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04/07/2023 | FRANCE | N°21/05705

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 04 juillet 2023, 21/05705


ARRET

N°666





CPAM DE LA COTE D'OPALE





C/



[6]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 04 JUILLET 2023



*************************************************************



N° RG 21/05705 et N° RG 22/01035 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IJIP - N° registre 1ère instance : 21/00442



JUGEMENTS DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (Pôle Social) EN DATE DU 23 septembre 2021 et du 27 Janvier 202

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PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





La CPAM DE LA COTE D'OPALE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]


...

ARRET

N°666

CPAM DE LA COTE D'OPALE

C/

[6]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 04 JUILLET 2023

*************************************************************

N° RG 21/05705 et N° RG 22/01035 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IJIP - N° registre 1ère instance : 21/00442

JUGEMENTS DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (Pôle Social) EN DATE DU 23 septembre 2021 et du 27 Janvier 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

La CPAM DE LA COTE D'OPALE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Mme [F] [B] dûment mandatée

ET :

INTIMEE

La Société [6] venant aux droits de la société [5], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

MP : [S] [Y] (décédé le 24 novembre 2018).

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée et plaidant par Me Agathe MARCON, avocat au barreau de PARIS substituant Me Joumana FRANGIÉ MOUKANAS, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Avril 2023 devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2023.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Estelle CHAPON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Jocelyne RUBANTEL en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 04 Juillet 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

*

* *

DECISION

Retraité depuis le 1er juillet 2007, [Y] [S] a été employé par le société [10] devenue [5] en qualité d'électricien, d'exploitant et d'agent de maintenance de 1973 à 2007.

Le 22 octobre 2018, la CPAM de la Côte d'Opale a réceptionné un certificat médical initial du 3 octobre 2018, mentionnant chez M. [Y] [S]: ' maladie professionnelle 30 bis: adénocarcinome broncho-pulmonaire avec atteinte pulmonaire ganglionnaire' .

[Y] [S] est décédé des suites de sa maladie le 24 novembre 2018 à l'âge de 71 ans.

Sa veuve, Mme [W] [S] a établi une déclaration de maladie professionnelle en date du 16 décembre 2018.

La CPAM de la côte d'Opale a pris en charge la maladie et le décès au titre du tableau n°30 bis des maladies professionnelles.

Par courrier en date du 4 juin 2019, la société [6] a saisi la commission de recours amiable d'une contestation, qui a fait l'objet d'une décision de rejet en date du 23 juillet 2019.

La société [6] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Lille qui par jugement en date 23 septembre 2021, a :

- dit que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie de [Y] [S] du 3 juillet 2018 est inopposable à la société [6],

- sur la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle du décès de [Y] [S], ordonné la réouverture des débats,

- réservé les dépens.

Ce jugement lui ayant été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 12 novembre 2021, la CPAM de la Côte d'Opale a formé appel par lettre simple datée du 1er décembre 2021 et reçue le 10 décembre 2021 au greffe de la cour (appel enregistré sous le n°21/05705.

Par un second jugement en date du 27 janvier 2022, le Pôle social du tribunal judiciaire de Lille a :

- dit recevable le recours de la société [6] contre la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle du décès de [Y] [S],

- dit que la décision de prise en charge du décès de [Y] [S] est inopposable à la société [6],

- condamné la CPAM aux dépens.

Ce jugement lui ayant été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 11 février 2022, la CPAM de la Côte d'Opale a formé appel par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 2 mars 2022 au greffe de la cour (appel enregistré sous le n°22/01035).

Les deux affaires ont été évoquées à l'audience de la cour du 13 avril 2023 à laquelle les parties ont comparu et demandé la jonction des procédures.

