ARRET
N° 633
[M]
C/
URSAFF ILE DE FRANCE intervenant aux droits de LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PRÉVOYANCE ET D' ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V.)
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 27 JUIN 2023
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N° RG 21/02481 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDA4 - N° registre 1ère instance : 20/01149
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 09 avril 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [W] [M]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté et plaidant par Me Amandine BODDAËRT de la SELARL AUXIS AVOCATS, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0079
ET :
INTIMEE
URSSAF ILE DE FRANCE intervenant aux droits de LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PRÉVOYANCE ET D' ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V.) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée et plaidant par Me Gaelle DEFER, avaocat au barreau de BEAUVAIS, substituant Me Stéphanie PAILLER de la SELEURL CABINET STEPHANIE PAILLER AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l'audience publique du 13 Mars 2023 devant Monsieur Renaud DELOFFRE, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Juin 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Audrey VANHUSE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Monsieur Renaud DELOFFRE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Elisabeth WABLE, Président,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 27 Juin 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.
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DECISION
Monsieur [W] [M] a été affilié à la C.I.P.A.V. depuis le 01/04/1975 en qualité de métreur, conformément aux articles R. 641-1, 11°, du Code de la Sécurité Sociale et 1.3 des statuts de la C.I.P.A.V.
Après l'envoi d'une mise en demeure en date du 17/05/2016, la C.I.P.A.V lui a signifié le 28/11/2016 une contrainte d'un montant de 14.614,09 € représentant les cotisations (19.803 €), les majorations de retard (2.052,59 €) ; les acomptes (2.001,50 €) et les régularisations (5.240 €) dues pour la période du 01/01/2015 au 31/12/2015.
Monsieur [M] a formé opposition à cette contrainte au motif que les cotisations dues au titre de l'année 2015 seraient " strictement nulles ", qu'il n'aurait réalisé aucun bénéfice en 2015 et qu'il y aurait un " trop versé " lié à un plafonnement des cotisations de retraite complémentaire en classe C.
Par jugement en date du 9 avril 2021, le pôle social du TJ de Lille a décidé ce qui suit :
DIT Monsieur [W] [M] recevable en son opposition ;
ANNULE la contrainte ;
DIT Monsieur [W] [M] irrecevable et mal fondé en sa demande de remboursement d'une somme de 7 616 € ;
CONDAMNE la CIPAV aux entiers frais et dépens de l'instance ;
DEBOUTE la CIPAV de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la CIPAV à payer à Monsieur [M] la somme de 800 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
RAPPELLE que la présente décision est de droit exécutoire par provision ;
Appel de ce jugement a été interjeté par Monsieur [M] par courrier électronique de son avocate en date du 6 mai 2021.
Par conclusions reçues par le greffe le 6 mars 2023 et soutenues oralement par avocat, Monsieur [M] demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Dit Monsieur [M] recevable en son opposition
Annulé la contrainte
Condamné la CIPAV aux entiers frais et dépens de l'instance
Débouté la CIPAV de sa demande d'article 700 du Code de Procédure Civile
Condamné la CIPAV au paiement d'une somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Rappelé que la décision était exécutoire de droit par provision.
Le réformer pour le surplus et statuant à nouveau :
- Dire la demande reconventionnelle de Monsieur [M] recevable et bien fondée
- Condamner la CIPAV au paiement d'une somme de 8 830 € au bénéfice de Monsieur [M], outre intérêts à compter de sa saisine du pole social
La Condamner au paiement d'une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel outre les entiers frais et dépens.
Il fait en substance valoir que :
1° s'agissant de la recevabilité de sa demande en remboursement du trop versé.
L'obligation de saisir la commission de recours amiable ne s'applique pas aux procédures d'opposition à contrainte.
2° sur le bien-fondé de sa demande.
Il a effectué deux versements au titre de l'année 2015 ce qu'établissent ses pièces 5 et 12 et ce que reconnaît d'ailleurs la CIPAV qui prétend à tort les affecter aux cotisations 2014 alors qu'il les a expressément affectés au paiement des cotisations 2015.
Comme il n'était redevable d'aucune somme au titre de l'année 2015, il a trop-versé une somme de 8830 € que la CIPAV sera condamnée à lui rembourser.
