ARRET
N°
[O]
C/
[G]
copie exécutoire
le 07 mars 2024
à
Me Marras
Me Cornu
CB/MR/IL
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 07 MARS 2024
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N° RG 22/04458 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ISGP
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERONNE DU 02 SEPTEMBRE 2022 (référence dossier N° RG F21/00038)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [M] [O]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée et concluant par Me Giuseppina MARRAS de la SCP DELARUE VARELA MARRAS, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me François-Julien SCHULLER, avocat au barreau D'AMIENS
ET :
INTIME
Monsieur [R] [G]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté et concluant par Me Jean CORNU de la SELARL CORNU-LOMBARD-SORY, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Franck TREFEU de la SARL VOXIAL AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de LILLE
DEBATS :
A l'audience publique du 11 janvier 2024, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.
Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 07 mars 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 07 mars 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
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DECISION :
Mme [O], née le 8 novembre 1973, a été embauchée à compter du 2 avril 2015 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à raison de 25 heures par semaine par la société Boulangerie pâtisserie [G], exploitée par M. [G] (la société ou l'employeur), en qualité de vendeuse.
La société compte moins de 10 salariés.
La convention collective applicable est celle de la boulangerie pâtisserie.
Le 31 juillet 2018, un avenant a été conclu entre l'employeur et Mme [O] afin de réduire sa durée de travail hebdomadaire à 20,5 heures à compter du 1er août 2018.
Le 4 mars 2020, Mme [O] a été placée en arrêt maladie.
Par courrier du 1er février 2021, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement, fixé au 12 février 2021.
Le 16 février 2021, elle s'est vue notifier son licenciement, par lettre ainsi libellée:
« A la suite de notre entretien du 12 février 2021, je vous informe que je suis contraint de vous licencier pour le motif suivant :
votre absence prolongée rend nécessaire votre remplacement définitif pour assurer un fonctionnement normal de l'entreprise.
En effet, il est de plus en plus difficile de vous remplacer de façon temporaire.
Votre préavis, d'une durée de 2 mois, débutera à la date de présentation de cette lettre recommandée à votre domicile, conformémentà.l'articleL1234-3ducode du travail. Au cours du préavis, vous bénéficierez de 2 heures par jour pendant la dernière semaine de préavis pour rechercher un nouvel emploi. Ces heures seront prises selon les modalités suivantes : en accord avec l'employeur
Si votre état de santé ne vous permet pas de travailler pendant votre prévis, celui- ci ne donnera lieu à aucune compensation.
Je vous rappelle qu'à compter de la rupture de votre contrat de travail, vous pourrez conserver le bénéfice des régimes de prévoyance et de couverture des frais médicaux en vigueur au sein de l'entreprise pendant votre période de chômage et pour une durée égale à votre ancienneté en mois entiers acquis au sein de l'entreprise avec un maximum de douze mois.
Le jour de votre départ, vous pourrez vous présenter à l'entreprise pour y retirer votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte, votre attestation pôle emploi, et vos documents relatifs à la portabilité des garanties prévoyance et couverture des frais médicaux ».
Contestant la légitimité de son licenciement et ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Péronne, le 6 mai 2021.
Par jugement du 2 septembre 2022, le conseil a :
dit que l'avenant au contrat de travail entre Mme [O] et M. [G] était conforme à l'article 21 de la convention boulangerie pâtisserie ;
dit que Mme [O] avait travaillé 20,5 heures par semaine conformément à l'avenant à son contrat de travail et n'avait donc pas fait d'heures complémentaires ;
dit que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse : son absence prolongée qui rendait impossible le fonctionnement normal de l'entreprise ;
débouté Mme [O] de l'ensemble de ses demandes ;
débouté M. [G] de toutes ses demandes ;
dit que chaque partie supporterait la charge de ses propres dépens.
Mme [O], qui est régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 25 octobre 2022, demande à la cour de :
la déclarer recevable et bien fondée en son appel.
Y faisant droit, infirmer la décision rendue en ce qu'elle a :
dit que l'avenant au contrat de travail était conforme à l'article 21 de la convention de la boulangerie pâtisserie ;
dit qu'elle avait travaillé 20,5 heures par semaine conformément à l'avenant de son contrat de travail et n'avait pas fait d'heures complémentaires ;
dit que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse : son absence prolongée qui rendait impossible le fonctionnement normal de l'entreprise ;
l'a déboutée de l'ensemble de ces demandes.
