ARRET
N°665
S.A.S.U. [8]
C/
CPAM DE L'ARTOIS
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 04 JUILLET 2023
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N° RG 21/03598 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IFD5 - N° registre 1ère instance : 19/1007
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'ARRAS EN DATE DU 14 juin 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
La société [8] (SASU), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
( salarié : M. [P] [R])
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Me Alexis MERLIN, avocat au barreau de BETHUNE susbtituant Me Stéphane CAMPAGNE de la SELEURL CABINET ALTURA AVOCATS CONSEIL-DÉFENSE-MÉDIATION, avocat au barreau de BETHUNE, vestiaire : 74
ET :
INTIME
La CPAM DE L'ARTOIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée et plaidant par Mme [U] [M] dûment mandatée
DEBATS :
A l'audience publique du 13 Avril 2023 devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Estelle CHAPON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Jocelyne RUBANTEL en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 04 Juillet 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement du tribunal judiciaire (Pôle social) d'Arras en date du 14 juin 2021, saisi de la demande de la société [8] en vue de faire annuler la décision de la CPAM de l'Artois de reconnaître la maladie professionnelle déclarée par M. [P] [R] ou de voir déclarer cette décision inopposable à l'employeur, qui a débouté ladite société de l'ensemble de ses demandes et qui l'a condamnée aux dépens ;
Vu la notification du jugement par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 22 juin 2021 par la société [8] ;
Vu l'appel formé par la société [8] par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 2 juillet 2021 au greffe de la cour ;
Vu la convocation des parties et leur comparution à l'audience de renvoi du 13 avril 2023 ;
Par conclusions préalablement communiquées et développées oralement à l'audience, la société [8] demande à la cour, au visa de l'article L.461-1 alinéa 6 du code de la sécurité sociale et des conditions du tableau 30 bis des maladies professionnelles de :
- infirmer le jugement rendu le 14 juin 2021 par le Pôle social du tribunal judiciaire d'Arras en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens,
Statuant à nouveau,
- infirmer le décision implicite de rejet du recours formé devant la commission de recours amiable de la CPAM de l'Artois,
- juger que M. [R] n'a réalisé aucun travaux repris aux termes de la liste limitative du tableau n°30 bis entre le 22 octobre 1978 et le 22 octobre 2018, date de la constatation médicale de la maladie,
- juger que les conditions relatives au délai de prise en charge de 40 ans, à la durée d'exposition de 10 ans et à la liste limitative des travaux fixée au tableau n°30 bis ne sont pas réunies,
- juger que faute pour la CPAM d'avoir saisi préalablement le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la maladie professionnelle de M. [R] et ses conséquences sont inopposables à la société [8],
En conséquence,
- juger inopposable à la société [8] la décision de prise en charge de la maladie de M. [R],
- condamner la CPAM de l'Artois au paiement de la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers frais et dépens de l'instance.
Au soutien de son appel, la société [8] fait essentiellement valoir que M. [R] n'occupait pas l'un des emplois visés limitativement au tableau 30 bis des maladies professionnelles et qu'il n'était pas amené à manipuler des pièces automobiles contenant de l'amiante lorsqu'il exerçait en qualité de magasinier réceptionnaire à compter de 1974 pour accéder ensuite aux fonctions de chef d'équipe réceptionnaire jusqu'à sa retraite liquidée le 30 novembre 2000.
Par conclusions préalablement communiquées et développées oralement à l'audience, la CPAM de demande à la cour de :
- dire la société [8] mal fondée en son appel,
- la débouter de ses fins, moyens et conclusions,
- confirmer le jugement du Pôle social du tribunal judiciaire d'Arras en date du 14 juin 2021 en toutes ses dispositions,
- dire n'y avoir lieu à condamnation de la caisse au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [8] au paiement de la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse s'oppose à la société [8] se fondant en cela sur les informations versées au dossier de l'assuré et ceux recueillis au cours de l'enquête administrative qu'elle a diligentée.
Elle retient que M. [R] était exposé au risque du tableau n°30 bis notamment lorsqu'il posait et nettoyait des pièces en amiante telles que des tambours, freins, embrayages et joints de culasse lors de son activité de mécanicien et de chef d'équipe atelier.
Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
Motifs :
L'article L.461-1 du code de la sécurité sociale indique que : 'Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l'accident :
1° La date de la première constatation médicale de la maladie ;
2° Lorsqu'elle est postérieure, la date qui précède de deux années la déclaration de maladie professionnelle mentionnée au premier alinéa de l'article L. 461-5 ;
3° Pour l'application des règles de prescription de l'article L. 431-2, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.
Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.
Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux septième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire'.
Le 29 décembre 2018, M. [R] a établi une déclaration de maladie professionnelle à laquelle était joint le certificat médical initial du docteur [X] [W], pneumologue, faisant état d'un carcinome épidermoïde lobaire droit, entrant dans le cadre d'une exposition professionnelle à l'amiante (tableau des maladies professionnelles 30 bis), diagnostic fondé que les explorations fonctionnelles respiratoires, anatomopathologie, scanner et petscan.
Le 25 janvier 2019, la société [8] a été rendue destinataire de la déclaration de maladie professionnelle.
