ARRET
N°
[X]
C/
Etablissement Public ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG
copie exécutoire
le 29 juin 2023
à
Me Fayen Bourgois
Me Doutriaux
CPW/MR/SF
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 29 JUIN 2023
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N° RG 22/02236 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IN54
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 05 AVRIL 2022 (référence dossier N° RG 21/00027)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [H] [X]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté, concluant et plaidant par Me Dorothée FAYEIN BOURGOIS de la SCP FAYEIN BOURGOIS-WADIER, avocat au barreau D'AMIENS
ET :
INTIMEE
ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée, concluant et plaidant par Me Thierry DOUTRIAUX de la SELARL SOLUCIAL AVOCATS, avocat au barreau de LILLE substitué par Me FLAMENT, de la SELARL SOLUCIAL AVOCATS, avocat au barreau de LILLE
DEBATS :
A l'audience publique du 04 mai 2023, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.
Mme Caroline PACHTER-WALD indique que l'arrêt sera prononcé le 29 juin 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Caroline PACHTER-WALD en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 29 juin 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
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DECISION :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er mai 2019, avec reprise d'ancienneté au 2 novembre 2017, M. [X] a été embauché par l'Etablissement français du sang (ci-après l'EFS ou l'employeur) en qualité de d'infirmier de prélèvement.
La convention collective applicable est celle de l'Etablissement français du sang.
Le 14 février 2020, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire, prévu le 25 février 2020. Son licenciement pour faute grave lui a été notifié le 28 février 2020. Le 2 mars suivant, le salarié a écrit à l'employeur pour contester la mesure entreprise à son encontre.
Contestant la légitimité de son licenciement, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes d'Amiens le 22 janvier 2021 qui, par jugement du 5 avril 2022 a :
dit que le licenciement était justifié ;
débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes ;
débouté l'Etablissement français du sang de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
condamné M. [X] aux dépens et à payer 500 euros à l'employeur au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 5 mai 2022, M. [X] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions sauf celles déboutant l'Etablissement français du sang de sa demande indemnitaire, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées par les parties.
Dans ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 19 décembre 2022, M. [X] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris des mêmes chefs, et de :
- dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et en tout état de cause non motivé par une faute grave ;
- en conséquence, condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :
4 255,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 425,57 euros au titre des congés payés afférents ;
2 646,93 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
994,56 euros à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire outre 99,46 euros au titre des congés payés afférents ;
7 447 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir et au contrat de travail avec reprise d'ancienneté au 2 novembre 2017, et, ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
- dire que le montant du salaire moyen est de 2 127,84 euros ;
- dire l'Etablissement français du sang recevable et mal fondé en son appel incident, et ce faisant, l'en débouter et confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'Etablissement Français du Sang de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Dans ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 20 septembre 2022, l'Etablissement français du sang demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, et de :
- condamner le salarié à lui payer 2 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile et 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le salarié aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 avril 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS :
1. Sur le licenciement pour faute grave
M. [X] conteste les griefs qui lui sont opposés par l'employeur et expose en substance que l'employeur, dès lors qu'il ne présente pas les documents de la collecte du 8 janvier 2020, n'apporte pas la preuve que les poches en cause étaient non étiquetées, puisqu'un infirmier et un médecin chargés de vérifier la conformité des poches et des tubes de sorte interviennent à l'occasion de chaque collecte, et que les témoignages versés aux débats par l'employeur se bornent à affirmer que les étiquettes n'ont pas été retrouvées ; que ce grief exposé dans la lettre de licenciement ne saurait d'ailleurs constituer une faute grave dès lors que les éléments du dossier démontrent qu'il a après les faits poursuivi son activité professionnelle normalement pendant un mois, la nécessité de son éviction ne se justifiant donc pas ; que la matérialité du grief tenant à son prétendu comportement inapproprié envers sa hiérarchie et les collaborateurs n'est pas non plus établie en ce que la conversation du 28 janvier 2020 avec M. [O] portait sur une demande importante relative au matériel et qu'il s'évince des témoignages des salariés sur l'altercation avec M. [J] qu'aucun propos n'a été échangé en présence des donneurs; que le contenu de son entretien annuel d'évaluation démontre au demeurant qu'il était reconnu pour son esprit d'équipe et son côté chaleureux ; qu'enfin, il n'a commis aucune faute en se rendant sur son lieu de travail pendant la période de mise à pied conservatoire puisqu'il avait alors répondu à l'invitation de ses collègues.
