ARRET
N°
[K]
C/
S.A.S.
CAUFFRIDIS
S.A.S.
CAUFFRIDIS
copie exécutoire
le 5/07/2023
à
Me HAMEL
Me DRYE - 2
EG/IL/MR
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 05 JUILLET 2023
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N° RG 22/03482 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IQIK
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 14 JUIN 2022 (référence dossier N° RG 20/00256)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [D] [K]
née le 23 Août 1974 à [Localité 7] (95)
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 5]
comparante en personne,
assistée, concluant et plaidant par Me Christine HAMEL de la SELARL CHRISTINE HAMEL, avocat au barreau d'AMIENS
ET :
INTIMEES
S.A.S. CAUFFRIDIS
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée, concluant et plaidant par Me Bruno DRYE de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES, avocat au barreau de SENLIS
S.A.S. CAUFFRIDIS
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée, concluant et plaidant par Me Bruno DRYE de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES, avocat au barreau de SENLIS
DEBATS :
A l'audience publique du 10 mai 2023, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :
- Mme Eva GIUDICELLI en son rapport,
- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.
Mme Eva GIUDICELLI indique que l'arrêt sera prononcé le 05 juillet 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 05 juillet 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
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DECISION :
Mme [K], née le 23 août 1974, a été embauchée par la société Cauffridis (la société ou l'employeur) par contrat à durée déterminée du 15 mai 2017 au 19 novembre 2017 qui s'est transformé en contrat à durée indéterminée selon avenant conclu le 19 octobre 2017.
Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [K] occupait le poste d'adjointe au chef de rayon drive.
Son contrat est régi par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
La société emploie plus de 10 salariés.
Le 3 avril 2020, la salariée s'est vu remettre en main propre une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 21 avril 2020 qu'elle a refusé de signer, et a été mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 5 avril 2020, adressé en lettre recommandée avec avis de réception, l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable fixé au 28 avril 2020.
Par courrier daté du 22 mai 2020 adressée en lettre recommandée avec avis de réception, Mme [K] a été licenciée pour faute grave.
Ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail et contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Creil le 16 novembre 2020.
Par jugement du 14 juin 2022, le conseil de prud'hommes a :
- jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- condamné la société Cauffridis à payer à Mme [K] les sommes suivantes :
-6 623,79 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
-4 857,45 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;
-1 655,94 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
-3 974,27 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied à titre conservatoire ;
-397,42 euros à titre de congés payés afférents ;
-1 000 euros à titre de prime covid ;
-700 euros à titre d'indemnité de procédure ;
- ordonné à la société Cauffridis de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme [K] dans la limite de trois mois d'indemnités ;
- ordonné à la société Cauffridis la remise à Mme [K] des documents de fin de contrat et le bulletin de salaire conformes à la décision sous astreinte de 10 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement ;
- dit que les condamnations aux titres de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés inclus, d'indemnité de licenciement, de rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire, des congés payés afférents, de la prime Covid produiront intérêts au taux légal en vigueur à compter du 19 novembre 2020, date de réception par la société Cauffris de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation ;
- dit que la condamnation prononcée au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse produira intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2022, date de la mise à disposition du jugement ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- ordonné l'exécution provisoire de l'intégralité du présent jugement ;
- condamné la société Cauffridis aux entiers dépens.