Et statuant à nouveau de,
constater que l'employeur n'avait pas la possibilité de déroger à la durée minimale du temps de travail de 24 heures par semaine ;
dans ces conditions, constater que son salaire brut mensuel moyen sur une base de 108,25 heures par mois est de 1 127 euros brut ;
condamner l'employeur à lui payer la somme de 937,80 euros à titre de rappel de salaire sur la base de 108,25 heures par mois pour la période du 1er août 2018 jusqu'à la date de son arrêt maladie au 4 mars 2020, outre les congés payés sur ce rappel de salaire à hauteur de 93,78 euros ;
constater la mauvaise foi de l'employeur dans le non-paiement du salaire alors qu'elle a travaillé le jeudi sans être payée et condamner en conséquence M. [G] au paiement de l'indemnité forfaitaire à hauteur de 6 767,79 euros au titre du travail dissimulé ;
constater que son licenciement notifié le 16 février 2021 est dénué de cause réelle et sérieuse.
En conséquence :
A titre principal en cas d'invalidation du barème Macron et de l'article L.1235-3 du code du travail,
condamner l'employeur au paiement de la somme de 11 270 euros net de toutes charges sociales à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A titre subsidiaire, en cas de rejet de la demande d'invalidation du barème dit Macron :
condamner l'employeur au paiement de la somme de 7 889 euros net de toutes charges sociales au titre des dommages et intérêts au visa de l'article L.1235-3 du code du travail.
En tout état de cause,
condamner l'employeur paiement des sommes suivantes :
- 2 254 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 224,50 euros au titre des congés payés sur préavis ;
- 1 690,50 euros indemnité de licenciement ;
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes (attestation Pôle emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte), le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter du 8ème jour du prononcé de la décision, la juridiction prud'homale se réservant la faculté de liquider l'astreinte ;
dire et juger que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud'homale ;
condamner l'employeur aux entiers dépens, en ce compris les frais liés à l'exécution de la décision.
M. [G], par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 janvier 2023, demande à la cour de :
confirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit que l'avenant au contrat de travail était conforme à l'article 21 de la convention de la boulangerie pâtisserie.
- dit que Mme [O] avait travaillé 20,5 heures par semaine conformément à l'avenant à son contrat de travail et n'avait donc pas fait d'heures complémentaires ;
- dit que le licenciement de Mme [O] reposait sur une cause réelle et sérieuse : son absence prolongée qui rendait impossible le fonctionnement normal de l'entreprise ;
- débouté Mme [O] de l'ensemble de ses demandes ;
infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de toutes ses demandes.
Statuant à nouveau de,
A titre principal,
débouter Mme [O] de l'ensemble de ses demandes et prétentions.
A titre subsidiaire,
les réduire à de plus justes proportions.
En tout état de cause,
dire n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
condamner Mme [O] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner Mme [O] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile et de l'article 1240 du code civil, ainsi qu'aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 mai 2023 et l'affaire a été fixée le 21 septembre 2023 puis renvoyée au 11 janvier 2024 pour être plaidée.
MOTIFS
Sur l'exécution du contrat de travail
Sur la durée de travail et le rappel de salaire
Mme [O] soutient que son contrat de travail initial signé le 2 avril 2015, stipulait un temps partiel de 25 heures par semaine, qu'un avenant lui a été soumis par l'employeur le 1er août 2018 pour porter la durée de travail à 20 heures 30 ce qu'elle a accepté à compter du 1er septembre 2018 ; que pourtant elle a continué à travailler 25 heures, soit 3 heures et demi le jeudi après-midi quand dans le même temps l'employeur embauchait une autre salariée.
Elle argue que l'employeur n'a pas respecté la durée minimale de travail de 24 heures par semaine prévue par la loi ou la convention collective, qu'une durée moindre n'est possible qu'à la demande expresse de la salariée et dans des hypothèses précises qui ne sont pas remplies si bien qu'elle sollicite un rappel de salaire.
M. [G] s'oppose à cette demande et rétorque que la salariée formant un rappel d'heures supplémentaires elle devait produire des éléments sérieux à l'appui de cette demande, que Mme [O] a continué à travailler certains jeudis mais ne travaillait plus les samedis de cette semaine-là, ayant trouvé un accord avec sa collègue Mme [B] ce dont attestent les clients et les salariées, que lors de l'audience prud'homale elle a reconnu n'avoir pas travaillé au-delà des 20 heures 50 prévues, que la salariée a sollicité d'anciennes salariées pour obtenir des attestations fausses en sa faveur.