L'Etablissement français du sang réplique en substance que les griefs sont parfaitement établis ; que M. [X], en dépit des exigences attachées à son poste de travail, a omis d'étiqueter des poches de sang lors de la journée de prélèvement du 8 janvier 2020, mettant ainsi en péril la maitrise de la sécurité de la chaîne transfusionnelle, ce manquement étant établi par les témoignages de salariés et les échanges de courriels qui ont suivi ; qu'il est également établi que le 13 février 2020, le salarié s'est emporté à l'égard d'un collègue de travail en l'accusant sans fondement de racisme, de l'avoir insulté et menacé devant d'autres salariés et des donneurs, ce comportement inapproprié ayant fait suite à un incident survenu le 28 janvier 2020 à l'occasion duquel le salarié avait, en présence de donneurs, vivement interpellé M. [O], son supérieur hiérarchique, en exigeant une réponse sur une commande de matériel et en refusant la consigne qui lui était donnée de quitter le bureau ; que la circonstance selon laquelle M. [X] a refusé de respecter la mise à pied conservatoire prononcée à son encontre relève d'une insubordination.
Sur ce,
L'article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse. La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.
La faute grave privative du préavis prévu à l'article L1234-1 du même code, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l'employeur.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, l'employeur reproche à M. [X] les faits suivants :
« (...) 1. Vos missions et responsabilités
Depuis le 1er mai 2019, vous êtes embauché sous contrat à durée indéterminée par l'EFS Hauts-de-France-Normandie au poste d'infirmier de prélèvement pour le bassin de la Picardie. Compte-tenu de vos précédentes missions intérimaires à ce poste, votre ancienneté est fixée au 2 novembre 2017.
Dans le cadre de vos fonctions, vous devez notamment :
' Participer au bon déroulement de la collecte, à la fidélisation et à la promotion du don,
' Effectuer les prélèvements de sang total et/ou d'aphérèses conformément aux instructions et procédures,
' Conditionner les poches et les tubes en vue du transport,
' Gérer les documents relatifs aux prélèvements et à la traçabilité.
Votre poste implique un respect strict des textes réglementaires et des procédures relatives à votre activité et un savoir-être irréprochable.
Lors de votre entretien d'évaluation du 22 mai 2019, il a été acté notamment que vous deviez faire preuve de plus de vigilance sur le respect des procédures et être plus rigoureux. Ainsi, pour 2020, vous deviez démontrer votre implication dans les prélèvements par l'absence de non-conformité et davantage de rigueur dans l'exercice de vos fonctions d'Infirmier de prélèvement.
Lors de cet entretien, il était acté également qu'un rappel des procédures (relecture de la fiche d'instructions-prélèvements des PSL) avait été effectué.
Malheureusement, nous avons constaté ces derniers mois des fautes répétées de votre part, consistant à ne pas respecter les procédures en lien avec votre activité malgré les demandes réitérées de votre hiérarchie et du Directeur des Ressources Humaines. Délibérément et de manière répétée, vous vous êtes également comporté de manière gravement inappropriée avec votre hiérarchie et vos collègues.
2. Fautes mettant en péril la maitrise de la sécurité de la chaîne transfusionnelle.
Le 9 janvier 2020, suite à la réception de quatre poches de sang total sans aucun numéro de don, provenant de la collecte de [Localité 5] du 8 janvier 2020, M. [V], cadre médico-technique, a signalé une non-conformité.
Conformément aux procédures, tous les produits de la collecte ont alors été bloqués, risquant d'être détruits.
