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20/03/2024 | FRANCE | N°23/01066

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 20 mars 2024, 23/01066


ARRET







[M]





C/



Association [5]



























































copie exécutoire

le 20 mars 2024

à

Me Enslen

Me Camier

EG/JC/MR/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 20 MARS 2024



************************

*************************************

N° RG 23/01066 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWJE



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 23 JANVIER 2023 (référence dossier N° RG 21/00070)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [O] [M] épouse [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée et concluant par Me Frédéric ENSLEN, avocat au b...

ARRET

[M]

C/

Association [5]

copie exécutoire

le 20 mars 2024

à

Me Enslen

Me Camier

EG/JC/MR/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 20 MARS 2024

*************************************************************

N° RG 23/01066 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IWJE

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 23 JANVIER 2023 (référence dossier N° RG 21/00070)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [O] [M] épouse [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et concluant par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

Association [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Hélène CAMIER de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Alexis DAVID, avocat au barreau d'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 24 janvier 2024, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Mme Eva GIUDICELLI indique que l'arrêt sera prononcé le 20 mars 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 20 mars 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [M] épouse [L], née le 4 novembre 1963, a été embauchée dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée du 27 juillet 2020 par l'association Apremis (l'association ou l'employeur), en qualité de directrice générale.

L'association Apremis compte plus de 10 salariés. La convention collective applicable est celle des centres d'hébergements et de réadaptation sociale et dans les services d'insertion pour adultes.

Le contrat de travail prévoyait une période d'essai de 4 mois.

Par courrier du 12 décembre 2020, l'association a informé la salariée qu'elle mettait un terme à la période d'essai.

Contestant la régularité de la rupture de la période d'essai et ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, Mme [M] a saisi le conseil de prud'hommes d'Amiens, le 4 mars 2021.

Par jugement du 23 janvier 2023, le conseil a :

écarté des débats la pièce 128 présentée par Mme [M] ;

dit n'y avoir lieu à reconnaitre l'existence d'heures supplémentaires et dit que le salaire de Mme [M] était de 4 788 euros par mois ;

dit que le contrat de travail de Mme [M] avait débuté le 16 juin 2020 ;

En conséquence,

condamné l'association Apremis à payer à Mme [M] les sommes suivantes :

- 11 012,40 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 16 juin au 23 août 2020 ;

- 1 101,24 euros au titre des congés payés y afférents ;

débouté Mme [M] du surplus de ses demandes salariales ;

constaté que la rupture du contrat de travail de Mme [M] était intervenue le 12 décembre 2020, soit postérieurement à l'échéance de la période d'essai ;

dit et jugé que cette rupture hors délai produisait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

condamné l'association Apremis à payer à Mme [M] les sommes suivantes:

- 4 788 euros pour non-respect de la procédure de fin de période d'essai ;

- 14 364 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1 436,40 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 4 788 euros à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail ;

débouté Mme [M] de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement ;

dit que l'intention frauduleuse de dissimuler le travail de la salariée par l'employeur n'était pas démontrée ;

- dit qu'il n'y avait pas eu exécution déloyale du contrat de travail.

En conséquence,

débouté Mme [M] de ses demandes indemnitaires pour travail dissimulé et exécution déloyale du contrat de travail de la part de l'employeur;

ordonné à l'association Apremis de remettre à Mme [M] un certificat de travail et une attestation employeur à destination de Pôle emploi en conformité avec la présente décision ;

condamné l'association Apremis à payer à Mme [M] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

dit que seules les dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail relatif à l'exécution provisoire de droit recevront application ;

débouté l'association Apremis de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné l'association Apremis aux dépens de l'instance.

Mme [M], régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 octobre 2023, demande à la cour de :

confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a considéré :

- que le contrat de travail avait débuté le 16 juin 2020 ;

- que la rupture du contrat de travail était abusive ;

infirmer le jugement dont appel pour le surplus.