Sur ce
L'article L. 3123-1 du code du travail définit comme salarié à temps partiel tout salarié dont l'horaire de travail est inférieur à un horaire à temps plein. Il s'agit des salariés dont la durée du travail est inférieure à la durée légale du travail hebdomadaire (35 heures) ou mensuelle (151,67 heures) ou annuelle (1 607 heures) ou, si elle est inférieure, à la durée du travail fixée par un accord collectif de branche ou d'entreprise, ou à la durée du travail applicable dans l'établissement.
Le contrat à temps partiel doit respecter une durée minimale hebdomadaire de 24 heures ou, le cas échéant, à l'équivalent mensuel de cette durée (104 heures) ou à l'équivalent annualisé (1 102 heures) de cette durée et ce en application de l'article L. 3123-7, al. 1du code du travail.
L'article 21 de la convention collective de la boulangerie artisanale n° 3317 édicte que la durée du travail est fixée par l'employeur dans le cadre des lois et décrets en vigueur.
A. S'agissant plus particulièrement de la durée minimale de travail prévue par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 en faveur des salariés à temps partiel, il est expressément affirmé la volonté d'observer cette garantie.
La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 prévoit trois dérogations possibles :
- la première : une durée de travail inférieure à 24 heures peut être fixée à la demande écrite et motivée du salarié pour lui permettre :
-- soit de faire face à des contraintes personnelles ;
-- soit de cumuler plusieurs activités afin d'atteindre une durée globale d'activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à 24 heures par semaine ;
En cas de dérogation, les horaires doivent être regroupés sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes ;
- la deuxième :
-- les étudiants de moins de 26 ans ont droit à la fixation d'une durée de travail inférieure à 24 heures compatible avec leurs études (art. L. 3123-14-5 du nouveau code du travail)
-- les associations intermédiaires et les entreprises de travail temporaire d'insertion peuvent proposer une durée de moins de 24 heures lorsque le parcours d'insertion le justifie (art. L. 5132-6 et L. 5132-7 modifiés du code du travail) ;
- la troisième : une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir une durée de travail inférieure à 24 heures.
Dans ce cadre, hors les cas de dérogation prévus par la loi et afin d'assurer, dans la mesure du possible, la stabilité de l'emploi et combattre le travail illégal, il pourra également y être dérogé au regard des spécificités de la profession selon les conditions et modalités suivantes.
Les employeurs qui ne pourraient, compte tenu de leurs besoins structurels, offrir à leurs salariés à temps partiel une garantie minimale de 24 heures par semaine ou son équivalent sur le mois, pourront conclure des contrats de travail à temps partiel de moins de 24 heures et prendront alors l'engagement formel de garantir aux salariés ainsi visés la possibilité de se prévaloir d'horaires de travail réguliers selon les conditions suivantes.
Pour les entreprises de moins de 10 salariés
Ces entreprises pourront conclure des contrats de travail à temps partiel avec une durée minimale de :
- 6 heures hebdomadaires réparties sur 2 jours au plus pour le personnel de vente;
- 6 heures hebdomadaires pour le personnel de service, limité au personnel d'entretien. Dans cette hypothèse, la période minimale de travail continue est fixée à 1 heure.
Pour les entreprises de 10 à 20 salariés
Ces entreprises pourront conclure des contrats de travail à temps partiel avec une durée minimale de 16 heures uniquement pour le personnel de vente et le personnel de service.
La modification de la répartition de la durée du travail de ces salariés à temps partiel entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ne sera pas, par principe, admise, sauf circonstances exceptionnelles telles que : absence de l'employeur, de son conjoint ou d'un membre du personnel, modification par la commune du jour de tenue du marché local ou période de forte affluence, notamment les semaines comportant un jour férié ou un jour de fête locale.
En dehors de ces hypothèses limitativement énumérées, aucune modification de la répartition de la durée du travail des salariés à temps partiel occupés moins de 24 heures par semaine ou l'équivalent sur le mois ne sera possible, sauf accomplissement d'heures complémentaires.
Par ailleurs, dans le cadre de l'une des hypothèses ci-dessus visées, la modification de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ne pourra s'opérer que sous réserve de respecter un délai de prévenance de 3 jours, sauf circonstances exceptionnelles.
En l'espèce M. [G] exerce sa profession de boulanger dans le cadre d'une activité artisanale et emploie moins de 10 salariés.