Le Dr [W], responsable régionale des prélèvements, a mandaté M. [O], responsable du bassin de prélèvement Picardie afin de mener une enquête.
Suite aux groupages effectués sur le sang total, les poches de sang non étiquetées ont été identifiées. Le bordereau de prélèvement a permis de désigner l'infirmier qui a pris en charge le donneur et effectué le prélèvement.
S'agissant de votre code personnel infirmier, l'enquête a conclu que vous étiez l'auteur du prélèvement de ces quatre poches de sang.
Le 13 janvier 2020, M. [O] vous a contacté afin d'échanger sur ce sujet. Dans un premier temps, vous n'avez pas voulu reconnaître que vous aviez pris en charge ce donneur. Puis, vous avez pris en compte les éléments de preuve et avez déclaré que vous aviez fait votre travail mais que l'étiquette avait dû tomber.
Pourtant aucune étiquette n'a été retrouvée et quatre poches de sang ont été réceptionnées par le service de préparation des PSL, sans numéro de don.
Il est de votre responsabilité d'identifier le dispositif de prélèvement pendant le don. La procédure utilisée pour l'apposition des étiquettes portant les numéros de don sur les poches de sang et les échantillons de laboratoire est conçue de manière à éviter tout risque d'erreur d'identification et de confusion. En tant qu'infirmier de prélèvement, il vous incombe de procéder systématiquement à une vérification visuelle de la concordance de l'étiquetage de la fiche de prélèvement, des compartiments du DMU et des tubes destinés à la qualification biologique du don.
Nous constatons que vous n'avez pas respecté les instructions de prélèvement des PSL, ce qui constitue une faute grave dans la réalisation de vos missions, mettant en péril la maîtrise de la sécurité des prélèvements.
Par ailleurs, vous avez déjà fait l'objet de faits similaires pour lesquels vous avez été reçu par votre hiérarchie et M. [D], directeur des ressources humaines.
En effet, dans le cadre d'un rappel à l'ordre, vous aviez été convoqué le 4 novembre 2019 afin de vous rappeler notamment l'importance du respect des procédures dans un établissement d'intérêt collectif de santé où la sécurité et la qualité des produits délivrés est primordiale.
En l'espèce, le laboratoire de qualification biologique du don avait émis une non-conformité suite à l'absence de tous les tubes relatifs à un prélèvement que vous aviez réalisé (six tubes pour un prélèvement) à la maison du don d'[Localité 3], le 23 septembre 2019.
Vous aviez déjà manqué à vos obligations professionnelles. Par conséquent, les analyses réglementaires n'avaient pas pu être menées et nous avions dû détruire le produit sanguin issu de ce prélèvement.
M. [D] et Monsieur [O] vous ont rappelé l'importance de l'application des bonnes pratiques et du respect des procédures au regard de notre mission de santé publique.
Malheureusement, nous constatons que malgré les demandes expresses de votre hiérarchie et le rappel à l'ordre de M. [D], vous avez persisté à ne pas respecter les procédures et que fautivement vous n'avez pas tenu compte du risque que vous faites porter à notre établissement.
3. Comportement gravement inapproprié envers votre hiérarchie et les collaborateurs
La direction a été informée que, le 13 février 2020, vous aviez eu des agissements totalement inappropriés devant les collaborateurs et les donneurs. Ainsi, après investigations, nous avons pris connaissance de plusieurs altercations qui ont eu lieu au cours de votre temps de travail.
Il nous a été précisé qu'au départ de la collecte, alors que vous étiez dans le véhicule de l'EFS accompagné de vos collègues, vous avez échangé des propos déplacés avec M. [J], infirmier de prélèvement. Un débat sur le racisme a ainsi débuté avec votre collègue que vous avez qualifié de « raciste ». Le ton est alors monté.
Au cours de la collecte, dans l'espace dédié à la collation, des tensions se sont à nouveau fait sentir et ont été remarquées par vos collègues.
