéterminée, ainsi que de l'ensemble de ses demandes, notamment indemnitaires y afférentes ;

dans l'éventualité où la décision entreprise serait confirmée quant aux condamnations indemnitaires obtenues par M. [P], condamner les sociétés Onepi, Manpower France, et Leader intérim 5980 à la relever et la garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle.

dans l'hypothèse où requalification de ses contrats d'intérim en contrat à durée indéterminée, réduire à de plus justes proportions les indemnités et les dommages intérêts pour lesquels la société LEGAY a été condamnée, compte tenu du fait que le salaire mensuel moyen sur les trois derniers mois de M. [P] est de 2 120,34 euros, et que le barème d'indemnisation n'a pas été respecté par le jugement entrepris.

condamner in solidum M. [P] et la société Manpower France, la société Onepi, et la société Leader intérim 5980 à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

M. [P], par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 mars 2023, demande à la cour de :

déclarer la société Legay mal fondée en son appel ;

débouter la société Legay de l'ensembles de ses demandes, fins et prétentions ;

confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit et jugé que les parties étaient liées par un contrat à durée indéterminée à temps complet ;

- dit et jugé que la rupture était imputable à la société Legay in solidum avec la société Onepi, la société Leader intérim et la société Manpower France ;

- condamné la société Legay in solidum avec la société Onepi, la société Leader intérim et la société Manpower France, à lui verser les sommes suivantes :

2 797,27 euros brut au titre d'indemnité légale de licenciement ;

5 164,20 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

516,42 euros brut au titre d'indemnité de congés payés sur préavis;

15 492,60 euros net au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1 000 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- ordonné la remise par la société Legay des documents de fin de contrat rectifié ;

- condamné la société Legay aux dépens ;

-le déclarer recevable et bien fondé en en son appel incident portant sur l'indemnité de requalification du contrat de travail.

Statuant à nouveau de,

-condamner la société Legay à lui payer une indemnité de requalification de 15 192,60 euros ;

-à titre infiniment subsidiaire, dans l'extrême hypothèse où la cour devait considérer que la condamnation in solidum des entreprises de travail temporaire ne devait pas trouver à s'appliquer en l'espèce, condamner la société Legay au paiement de l'ensemble des condamnations qui seront prononcées ;

-condamner la société Legay à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Onepi, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 septembre 2023, demande à la cour de :

-infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit et jugé que les parties étaient liées par un contrat à durée indéterminée à temps complet ;

- dit et jugé que la rupture était imputable à la société Legay in solidum avec la société Onepi, la société Leader intérim et la société Manpower France ;

- condamné la société Legay in solidum avec la société Onepi, la société Leader intérim et la société Manpower France, à verser à M. [P] les sommes suivantes :

2 797,27 euros brut au titre de l'indemnité légale de licenciement

5 164,20 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

516,42 euros brut au titre d'indemnité de congés payés sur préavis

15 492,60 euros net au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1 000 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article 1454-14 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire, calculées sur la moyenne des trois derniers mois de salaire étaient de droit exécutoire en application de l'article R.1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élevant à la somme mensuelle brute de 2 537 euros ;

- ordonné la remise par la société Legay à M. [P] des bulletins de paie rectifiés et de l'attestation Pôle emploi rectifiée, le tout conforme à la décision;

- débouté les défendeurs de leur demande reconventionnelle.

Statuant à nouveau,

à titre principal, juger que l'action de M. [P] à son égard est prescrite ;

à titre subsidiaire, débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

condamner M. [P] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Leader intérim 5980, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 26 mai 2023, demande à la cour de :

infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

prononcer l'irrecevabilité des demandes formées par M. [P] à son encontre en raison de la prescription des demandes ;

débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre ;

prononcer l'irrecevabilité des demandes formées par la société Legay à son encontre en raison de la prescription des demandes ;

débouter la société Legay de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre ;

condamner M. [P] à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire,

débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre ;

débouter la société Legay de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre ;

condamner M. [P] à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [P] aux éventuels dépens.

A titre infiniment subsidiaire,

ordonner la répartition des éventuelles condamnations financières susceptibles d'être prononcées au titre de la requalification des contrats de missions temporaire en un contrat à durée indéterminée, et fixer la part des condamnations mises à sa charge à hauteur de 6 %, en excluant l'indemnité de requalification laissée à la charge exclusive de la société utilisatrice Legay.

