ARRET
N°
S.A.R.L. SAD SERVICES
C/
[J]
copie exécutoire
le 28/06/2023
à
Me SONCIN
M. [R]
LDS/IL/
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 28 JUIN 2023
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N° RG 22/03478 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IQIC
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAINT-QUENTIN DU 13 JUIN 2022 (référence dossier N° RG )
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.R.L. SAD SERVICES
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée et concluant par Me Francis SONCIN, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
ET :
INTIME
Monsieur [X] [J]
né le 11 Septembre 1986 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 1]
représenté et concluant par M. [Y] [R], délégué syndical, dûment mandaté
DEBATS :
A l'audience publique du 17 mai 2023, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.
Madame Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 28 juin 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 28 juin 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
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* *
DECISION :
M. [J], né le 11 septembre 1986, a été engagé par la SARL SAD services en contrat à durée indéterminée à compter du 26 juin 2007 en qualité de technicien d'approvisionnement. Il était chargé d'approvisionner des distributeurs automatiques de boissons et confiseries placés dans différentes entreprises et d'en rapporter la recette.
Par courrier du 16 juillet 2019, sa mise à pied à titre conservatoire lui a été notifiée puis par courrier du 1er août suivant, il a été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 12 août suivant.
Par LRAR du 18 août 2019, M. [J] a été licencié pour faute grave notifié en ces termes :
« Je suis contraint de vous notifier votre licenciement pour faute grave pour les motifs ci-après exposés. Les faits qui vous sont reprochés vous ont été exposés lors de l'entretien préalable qui s'est tenu le 12 août 2019 au cours duquel vous étiez accompagné d'un conseiller extérieur et que je reprends ci-après. En effet, depuis plusieurs semaines, j'ai constaté de graves anomalies tant au niveau de marchandises disparues à l'occasion de l'approvisionnement de nos distributeurs que la disparition de fonds lors de la collecte de ces derniers avant leur enregistrement à l'entreprise. C'est ainsi que les pièces de monnaies rapportées par vos soins au siège social de l'entreprise après avoir effectué votre tournée ne semblaient pas correspondre à la recette réellement réalisée par les distributeurs mis à disposition chez nos clients ni aux quantités consommées. Le service comptabilité de notre entreprise a en effet relevé de nombreuses incohérences.
Le 16 juillet 2019, je me suis donc rendu en compagnie de Maître [T] [G], Huissier de justice, chez l'une de nos clientes, la société VABEL, auprès de qui vous intervenez afin de récupérer la recette des deux distributeurs de marques SAMBA et CANTO mis à disposition par notre société, outre procéder à leur nettoyage et à leur approvisionnement en marchandise.
Sur place, Maître [G] et moi-même avons inséré au sein du distributeur D600 de marque SAMBA, après s'être assuré que la caisse été vide, 35 pièces de 2 € ; 33 pièces de 1 € ; 21 pièces de 0,50 € et 11 pièces de 0,20 € pour un total de 115,70 €. Nous avons également inséré au sein du distributeur D644 de marque CANTO, là encore après s'être assuré que la caisse de ce distributeur était vide, 32 pièces de 2 € ; 16 pièces de 1 € ; 15 pièces de 0,50 € ; 45 pièces de 0,20 € ; 30 pièces de 0,10 € ; 23 pièces de 0,05 € pour un total de 100,65 €. Nous avons ensuite mis ces deux distributeurs en mode « hors service » de façon à ce que le contenu des caisses ne puisse absolument plus être modifié.
Maître [T] [G] a constaté qu'à la suite de cette mise hors service, aucune pièce ne pouvait effectivement être insérée et était restituée automatiquement. L'après-midi même, à 15 heures 05, après avoir effectué votre tournée, vous êtes revenu au siège social de la société afin d'y déposer les sacs contenant la recette des différents distributeurs mis à disposition chez plusieurs de nos clients dont ceux des deux distributeurs de la société VABEL.