Par conclusions remises le 19 avril 2023, Mme [K], régulièrement appelante de ce jugement, demande à la cour de :
- la dire recevable et bien fondée en son appel et en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- déclarer la société Cauffridis mal fondée en son appel incident ;
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Creil et dire son licenciement dépourvu de toute faute grave et de toute cause réelle et sérieuse ;
Par conséquent,
- condamner la société Cauffridis à lui payer :
-6 623,79 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
-4 857,45 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;
-1 655,94 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
-3 974,27 euros à titre de rappels de salaire durant la mise à pied à titre conservatoire ;
-397,42 euros à titre de congés payés afférents ;
-1 000 euros à titre de prime covid ;
-700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Creil en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire, de rappel de salaire d'heures supplémentaires réalisées entre le 1er janvier 2018 et le 30 mars 2020 et d'indemnité de travail dissimulé ;
Par conséquent,
- condamner la société Cauffridis à lui payer :
-5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire ;
-7 047,48 euros à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2018 au 30 mars 2020 ;
-704,74 euros au titre des congés payés afférents ;
-13 247,58 euros à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;
- condamner la société Cauffridis à lui remettre, le tout sous astreinte non comminatoire, de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, l'ensemble des documents de fin de contrat et bulletins de paie conformes à ladite décision ;
Y ajoutant,
- condamner la société Cauffridis à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- confirmer le jugement du 14 juin 2022 en ce qu'il a dit que l'ensemble des condamnations porteraient intérêts au taux légal à compter de la première saisine du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Creil en date du 19 novembre 2020 ;
- débouter la société Cauffridis de toute demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 19 avril 2023, la société Cauffridis demande à la cour de :
- déclarer Mme [K] mal fondée en son appel du jugement rendu par la section commerce du conseil de prud'hommes de Creil le 14 juin 2022 ;
- la recevoir en son appel du jugement rendu par la section commerce du conseil de prud'hommes de Creil le 14 juin 2022 ;
Et la déclarant bien fondé,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 juin 2022 notamment en ce qu'il :
- l'a condamnée à payer à Mme [K] les sommes de :
-6 623,79 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
-4 857,45 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;
-1 655,94 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
-3 974,27 euros à titre de rappels de salaire durant la mise à pied à titre conservatoire ;
-397,42 euros à titre de congés payés afférents ;
-1 000 euros à titre de prime covid ;
-700 euros à titre d'indemnité de procédure ;
- lui a ordonné de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme [K] dans la limite de trois mois d'indemnités ;
- lui a ordonné la remise des documents de fin de contrat et le bulletin de salaire conformes à la décision sous astreinte de 10 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement ;
Et statuant à nouveau,
- déclarer irrecevable et en tous les cas mal fondée Mme [K] en ses demandes ;
- l'en débouter ;
A titre infiniment subsidiaire,
- dire que Mme [K] ne pourrait prétendre qu'à 350 euros au titre de la prime Covid ;
- condamner Mme [K] aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS
1/ Sur l'exécution du contrat de travail
1.1/ Sur les heures supplémentaires
Aux termes de l'article L.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L.3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Enfin, selon l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, il ressort du contrat de travail et de l'avenant conclu le 19 octobre 2017 que la salariée bénéficiait d'une rémunération comprenant un forfait visant à compenser la réalisation d'heures supplémentaires.
La lecture des bulletins de salaire de Mme [K], entre 2018 et 2020, démontre le paiement mensuel systématique de ce forfait à hauteur de 13,41 heures supplémentaires.
La salariée qui soutient avoir réalisé, entre 2018 et 2020, 407,31 heures supplémentaires au-delà du forfait, verse à l'appui de sa demande des tableaux récapitulatifs semestriels du mois de janvier 2018 au mois d'avril 2020 indiquant les heures de travail réalisées chaque jour ainsi qu'un décompte du total des heures effectuées chaque mois.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, peu important qu'ils aient été établis pour les besoins de la cause.
La société Cauffridis fait valoir que le contrat de travail de Mme [K] ne permettait pas un dépassement de l'horaire collectif de travail sans une autorisation préalable de la direction et qu'elle devait remettre chaque semaine à son responsable hiérarchique une fiche d'auto-déclaration de ses heures.
Si la société présente des fiches de déclaration hebdomadaires signées par la salariée pour les mois de janvier à mars 2020, propres à justifier ses heures de travail effectives et mettant en évidence l'absence d'heures supplémentaires réalisées pour cette année, elle ne produit pas le moindre document permettant d'établir la réalité des horaires effectivement réalisés par Mme [K] pour les années 2018 et 2019 en dépit de ses affirmations relatives à la mise en place, au sein de l'entreprise, d'un décompte des horaires de travail.
Ainsi, au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il ne soit nécessaire d'ordonner une mesure d'instruction, la cour a acquis la conviction au sens du texte précité que Mme [K] a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées ouvrant droit, après exclusion des heures qu'elle prétend avoir réalisées durant l'année 2020 et application d'un taux majoré à 25% pour les huit premières heures supplémentaires effectuées chaque semaine, à une rémunération totale de 4 827 euros, somme à laquelle il faut ajouter les congés payés pour 482,70 euros.