Le contrat de travail d'embauche en qualité de vendeuse stipule une durée de travail fixée à 25 heures répartie sur les jours suivants :
jeudi de 14H30 à 19H00
vendredi de 14H30 à 19 H00
samedi de 7 H 00 à 13 H et de 15 H à 19 H
dimanche de 7 H 00 à 13 H.
Un avenant a été signé le 31 juillet 2018 pour réduire le nombre d'heures à 20,50 heures par semaine à compter du 1er août 2018 et réparti comme suit :
vendredi de 14H30 à 19 H00
samedi de 7 H 00 à 13 H et de 15 H à 19 H
dimanche de 7 H 00 à 13 H.
En application de l'article 21 de la convention collective et en l'absence de demande écrite de la salariée de diminuer la durée du travail, l'employeur pouvait dans une entreprise de moins de 10 salariés proposer un quantum d'heures inférieur à 24 heures compte tenu de ses besoins structurels, mais à raison de 6 heures hebdomadaires durée minimale réparties sur 2 jours au plus pour le personnel de vente.
Ainsi faute pour M. [G] d'avoir respecté les termes de la convention collective ou de justifier de la demande de la salariée pour réduire le temps de travail contractuel, le contrat de travail de Mme [O] ne pouvait être modifié par avenant pour porter la durée du travail hebdomadaire à moins des 24 heures planchers. Il importe peu qu'elle ait signé cet avenant, les dispositions légales étant d'ordre public.
La salariée est bien-fondée à revendiquer le versement d'un rappel de salaire correspondant à la période de réduction du temps de travail de 25 heures à 20,50 heures entre le 1er août 2018 et le 4 mars 2020 soit la somme de 937,80 euros montant non spécifiquement contesté.
La cour par infirmation du jugement condamnera M. [G] à lui verser 937,80 euros à titre de rappel de salaire outre 93,78 euros de congés payés afférents pour la période comprise entre le 1er août 2018 et le 4 mars 2020.
Sur le travail dissimulé
Mme [O] sollicite la condamnation de M. [G] à lui verser l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé considérant qu'il avait éludé le paiement de charges sociales par réduction du temps de travail.
M. [G] s'y oppose contestant toute intention de ne pas payer les cotisations sociales.
Sur ce
Il résulte de l'article L.8223-1 du code du travail que le salarié dont le travail a été dissimulé par l'employeur a droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Selon l'article L.8221-5 du même code, le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié est notamment caractérisé par le fait pour l'employeur de mentionner intentionnellement sur les bulletins de paie, un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou encore par le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Cette indemnité forfaitaire est cumulable avec des dommages et intérêts du fait du préjudice résultant de la dissimulation de l'emploi.
En l'espèce, la cour a jugé que la durée du temps de travail stipulée au contrat de travail ne pouvait être réduite et la cour a condamné l'employeur à verser le montant du salaire existant avant l'avenant irrégulier. Cependant, cette circonstance ne suffit pas à établir la dissimulation d'emploi salarié intentionnelle de la part de M. [G], dont le manquement résulte davantage d'une négligence que d'une volonté délibérée de dissimuler l'emploi du salarié puisque Mme [O] avait signé l'avenant et que les heures de travail tel que cela ressort des attestations produites, prouvent que la salariée avait un accord avec Mme [B] pour travailler toute la journée du jeudi les semaines impaires en contrepartie de l'absence de travail les samedis des semaines paires.
Il convient donc de rejeter la demande de Mme [O] formée au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de confirmer le jugement entrepris en son principe.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur le licenciement
Mme [O] fait valoir qu'elle a été placée en arrêt maladie à compter du 4 mars 2020 car son fils était gravement malade et est décédé le 23 avril 2020, que la société l'a licencié invoquant que son absence perturbait le fonctionnement de l'entreprise ce qui n'est pas établi car son poste était à temps partiel et non qualifié et que l'employeur a pu pourvoir à son remplacement pendant près d'une année, que M. [G] ne prouve pas qu'il ait dû recruter un autre salarié en contrat à durée indéterminée.
M. [G] réfute que le licenciement était illégitime répliquant que l'arrêt de travail de Mme [O] était tout à fait justifié mais qu'il ignorait quand elle allait être en capacité de reprendre le travail si bien qu'il a dû recruter plusieurs salariées en contrat à durée déterminée mais qu'elles sont parties préférant conclure un contrat à durée indéterminée avec la concurrence, que le pôle vente nécessite une formation d'un mois qu'il fallait renouveler à chaque nouvelle arrivée, que l'absence de Mme [O] perturbait le bon fonctionnement de l'entreprise.