La société Manpower France, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 mai 2023, demande à la cour de :

infirmer le jugement ;

dire et juger les demandes totalement prescrites.

En tout état de cause :

débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions comme étant non fondées et non justifiées ;

débouter M. [P] de son appel incident ;

condamner M. [P] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

débouter la société Legay de son incident tendant à former un appel en garantie et d'une demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 décembre 2023 et l'affaire fixée à plaider le 25 janvier 2024.

MOTIFS 

Sur la jonction des procédures

En application des dispositions de l'article 367 du code de procédure civile la cour ordonne la jonction des procédures enregistrées sur les numéros RG 22/04686, 22/04574, 22/04731 et 2204496 puisque les procédures concernent les mêmes parties et les mêmes demandes et qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice qu'elles soient jugées ensemble.

Sur la demande en garantie

La société Manpower France sollicite de la cour qu'elle juge irrecevable comme nouvelle la demande de la société Legay aux fins de la garantir afin qu'elle supporte l'intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées.

La société Onépi souligne qu'il n'y a pas de fondement à une condamnation in solidum de la société Legay avec les sociétés de travail intérimaire et la société Leader intérim argue que s'agissant d'une demande nouvelle, elle est irrecevable.

Sur ce

L'article 564 du code de procédure civile énonce 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

L'article 565 du même code prévoit que 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent'.

Il est constant que les prétentions dont l'irrecevabilité est soulevée par la société n'ont pas été formulées en première instance.

La demande en garantie ne tendant pas aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, elle doit être jugée irrecevable.

Sur la prescription de l'action

La société Legay soulève la prescription de l'action de M. [P] exposant que l'action en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée se prescrit par deux ans à compter de la date du renouvellement du contrat de travail, que le conseil des prud'hommes ne pouvait retenir le point de départ du délai à compter du terme du dernier contrat litigieux en faisant référence au non-respect du délai de carence entre deux contrats, qu'il aurait dû retenir le premier jour du contrat de travail conclu irrégulièrement, jour auquel le salarié a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son droit, soit en l'espèce le 1er juin 2018 date premier jour du travail du second contrat conclu irrégulièrement.

M. [P] s'oppose à cette demande répliquant que le délai de prescription de l'action est de deux ans débutant à compter du dernier jour du dernier contrat de travail si bien que sa demande est recevable.

Il précise que le jugement du 9 mars 2021 n'a statué sur aucune demande au fond si bien qu'il n'a pas acquis l'autorité de la chose jugée et invoque les dispositions de l'article 115 du code de procédure civile.

La SAS Onépi soutient que le délai de prescription de deux ans doit s'appliquer différemment pour chaque société d'intérim, qu'elle n'a pas été le dernier employeur de M. [P] et qu'il ne peut exister de solidarité en la matière.

La société Leader intérim fait valoir que lorsque le délai de carence entre deux contrats à durée déterminée n'a pas été respecté le délai de la prescription s'apprécie au premier jour de second contrat irrégulier, qu'il en serait différemment dans l'hypothèse d'une requalification encourue en raison d'un motif non valable de recours à l'intérim, que ce délai a été interrompu par la saisine du conseil de prud'hommes du 22 juillet 2021 et pas par les requêtes antérieures qui ont abouti l'une à un désistement d'instance, l'autre à une nullité de l'acte de saisine, celles-ci n'ayant pas eu d'effet interruptif du délai de la prescription.

Elle ajoute qu'elle avait demandé à la juridiction de première instance d'appliquer un délai de prescription d'un an auquel elle n'a eu de réponse, que le contrat de mission temporaire d'intérim stipulait un délai de prescription réduit à un an pour toute action en requalification en contrat à durée indéterminée.

La société Manpower France soulève la prescription de l'action du salarié à son égard faisant valoir que la concernant le dernier contrat de travail a pris fin le 30 mai 2019 alors que M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes le 22 juillet 2021, qu'en prenant en compte une fin de contrat conclu par une autre société d'intérim les premiers juges se sont fourvoyés.

Subsidiairement elle argue que les dispositions relatives au délai de carence ne s'appliquent pas entre un contrat de mission et son avenant, qu'en cas de non-respect l'allocation de dommages et intérêts n'est pas prévue sauf à faire application de la disposition pénale qui démontre que seul l'utilisateur doit supporter la condamnation pénale car elle seule dispose du pouvoir de recourir au travail temporaire.