Dès lors, il convient d'infirmer le jugement de ce chef.
1.2/ Sur le travail dissimulé
Mme [K] fait valoir que la mauvaise foi ou l'intention frauduleuse de la société s'évince des témoignages des salariés de la société attestant du caractère notoire des heures supplémentaires qu'elle réalisait.
En réponse, la société expose qu'il n'est prouvé une quelconque intention de ne pas payer des heures que Mme [K] aurait réalisées, d'autant qu'elle n'a jamais formulé de réclamation pour en obtenir le paiement.
Sur ce,
L'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.
Aux termes de l'article L .8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention d'heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
En l'espèce, les témoignages de salariés de la société attestant que Mme [K] avait pour habitude de réaliser des heures supplémentaires ne sauraient être retenus pour établir la volonté de l'employeur de dissimuler cette situation alors qu'il est constant que cette dernière réalisait effectivement des heures supplémentaires dans la cadre du forfait prévu à son contrat.
Par ailleurs, au vu du caractère modéré du volume d'heures concernées par le rappel de salaire et de l'absence de systématisme mis en évidence par le tableau récapitulatif produit par la salariée elle-même, cette volonté n'est pas caractérisée.
Il convient donc de rejeter la demande de Mme [K] formée au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé par confirmation du jugement entrepris.
1.3/ Sur la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat
Mme [K] expose avoir été injustement privée du paiement de la « prime Covid » versée à l'ensemble de ses collègues de travail qui, comme elle, ont travaillé durant la période d'urgence sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19. Elle soutient que la décision unilatérale de l'employeur relative aux modalités d'octroi de la prime est manifestement établie pour les besoins de la cause, d'autant que certains salariés en avaient reçu le paiement dès le mois d'avril 2020.
La société Cauffridis réplique que la prime Covid a été payée au personnel en vertu d'une décision unilatérale de l'employeur, laquelle conditionnait le paiement à la présence des salariés dans les effectifs au 30 juin 2020, de sorte que la salariée, qui ne faisait plus partie des effectifs à cette date, n'est pas fondée à la réclamer.
Sur ce,
L'article 7 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2020-385 du 1er avril 2020, dispose que la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat bénéficie aux salariés liés à l'entreprise par un contrat de travail, aux intérimaires mis à disposition de l'entreprise utilisatrice ou aux agents publics relevant de l'établissement public à la date de versement de cette prime ou à la date de dépôt d'entreprise ou de groupe ou de la signature de la décision unilatérale de l'employeur.
Son montant peut être modulé selon les bénéficiaires en fonction de la rémunération, du niveau de classification, des conditions de travail liées à l'épidémie de covid-19, de la durée de présence effective pendant l'année écoulée ou la durée de travail prévue au contrat de travail mentionnée à la dernière phrase du deuxième alinéa du III de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.
En l'espèce, aucun élément versé aux débats ne permet de remettre en cause l'authenticité de la décision unilatérale de l'employeur en date du 29 mai 2020 de procéder au versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, étant relevé, de surcroît, que la société présente le compte-rendu du CSE extraordinaire qui s'était réuni le même jour pour valider la proposition de l'employeur de verser cette prime.
Cette décision unilatérale prévoit, en outre, que les bénéficiaires de cette prime sont les salariés justifiant d'un contrat de travail à la date de son versement, soit au 30 juin 2020.
Enfin, si la salariée tente de démontrer que la prime était en réalité versée dès le mois d'avril 2020, la cour relève que ce n'est qu'à l'appui d'un bulletin de salaire d'un salarié anonyme employé par une autre société et impropre à apporter un renseignement utile sur ses droits à la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat.
Dès lors, la salariée, qui ne faisait plus partie des effectifs de la société Cauffridis à la date de versement, ni même à la date de signature de la décision unilatérale de l'employeur, ne peut prétendre au paiement de cette prime et sera, par conséquent, déboutée de sa demande sur ce point par infirmation du jugement entrepris.