Et statuant à nouveau,

rejeter la demande d'écarter sa pièce 128 ;

dire et juger que la rupture de sa période d'essai est illicite et abusive ;

en conséquence, fixer la moyenne des salaires à la somme de 9 689,66 euros brut mensuel et condamner l'association Apremis au versement de :

- 13 167 euros au titre du rappel de salaire du 1er juin 2020 au 23 aout 2020, et 1 316,70 euros au titre des congés payés afférents ;

- 19 606,64 euros au titre des heures supplémentaires septembre/décembre 2020, et 1960,64 euros au titre des congés payés afférents ;

- 58 137,96 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé avec heures supplémentaires, et subsidiairement, 28 728 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé sans heures supplémentaires ;

- 9 689,66 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure avec heures supplémentaires, et subsidiairement, 4 788 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure sans heures supplémentaires ;

- 58 137,96 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive avec heures supplémentaires, et subsidiairement, 28 728 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive sans heures supplémentaires ;

- 29 068,98 euros au titre des dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail avec heures supplémentaires, et subsidiairement, 14 364 euros au titre des dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sans heures supplémentaires ;

- 29 068,98 euros au titre de l'indemnité de préavis avec heures supplémentaires, et 2906,89 euros de congés payés afférents ; subsidiairement, 14 364 euros au titre de l'indemnité de préavis sans heures supplémentaires, et 1436,40 euros de congés payés afférents ;

- 58 137,96 euros au titre du rappel indemnité de licenciement avec heures supplémentaires, et subsidiairement, 28 728 euros au titre du rappel indemnité de licenciement sans heures supplémentaires ;

- ordonner l'exécution provisoire sur le tout ;

- ordonner la remise des documents sociaux suivants sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document ; le conseil, se réservant le droit de liquider l'astreinte : un certificat de travail et une attestation Pôle emploi mentionnant une rupture aux torts de l'employeur ;

- condamner l'association Apremis à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouter l'association Apremis de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner l'association Apremis en tous les dépens.

L'association Apremis, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 mai 2023, demande à la cour de :

dire et juger Mme [M] mal fondée en ses prétentions ;

l'en débouter intégralement.

En conséquence :

réformer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- dit et jugé que le contrat de travail avait débuté le 16 Juin 2020 et l'a condamnée aux sommes suivantes :

11 012,40 euros brut au titre du rappel de salaire ;

1 101,24 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire ;

- dit et jugé que la rupture du contrat de travail avait été réalisée au-delà de la fin de la période d'essai et, en conséquence, était dénuée de cause réelle et sérieuse et l'a condamnée aux sommes suivantes :

4 788 euros au titre des dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de rupture de la période d'essai ;

14  364 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

1 436,40 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de conges payes sur préavis ;

4 788 euros au titre de l'indemnité de rupture abusive ;

3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Mme [M] de sa demande :

- tendant au paiement d'heures supplémentaires ;

- au titre du travail dissimulé ;

- au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

- d'indemnité de licenciement.

condamner Mme [M] au remboursement de la somme de 22 007,20 euros (correspondant à l'exécution provisoire suite à la décision de première instance), outre les intérêts légaux à compter du 2 février 2023 ;

condamner Mme [M] à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS

1/ Sur la demande d'écarter la pièce n°128 de la salariée

Mme [M] soutient qu'elle est en droit de produire tout élément de nature à justifier de ses demandes, y compris postérieur au contrat de travail dès lors qu'il n'a pas été obtenu par fraude, et précise que le procès-verbal du CSE en cause lui a été transmis par des salariés de l'association qui en avaient été régulièrement destinataires.

L'employeur répond que s'agissant d'un document interne à l'association que la salariée n'a pu obtenir dans le cadre normal de ses fonctions qu'elle avait quittées depuis plusieurs mois, cette dernière ne peut s'en prévaloir.

En matière de droit de la preuve, le juge doit écarter des débats les pièces qui ont été obtenues de façon illégitime ou déloyale. Il peut également limiter la production des pièces protégées par le secret des affaires.

