La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2024 | FRANCE | N°22/04780

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 20 mars 2024, 22/04780


ARRET







S.A.S. CT&CO





C/



[T]



























































copie exécutoire

le 20 mars 2024

à

Me Boetsch

Me Hertault

EG/JC/MR/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 20 MARS 2024



*************************

************************************

N° RG 22/04780 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IS4F



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERONNE DU 17 OCTOBRE 2022 (référence dossier N° RG F 21/00076)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.S. CT&CO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit sièg...

ARRET

S.A.S. CT&CO

C/

[T]

copie exécutoire

le 20 mars 2024

à

Me Boetsch

Me Hertault

EG/JC/MR/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 20 MARS 2024

*************************************************************

N° RG 22/04780 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IS4F

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERONNE DU 17 OCTOBRE 2022 (référence dossier N° RG F 21/00076)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. CT&CO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée, concluant et plaidant par Me Ingrid BOETSCH, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIME

Monsieur [K] [T]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté, concluant et plaidant par Me Amandine HERTAULT de la SCP CREPIN-HERTAULT, avocat au barreau d'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 24 janvier 2024, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Mme Eva GIUDICELLI indique que l'arrêt sera prononcé le 20 mars 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 20 mars 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [T], né le 15 mai 1970, a été embauché à compter du 31 mai 2010 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société Chaulnes textiles industries, dénommée CTI, en qualité de directeur supply chain.

Le 27 décembre 2013, le contrat de travail de M. [T] a été transféré à la société CT&CO (la société ou l'employeur), holding détenant 100 % des parts de la société Chaulnes textiles industries. Le salarié a bénéficié d'un nouveau contrat de travail le liant à la société CT&CO à compter du 1er janvier 2014.

La société CT&CO compte moins de 11 salariés. La convention collective applicable est celle des industries textiles.

Par courrier du 23 juillet 2019, la société CT&CO a proposé au salarié une diminution de son salaire annuel en raison de difficultés économiques.

Par courrier du 14 août 2019, M. [T] a refusé la modification du contrat pour motif économique.

Par lettre du 2 septembre 2019, il s'est vu proposer, au titre de l'obligation de reclassement, le poste de responsable logistique qu'il a refusé le 10 septembre 2019.

Par courrier du 11 septembre 2019, M. [T] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 19 septembre 2019.

Par courrier remis en main propre le 19 septembre 2019, la société CT&CO lui a proposé un contrat de sécurisation professionnelle et lui a indiqué qu'elle envisageait de rompre le contrat de travail pour motif économique.

Le 5 octobre 2019, M. [T] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle.

Le contrat de travail a pris fin le 10 octobre 2019.

Contestant la légitimité de son licenciement, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Péronne le 22 novembre 2021.

Par jugement du 17 octobre 2022, le conseil a :

- dit que M. [T] était recevable et bien fondé en ses demandes ;

- dit que la lettre de remise du contrat de sécurisation professionnelle ne comportait aucun motif économique et que le licenciement ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse ;

- dit que le motif économique allégué n'était pas fondé ;

- dit que la société CT&CO n'avait pas respecté son obligation de reclassement ;

- condamné la société CT&CO à verser à M. [T] les sommes suivantes :

- 52 578 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 11 684 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre de licenciement ;

- débouté la société CT&CO de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la société CT&CO à verser à M. [T] 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La société CT&CO, régulièrement appelante de ce jugement par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, demande à la cour de :

A titre principal,

réformer dans son intégralité le jugement ;

fixer le salaire moyen brut de M. [T] au montant de 6 625 euros ;

juger que la rupture du contrat de travail de M. [T] au moyen de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle procède d'une cause réelle et sérieuse ;

juger que l'ordre des licenciements ne s'appliquait pas, M. [T] étant le seul à appartenir à sa catégorie professionnelle ;

débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Subsidiairement,

dans l'hypothèse où par extraordinaire le licenciement pour motif économique de M. [T] serait jugé dénué de cause réelle et sérieuse, limiter son indemnisation à 3 mois de salaire, soit 19 875 euros.

Reconventionnellement,

condamner M. [T] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [T], par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 décembre 2023, demande à la cour de :

le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident ;

En conséquence,

confirmer le jugement sauf en ce qu'il a fixé la condamnation de la société CT&CO à lui verser 52 978 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 11 684 euros à titre de non-respect des critères d'ordre du licenciement ;

Statuant de nouveau,

condamner la société CT&CO à lui verser 70 099,32 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

condamner la société CT&CO à lui verser la somme de 70 099,32 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre de licenciement ;

A titre subsidiaire,

confirmer la condamnation de la société CT&CO à lui verser la somme de 52 978 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause,

condamner la société CT&CO à lui verser 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS

1/ Sur le bien-fondé du licenciement

1-1/ sur le motif économique du licenciement

L'employeur soutient qu'il a satisfait aux obligations légales en notifiant les motifs économiques du licenciement dans la lettre d'accompagnement de remise du CSP, et en énonçant qu'ils avaient pour conséquence la suppression de son emploi.