2/ Sur la rupture du contrat de travail
2.1/ Sur la procédure de licenciement
La société Cauffridis soutient ne pas avoir méconnu le délai d'un mois suivant la convocation à l'entretien préalable pour prononcer le licenciement, dès lors que la salariée a refusé de recevoir en main propre la première convocation qui lui était présentée et qui faisait mention d'une date pour un entretien le 21 avril 2020. Elle ajoute qu'en raison de ce refus, et afin de tenir compte des délais postaux en période d'urgence sanitaire en lien avec l'épidémie de Covid-19 et de la demande de la salariée de bénéficier d'un congé payé ce jour-là, elle a été contrainte d'envoyer une convocation par lettre recommandée pour un entretien préalable qui devait se tenir le 28 avril 2020. Elle en déduit qu'il n'y a jamais eu de convocation formelle à un entretien préalable pour le 21 avril 2020, de sorte qu'en prononçant le licenciement de la salariée le 22 mai 2020, le délai d'un mois prévu à l'article L.1232-2 du code du travail a été respecté.
Mme [K] réplique que l'employeur ne saurait soutenir qu'elle n'a pas reçu la convocation en main propre datée du 3 avril 2020 pour un entretien préalable qui devait se tenir le 21 avril 2020 alors que la convocation du 5 avril 2020 qui lui a été adressée par lettre recommandée avec avis de réception précisait que la date initiale de l'entretien qui lui avait été communiquée était prorogée au 28 avril 2020. Elle ajoute que la prorogation de la date de l'entretien préalable est à la seule initiative de l'employeur, et que, compte tenu de la mise à pied conservatoire prononcée à son encontre le 3 avril 2020, elle ne pouvait plus bénéficier de congés payés. Elle affirme, par ailleurs, que la date du 22 mai 2020 apposée sur la lettre de licenciement et dont elle n'a reçu notification que le 29 mai 2020, ne correspond pas à la date réelle de son licenciement comme en témoigne les documents de fin de contrat précisant qu'elle était licenciée au 25 mai 2020. Elle conclut ainsi à la confirmation du jugement entrepris qui a retenu que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse à défaut pour l'employeur d'avoir respecté le délai d'un mois entre sa convocation à l'entretien préalable du 21 avril 2020 et le licenciement.
Sur ce,
Conformément à l'article L.1232-2 du code du travail, lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.
Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.
Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.
En application de ces dispositions, en cas de report de la date de l'entretien préalable à la seule initiative de l'employeur sans qu'il soit démontrée l'impossibilité rencontrer par le salarié de se présenter au premier entretien, le point de départ du délai de notification de la sanction correspond à l'entretien initialement fixé.
Le non-respect du délai d'un mois rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, il ressort de la lettre du 3 avril 2020, versée aux débats par les parties, que Mme [K] était convoquée à une entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 21 avril 2020 et était informée de sa mise à pied conservatoire.
Une mention manuscrite sur ce document précise que la lettre lui a été remise en main propre le 3 avril 2020 à 18h30 et qu'elle a refusé de la signer.
Il est également établi que Mme [K] a reçu une seconde convocation le 5 avril 2020, cette fois adressée par lettre recommandée avec avis de réception, précisant que « la convocation faite initialement pour le 21 avril 2020 était reportée [au 28 avril 2020] à cause de [ses] congés » et confirmant la mise à pied conservatoire qui lui « avait été notifiée le 3 avril 2020 ».
Peu important le refus de la salariée de signer la lettre remise en main propre le 3 avril 2020 aux fins de décharge, ces éléments démontrent que Mme [K] en avait été destinataire et qu'elle avait été régulièrement convoquée à cette occasion à un entretien préalable qui devait initialement se tenir le 21 avril 2020.
L'employeur ne présentant aucun élément permettant de justifier du souhait de la salariée de proroger la date de cet entretien, étant souligné que cette dernière ne pouvait pas bénéficier de congés payés du fait de la suspension du contrat de travail par l'effet de la mise à pied conservatoire, ce report de l'entretien préalable résulte effectivement de sa seule initiative.
Le délai d'un mois dont disposait la société pour éventuellement licencier Mme [K] courrait donc à compter du 21 avril 2020.
Ainsi, sans qu'il apparaisse nécessaire de rechercher la date effective du licenciement déclarée dans les documents de fin de contrat ou encore la date à laquelle la lettre recommandée aurait été déposée auprès des services postaux, la seule circonstance que l'employeur ait procédé à la notification du licenciement par lettre datée du 22 mai 2020 suffit à démontrer qu'il a méconnu le délai d'un mois qui lui était imparti pour la licencier.