Au retour de la collecte, dans le véhicule de l'EFS, vous avez échangé des insultes avec M. [J].
Lors de votre arrivée à la logistique, le ton a continué de s'élever entre M. [J] et vous.
Des collaborateurs sont alors restés auprès de chacun d'entre vous pour éviter toute friction.
Nous ne pouvons accepter de tels comportements. Nous vous rappelons que dans l'intérêt de l'établissement, chaque travailleur doit adopter un comportement respectueux tant vis-à-vis de ses collègues qu'envers tout autre personne qu'il est appelé à rencontrer ou à contacter dans le cadre de ses activités professionnelles. Toute rixe, injure, insulte, tout comportement agressif et toute incivilité sont interdits dans l'établissement.
Vous avez délibérément outrepassé ce cadre, devant les collaborateurs et les donneurs, ce que nous ne pouvons tolérer au sein de notre établissement. En effet, de tels agissements sont susceptibles de nuire à la réputation et au bon fonctionnement de l'EFS et impacter sa mission de fidélisation des donneurs.
Par ailleurs, votre comportement a eu pour effet de heurter la sensibilité de vos collègues et altérer les conditions de travail.
Nous sommes contraints de constater que vous aviez déjà agi de manière totalement inappropriée quelques semaines plus tôt.
Ainsi, le 28 janvier 2020, à la Maison du Don, vous avez agi de manière irrespectueuse envers à votre hiérarchie, en présence de collaborateurs et de donneurs.
En effet, vous avez « exigé » un entretien en utilisant un ton et des propos inappropriés envers votre hiérarchie qui a essayé vainement de vous calmer devant les donneurs et l'équipe de prélèvement.
Vous l'avez poursuivi dans son bureau alors que M. [O] vous avez expliqué qu'un entretien annuel d'évaluation allait s'y tenir. Vous avez fait irruption au cours de cet entretien, et avez refusé d'en sortir malgré les demandes répétées de votre hiérarchie.
M. [O] a dû vous inviter à sortir de son bureau en vous amenant vers la porte. Vous êtes néanmoins rentré une nouvelle fois dans son bureau. Votre hiérarchie vous a demandé une dernière fois de quitter son bureau.
Ce refus obstiné de répondre aux injonctions de votre hiérarchie atteste d'une réelle insubordination et caractérise une forte volonté de s'opposer à votre hiérarchie, lui refusant toute autorité managériale et pouvant le discréditer devant les collaborateurs.
Ces faits fautifs font gravement obstacle au bon fonctionnement du service et portent atteinte aux conditions de travail.
Au final, nous constatons que l'ensemble de ces faits caractérise l'existence d'une faute grave de votre part rendant impossible la poursuite de votre contrat de travail et ce, à effet immédiat.
Ils vous sont bien imputables, eu égard à vos missions et responsabilités qu'il vous appartenait d'assumer avec loyauté et exemplarité. La rupture de votre contrat de travail prend donc effet immédiatement.
Il vous sera réglé le solde des sommes que nous pourrions vous devoir, et votre certificat de travail ainsi que votre attestation Pôle Emploi vous seront remis.
A la suite de l'entretien du 25 février 2020, nous avons appris que, malgré la mesure que nous avions prononcée à votre égard le 14 février 2020 par la remise en main propre d'un courrier de notification de mise à pied conservatoire, vous vous êtes présenté sur le site d'[Localité 3]. Nous vous enjoignons à nouveau à respecter votre obligation de loyauté envers notre établissement (') ».
Or, il n'est pas contesté que le 13 février 2020, M. [X], alors en compagnie de plusieurs collègues de travail, a eu un échange avec M. [J] au sujet des propos d'un donneur qu'il considérait comme relevant de racisme, et qu'en raison de leur désaccord sur la manière de les qualifier, leur conversation s'est tendue.