Néanmoins, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

En l'espèce, Mme [M] ayant quitté l'association en décembre 2020, elle ne disposait d'aucune légitimité à se voir transmettre le procès-verbal du CSE du 21 octobre 2021.

Disposant déjà de nombreuses pièces démontrant les problèmes de gouvernance rencontrés par l'association, elle ne justifie pas plus de caractère indispensable de cette pièce pour fonder ses demandes.

Il convient donc de l'écarter des débats par confirmation du jugement entrepris.

2/ Sur l'exécution du contrat de travail

2-1/ sur la date de prise de fonction

L'employeur soutient que la prise de fonction est intervenue le 24 août 2020, les démarches antérieures n'ayant été réalisées qu'à la demande de Mme [M] pour son information.

Mme [M] fait valoir qu'elle a été sollicitée par courriels, textos et appels téléphoniques pour intervenir dans l'organisation de l'association dès le 2 juin 2020, qu'il lui a été demandé de se rendre à des réunions courant juin et juillet ainsi que le 7 août avec la DDCS et de participer à une séance de travail le 8 juillet 2020.

Le contrat de travail est un contrat par lequel une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre personne, moyennant rémunération. Il suppose donc l'existence de trois éléments : la fourniture d'un travail, le paiement d'une rémunération et l'existence d'un lien de subordination juridique.

En l'absence d'un contrat de travail apparent, c'est à celui qui se prévaut de l'existence d'une relation de travail d'en apporter la preuve.

En l'espèce, l'Apremis a adressé une promesse d'embauche à Mme [M] le 28 mai 2020 pour une prise de fonction le 1er septembre 2020 en qualité de directrice générale.

Le contrat de travail du 27 juillet 2020 signé par les parties a finalement fixé la date de prise de fonction au 24 août 2020.

Si des échanges courriels et téléphoniques sont intervenus dès le mois de juin 2020 avec le directeur général sortant et que Mme [M] a pu être sollicitée pour donner son avis sur certaines orientations ou participer à des réunions avant le 24 août 2020, il ressort des pièces produites qu'il s'agissait de lui transmettre les informations utiles pour ses futures responsabilités et de la présenter aux équipes ainsi qu'aux partenaires de la structure qu'elle allait diriger sans qu'à aucun moment ces sollicitations ne lui soient imposées ou qu'elle se trouve en situation décisionnelle sous le contrôle du conseil d'administration.

Ce contexte est ainsi explicité dans un échange électronique du 3 juin 2020 qu'aucun autre échange produit ne viendra contredire :

M. [C], directeur en place : « j'ai un peu de scrupule à vous relayer déjà des informations APREMIS 3 mois avant votre prise de poste ! »

Mme [M] : « Ah mais non, n'ayez pas de scrupule je suis déjà dans ma tête dans l'environnement Apremis, et cela me permet de projeter, c'est donc parfait ! ».

Le fait qu'une adresse électronique professionnelle ait été attribuée à Mme [M] le 12 août 2020 n'est pas plus la preuve qu'elle avait déjà pris ses fonctions de directrice en l'absence de tout échange par ce biais la positionnant comme tel.

Il résulte des développements précédents que ni la fourniture d'un travail ni l'existence d'un lien de subordination ne sont démontrés.

Les éléments constitutifs d'un contrat de travail n'étant pas réunis pour la période du 1er juin au 23 août 2020, il convient de rejeter la demande de rappel de salaire par infirmation du jugement entrepris.

2-2/ sur la demande au titre des heures supplémentaires

Mme [M] soulève la nullité de la clause de forfait prévue au contrat de travail au motif que la convention individuelle de forfait ne prévoyait aucune modalité de contrôle et de garantie des durées maximales de travail et que l'employeur n'a mis en place aucun dispositif de contrôle de l'activité de ses salariés.

L'employeur répond que la convention de forfait annuel en jours prévue par le contrat de travail exclut toute heure supplémentaire.

En application des dispositions de l'article L. 3121-63 du code du travail, le non-respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours prive d'effet la convention de forfait et ouvre le droit pour le salarié concerné, à un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires.