Sur ce
Si l'article L. 1132-1 du code du travail ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié, celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations causent un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise ou d'un service essentiel de l'entreprise, et qu'il a été pourvu au remplacement définitif du salarié, lequel ne peut résulter ni d'une embauche en contrat à durée déterminée ni d'une externalisation du contrat.
L'article 36 de la convention collective applicable prévoit notamment que les absences ne constituent pas une rupture du contrat de travail du fait du salarié' En cas de maladie l'emploi est garanti au salarié ayant deux années d'ancienneté pour une période de 6 mois sous réserve qu'aucune incapacité constatée par l'autorité médicale compétente ne l'empêche de tenir son emploi au retour.
La lettre de licenciement du 16 février 2021 indique à Mme [O] que le licenciement est nécessaire car son absence prolongée rend nécessaire son remplacement définitif pour assurer le fonctionnement normal de l'entreprise et qu'il est de plus en plus difficile de la remplacer de façon temporaire.
Il est constant que M. [G] a bien respecté la période de protection conventionnelle de 6 mois, en ne mettant en oeuvre une procédure de licenciement que plus de 11 mois après le début de l'arrêt maladie.
M. [G] supporte la charge de la preuve et doit démontrer que la perturbation de l'entreprise , invoquée aux termes de cette lettre de licenciement , en raison de l' absence de Mme [O] était réelle, que le remplacement provisoire de celle-ci n'était pas possible, et que son remplacement définitif était non seulement nécessaire mais est intervenu dans un délai raisonnable après le licenciement.
Dans l'appréciation des faits, et notamment du critère de perturbation de l'entreprise, il convient nécessairement de tenir compte de la taille et de l'effectif de l'entreprise, et des fonctions occupées par le salarié.
La lettre de licenciement vise l'absence prolongée rendant nécessaire son remplacement définitif et la difficulté de la remplacer de façon temporaire.
La cour observe que si l'employeur a embauché Mme [C] en contrat à durée déterminée, cette embauche ne visait pas au remplacement de Mme [O] mais pour le premier au remplacement de Mme [B] puis à la réorganisation de la vente, ce n'est qu'à compter du 12 mai 2020 que Mme [C] a été recrutée toujours en contrat à durée déterminée pour remplacer Mme [O], les contrats prenant fin le 31 août 2020.
Par ailleurs si Mme [P] a été embauchée en contrat à durée déterminée entre le 14 novembre 2020 et le 10 janvier 2021, cette embauche visait un surcroit d'activité lié aux fêtes et non à l'absence de Mme [O] et sa lettre de démission ne précise pas qu'elle avait été recrutée en contrat à durée indéterminée par la concurrence, aucune mention de poste n'étant précisée.
Ainsi seule Mme [C] a été recrutée en en contrat à durée déterminée pour assurer le remplacement de Mme [O] pour la période du 12 mai au 31 août 2020, les autres embauches n'étaient pas motivées par l'absence de celle-ci.
L'employeur a embauché en contrat à durée indéterminée Mme [W] à compter du 1er février 2021 sur la base de la durée de travail de 20,50 heures hebdomadaires en qualité de vendeuse.
Toutefois, l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'au-delà des simples gênes inhérentes à l'absence d'un salarié, que le bon fonctionnement de l'entreprise a été véritablement perturbé. En effet, si la lettre de licenciement fait état des difficultés pour remplacer Mme [O] de façon temporaire, il est acquis aux débats qu'une seule salariée avait été recrutée de façon temporaire pendant 3 mois et demi à l'été 2020 pour la remplacer.
M. [G] ne produit ni témoignages, ni aucune autre pièce permettant de faire la preuve de la réalité de ces perturbations pas plus des conséquences négatives sur son activité.
Par ailleurs l'emploi occupé par Mme [O] ne revêtait ni une spécificité ni de formation particulière ni encore d'une expérience professionnelle importante hormis les informations sur les risques d'allergie, s'agissant d'un poste de vendeuse en boulangerie et rien en l'état n'interdisait à l'employeur de recourir au regard du peu de compétences particulières du poste à un contrat de travail à durée déterminée.