Maître [G] et moi-même avons alors procédé au comptage des pièces provenant des deux distributeurs installés chez ce client et que nous avions nous même insérées quelques heures auparavant. Le comptage a révélé que la pochette de monnaie provenant du distributeur D600 de marque SAMBA contenait : 23 pièces de 2 € ; 33 pièces de 1 € ; 21 pièces de 0,50 € ; 11 pièces de 0,20 € pour un total de 91,7 €. La pochette de monnaie provenant du distributeur D644 de marque CANTO contenait : 21 pièces de 2 € ; 16 pièces de 1 € ; 15 pièces de 0,50 € ; 43 pièces de 0,20 € ; 28 pièces de 0,10 € ; 19 pièces de 0,05 € pour un total de 77,85 €. Il s'avère donc que, comme je le soupçonnais, vous avez prélevé plusieurs pièces de monnaie pour votre compte personnel.
La somme que vous avez dérobée ce 16 juillet 2019 s'élève à 46,80 €. Bien que vous niez avoir soustrait cette somme provenant des distributeurs, vous êtes le seul salarié responsable de la collecte et restitution des fonds provenant de l'ensemble des distributeurs de notre société depuis plusieurs années dont ceux de la Société VABEL ce 16 juillet 2019. Vous êtes donc le seul responsable de cette soustraction. Une mise à pied conservatoire vous a alors été notifiée sur le champ en présence de Maître [T] [G] dont vous avez refusé de signer le récépissé. Je tiens à vous préciser que ce n'est pas la première fois que je constate une telle différence entre la valeur des pièces contenue au sein des distributeurs et celle rapportée par vos soins au siège social de la société. La semaine précédente, j'avais en effet constaté ces anomalies et avait moi même relevé une différence entre le nombre de pièces insérées et le nombre de pièces que vous aviez rapportées, ce qui m'a conduit à recourir à un Huissier de justice afin de constater officiellement les écarts de caisse dont vous êtes à l'origine.
Il y a quelque temps, vous avez d'ailleurs été aperçu à [Localité 1] sur le bord d'une route à ouvrir les sacs de monnaie provenant de nos clients. Vous avez alors prétexté faire de la monnaie pour un client. Vous conviendrez que ce comportement était pour le moins douteux.
En conséquence et pour l'ensemble de ces motifs et compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère totalement impossible, y compris pendant le temps du préavis'. »
Contestant la légitimité de son licenciement, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Quentin, qui, par jugement du 13 juin 2022 a :
- requalifié le licenciement de M. [J] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné en conséquence la société à lui régler les sommes de :
- 18 883,40 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 4 185,20 euros à titre d'indemnité de préavis outre 418,50 euros au titre des congés payés sur préavis,
- 2 092,60 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement déloyal et vexatoire,
- 2 690,50 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied outre 269,05 euros au titre des congés payés afférents,
- 123,40 euros au titre des intérêts légaux sur le rappel de paiement de congés payés,
- 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné la remise des documents sociaux (bulletin de paie de juillet août 2019, attestation pôle emploi et solde de tout compte) sous astreinte 30 euros par jour et par document à compter du 15e jour après le prononcé du jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,
- ordonné à la société le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement dans la limite de neuf mois de salaire,
- débouté la société de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la société aux dépens.
La SARL SAD services aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 16 mars 2023, demande à la cour de :
- La déclarer recevable et bien fondée en ses fins, moyens et prétentions,
- Infirmer en toutes ses dispositions, le jugement,
- Dire que le licenciement de M. [J] repose sur une cause réelle et sérieuse relevant de la qualification de fautes graves,
- Condamner M. [J] à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation des préjudices qu'il a causés dans le cadre de l'exécution de son contrat,
- Condamner M. [J] à lui verser à la société la somme de 2 813 euros, TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,
- Débouter M. [J] de sa demande reconventionnelle.