En l'espèce, le contrat de travail liant les parties stipulait la mise en place d'une convention forfait-jours par référence à l'article 11-1 des accords d'entreprise du 7 octobre 2013 et instituait 209 jours travaillés par an en renvoyant à un document signé simultanément définissant les modalités de suivi du forfait.

Or, pour preuve du contenu et de la mise en place de ce suivi, l'employeur se contente de produire un courriel du 8 octobre 2020 envoyé à Mme [M] par le directeur sortant transmettant « le fichier de suivi de ton forfait jours » et mentionnant la signature par le président du conseil d'administration de relevés hebdomadaires.

Cette pièce étant insuffisante à permettre le contrôle de l'existence de modalités de suivi conformes à l'accord visé en référence, la convention de forfait doit être déclarée inopposable à la salariée, qui peut dès lors réclamer le paiement d'heures supplémentaires.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, Mme [M] produit un décompte avec ses horaires quotidiens d'arrivée et de départ pour la période du 24 août au 11 décembre 2020.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur, en charge du contrôle de la durée du travail de la salariée nonobstant l'existence d'une convention de forfait, d'y répondre en apportant les siens.

L'employeur fait valoir que les heures supplémentaires réclamées ne correspondaient pas à une demande expresse de sa part.

Cet argument ne saurait prospérer alors qu'il ressort des échanges produits que l'employeur était parfaitement informé de ce que Mme [M] devrait suppléer le départ du personnel encadrant du pôle asile, en plus de ses fonctions de directrice de l'association, dans l'attente du recrutement de remplaçants, ce qui avait d'ailleurs motivé l'avancement de sa prise de fonction au 24 août 2020.

Ainsi, au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'instruction, la cour a acquis la conviction au sens du texte précité que Mme [M] a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées ouvrant droit à une rémunération totale de 19 606,64 euros brut pour la période du 24 août au 11 décembre 2020, somme à laquelle il convient d'ajouter les congés payés pour 1 960,66 euros brut.

Le salaire moyen s'établit à 9 436,38 euros brut après réintégration.

Le jugement est donc infirmé de ces chefs.

2-3/ sur la demande au titre du travail dissimulé

Mme [M] affirme que l'employeur qui l'a employée avant sa prise de fonction officielle sans la rémunérer et l'a laissée faire de nombreuses heures supplémentaires avait parfaitement conscience qu'il commettait un manquement à la législation sur le travail dissimulé.

L'employeur oppose l'absence d'élément intentionnel.

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule inopposabilité de la convention de forfait prévue au contrat de travail.

En l'espèce, l'existence d'une prise de fonction anticipée n'ayant pas été retenue, cet argument est écarté.

Concernant les heures supplémentaires réalisées, si leur volume est conséquent, le contexte de prise de fonction à un poste à hautes responsabilités et large autonomie permet d'écarter le caractère intentionnel de la dissimulation à défaut de tout autre élément contraire.

2-4/ sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail

Mme [M] estime que l'employeur a adopté un comportement déloyal à son encontre en ne la payant pas pour des périodes effectivement travaillées et les heures supplémentaires réalisées.

En l'espèce, aucune faute ne peut être retenue du fait d'une prise de fonction anticipée qui n'est pas démontrée.

Quant au non-paiement des heures supplémentaires, Mme [M], qui a obtenu le rappel de salaire demandé, ne justifie d'aucun préjudice en découlant.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté la salariée de sa demande de ce chef.

3/ Sur la rupture du contrat de travail

3-1/ sur le bien-fondé de la rupture

L'employeur fait valoir que la période d'essai de 4 mois ayant débuté le 24 août 2020, la rupture intervenue le 12 décembre suivant était comprise dans ce délai, sans qu'il ait donc à justifier d'un motif.

Il conteste toute volonté de dissimulation de la situation de l'association et avance que les initiatives de Mme [M] à son poste de directrice générale ont été très modérément appréciées par les salariés et l'encadrement qui y ont vu plutôt des éléments de perturbation de l'ancienne organisation.

