ARRET
N°
[W] [D]
C/
S.A.R.L. ENTREPRISE AMPELEC
copie exécutoire
le 29 juin 2023
à
Me Foulon
Me Fabing
CB/MR
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 29 JUIN 2023
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N° RG 22/03204 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IPWG
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SOISSONS DU 02 JUIN 2022 (référence dossier N° RG F21/00019)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [I] [W] [D]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté et concluant par Me Caroline FOULON, avocat au barreau de SOISSONS substituée par Me Marie FOUQUART, avocat au barreau D'AMIENS
ET :
INTIMEE
S.A.R.L. ENTREPRISE AMPELEC agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée et concluant par Me Stéphane FABING, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
DEBATS :
A l'audience publique du 03 mai 2023, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.
Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 29 juin 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 29 juin 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
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DECISION :
M. [W] [D] a signé un contrat de travail à durée indéterminée avec la société Ampelec (la société ou l'employeur), à compter du 11 mars 2004, en qualité d'aide électricien.
Ce contrat est soumis à la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant plus de 10 salariés) du 8 octobre 1990 étendue par arrêté du 8 février 1991 JORF 12 février 1991.
Par mise en demeure adressée à la société Ampelec, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 septembre 2020, le salarié a sollicité le règlement d'heures supplémentaires à hauteur de la somme de 7 779,54 euros.
A défaut d'obtenir satisfaction, il a saisi le conseil de prud'hommes de Soissons, qui, par jugement du 2 juin 2022, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à l'employeur la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
M. [W] [D], régulièrement appelant de ce jugement, par conclusions notifiées le 22 février 2023, demande à la cour de :
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
- débouter la société de ses demandes, fins, moyens et conclusions,
- infirmer, en conséquence, en toutes ses dispositions le jugement,
et jugeant à nouveau,
- condamner la société à lui régler la somme de 7 779,54 euros à titre de compensation des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées,
- condamner la société à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 13 décembre 2022, la société Ampelec demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 02 juin 2022 et ce faisant de :
- juger que M. [W] [D] a été rempli de ses droits s'agissant du paiement de ses heures de travail et que les déplacements entreprise - chantiers ne constituent pas du temps de travail effectif.
En conséquence,
- débouter purement et simplement M. [W] [D] de toutes ses demandes, fins et prétentions dirigées à son encontre,
- condamner M. [W] [D] au paiement d'une indemnité de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner également aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 3mai 2023.
MOTIFS
Sur la demande au titre des heures supplémentaires
Le salarié fait valoir que le temps de trajet entre l'entrepôt et le lieu du chantier représente du temps de travail effectif qui n'a pas vocation à être rémunéré par les indemnités de petits et grands déplacements dès lors qu'il lui est fait obligation de se rendre dans l'entreprise avant l'heure d'embauche pour charger le véhicule avec le matériel dont il a besoin avant de rejoindre le chantier et de retourner au dépôt avant l'heure de débauche pour procéder à un débriefing ; que la note de service du 1er juillet 2020 selon laquelle les passages par le dépôt seraient facultatifs n'a été rédigée que dans le but de faire échec à son action ; que les quatre attestations produites par l'employeur sont dépourvues de crédibilité eu égard au lien de subordination qui unit leurs auteurs à la société ; que par l'attestation de M. [X] l'employeur admet que le passage par l'atelier a un intérêt logistique puisqu'il s'agit de préparer le matériel pour le chantier ou pour récupérer le véhicule chargé de matériel et que ce sont ainsi environ 500 heures supplémentaires qui ont été neutralisées ce qui est d'autant plus grave que le contingent annuel d'heures supplémentaires de 145 heures fixé par la convention collective est largement dépassé.