Il résulte des développements qui précèdent que M. [G] n'a pas procédé au licenciement de Mme [O] sur la base d'une situation objective de perturbation du bon fonctionnement de l'entreprise rendant nécessaire son remplacement définitif de sorte que les dispositions légales n'ont pas été respectées. Nonobstant la taille de l'entreprise et l'imprévisibilité de la date éventuelle de retour de Mme [O] sur son poste de travail, la cour juge, par infirmation du jugement déféré, que son licenciement prononcé durant la suspension de son contrat de travail pour maladie non professionnelle est dénué de cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnisation du licenciement
Mme [O] sollicite la condamnation de M. [G] à lui verser une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en écartant le barème d'indemnisation.
M. [G] réplique que la demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit respecter le barème d'indemnisation qui prévoit au regard de l'ancienneté de Mme [O] un plancher d'un mois et demi de salaire, que la salariée doit rapporter la preuve d'un préjudice ce qu'elle ne fait pas.
Sur les autres indemnités il fait valoir que la salariée étant en arrêt maladie elle ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis, que l'indemnité de licenciement lui a été versée.
Sur ce
La salariée étant en arrêt maladie elle ne peut revendiquer le versement d'une indemnité compensatrice de préavis qui a vocation à remplacer l'exécution du préavis.
Il est constant qu'à la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [O] avait une ancienneté de plus de 5 ans et 10 mois ; il y a donc lieu à l'application de l'article L1234-9 du Code du travail à l'octroi d'une indemnité légale de licenciement ; cette indemnité ne peut être inférieure à une somme calculée, par année de service dans l'entreprise, sur la base d'1/4 de mois ; son montant est majoré à partir de 10 ans d'ancienneté de 1/3 de mois par année au-delà de 10 ans. Les années incomplètes doivent être retenues, la fraction de l'indemnité de licenciement afférente à une année incomplète étant proportionnelle au nombre de mois de présence. Enfin pour le calcul du montant de l'indemnité, l'ancienneté prise en considération s'apprécie à la date de fin du préavis.
Elle demande le paiement de l'indemnité de licenciement d'un montant de 1690,50 euros sur la base d'un salaire de 1127 euros non spécifiquement contesté alors que l'employeur produit aux débats la dernière fiche de paie mentionne une somme de 954,30 euros d'indemnité de licenciement et le chèque de paiement des sommes dues.
Il s'en déduit que le montant du reliquat de l'indemnité de licenciement doit être fixée à la somme de 736,20 euros ; le jugement étant infirmé sur ce point.
Le licenciement ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse et le barème d'indemnisation de l'article L 1235-3 du code du travail doit être appliqué, la salariée n'explicitant pas de moyen pour l'écarter.
Mme [O] ayant 5 années pleines d'ancienneté le barème d'indemnisation prévoit une indemnisation entre 3 et 6 mois de salaire.
Le licenciement cause nécessairement un préjudice à la salariée.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [O] de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [O] doit être évaluée à la somme de 5635 euros.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [O] de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la cour statuant de nouveau condamnera M. [G] à payer à Mme [O] la somme de 5635 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les documents de fin de contrat
Il convient d'ordonner à M. [G] de communiquer à Mme [O] les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt mais sans l'assortir de l'astreinte demandée par la salariée car en l'état aucun élément ne permet d'écarter la bonne foi de l'employeur qui exécutera l'arrêt spontanément.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions de première instance seront infirmées.
Succombant pour l'essentiel en cause d'appel, M. [G] sera condamné en application de l'article 700 du code de procédure civile à payer à Mme [O] une somme que l'équité commande de fixer à 2000 euros pour la procédure d'appel.
Partie perdante, il sera condamné aux dépens de l'ensemble de la procédure et sera débouté de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort
Infirme le jugement rendu le 2 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Péronne sauf en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande au titre du travail dissimulé et de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant
Dit que la durée du contrat de travail à temps partiel ne pouvait être inférieure à 24 heures par semaine ;
Dit que le licenciement de Mme [M] [O] est dénué de cause réelle et sérieuse ;
Condamne M. [R] [G] à payer à Mme [M] [O] les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes
- 937,80 euros à titre de rappel de salaire pour la période comprise entre le 1er août 2028 et le 4 mars 2020 outre 93,78 euros de congés payés afférents ;
- 736,20 euros à titre de complément de l'indemnité légale de licenciement ;
Condamne M. [R] [G] à payer à Mme [M] [O] la somme de 5635 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Ordonne à M. [R] [G] de communiquer à Mme [M] [O] les documents de fin de contrat conforme au présent arrêt ;
Condamne M. [R] [G] à payer à Mme [M] [O] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt
Condamne M. [R] [G] aux dépens de l'ensemble de la procédure.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.