Il ajoute qu'étant associé unique de ses deux filiales en qualité de holding d'animation, ses ressources (dividendes, facturation des prestations d'assistance et de conseil) pour faire face à ses emprunts et coûts de fonctionnement dépendent directement de la bonne santé économique de ces dernières, malheureusement déficitaires depuis plusieurs années.

M. [T] répond que si la lettre d'accompagnement de remise du CSP contient la présentation de la cause économique du licenciement, aucun document n'expose les conséquences sur son emploi.

Il conteste la réalité des difficultés économiques invoquées dans le secteur d'activité concerné relevant que la société était bénéficiaire au moment du licenciement et que son poste n'a finalement été ni transformé ni supprimé.

L'article L.1235-2 du code du travail dispose notamment que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'Etat.

A défaut pour le salarié d'avoir formé auprès de l'employeur une demande en application de l'alinéa premier, l'irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.

L'article L.1233-3 du même code dispose que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

En l'espèce, à la suite de son refus de la modification de son contrat de travail pour motif économique et d'une proposition de reclassement au poste créé de responsable logistique, M. [T] s'est vu remettre en main propre une lettre énonçant le motif de licenciement en ces termes :

« CT&Co est durablement, depuis deux années, confrontée aux importantes difficultés économiques de ses deux filiales opérationnelles, qu'elle détient à 100%, que sont CTI et Blanc Cerise.

Pour CTI, l'exercice 2018 s'est soldé par des pertes d'un montant de 544.711 euros tandis que Blanc Cerise a enregistré pour la même période un déficit de 213.483 euros.

De même, les résultats d'exploitation de CTI et de Blanc Cerise se sont avérés négatifs pour l'exercice 2018. Celui de CTI a accusé un déficit 371.614 euros tandis que celui de Blanc cerise est déficitaire à hauteur de 224.561 euros.

Les difficultés financières de ces deux filiales se répercutent nécessairement et indiscutablement sur CT&Co qui connaîtrait également un résultat déficitaire à hauteur de 20.761 euros, hors produits financiers de participations, produits parfaitement étrangers à l'activité opérationnelle de CTI et de Blanc Cerise, ces dernières générant la quasi-intégralité du chiffre d'affaires du groupe.

Le chiffre d'affaires de CT&Co a connu une baisse significative entre les exercices 2017 et 2018. Il s'établissait à 1.242.379 au 31 décembre 2017 pour atteindre 1.102.386 euros au 31 décembre 2018. Cette baisse du chiffre d'affaires perdure en 2019.

Actuellement, CT&Co n'est plus en mesure de faire supporter à CTI, en raison de l'importance des pertes de sa filiale, la charge de la refacturation du coût salarial du poste de Directeur logistique. »

Bien que ce courrier ne fasse pas expressément mention de la suppression du poste de M. [T], la cour relève que ce dernier n'a pas fait usage de la possibilité offerte par l'article L.1235-2 précité de former auprès de l'employeur une demande de précision dans les 15 jours de la notification du licenciement.

Il ne peut donc se prévaloir d'une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement pour obtenir sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au surplus, compte tenu du mode de financement du poste de M. [T] consistant en la facturation de prestations à la société filiale CTI, la dernière phrase reproduite de la lettre de licenciement est dépourvue d'ambiguïté quant aux conséquences des difficultés économiques évoquées sur ce poste dont le coût salarial ne peut plus être financé.

Le moyen tiré de l'absence d'information quant aux effets sur l'emploi du salarié de la cause économique présentée par l'employeur doit donc être écarté.

Concernant la réalité de ses conséquences, il ressort de la comparaison des organigrammes des sociétés CT&CO, CTI et Blanc cerise en mars 2019 et décembre 2020 que le poste de directeur supply chain occupé par M. [T] a été supprimé par redistribution de ses tâches d'une part au responsable logistique de la société CT&CO et d'autre part au directeur commercial de la société CTI, postes créés.

Le moyen tiré du maintien du poste du salarié licencié ne peut donc pas plus prospérer.

Concernant la réalité des difficultés économiques, il convient d'apprécier la situation au regard de la structure du groupe formé par la société CT&CO, holding chargée de l'administration, et ses filiales CTI et Blanc cerise, sociétés chargées de l'activité commerciale, qui implique que le chiffre d'affaires de la holding et donc sa capacité à faire face à ses charges dépend directement de la capacité des filiales à financer les prestations qu'elle leur facture.

Il s'en déduit que le secteur d'activité concerné est celui des filiales en charge de la commercialisation du linge de maison vendu par le groupe.

Or, l'employeur justifie par les pièces comptables produites d'une baisse du chiffre d'affaires et d'un résultat d'exploitation négatif de ses filiales pour les années 2018 et 2019 conduisant à une baisse globale du chiffre d'affaires (- 21 %) et à un résultat d'exploitation négatif ( -488 284 euros en 2018, - 468 272 euros en 2019) pour l'ensemble du groupe sur ces mêmes années, ce qui constitue une évolution significative de ces deux indicateurs économique caractérisant des difficultés économiques.