Aux termes de ses conclusions développées oralement à l'audience, la CPAM de la Côte d'Opale demande à la cour de :

- réformer en toutes leurs dispositions les jugements rendus par le tribunal judiciaire de Lille les 23 septembre 2021 et 27 janvier 2022,

- juger la procédure contradictoire respectée dans le cadre de l'instruction de la maladie et du décès,

- juger que les conditions de la prise en charge de la maladie professionnelle de [Y] [S] sont respectées,

- juger opposable à la société [7] la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie professionnelle du 3 juillet 2018 'cancer broncho-pulmonaire primitif' de [Y] [S],

- juger opposable à la société [6] le décès de [Y] [S].

La caisse soutient pour l'essentiel que les éléments produits ne permettent pas de douter de l'exposition à l'amiante de [Y] [S] dans le cadre de son activité professionnelle d'électricien et de ses activités au sein de l'aciérie de l'usine [11], l'intéressé ayant manipulé de l'amiante dans sa fonction d'ouvrier de fabrication (il réparait les ponts roulants au dessus des grandes cuves- il réglait les cuves pour la fabrication de l'acier), les conditions du tableau n°30 bis étant remplies.

Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 6 avril 2023 et développées oralement à l'audience, la société [6] demande à la cour de:

S'agissant de la maladie déclarée par [Y] [S] le 3 juillet 2018

- confirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Lille le 23 septembre 2021 en ce qu'il a déclaré inopposable à la société [6] la décision de prise en charge de la maladie déclarée par [Y] [S] le 3 juillet 2018,

En conséquence,

- déclarer inopposable à la société [6] la décision du 17 avril 2019 de prise en charge de la maladie déclarée par [Y] [S] le 3 juillet 2018,

S'agissant du décès de [Y] [S] intervenu le 26 novembre 2018

- confirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Lille du 27 janvier 2022 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- déclarer inopposable à la société [6] la décision du 17 avril 2019 de prise en charge du décès de [Y] [S] intervenu le 24 novembre 2018.

Elle estime que la caisse ne produit pas de pièce de nature à établir de façon certaine l'exposition à l'amiante de [Y] [S] au titre du tableau n°30 bis des maladies professionnelles et que, la caisse ayant mené une instruction distincte sur le caractère professionnel du décès, elle ne justifie pas l'avoir informée de la possibilité de venir consulter les éléments du dossier.

Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS:

Il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction de procédures enregistrés sous les n°21/05705 et n°22/01035.

L'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, dispose :

'Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l'accident :

1° La date de la première constatation médicale de la maladie ;

2° Lorsqu'elle est postérieure, la date qui précède de deux années la déclaration de maladie professionnelle mentionnée au premier alinéa de l'article L. 461-5 ;

3° Pour l'application des règles de prescription de l'article L. 431-2, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux septième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire.'

La désignation de la maladie professionnelle telle qu'elle ressort du certificat médical initial en date du 30 octobre 2018 et du colloque médico administratif du 13 mars 2019 entre bien dans les prévisions du tableau n°30 bis des maladies professionnelles, s'agissant d'un cancer broncho-pulmonaire primitif.

Par ailleurs, la date de première constatation de la maladie étant fixée au 3 juillet 2018, le délai de prise en charge de 40 ans ne fait pas discussion.

En l'espèce, seule la condition tenant à la liste limitative des travaux est contestée par la société [6] qui estime que les déclarations de l'épouse de [Y] [S] recueillies lors de l'enquête sont insuffisantes en ce qu'elles ne sont confirmées par aucun témoignage d'anciens collègues de travail de [Y] [S].

En effet, lors de l'enquête Mme [W] [H] veuve [S] a indiqué que son conjoint travaillait à l'usine [10] devenue [7] et qu'il réparait les ponts roulants ce qui l'amenait à être au dessus des cuves. Il procédait également aux réglages des cuves pour la fabrication de l'acier et a été employé comme électricien mais également comme ouvrier de production, les seuls témoins connus par la déclarante étant décédés.