Les témoignages de M. [J], Mme [K], Mme [Y], M. [C], Mme [N] et M. [F] convergent sur le constat d'une conversation « sans queue ni tête » et dénuée de tout propos discriminatoire ou raciste, mais à l'occasion de laquelle le salarié a pris violemment à partie son collègue de travail en l'insultant de « raciste », de « simple d'esprit », de « con » et d'« inculte ».
Les témoins décrivent aussi un échange d'insultes entre les deux salariés sur le trajet du retour de la campagne de collecte et à leur arrivée, M. [J] se sentant alors obligé de démentir devant les collègues de travail présents, y compris ceux qui n'avaient pas assisté à leur échange, les accusations de racisme émises à son encontre.
Si effectivement les éléments de preuve présentés par l'employeur ne permettent pas d'établir formellement la poursuite de ces insultes en présence des donneurs lors de la collecte et mettent en lumière la circonstance selon laquelle M. [J] a finalement en fin de journée perdu son calme, il n'en demeure pas moins que M. [X] est bien à l'initiative de cette querelle durant laquelle il s'est employé, devant plusieurs collègues de travail, à insulter abondamment M. [J] et à émettre contre lui des propos diffamants et propres à dégrader sa réputation professionnelle.
De plus, ce comportement du salarié le 13 février 2020 fait suite à un événement intervenu quelques jours plus tôt, M. [O], responsable du bassin de prélèvement Picardie et supérieur hiérarchique de M. [X], témoignant s'être rendu le 28 janvier 2020 à la maison du don d'[Localité 3] pour divers entretiens, et avoir alors été « apostrophé » dès son arrivée par le salarié au sujet de contrats de maintenance de matériel qu'il ne considérait pas comme adapté, et pour lesquels il exigeait des réponses immédiates. Il ressort encore de son témoignage qu'en l'absence de réponse, le salarié l'a suivi dans les locaux jusque dans le bureau du Dr [S], duquel il a refusé de sortir en dépit de ses demandes réitérées. Ces faits sont d'ailleurs corroborés par l'attestation de Mme [I], laquelle précise avoir vu le salarié interpeller vivement M. [O] qui était venu pour une autre raison et qu'il s'était ensuite emporté en le suivant y compris dans la salle de prélèvement. Ces témoignages mettant en lumière un comportement inadapté de M. [X] au sein d'un site de collecte permanent où se trouvent habituellement des donneurs, étayent les affirmations de l'employeur, de surcroît non contestées par M. [X], selon lesquelles sa hiérarchie a essayé vainement de le calmer devant les donneurs et l'équipe de prélèvement.
Ainsi, il est suffisamment établi que le salarié a ostensiblement adopté un comportement d'insubordination à l'égard de son supérieur hiérarchique, y compris devant les donneurs, et a méconnu ses missions essentielles renseignées dans la fiche de poste d'infirmier de prélèvement tendant à la fidélisation des donneurs et à la promotion du don.
Les faits exposés ci-dessus, par leur nature et les circonstances de leur commission, suffisent à eux seuls à caractériser la faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis.
Pour autant, il s'ajoute qu'il est également reproché à M. [X] l'absence d'étiquetage permettant la traçabilité d'un don, constatée par l'établissement à la réception des poches de sang prélevé le 8 janvier 2020, le salarié ayant reconnu l' «erreur que j'ai commise» dans le courriel du 13 janvier 2020. Or, il n'est pas utilement contesté qu'il incombe à l'infirmier de prélèvement de procéder systématiquement à une vérification visuelle de la concordance de l'étiquetage de la fiche de prélèvement, des compartiments du DMU et des tubes destinés à la qualification biologique du don, et il est établi qu'à la suite d'un problème survenu en septembre 2019 il avait déjà été rappelé à M. [X] fin 2019 l'importance du respect des bonnes pratiques et des procédures dans un établissement où la sécurité des produits délivrés est à l'évidence primordiale (Cf: fiche de non conformité évoquant la difficulté du 23 septembre 2019 et l'entretien de recadrage à venir, confirmé par l'échange de courriel des 21 et 22 octobre 2019 évoquant un entretien le 4 novembre). A l'occasion de son entretien annuel d'évaluation le 22 mai 2019, il avait également déjà été demandé au salarié d'être plus vigilant sur le respect des procédures et d'être plus rigoureux.