Dès lors, le licenciement prononcé à l'encontre de Mme [K] le 22 mai 2020 est dépourvu de cause réelle et sérieuse par confirmation du jugement déféré.
2.2/ Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
La société Cauffridis expose que la salariée ne justifie d'aucun préjudice particulier pour prétendre aux dommages et intérêts qu'elle réclame, ajoutant qu'elle est particulièrement silencieuse sur sa situation postérieure au licenciement.
En réponse, Mme [K] sollicite la confirmation du jugement qui a justement évalué son préjudice résultant du caractère abusif de son licenciement.
Sur ce,
Conformément aux dispositions prévues au 3° de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Selon l'article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.
L'article L.1235-3 du même code prévoit l'octroi d'une indemnité au bénéfice du salarié dont le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse compris entre 3 et 4 mois de salaire au vu de l'ancienneté de Mme [K].
En l'espèce, compte tenu de la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'absence de tout moyen spécifiquement exprimé par l'employeur s'agissant des sommes octroyées à Mme [K] au titre de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité de préavis, du rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire injustifiée, et de sa condamnation à rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage, il conviendra de confirmer le jugement entrepris de ces chefs.
Mme [K] justifie avoir effectué des missions d'intérim en septembre 2022.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de sa situation professionnelle depuis la rupture, de son ancienneté dans l'entreprise et de l'effectif de celle-ci, la cour dispose des éléments nécessaires pour confirmer le jugement déféré qui a justement fixé à 6 623,79 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Enfin, il conviendra d'ordonner à la société Cauffridis de remettre à Mme [K] l'ensemble des documents de fin de contrat et bulletins de salaire conformes au dispositif du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte.
2.3/ Sur le caractère vexatoire de la procédure de licenciement
Mme [K] soutient avoir subi un préjudice moral en raison des circonstances vexatoires de son licenciement en ce qu'elle a connu un acharnement de la part de l'employeur attesté par la production de témoignages de ses collègues de travail et a été placée pendant plus de 50 jours sous le régime de la mise à pied conservatoire. Elle ajoute que cette situation a eu pour conséquence une dégradation de sa santé.
La société réplique que la salariée n'évoque aucune faute particulière qui serait distincte du licenciement, et ne justifie d'aucun préjudice particulier pour prétendre aux dommages et intérêts qu'elle réclame.
Sur ce,
La cour rappelle que le salarié peut réclamer la réparation d'un préjudice particulier lié au caractère abusif et vexatoire de la procédure mais qu'il lui appartient d'établir à cet égard un comportement fautif de l'employeur.
En l'espèce, les témoignages présentés par la salariée, desquels il s'évince essentiellement une description de ses qualités professionnelles, ne permettent pas de mettre en évidence un comportement fautif de son employeur lors de la procédure de licenciement.
Il en est de même pour la durée de la mise à pied conservatoire, d'autant qu'elle est intervenue dans un contexte d'allongement généralisé des délais postaux dû aux mesures d'urgence prises lors de l'épidémie de Covid-19, et qu'elle a été impactée par le choix de la salariée de refuser de signer la décharge pour sa convocation à l'entretien préalable initialement fixé le 21 avril 2020.
Ainsi, Mme [K] ne justifiant pas d'une faute imputable à l'employeur, elle sera, par confirmation du jugement entrepris, déboutée de sa demande sur ce point.
3/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer la décision déférée en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
La société Cauffridis, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel, et à payer à Mme [K] la somme de 1 800 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires réalisées en 2018 et 2019, octroyé la somme de 1 000 euros au titre de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, et a ordonné la remise des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat sous astreinte,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Cauffridis à payer à Mme [K] la somme de 4 827 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires réalisées entre 2018 et 2019, outre 482,70 euros de congés payés afférents,
Déboute Mme [K] de sa demande de paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat de l'année 2020,
Ordonne à la société Cauffridis de remettre à Mme [K] l'ensemble des documents de fin de contrat et bulletins de salaire conformes au dispositif du présent arrêt,
Condamne la société Cauffridis à payer à Mme [K] la somme de 1 800 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne la société Cauffridis aux dépens.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.