Néanmoins, l'agent enquêteur a joint à l'enquête une attestation d'exposition à l'inhalation de poussière d'amiante concernant [Y] [S] établie le 24 août 2017 par M. [C] [U], directeur de l'établissement qui employait [Y] [S] dont il ressort que ce dernier a occupé les postes suivants:

- de 1973 à 1987 électricien au [9]

- de 1987 à 1990 polyvalent STEP à l'aciérie affinage

- de 1990 à 1995 exploitant [8] à l'aciérie

- de 1995 à 2007 technicien exploitation STEP- agent de maintenance à l'aciérie.

Or, les travaux d'entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante sont expressément prévus par la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer un cancer broncho-pulmonaire primitif.

Par ailleurs, le docteur [N], médecin du travail, indique dans un certificat en date du 24 août 2007 qu'eu égard à son histoire professionnelle et en fonction des connaissances des postes de travail occupés, [Y] [S] a pu être exposé à l'inhalation de fibres d'amiante.

Pour retenir que [Y] [S] a été exposé effectivement à l'amiante dans le cadre de son emploi, l'enquête, en l'absence de témoins directs, s'est fondée sur la carrière de [Y] [S] et sur des éléments tels que repris au rapport ED 6005 et ED 6274 de l'INRS dont il ressort que [Y] [S], dans le cadre de ses emplois d'électricien et d'agent de maintenance en aciérie où les matériaux à base d'amiante étaient présents en nombre à la période à laquelle il était employé, antérieure à l'interdiction de l'amiante, est intervenu sur des matériaux contenant de l'amiante tels que flocage, faux plafonds, enduits plâtre, résistances électriques et câbles électriques résistant au feu, tresses calorifuges contenant de l'amiante.

A noter que le rapport d'enquête mentionne que le questionnaire employeur adressé le 28 décembre 2018, n'a pas reçu de réponse au jour de l'établissement du rapport d'enquête.

Dans ces conditions, l'enquête diligentée a permis d'établir, sans contestation, l'exposition habituelle de [Y] [S] à l'amiante dans le cadre de son emploi pendant plus de 10 ans de telle sorte que c'est à bon droit que les membres du colloques médico-administratif ont considéré que les conditions du tableau n°30 bis étaient remplies s'agissant de l'exposition à l'amiante dans l'un des emplois limitativement énumérés, la caisse ayant tiré toutes les conséquences de l'avis du colloque médico administratif en se prononçant en faveur de la prise en charge de la maladie professionnelle et du décès de [Y] [S] sans avoir à saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Ainsi, la caisse est bien fondée à opposer à la société [6] la présomption d'origine professionnelle de la maladie entrant dans les prévisions du tableau n°30 bis.

Enfin, il est établi que le décès de [Y] [S] est la conséquence de la maladie professionnelle, ainsi qu'il résulte de l'avis du médecin conseil de la caisse dont la société [7] a été informée par lettre du 17 avril 2019, le fait de solliciter les observations de l'employeur par suite du décès empêchant celui-ci de se prévaloir d'une quelconque inopposabilité, le principe du contradictoire ayant été respecté lors de l'enquête qui a fait suite à la déclaration de maladie professionnelle, s'agissant notamment de l'obligation d'information de l'employeur.

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'infirmer les jugements entrepris concernant la prise en charge de la maladie professionnelle et du décès de [Y] [S] et de débouter la société [6] de sa demande tendant à ce que lui soient déclarés inopposables la maladie professionnelle et le décès de [Y] [S].

La société [6] qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par décision rendue contradictoirement en dernier ressort par mise à disposition au greffe de la cour,

Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les n°21/05705 et n°22/01035 sous le numéro Rg n° 21/05705 ;

Infirme en toutes leurs dispositions les jugements en date des 23 septembre 2021 et du 27 janvier 2022 du Pôle social du tribunal judiciaire de Lille,

Statuant à nouveau,

Déclare opposable à la société [6] la décision de la CPAM de la Côte d'Opale de prendre en charge la maladie professionnelle et le décès de [Y] [S] au titre de la législation sur les risques professionnels,

Condamne la société [6] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/05705
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;21.05705 ?
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