Sur ce

En application de l'article L 1471-1 du code du travail toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Si est invoqué le non-respect du délai de carence entre deux contrats successifs, le point de départ de l'action est le premier jour d'exécution du second de ces contrats

Si l'action est fondée sur la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée indiqué sur le contrat, le point de départ du délai de prescription est le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat.

Toutefois même si toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par 2 ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, les parties peuvent cependant convenir de réduire jusqu'à un an la durée de la prescription de l'éventuelle action visant à obtenir la requalification de contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et le paiement de l'indemnité en requalification en découlant.

Les contrats de mission temporaire conclus entre M. [P] et la société Leader intérim stipulaient que « en application de l'article 2254 du code civil, il est expressément convenu entre les parties que le délai de prescription toutes les actions de justice relatives à la formation, à la rupture du présent contrat de mission temporaire, en ce compris l'action en requalification en contrat de travail à durée indéterminée est fixé à un an à compter du jour où la partie concernée a connu au aurait dû connaitre les faits lui permettant d'exécuter les dites actions en justice. Il est rappelé que ce délai de prescription fixé contractuellement à un an ne s'appliquera pas dans les cas où la loi n'autorise pas l'aménagement de la durée de la prescription par la voie d'un accord commun entre les parties. »

En l'espèce M. [P] invoque à la fois le non-respect du délai de carence entre deux contrats et la réalité du motif du recours à un contrat à durée déterminée.

Dans ces conditions il y a lieu de juger que la prescription applicable est de deux ans à compter du terme du dernier contrat à durée déterminée sauf concernant la société Leader intérim pour lequel une prescription abrégée contractuelle d'un an doit s'appliquer.

En application de l'article 2241 alinéa 2 du code civil le délai de prescription est interrompu même lorsque la demande est portée en justice devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisie de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.

Dans ce cas le nouveau point de départ du délai de prescription est différé au jour où est rendue la décision constatant l'extinction de l'instance.

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes par une première requête du 2 décembre 2019 dont il s'est ensuite désisté. Puis il a saisi une seconde fois le conseil de prud'hommes par requête du 1er octobre 2020 qui a été jugée nulle par la juridiction par jugement du 9 mars 2021.

Si le désistement pur et simple n'entraine pas interruption du délai de prescription il n'en est pas même en cas de requête nulle quelque soit le vice de forme ou de fond.

En conséquence la cour retient que le délai de prescription de l'action en requalification du contrat de travail a été interrompu et le nouveau point de départ du délai de prescription a été différé à la date du jugement.

Le terme du dernier contrat de travail avec la société Manpower France étant fixé au 6 juin 2019, le délai de deux ans a couru à compter du 6 juin 2019 pour expirer le 6 juin 2021. Mais il a été interrompu par le jugement du 9 mars 2021 pour débuter un nouveau délai de deux ans expirant le 9 mars 2023.

M. [P] ayant de nouveau saisi le conseil des prud'hommes par requête du 22 juillet 2021, son action à l'encontre de Manpower France n'était pas prescrite.

Le délai de prescription réduit à un an de la société Leader intérim expirait le 9 mars 2022, l'action engagée à son égard engagée le 22 juillet 2021 n'est donc pas prescrite.

Enfin l'action à l'endroit de la société Legay et de la société Onepi n'est pas non plus prescrite.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé l'action de M. [P] recevable et non touchée par la prescription.

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur la requalification du contrat de travail

M. [P] sollicite la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée exposant que les différents contrats d'intérim ont permis sa mise à disposition auprès de la société Legay sur un même poste de travail de maçon et faisant référence à chaque fois à un surcroît temporaire d'activité ce qui est incohérent avec une activité normale d'une entreprise et visait en réalité à pourvoir un emploi lié à une activité normale et permanente de l'entreprise, que de plus il n'a pas pu bénéficier du délai de carence entre les contrats successifs alors que le surcroît temporaire d'activité ne fait pas partie des causes limitativement énumérés de l'article L 1251-37 du code du travail permettant l'absence de délai de carence.