Sans être utilement contredit par le salarié, l'employeur produit pour démontrer l'imputabilité de la faute, une fiche de collecte du 8 janvier 2020 sur laquelle figure le code opérateur de M. [X].
Le salarié tente vainement de se dédouaner en faisant état d'un problème d'adhérence des étiquettes sur la surface humide des poches de sang et en en déduisant que l'absence d'étiquette à la réception des lots ne permet pas d'établir un manquement qui lui serait imputable, alors pourtant qu'il n'a pas signalé le moindre problème d'adhérence lors de la collecte ou à son terme et qu'il ressort en outre du témoignage de Mme [Y], infirmière, qu'un défaut d'étiquetage avait déjà pu être identifié alors que la collecte du 8 janvier 2020 était encore en cours. M. [X] ne pouvait pourtant ignorer les impératifs de sécurité et de traçabilité des dons clairement exposés dans la fiche d'instruction de prélèvement diffusée à l'ensemble du personnel de collecte et qui, de surcroît, lui avaient été rappelés le 22 mai 2019 à l'occasion de son entretien annuel d'évaluation.
S'il a effectivement poursuivi normalement ses missions d'infirmier de prélèvement pendant plus d'un mois entre la découverte des faits et l'engagement de la procédure de licenciement, il n'en demeure pas moins les faits fautifs, qui s'ajoutent aux plus récents ci-dessus exposés, ne sont pas prescrits et que le manquement est matériellement, imputable au salarié, et de nature à mettre en péril la maitrise de la sécurité de la chaîne transfusionnelle tel que soulevé par l'Etablissement français du sang dans la lettre de licenciement.
De manière surabondante, il convient d'observer qu'il n'est pas contesté que le salarié, en dépit de la mise à pied conservatoire prononcée à son encontre le 14 février 2020, s'est rendu à la maison du don d'Amiens les 25 et 26 février 2020, M. [X] s'affranchissant ainsi délibérément à nouveau des directives claires de son employeur découlant de la mise à pied conservatoire, la
la circonstance au demeurant non prouvée selon laquelle il aurait reçu une invitation de ses collègues de travail, étant indifférente.
En conséquence, la cour retient qu'il est établi que M. [X] a adopté de façon réitérée un comportement tout à fait inapproprié avec sa hiérarchie et avec un collègue, et a fait preuve d'une négligence fautive dans l'exécution de ses tâches.
Dans ces conditions, nonobstant l'ancienneté du salarié et l'absence de sanction antérieure, ces manquements font nécessairement perdre à l'employeur toute confiance et caractérisent la faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis, étant précisé que l'absence de sanction antérieure ne permet pas d'atténuer la gravité de la faute.
Le jugement déféré, qui a considéré que le licenciement pour faute grave était fondé et a débouté le salarié de ses demandes subséquentes, sera donc confirmé.
2. Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive
L'Etablissement français du sang soutient que l'action du salarié est abusive en ce qu'elle est fondée des arguments mensongers présentés au soutien de demandes totalement démesurées.
M. [X] réplique que l'employeur ne démontre pas en quoi l'action formée aurait dégénéré en abus ou revêtirait un aspect dilatoire.
Sur ce,
L'exercice d'une action en justice est un droit, lequel ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol ou, à tout le moins, de légèreté blâmable. L'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.
En l'espèce, l'employeur ne rapporte pas la preuve de ce que l'action de M. [X] aurait dégénéré en abus et doit donc être débouté de sa demande de dommages-intérêts.
Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.
3. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer la décision déférée en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [X], partie appelante qui succombe au principal, sera condamné aux dépens d'appel. L'équité et la situation économique des parties, alors que chacune d'elles succombe partiellement, conduit à débouter l'une comme l'autre de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie ;
Condamne M. [X] aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.