M. [J], par conclusions notifiées le 16 janvier 2023, demande à la cour de :
- le dire recevable et bien fondé en ses demandes,
- dire la société irrecevable et en tout cas mal fondée en l'ensemble de ses demandes et l'en débouter purement et simplement,
En conséquence,
- la condamner à lui payer, sur la base d'un salaire moyen de 2 092,60 euros, les sommes suivantes :
-18 833,40 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul sans cause réelle et sérieuse,
- 4 185,20 euros au titre de l'indemnité de préavis et 418,52 euros au titre des congés payés sur préavis,
- 2 092,60 euros au titre d'un licenciement prononcé dans des conditions déloyales et vexatoires,
- 2 690,50 euros au titre de l'absence de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire du 16 juillet au 21 août 2019 et 269,05 euros au titre des congés payés afférents,
- 5 529,70 euros au titre des indemnités du reliquat des 54,5 jours de congés payés,
- 123,40 euros au titre de dommages intérêts légaux sur congés payés,
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- 1 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés à l'occasion de l'instance d'appel,
« Sur l'attribution d'éventuels autres moyens tels que des dommage-intérêts, la cour, dans sa sagacité, pourra, en application de l'article 12 du code de procédure civile, prendre sa décision sur la base de moyens de qualifications juridiques différents et, ainsi, suppléer aux éventuelles carences du présent exposant »,
- la remise des documents sociaux sous astreinte de 30 euros par jour, bulletins de paie juillet/août 2019, attestation Pôle emploi, reçu solde de tout compte, documents réédités et corrigés.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS :
1/ Sur le bien fondé du licenciement :
M. [J] soutient notamment que la mise à pied ne lui ayant pas été notifiée concomitamment à l'engagement de la procédure de licenciement doit s'analyser comme une mise à pied disciplinaire de sorte que la société ne pouvait le licencier ultérieurement pour le même motif.
La société réplique que c'est sur les conseils des gendarmes auprès desquels elle a déposé plainte, qu'elle a retardé la mise en 'uvre de la procédure de licenciement mais que la durée de la mise à pied conservatoire était justifiée tant par les éléments intrinsèques à la société que les éléments extrinsèques à savoir l'enquête de la section de recherches de la gendarmerie de [Localité 1] dont faisait l'objet le salarié pour trafic de voitures de luxe et qui a donné lieu à sa condamnation par le tribunal correctionnel pour travail dissimulé.
Il convient à titre liminaire de relever que le salarié invoque indistinctement la nullité et le mal fondé de son licenciement et ne fait pas valoir de motif spécifique de nullité.
En application de l'article L. 1331-1 du code du travail : « Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».
La cour rappelle qu'un même fait ne peut être sanctionné deux fois par application de la règle non bis in idem. Ainsi, l'employeur qui sanctionne un salarié pour une faute commise par celui-ci épuise son pouvoir disciplinaire au regard de cette faute et un licenciement prononcé ensuite pour les mêmes faits fautifs est dépourvu de cause réelle et sérieuse
En application de ce principe, l'engagement de la procédure de licenciement doit être immédiate ou à tout le moins, concomitante au prononcé d'une mise à pied conservatoire.
Des tempéraments sont apportés à ces principes, lorsque le délai entre la notification de la mise à pied et la convocation à l'entretien préalable est justifié par la nécessité d'une information complémentaire de l'employeur sur les faits reprochés
En l'espèce, il est constant que l'employeur a notifié à M. [J] sa mise à pied le 16 juillet 2019 et qu'il n'a convoqué celui-ci à un entretien préalable au licenciement que le 1er août suivant.
L'enquête menée par la gendarmerie à la suite du dépôt de plainte de la société qui n'est d'ailleurs pas invoquée dans la lettre de licenciement et dont on sait qu'elle peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années, ne constitue pas un motif légitime de retardement de l'engagement de la procédure de licenciement.
Dès le 16 juillet 2019 et le procès-verbal de Me [G], la société disposait de tous les éléments nécessaires à l'engagement de la procédure qui repose sur ce constat et sur un témoignage qui lui est antérieur selon lequel M. [J] a été vu sur le bord de la route occupé à ouvrir les sacs de monnaie des clients. La société ne justifie pas avoir envisagé de mener d'autres investigations en son sein pour faire toute la lumière sur les agissements qu'elle reproche à M. [J] ou recueillir d'autres informations.