Il fait valoir que le non-respect du délai de carence caractérise un manquement des entreprises de travail temporaire et de l'entreprise utilisatrice qui lui permet d'agir contre les deux types de sociétés, que la société Onépi a fermé les yeux sur les modalités de recours au travail temporaire l'ayant maintenu dans la précarité car il a cumulé 15 contrats successifs et 17 avenants sur plus de 18 mois pendant 3 ans interrompus seulement par les congés nécessaires du fait de la fermeture de la société Legay, qu'il y a eu nécessairement action de concert pour contourner les textes limitant le recours au travail intérimaire.

Il fait valoir que le poste qu'il a occupé pendant presque 4 ans correspondait à un emploi pérenne et non à la nécessité de recourir à un contrat d'intérim pour un surcroît temporaire d'activité.

La société Legay rétorque que le non-respect du délai de carence ne permet pas la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice, que l'action ne peut prospérer qu'à l'égard de la société intérimaire n'ayant pas respecté le délai de carence entre plusieurs missions pour la même société utilisatrice et sur un même poste de travail.

Elle conteste que M. [P] ait occupé un poste permanent car la durée de mission n'est pas un critère automatique justifiant la requalification, l'accroissement temporaire d'activité requérant pour divers chantiers du personnel supplémentaire, que pris isolément aucun contrat n'a dépassé 18 mois et que son activité était discontinue.

La société Onepi s'oppose à cette demande répliquant que le salarié ne peut agir sur le fondement de la violation de l'article L 1251-5 du code du travail que contre l'entreprise utilisatrice, qu'elle n'est pas responsable du motif du recours mais seulement de la forme des contrats de travail temporaire régularisés au fur et à mesure de la relation contractuelle.

Elle souligne que le non-respect du délai de carence ne lui incombait pas, que l'article L 1251-40 du code du travail ne prévoit pas de requalification pour non-respect du délai de carence. Elle souligne qu'en sa qualité de société de travail temporaire elle n'avait pas à vérifier la réalité du bien-fondé du motif invoqué par sa cliente, elle ne saurait être tenue des obligations de l'entreprise utilisatrice.

La société Manpower France fait valoir que la société utilisatrice détient les éléments permettant le recours aux contrats à durée déterminée, qu'elle seule se doit de respecter le délai de carence qui en tout état de cause ne peut ouvrir droit à requalification. Elle s'en remet aux écritures de la société Legay sur le motif du recours à l'intérim alors qu'aucun des contrats n'a dépassé 18 mois.

La société Leader intérim fait valoir que seule la durée des contrats de mise à dispositions ne saurait fonder les prétentions de M. [P] que les différents contrats ont été conclus sur la base d'un motif valable d'accroissement d'activité sur différents chantiers. Elle ajoute que la violation du non-respect du délai de carence à le supposer réel ne peut fonder la requalification du contrat de travail, que de surcroit la succession de contrats n'a pas dépassé la durée de 18 mois.

Sur ce

En l'espèce, la cour relève au vu des moyens débattus que le salarié fonde son action d'une part sur le fait qu'il avait été engagé pour occuper un emploi participant à l'activité normale de la société en contestant la réalité du motif indiqué dans les contrats de mission successifs et d'autre part sur le non-respect du délai de carence entre deux contrats successifs.

En application des articles L 1251-36 et L 1251-36-1 du code du travail, à l'expiration d'un contrat de mission, il ne peut être recouru pour pouvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée, ni à un contrat de mission avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission, renouvellement inclus.

La convention ou l'accord de branche étendu de l'entreprise utilisatrice peut fixer les modalités de calcul de ce délai de carence.

A défaut de stipulation dans la convention ou l'accord de branche étendu de l'entreprise utilisatrice, le délai de carence est égal :

au tiers de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est de 14 jours ou plus ;

à la moitié de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est inférieure à 14 jours.

Pour l'appréciation du délai devant séparer les deux contrats, il est fait référence aux jours d'ouverture de l'entreprise ou de l'établissement utilisateurs et l'identité de poste de travail s'apprécie en fonction de la nature des travaux confiés au salarié.

Cependant si l'inobservation du délai de carence, imposé par l'article L. 1251-36 et L. 1251-36-1 du code du travail, qui doit séparer deux contrats de mission sur un même poste de travail entraîne une sanction pénale prévue à l'article L 1255-9 et la méconnaissance de ce texte par l'entreprise utilisatrice étant pénalement sanctionnée, elle ne permet pas au salarié d'obtenir, sur le fondement de l'article L 1251-40 du code du travail, la requalification du contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée le liant à l'entreprise utilisatrice.