La société, pour s'opposer à cette demande, réplique que les heures de trajet du siège de l'entreprise au lieu du chantier ne constituent pas du temps de travail effectif dès lors qu'une note de service claire du 1er juillet 2020 rappelle une règle connue de tous selon laquelle les salariés sont libres de se rendre directement sur le lieu du premier chantier ou de passer par le siège pour bénéficier du transport par le véhicule de l'entreprise ; que le matériel est préparé par un autre salarié M. [X] et que le contingent annuel d'heures supplémentaires n'a pas été dépassé puisque le temps de déplacement ne constitue pas du temps de travail effectif.
Subsidiairement, il soutient que le salarié ne démontre pas avoir été transporté en dehors de la zone habituelle de travail et hors des horaires de travail.
Sur ce
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
L'article L. 3121-1 du code du travail dispose que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Selon l'article L.3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.
Dans le cas où le passage du salarié par le siège de l'entreprise avant de se rendre sur le lieu du chantier n'est pas obligatoire, s'il a lieu uniquement pour convenance personnelle, le trajet entre le domicile et le lieu de travail n'est pas considéré comme du temps de travail effectif.
En revanche, si ce passage est obligatoire, il sera considéré que le salarié est à la disposition de son employeur dès qu'il se rend à l'entreprise pour prendre son poste de sorte que le temps de déplacement est alors du temps de travail effectif.
Concernant la valeur probante des témoignages produits par l'employeur, il y a lieu de rappeler qu'en matière prud'homale la preuve est libre et dès l'instant que la partie à qui sont opposées des attestations a pu en contester la force probante, notamment en faisant valoir que les auteurs des attestations étaient soumis à un lien de subordination avec l'employeur, il appartient au juge saisi de cette contestation d'apprécier souverainement la valeur et la portée des dites attestations.
La sincérité du témoignage d'un salarié au profit de son employeur peut être discutée compte tenu de son état de subordination et de dépendance économique mais il ne doit pas être considéré, en soi, comme servile ou mensonger, dès lors qu'aucun élément objectif ne permet de l'affirmer et que le salarié n'apporte pas d'élément permettant de considérer que ces témoignages ont été extorqués à leur auteur ou ont été suscités par la peur.
En l'espèce, le salarié se borne à affirmer que le passage par l'atelier avant de se rendre sur le chantier lui est imposé par l'employeur mais n'apporte aucune offre de preuve.
La société, pour sa part, produit plusieurs attestations, dont aucun élément ne permet de douter de la sincérité, d'où il ressort que les véhicules sont chargés par M. [X] et que les salariés sont libres de rejoindre le chantier par leur propre moyen ou en empruntant un véhicule de l'entreprise et donc, dans ce cas, en passant au préalable par le dépôt.
Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le temps de trajet entre le domicile et l'entreprise ne constituait pas du temps de travail effectif que l'employeur était tenu de rémunérer.
[W] [D] produit un tableau d'où il résulte qu'il aurait exécuté 500 heures supplémentaires non rémunérées en 2 ans et 10 mois, le tableau détaillant mensuellement les heures revendiquées avec le détail des heures effectuées, celui des heures réglées et la différence en résultant.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en y apportant les siens.
Toutefois, dès lors que le calcul du salarié ne repose que sur la valorisation des temps de trajet domicile-dépôt comme du temps de travail effectif, la cour ayant jugé qu'en l'espèce ces temps de trajet ne constituent pas des temps de travail effectif, la demande au titre des heures supplémentaires ne peut qu'être rejetée confirmant en cela le jugement.
Il s'en suit que faute d'heures supplémentaires, la demande au titre du dépassement du contingent d'heures supplémentaires doit être rejetée et le jugement confirmé.
Sur les autres demandes
La cour confirme le jugement du conseil de prud'hommes sur les dépens et sur la condamnation de M. [W] [D] sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ni sur les dépens.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Ampelec les frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour la procédure, M. [W] [D] est condamné à lui verser la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de M. [W] [D], succombant en son appel, ses frais irrépétibles, il sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [W] [D], qui succombe, sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Soissons le 2 juin 2022 en toutes ses dispositions
y ajoutant,
Condamne M. [I] [W] [D] à payer à la société Ampelec la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne M. [W] [D] aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.