Par ailleurs, il ressort de l'attestation du commissaire aux comptes du 15 septembre 2023 que le bénéfice de 4 194 597 euros de la société CT&CO pour l'année 2018 ne correspond pas à une création de richesse au sein du groupe mais à la distribution de réserves par la société CTI provenant de l'accumulation de résultats bénéficiaires antérieurs à 2017, déjà utilisées par inscription en compte courant pour financer les pertes sur les périodes 2017 et 2018 ainsi que les investissements et assurer le paiement des échéances d'emprunts bancaires.

Enfin, l'existence de difficultés économiques est corroborée par le courrier du Crédit agricole du 4 décembre 2019 mentionnant les difficultés financières du groupe et subordonnant le maintien des concours à court terme accordés à la société CTI à la cession d'un entrepôt avant le 31 mars 2020.

Les difficultés économiques des filiales se répercutant nécessairement sur la holding d'animation dont les ressources courantes proviennent essentiellement de la facturation de services à ses filiales, le motif économique du licenciement de M. [T] est établi.

1-2/ sur le respect de l'obligation de reclassement

L'employeur fait valoir qu'en proposant au salarié le poste créé de responsable logistique, distinct du poste qu'il occupait, après avoir mené des recherches dans ses filiales, il a satisfait à son obligation de reclassement.

Il conteste toute volonté de remplacer M. [T] sans attendre sa décision, les démarches de recrutement d'un responsable logistique réalisées pendant l'été n'ayant abouti que postérieurement à son refus du poste.

M. [T] affirme qu'aucune recherche n'a été faite au niveau du groupe, et que la recherche opérée n'était pas loyale en ce que le poste proposé n'était que son ancien poste avec une rémunération inférieure, et qu'il ne lui était de toute façon pas destiné au vu des démarches de recrutement déjà réalisées.

L'article L.1233-4 du code du travail dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

En l'espèce, la société CT&CO justifie avoir saisi ses filiales le 19 août 2019 d'une recherche de reclassement détaillant la situation professionnelle et les compétences de M. [T], puis, à la suite de réponses négatives intervenues les 29 et 30 août 2019, avoir proposé à ce dernier, le 2 septembre 2019, le poste de responsable logistique, distinct de son poste de directeur supply chain dont les responsabilités étaient plus étendues comme indiqué dans les développements précédents.

S'il ressort des pièces produites qu'une promesse d'embauche a pu être faite sur ce poste avant le refus de M. [T], la cour note que le contrat de travail n'a été régularisé que postérieurement le 23 septembre 2019 alors que l'employeur avait intérêt à anticiper l'éventuel départ de son cadre en charge de la logistique au risque de devoir indemniser le bénéficiaire de la promesse en cas d'acceptation du poste de reclassement.

Au vu de ces éléments, la recherche de reclassement apparait sérieuse et loyale.

Le moyen tiré du non-respect de l'obligation de reclassement doit donc également être écarté.

Aucun des moyens développés au soutien de la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse n'ayant été retenu, il convient de rejeter la demande de ce chef et les demandes pécuniaires subséquentes par infirmation du jugement entrepris.

2/ Sur le respect des critères d'ordre de licenciement

L'employeur rappelle que l'indemnisation pour non-respect des critères d'ordre et celle pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont pas cumulables. Sur le fond, il soutient que le salarié étant le seul dans sa catégorie professionnelle de directeur de la chaîne d'approvisionnement, les critères d'ordre n'avaient pas à s'appliquer.

M. [T] répond qu'en l'absence de fiche de poste et en présence de plusieurs cadres supérieurs, l'employeur ne peut se contenter d'affirmer qu'il était le seul de sa catégorie professionnelle.

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, en cas de licenciement pour motif économique, dès lors que la suppression envisagée ne concerne qu'une partie des postes de la catégorie professionnelle concernée, l'employeur est tenu d'arrêter des critères pour établir un ordre des licenciements.

La catégorie professionnelle est définie comme un groupe de salariés qui exercent au sein de l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.

En l'espèce, M. [T] ne conteste pas l'organigramme produit par la société CT&CO qui mentionne 5 salariés :

une présidente supervisant les 4 autres salariés,

un directeur logistique,

un directeur commercial,

une responsable informatique,

une responsable marketing et achats.

Seul le poste de directeur commercial est susceptible de relever de la même catégorie professionnelle que celui de directeur logistique occupé par M. [T], les autres postes étant d'un niveau de responsabilité supérieur ou inférieur.

Or, ce poste a également été supprimé pour motif économique concomitamment à celui de directeur logistique.

Tous les postes de l'entreprise d'une même catégorie professionnelle étant supprimés, l'employeur n'avait pas à appliquer de critères d'ordre.

Il convient donc de rejeter la demande d'indemnisation formée par M. [T] à ce titre par infirmation du jugement entrepris.

3/ Sur les demandes accessoires

M. [T] succombant, il convient d'infirmer le jugement entrepris quant aux frais irrépétibles mis à la charge de la société et aux dépens, et de mettre à la charge du salarié les dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société de sa demande au titre des frais irrépétibles et de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles engagés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a débouté la société CT&CO de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement économique de M. [T] était justifié,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [K] [T] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 22/04780
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;22.04780 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award