En effet, l'article L 1251-40 du code de travail qui sanctionne l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L 1251-5 à L 1251-7, L 1251-10 à L 1251-12-1, L 1251-30, L 1251-35 et L 1235-1 par la requalification du contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée, ne vise pas l'article L. 1251-36.

M. [P] a été recruté pour travailler pour la société Legay par le biais de contrats d'intérim auprès des sociétés d'intérim suivantes :

- du 26 mai 2015 au 8 mai 2018 par la société Axxis devenue Onépi

- du 15 mai au 30 novembre 2018 par la société Leader interim

- du 4 décembre 2018 au 30 mai 2019 par la société Manpower France

- du 4 juin au 14 août 2019 par la société Axxis devenue Onépi toujours sur un poste de maçon et avec le motif de recours de surcroît temporaire d'activité

En application de l'article l 1242-2, 2° du code du travail un employeur peut embaucher un salarié sous contrat à durée déterminée pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, c'est-à-dire à une augmentation temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise. Est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance de ces dispositions.

Cet accroissement d'activité doit porter sur le secteur d'activité habituel de l'entreprise mais ne pas entrer dans son rythme normal et permanent. Toutefois il n'a pas à être exceptionnel, ni accidentel et peut résulter notamment des variations cycliques de production et en cas de contestation sur la réalité du motif, il revient à l'employeur d'apporter la preuve de l'accroissement temporaire d'activité justifiant le recours à un contrat à durée déterminée.

Il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de mission, faute de quoi la relation de travail entre le travailleur et celle-ci doit être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée.

La société Legay prétend que le salarié a conclu des contrats visant précisément un accroissement temporaire d'activité lié à des chantiers sur différentes communes et qui nécessitait pour leur réalisation du personnel supplémentaire pour les honorer et liste les différents chantiers.

L'identité de poste de travail s'apprécie en fonction de la nature des travaux confiés au salarié et non de la localisation géographique de leur exécution. Ainsi lorsqu'un salarié est amené dans le cadre de contrats successifs à effectuer le même travail dans les lieux différents, l'employeur est tenu de respecter le délai de tiers-temps entre chacun d'eux.

La cour relève que la réalisation des chantiers requérait de façon permanente la présence de M. [P] pour assurer la réception des travaux dans les temps prévus si bien que le salarié occupe durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise puisqu'il a été mis à la disposition d'une entreprise utilisatrice pendant 4 ans et 3 mois et constamment affecté au même poste de maçon quand bien même les lieux d'exécution des chantiers variaient.

C'est à bon droit que les premiers juges ont jugé que le contrat de travail de M. [P] devait être requalifié en contrat à durée indéterminée, cette requalification prenant effet à compter du premier jour de sa mission irrégulière soit le premier contrat à durée déterminée le 26 mai 2015 à l'égard de la société Legay.

Sur la demande de condamnation in solidum à l'égard des sociétés de travail intérimaire

M. [P] sollicite la confirmation du jugement qui a prononcé une condamnation in solidum de l'entreprise utilisatrice et des sociétés intérimaires exposant qu'elles n'avaient pas respecté le délai de carence entre les contrats à durée déterminée, qu'il a conclu 15 contrats de travail temporaire avec Onépi et 17 avenants en violation de la durée maximale de travail pour un recours à l'intérim, puis 8 contrats avec Leader intérim et 5 contrats et 2 avenants avec Manpower France, que les sociétés d'intérim sont tenues de respecter des règles propres à leur activité, qu'il y a eu entente frauduleuse pour maintenir dans la précarité au seul profit de la société Legay qui est leur cliente.

La société Onépi réplique que le non-respect du délai de carence ne lui incombait pas, que la requalification à son égard est impossible car non prévue par l'article L 1251-40 du code du travail, que la durée de contrat précaire plus de 18 mois n'est prévue que pour un seul contrat, que le contrat a été interrompu de nombreuses fois.

La société Manpower rétorque que le non-respect du délai de carence n'est sanctionné qu'à l'égard de la société utilisatrice et non envers l'agence d'intérim, qu'elle ne connait pas les jours d'ouverture de la société Legay lui permettant de vérifier le respect du délai de carence.