Il en résulte que compte tenu du délai écoulé entre la mise à pied et la convocation à un entretien préalable (15 jours), nonobstant sa qualification de mise à pied conservatoire, cette mise à pied constituait une sanction disciplinaire qui interdisait à l'employeur de prononcer une autre sanction ultérieurement.
Ce seul motif suffit à priver le licenciement de M. [J] de cause réelle et sérieuse, peu important que le grief soit ou non établi.
De plus, force est de constater que le fait que le commissaire de justice ne s'est pas fait remettre les sacoches de monnaie directement de la main du salarié le 16 juillet 2019 est de nature à créer un doute sur la responsabilité de ce dernier dans la disparition d'une partie de la recette.
Le licenciement étant injustifié, le salarié peut prétendre, non seulement aux indemnités de rupture mais également à des dommages et intérêts à raison de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.
Il convient de confirmer le jugement s'agissant du paiement de la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents ainsi que du préavis et des congés payés afférents, ces sommes justifiées dans leur principe n'étant pas spécifiquement critiquées dans leur quantum.
Justifiant d'une ancienneté supérieure à 10 ans, M. [J] peut prétendre à une indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, d'un montant compris entre 3 et 11 mois de salaire.
M. [J] invoque un préjudice « évident » mais ne justifie pas de sa situation professionnelle et financière postérieure à son éviction.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge et de son ancienneté dans l'entreprise, la cour limite à 6 280 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé également en ce qu'il a ordonné le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage compte tenu des effectifs de l'entreprise qui sont inférieurs à 11 salariés.
2/ Sur la demande de dommage-intérêts pour conditions déloyales et vexatoires du licenciement :
La société, pour solliciter l'infirmation du jugement de ce chef, fait valoir que M. [J] a effectivement commis les vols qui lui sont reprochés et que les circonstances de la mise à pied et du licenciement n'étaient pas de nature à porter atteinte à sa dignité.
Le salarié affirme que l'employeur l'a accusé à tort et a usé de man'uvres déloyales en s'appuyant sur le constat d'un commissaire de justice malhonnête et dépourvu de valeur probante ainsi que sur des attestations mensongères, ce dans le cadre d'un complot visant à l'évincer de l'entreprise pour faute grave et éviter ainsi un licenciement économique coûteux dans un contexte de difficultés économiques.
Il est certain qu'en général, être faussement accusé de vol est susceptible de constituer un préjudice distinct de la perte d'emploi indemnisée sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail.
Au cas particulier, le salarié invoque les difficultés économiques de l'entreprise comme mobile de son licenciement abusif or, la société rapporte la preuve de ce que, d'une part, par jugement du 27 juillet 2018, le tribunal de commerce a constaté l'exécution du plan de redressement judiciaire et, d'autre part, elle a embauché un apprenti fin août 2019 puis un approvisionneur et un technicien de maintenance postérieurement au licenciement de M. [J] ainsi qu'il résulte de la lecture du registre unique du personnel. Ces éléments démontrent la bonne santé économique de la société au moment du licenciement et privent de fondement l'argumentation de M. [J] laquelle ne repose d'ailleurs sur aucun fait précis mais sur de simples supputations.
Dans ces conditions, l'hypothèse d'une machination étant écartée, l'employeur pouvait légitimement invoquer le détournement d'une partie de la recette des distributeurs de la société Vabel au soutien de sa décision de licencier M. [J] en s'appuyant sur le constat d'un commissaire de justice selon lequel la somme de 46,80 euros avait disparu de la recette de deux distributeurs relevée par M. [J], constat dont les énonciations font foi jusqu'à preuve du contraire.
Ainsi, c'est à tort, en l'absence de brutalité dans la mise en 'uvre de la procédure de licenciement, que les premiers juges ont estimé que le licenciement de M. [J] revêtait un caractère vexatoire et ont condamné l'employeur de ce chef.
3/ Sur la demande de rappel de congés payés :
La société, pour s'opposer à cette demande, fait valoir que les congés payés auxquels le salarié avait droit mais qu'il n'a pas pris pendant la période de référence pertinente, sont perdus dans la mesure où elle ne l'a pas empêché de les prendre.