Par courrier en date du 28 février 2019, la société [8] a fait part de ses observations s'agissant notamment du fait que les postes de chefs d'équipe et de réceptionnaire occupés par M. [R] au sein de la société [7] qui l'employait entre 1969 et 2000 n'impliquaient pas de travaux sur des matériaux ou des équipements contenant de l'amiante.
Le 25 avril 2019, Mme [D] effectuait une visite sur site dans le cadre de l'enquête administrative qui a été clôturée le 6 mai 2019.
Le colloque médico-administratif s'est prononcé le 17 mai 2019 en faveur de la prise en charge de la maladie professionnelle de M. [R] au titre du tableau n°30bis des maladies professionnelles.
Le 7 juin 2019, la CPAM de l'Artois reconnaissait le maladie professionnelle déclarée par M. [R] au titre du tableau n°30 bis, cette décision ayant fait l'objet d'une contestation de la part de la société [8] devant la commission de recours amiable.
A défaut de décision de la commission de recours amiable intervenue dans le délai de deux mois, la société [8] a saisi, le 11 octobre 2019, le tribunal judiciaire (Pôle social) d'Arras en vue de voir annuler la décision de prise en charge ou à tout le moins de voir déclarer cette décision inopposable à l'employeur.
C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement dont appel.
La société [8] conteste la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [R] au titre du tableau n°30 bis en ce qu'elle soutient que l'assuré ne réalisait pas l'un des travaux qui y sont limitativement énumérés s'agissant des travaux associés à l'utilisation de l'amiante en vrac, la production et l'usinage de matériaux contenant de l'amiante, la construction et la réparation navale, l'utilisation sous diverses formes de matériaux contenant de l'amiante, l'entretien et la maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante, l'appelante indiquant que l'intéressé exerçait les fonctions de réceptionnaire-magasinier à compter de l'année 1974 pour accéder ensuite aux fonctions de chef d'équipe réceptionnaire jusqu'à sa retraite liquidée le 30 novembre 2000, fonctions dans lesquelles il n'effectuait plus les travaux visés au tableau 30 bis, la contamination environnementale n'étant pas visée par ledit tableau.
Il ressort de la déclaration de M. [R] telle que reprise dans le rapport d'enquête administrative que celui-ci a expliqué qu'il est entré en tant que mécanicien chez [6] devenu [7]. Il est resté à ce poste pendant 5 ans, puis serait passé chef d'équipe pendant 2 à 3 ans et réceptionnaire 15 ans environ. En fin de carrière, il serait redevenu chef d'équipe.
Lors de l'enquête le représentant du garage [7] a contesté l'exposition au risque de M. [R] admettant a minima que ' si toutefois, il aurait été exposé, ce serait avant 1986" .
Il ressort des témoignages et de l'enquête que M. [R] a été employé en qualité de mécanicien auto pendant son apprentissage en mécanique au sein de ' [Adresse 5]' du 17 juillet 1958 au 18 août 1961, puis dans son emploi de mécanicien au services de plusieurs employeurs du 18 août 1961 au 30 juin 1963 en sein du garage de l'avenue, puis après son service militaire, du 10 novembre 1964 au 15 novembre 1969 au sein du garage Masson, ce qui n'est pas contesté par la société [8].
Par ailleurs, l'exposition au risque de M. [R] dans le cadre des travaux d'entretien et de maintenance effectués sur des équipements contenant de l'amiante (freins, tambours, embrayages) s'est poursuivie pendant la période où l'assuré était employé en qualité de chef d'équipe atelier soit jusqu'en 1986, ce dernier ayant indiqué lors de l'enquête de la CPAM qu'il aidait les mécaniciens et était exposé à ce titre en manipulant des pièces et à titre environnemental.
Ainsi, c'est à bon droit que le médecin conseil tenant compte des éléments soumis par le service administratif de la caisse s'est prononcé en faveur de la prise en charge de la maladie au titre du tableau n°30 bis en se prononçant positivement quant au respect du délai de prise en charge, au respect de la durée d'exposition et au respect de la liste limitative des travaux réalisés par M. [R], ce qui rendait inutile la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Enfin, la société [8] qui produit des éléments contradictoires s'agissant particulièrement de la date à laquelle M. [R] a été affecté exclusivement aux fonctions de réceptionnaire, ne remet pas sérieusement en cause les éléments ci-dessus qui justifient la décision de tribunal qui l'a déboutée de ses demandes et particulièrement de sa demande tendant à voir déclarer la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [R] inopposable.
Il y a donc lieu de débouter la société [8] des fins de son appel et de confirmer en toutes ses dispositions, le jugement du Pôle social du tribunal judiciaire d'Arras en date du 14 juin 2021.
En formant appel, la société [8] a exposé la CPAM de l'Artois à des frais qu'il est inéquitable de laisser à sa charge. Il y a donc lieu de condamner la société appelante à lui payer la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin la société [8] qui succombe sera condamnée aux dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par décision rendue contradictoirement en dernier ressort par mise à disposition au greffe de la cour,
Déboute la société [8] des fins de son appel,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Pôle social du tribunal judiciaire d'Arras en date du 14 juin 2021,
Y ajoutant,
Condamne la société [8] à payer à la CPAM de l'Artois la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [8] aux dépens de l'appel.
Le Greffier, Le Président,