La société Leader intérim argue qu'il n'est pas établi d'entente avec la société Legay pour contourner les règles propres à l'intérim.

Sur ce

L'article L 1251-40 du code du travail donne la possibilité au salarié temporaire de demander la requalification de son contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée auprès de l'entreprise utilisatrice mais ne prévoit pas qu'elle puisse le faire auprès de l'entreprise de travail temporaire. Néanmoins, la jurisprudence a reconnu au salarié le droit d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions, à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées.

La responsabilité contractuelle de l'entreprise de travail temporaire dans ses rapports avec l'entreprise utilisatrice peut être engagée pour non-respect du délai de carence entre plusieurs contrats avec le même salarié. Il appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement si un manquement peut être imputé à l'entreprise de travail temporaire dans l'établissement des contrats de mise à disposition qui est de la compétence de l'entreprise de travail temporaire.

Le non-respect du délai de carence de l'article L. 1251-36 du code du travail caractérise un manquement par l'entreprise de travail temporaire aux obligations qui lui sont propres dans l'établissement des contrats de mission, elle doit être condamnée in solidum avec l'entreprise utilisatrice à supporter les conséquences de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à l'exception de l'indemnité de requalification, dont l'entreprise utilisatrice est seule débitrice.

La responsabilité de l'entreprise de travail temporaire peut être engagée par le salarié lorsque celle-ci a manqué aux obligations qui lui sont propres ou a agi frauduleusement en concertation avec l'entreprise utilisatrice et notamment lorsque la mission visait à pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice. Il n'est pas exigé de caractériser une entente illicite en cas de requalification en raison du non-respect du délai de carence pour condamner in solidum de l'entreprise utilisatrice et de l'entreprise de travail temporaire.

En l'espèce les missions confiées au salarié pendant plus de quatre ans du 26 mai 2015 au 14 août 2019 sur un poste de maçon, la succession de contrats et d'avenants n'étaient interrompus que par la fermeture de l'entreprise utilisatrice l'été et pour les fêtes de fin d'année ne permettaient pas le respect du délai de carence.

Après une première succession de CDD avec Onépi du 26 mai 2015 au 08 mai 2018, le salarié a signé un nouveau CDD avec Onépi le 04 juin 2019 courant jusqu'au 03 juillet 2019 puis un second contrat du 30 juin 2019 au 14 août 2019, dans les deux cas pour surcroît temporaire d'activité.

En outre, le salairé a signé avec Leader intérim huit CDD et avec Manpower six CDD et deux avenants.

Ainsi les entreprises de travail temporaire n'ayant pas respecté les obligations de l'article L. 1251-36 du code du travail relatives au respect du délai de carence, qui leur étaient propres, ont engagé leur responsabilité contractuelle dans leurs rapports avec l'entreprise utilisatrice.

Surabondamment, depuis le 24 septembre 2017, la durée totale maximale du contrat de mission peut être fixée par accord de branche étendu. À défaut, la durée totale ne peut excéder 18 mois, renouvellements compris et ce par application des article L. 1251-12 et L. 1251-12-1 du code du travail. Par ailleurs l'article L 1251-12-1 du code du travail prohibe le contrat de mission d'une durée totale de 18 mois, compte tenu, le cas échéant du ou des renouvellements intervenant dans les conditions de l'article L 1251-35 du code du travail.

L'article L 1251-35-1 du code du travail précise que « à défaut de stipulation dans la convention collective ou l'accord de branche conclu dans le cadre de l'article L 1251-35, le contrat est renouvelable deux fois pour une durée déterminée qui ajoutée au contrat initial ne peut excédée la durée maximale prévue à l'article L 1251-12 ou le cas échéant L 1251-12-1."

On rappelle qu'auparavant la durée des contrats de mission à terme précis était définie par la loi (18 mois maximum, renouvellements inclus) et d'ordre public. Les anciennes dispositions légales demeurent donc inchangées mais deviennent supplétives.

La convention collective applicable ne prévoit pas de dispositions spécifiques sur ce point.

Ainsi un contrat d'intérim peut être renouvelé deux fois, quelle que soit la nature de la mission, tant que la durée totale du contrat, en incluant le ou les renouvellements, ne dépasse pas les limites légales, soit dans l'hypothèse du surcroît temporaire d'activité 18 mois au total.