M. [J] soutient que 54,5 jours de congés payés ne lui ont pas été payés, qu'il existe un usage dans l'entreprise de report des congés payés d'années en années et qu'il incombait à l'employeur de planifier ses congés ce qui n'a jamais été fait.
Il réclame, outre la somme de 5 529,70 euros correspondant au reliquat de congés payés, les intérêts de la dette.
Les congés payés ayant pour objet de garantir aux salariés une période annuelle de repos, ni l'employeur ni le salarié ne peuvent en exiger le report sur l'année suivante, sauf à ce que tous deux soient d'accord sur ce point. Des mentions sur le bulletin de paye peuvent valoir accord de l'employeur. Ainsi la mention sur ce bulletin du solde des congés payés acquis au titre de la période antérieure à la période de référence en cours vaut bien accord de l'employeur de ce report.
Au cas d'espèce, sur les bulletins de paie figurent les congés payés de l'année N-1 ce qui confirme les allégations du salarié selon lesquels le report des congés d'une année sur l'autre était admis par l'employeur.
M. [J] est donc en droit de réclamer le paiement de la totalité des congés payés acquis et non pris au moment de son départ de l'entreprise pour un montant non spécifiquement contesté de 5529,70 euros, le jugement étant confirmé de ce chef.
Le salarié ne s'explique pas sur la somme de 123,40 euros qu'il réclame à titre de « dommages-intérêts légaux » à hauteur de cour.
Il y a donc lieu de dire que la somme de 5 529,70 euros porte intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau d'orientation et de conciliation du conseil de prud'hommes.
4/ Sur la demande reconventionnelle :
La société, estimant qu'il est évident que M. [J] « se servait dans les recettes des machines » de manière habituelle, estime, en se fondant sur une attestation de son expert-comptable, son préjudice à une somme comprise entre 6 000 et 8 000 euros et en sollicite l'indemnisation à hauteur de 8 000 euros.
En présence d'un doute né de l'insuffisance du constat du commissaire de justice sur le fait de vol du 16 juillet 2019 et de l'absence de preuve d'un détournement au long cours de la recette des distributeurs par M. [J], l'attestation de l'expert-comptable selon laquelle les recettes ont été supérieures de 28,06 % au deuxième semestre 2019 après la sortie des effectifs du salarié, de même que le passé pénal de ce dernier, ne pouvant en tenir lieu, cette demande ne pourra qu'être rejetée.
5/ Sur les autres demandes :
La société devra remettre à M. [J] les documents de fin de contrat conformes à la solution du présent arrêt, sans que la nécessité d'assortir cette obligation d'une astreinte apparaisse justifiée.
Chacune des parties succombant partiellement en appel, conservera la charge de ses dépens d'appel.
L'équité commande de laisser également à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles, les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, en ce qu'il a condamné la société SAD services au paiement d'une somme de 18 883,40 à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une somme de 123,40 euros au titre des intérêts légaux sur les congés payés et d'une somme à titre de dommage-intérêts pour licenciement déloyal et vexatoire, a ordonné le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. [J] et a assorti l'obligation de délivrance des documents de fin de contrat modifiés d'une astreinte,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société SAD services à payer à M. [X] [J] la somme de 6 280 euros à titre de dommage-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déboute M. [J] de ses demandes de dommage-intérêts pour licenciement déloyal et vexatoire et de « dommages intérêts légaux » sur les congés payés,
Dit que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau d'orientation et de conciliation du conseil de prud'hommes et que les créances de nature indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du jugement du conseil de prud'hommes,
Ordonne à la société SAD services de remettre à M. [J] les bulletins de paie de juillet à août 2019, l'attestation Pôle emploi et le solde de tout compte conformes au présent arrêt,
Rejette la demande d'astreinte,
Dit n'y avoir lieu d'ordonner le remboursement par la société SAD services des indemnités de chômage versées à M. [J],
Dit que chaque partie conserve la charge de ses dépens d'appel,
Rejette les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.