Mme [M] se prévaut d'une prise de fonction réelle au 2 juin 2020 pour soutenir que la période d'essai a été rompue hors délai donc de façon illicite.

En tout état de cause, elle considère que la rupture était abusive en ce qu'elle n'est intervenue dans l'urgence du seul fait du président de l'association, sans autorisation préalable du bureau, qu'aux fins de passer sous silence les nombreux errements qu'elle avait constatés dans le fonctionnement de l'association, notamment au regard de ses obligations réglementaires et financières, et sur lesquels elle avait alerté les membres du bureau.

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre. Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d'essai.

Il en résulte qu'au cours de la période d'essai chacune des parties dispose d'un droit de résiliation discrétionnaire sauf abus de droit ou discrimination.

En l'espèce, l'employeur a fait connaître à Mme [M] sa décision de rompre le contrat de travail par courrier du 12 décembre 2020.

Le contrat de travail prévoyant une période d'essai de 4 mois et ayant commencé à s'exécuter le 24 août 2020, cette rupture est intervenue en cours de période d'essai.

En l'absence de tout élément permettant de remettre en cause le pouvoir du président du conseil d'administration de signer la lettre de rupture, acte que l'association n'a pas dénoncé, il appartient à Mme [M] de caractériser l'abus de droit dont elle se prévaut.

Or, s'il ressort des courriels produits qu'elle disposait de la confiance et du soutien du conseil d'administration pendant les trois premiers mois de son action et qu'elle avait avisé les membres du bureau de pratiques illégales pouvant conduire à la mise en cause de la responsabilité pénale de l'association avant la décision de rupture de son contrat de travail, il apparaît également que les membres dirigeants ont été informés, début décembre 2020, du mécontentement de certains usagers quant à la décision qu'elle avait prise de supprimer les machines à laver dans les logements, et alerté dans le même temps par une salariée de la mise en place d'un management brutal de sa part.

Sans disqualifier l'investissement important dont Mme [M] avait fait preuve depuis sa prise de fonction et les résultats obtenus, la survenance de ces plaintes, qu'elles soient

fondées ou pas, plaçait l'employeur face à un choix : conforter le recrutement de Mme [M] en laissant le contrat de travail se poursuivre malgré les remous, ou mettre fin au contrat en période d'essai pour apaiser la situation.

Ces éléments concernant la personne de la salariée et étant de nature à fonder la solution retenue par l'employeur sans qu'un lien direct puisse être fait avec les alertes adressées de son côté par cette dernière, le caractère abusif de la rupture n'est pas démontré.

Il convient donc de débouter la salariée de ses demandes de ce chef par infirmation du jugement entrepris.

4/ Sur les demandes accessoires

L'infirmation des dispositions du jugement condamnant l'employeur valant titre de restitution, la demande de remboursement des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire est sans objet.

Le pourvoi n'étant pas suspensif, la demande d'exécution provisoire est également sans objet.

Le sens de la présente décision conduit à confirmer le jugement entrepris quant aux dépens, à mettre les dépens d'appel à la charge de l'employeur, et à infirmer les dispositions concernant les frais irrépétibles.

L'équité commande de condamner l'employeur à payer à Mme [M] 2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel, et de rejeter sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a écarté des débats la pièce n°128 de la salariée, a débouté cette dernière de ses demandes au titre du travail dissimulé, de l'exécution déloyale du contrat de travail et de l'indemnité de licenciement, et a mis les dépens à la charge de l'employeur,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare inopposable à Mme [O] [M] la convention de forfait annuel en jours stipulée au contrat de travail,

Dit que Mme [O] [M] a réalisé des heures supplémentaires non rémunérées sur la période du 24 août au 11 décembre 2020,

Condamne l'association Apremis à payer à Mme [O] [M] les sommes suivantes :

19 606,64 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 24 août au 11 décembre 2020, outre 1 960,66 euros au titre des congés payés afférents,

2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel,

Fixe le salaire moyen à 9 436,38 euros brut,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne l'association Apremis aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/01066
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;23.01066 ?
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