Or en l'espèce les contrats de mission temporaire conclus entre Onépi et M. [P] ont perduré du 26 mai 2015 au 8 mai 2018 soit bien au-delà des 18 mois imposés et ont été renouvelés à 15 reprises avec 17 avenants contrevenant ainsi aux dispositions des article L1251-12 et L 1251-12-1 du code du travail.

En tant qu'il caractérise un manquement par l'entreprise de travail temporaire à ses obligations dans l'établissement des contrats de mission, le non-respect du délai de carence entre deux contrats (pour un motif de surcroît temporaire d'activité) justifie la condamnation in solidum des trois entreprises (les entreprises de travail temporaire et l'utilisatrice ) à supporter les conséquences de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à l'exception de l'indemnité de requalification dont l' entreprise utilisatrice est seule débitrice. En cas de condamnation in solidum à supporter les conséquences de la requalification, les juges du fond apprécient souverainement la contribution à la dette de chacun des coobligés, à savoir l'entreprise utilisatrice et l'entreprise de travail temporaire, au regard de leur part respective de responsabilité.

Il a été retenu ci-dessus que d'une part, l'emploi du salarié dans le cadre de missions temporaires successives pendant plus de 4 ans avait permis de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice et d'autre part, que le délai de carence entre deux missions n'avait pas été respecté alors que le motif du recours était l'accroissement temporaire d'activité.

En conséquence, les trois entreprises de travail temporaire doivent être condamnées in solidum avec l'entreprise utilisatrice chacune pour un tiers à supporter les conséquences de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à l'exception de l'indemnité de requalification, dont l'entreprise utilisatrice est seule débitrice.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de M.[P] tendant à la condamnation in solidum des entreprises de travail temporaire avec l'entreprise utilisatrice à supporter les conséquences de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à l'exception de l'indemnité de requalification, dont l'entreprise utilisatrice est la seule débitrice.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur les demandes indemnitaires

M. [P] sollicite la condamnation in solidum des intimées à lui verser les indemnités de rupture, à savoir l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, l'indemnité légale conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; outre l'indemnité de requalification à la charge seule de la société Legay.

La société Onépi réplique que la base de calcul des indemnités est erronée car inclus les indemnités de fin de mission, que l'ancienneté est aussi incorrecte car M. [P] a travaillé pour différents employeurs, enfin il ne justifie d'aucun préjudice lié à la rupture du contrat de travail.

La société Manpower rétorque que le salarié a moins de 6 mois d'ancienneté à son égard et que le montant des dommages et intérêts sollicité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse n'est pas justifié par un préjudice particulier.

La société leader intérim rétorque que la cour ne peut retenir l'indemnité de fin de mission pour le calcul du salaire de référence et que les dommages et intérêts éventuels devaient respectés le barème d'indemnisation.

La société Legay indique que le montant du salaire moyen retenu par le conseil de prud'hommes est erroné car comprend l'indemnité de fin de contrat et l'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur ce

La requalification prononcée par la cour, dans le cadre de la survenance du terme du contrat prétendument à durée déterminée, en contrat à durée indéterminée à compter du 26 mai 2015 entraîne nécessairement la requalification de la rupture elle-même en licenciement. Or, l'employeur n'a pas respecté la procédure prévue par la loi en cas de licenciement (entretien préalable, notification du licenciement). La rupture est donc irrégulière et injustifiée. Il s'ensuit que l'employeur doit verser, en plus de l'indemnité de requalification de l'article L. 1245-2 du code du travail, les différentes indemnités prévues dans ce cas (indemnité de licenciement, pour rupture abusive, de préavis, de congés payés), y compris celle sanctionnant l'absence d'information sur le droit d'assistance du salarié lors de l'entretien préalable.

Le salaire de référence doit inclure tous les éléments du salaire, y compris les sommes versées au titre des congés payés, mais il ne comprend pas l'indemnité compensatrice de congés payés qui n'a pas à être prise en compte dans la base de calcul car ne constitue pas un élément du salaire se rapportant à la période de référence.

Il en est de même de l'indemnité de fin de mission dès lors que la cour a requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Sur la base de calcul la cour retient un salaire de référence sur les 3 derniers mois de salaire brut en retirant l'indemnité de fin de mission mais en retenant les congés payés puisque les bulletins de paie ne mentionnent pas d'indemnités compensatrice de congés payés, la cour fixe le salaire moyen de référence à la somme de 2329 euros.

Sur l'indemnité de requalification

En application de l'art. L1245-2 du code du travail lorsqu'il est fait droit à la demande de requalification formée par le salarié, la juridiction saisie doit d'office condamner l'employeur à lui payer une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Le montant à retenir est le salaire moyen calculé sur la base de 2329 euros.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il n'a pas statué l'indemnité de requalification, la cour condamne la société Legay à payer à M. [P] la somme de 2329 euros au titre de l'indemnité de requalification.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La cour a requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 26 mai 2015 et le dernier contrat à durée déterminé à pris fin le 14 août 2019. Le salarié avait donc 4 ans d'ancienneté au moment de la rupture du contrat de travail.

Le barème d'indemnisation de l'article L 1233-5 du code du travail prévoit pour un salarié ayant 4 ans d'ancienneté et dans une entreprise de plus de 10 salariés un montant d'indemnisation compris entre 3 et 4 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [P], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice du salarié doit être évaluée à la somme de 9316 euros.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné les sociétés Legay, Manpower France, leader intérim et Onépi à payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais l'infirme sur le quantum et jugera désormais que les sociétés Legay, Leader intérim, Manpower France et Onépi seront condamnées in solidum à payer à M. [P] la somme de 9316 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

En application de l'article L 1234-1 du code du travail l'indemnité compensatrice de préavis correspond à deux mois de salaire pour les salariés ayant une ancienneté de plus de deux ans au service du même employeur.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné les sociétés Legay, Manpower France, Leader intérim et Onépi à payer à M. [P] une somme au titre de l'indemnité compensatrice de préavis mais l'infirme sur le quantum qui sera désormais fixé la somme de 4658 euros.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné les sociétés Legay, Manpower France, Leader intérim et Onépi à payer à M. [P] la somme de 465,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis.

Sur l'indemnité de licenciement

En application de l'article R. 1234-2 du code du travail, le montant minimum de l'indemnité légale de licenciement varie en fonction de l'ancienneté du salarié. Elle ne peut être inférieure à : ¿ de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans et 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de 10 ans. Des montants plus élevés peuvent être prévus par la convention collective ou le contrat de travail.

L'indemnité légale de licenciement ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois complets de service accomplis au-delà des années pleines. Son montant varie, soit en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, soit en fonction du nombre d'années de service, à l'expiration de la période de préavis. Il importe peu que le préavis soit effectué ou non.

En l'espèce le salarié a une ancienneté de 4 ans et 5 mois puisqu'il faut prendre en compte la durée du préavis pour la calculer ; il s'ensuit que le montant de l'indemnité de licenciement doit être fixé à la somme 3105 euros la cour ayant infirmé le montant du salaire de référence, la cour fixera le montant de l'indemnité de licenciement à la somme de 3105 euros.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions de première instance seront confirmées.

Succombant pour l'essentiel en cause d'appel, la société Legay et les sociétés d'intérim seront condamnées en aux dépens de la procédure d'appel.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [P] les frais qu'il a exposés pour la présente procédure. La société Legay et les sociétés d'intérim, Leader intérim, Onépi et Manpower France seront condamnées à lui verser la somme de 500 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Les intimées seront déboutées de leurs demandes respectives sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort

Ordonne la jonction des procédures enregistrées sur les numéros RG 22/04686, 22/04574, 22/04731 et 2204496 ;

Confirme le jugement rendu le 13 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes d'Abbeville sauf sur le quantum des condamnations prononcées

Statuant à nouveau et y ajoutant

Condamne la société Legay à payer à M. [V] [P] la somme de 2329 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail ;

Condamne in solidum les société Legay, Onépi, Leader intérim et Manpower France à payer à M. [V] [P] les sommes suivantes :

4658 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 465,80 euros de congés payés

3105 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

9316 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamne les sociétés Legay, Onépi, Leader intérim et Manpower France à payer à M. [V] [P] la somme de 500 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les intimées de leurs demandes respectives en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt;

Condamne les sociétés Legay, Onépi, Leader intérim et Manpower France et Manpower France aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 22/04496
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.04496 ?
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