Par conclusions enregistrées par le greffe à la date du 13 mars 2023, l'URSSAF venant en lieu et place de la CIPAV demande par avocat à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, débouter Monsieur [M] de l'ensemble de ses demandes, le condamner à lui régler la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et au paiement des frais de recouvrement conformément aux articles R.133-6 du Code de la sécurité sociale et 8 du décret du 12 décembre 1996.
Elle fait en substance valoir que :
1/ En ce qui concerne la contrainte.
Le montant de la cotisation définitive au titre du régime de base pour 2015 s'élève à 131 € laquelle a été réglée.
S'agissant de la retraite complémentaire, il est du 1214 € pour 2015 par le cotisant.
2/ Sur l'irrecevabilité de la demande de remboursement de l'indu en l'absence de saisine préalable de la CRA et de contestation d'une décision de CRA.
Monsieur [M] ayant saisi directement le Tribunal d'une demande de remboursement du trop-perçu sans saisine préalable de la CRA son recours sera déclaré irrecevable.
Si la Cour estimait la demande de remboursement recevable, les deux paiements allégués par Monsieur [M] à hauteur de 8830 € ont bien été réceptionnés par la CIPAV mais ils ont été imputés à des cotisations antérieures, soit au titre de l'année 2014.
Au titre des cotisations 2014, il reste dû par Monsieur [M] de la somme de 1949,50 €.
Si la contrainte délivrée pour 2014 a été annulée pour un motif de forme et que le recouvrement forcé est prescrit cela n'a pas d'incidence sur l'existence de la créance. C'est donc à bon droit que la CIPAV est créditrice de cotisations relatives à l'année 2015 et il n'existe aucun trop perçu.
A titre infiniment subsidiaire, il conviendrait de déduire des 8830 € réclamés le montant des cotisations 2015 soit 8830 €- 1793 = 6037 €.
3/ sur la situation comptable.
Le tableau de la situation comptable pour l'exercice 2015 fait apparaître qu'il était dû au titre de la retraite de base pour 2015 472 € au titre de la tranche 1 et 107 € au titre de la tranche 2 et 1214 € au titre de la retraite complémentaire classe A 1214 € et qu'il reste du 0 € au titre des cotisations de retard et des majorations de retard recalculées.
MOTIFS DE L'ARRET.
SUR LES DISPOSITIONS DU JUGEMENT DEFERE ANNULANT LA CONTRAINTE LITIGIEUSE.
Attendu que les dispositions du jugement déféré annulant la contrainte litigieuse ne sont pas contestées, les parties concluant toutes deux à leur confirmation .
Que le jugement doit donc être confirmé de ce chef.
SUR LA DEMANDE DE MONSIEUR [M] EN REMBOURSEMENT D'UN INDU DE 8830 €.
Attendu qu'il résulte des énonciations du jugement déféré que la demande reconventionnelle de Monsieur [M] en condamnation de la CIPAV à lui rembourser la somme de 8830 € a été présentée par lui à l'audience de plaidoiries du 9 février 2021 du Tribunal judiciaire de Lille.
Attendu qu'à cette date étaient applicables les dispositions de l'article R.142-1 du Code de la sécurité sociale prévoyant dans ses rédactions successives et notamment celle résultant du décret du 29 octobre 2018 en vigueur le 1er janvier 2019 que les réclamations portées devant les juridictions du contentieux général contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole sont soumises, préalablement à la saisine de la juridiction, à la commission de recours amiable de l'organisme.
Qu'il résulte de ce texte que, sauf exception applicable notamment en matière d'engagement de la responsabilité des organismes sociaux ou de pénalités financières prononcées par ces derniers (en ce sens s'agissant de l'engagement de la responsabilité des organismes 2e Civ., 20 juin 2019, pourvoi n° 16-10.043 ; 3 février 2011, n° 10-10.357, Bull. 2011, II, n° 27 et s'agissant des pénalités financières 2e Civ., 10 novembre 2022, pourvoi n° 21-12.759), le Tribunal judiciaire ne peut être saisi que d'une contestation dirigée contre une décision d'une caisse après saisine de la commission de recours amiable de l'organisme et que les prescriptions qu'il prévoit s'appliquent, sous peine d'irrecevabilité de la saisine du Tribunal, lorsque ce dernier est saisi d'une action en répétition de l'indu contre un organisme de sécurité sociale.
Attendu qu'en l'espèce, l'action en répétition de l'indu engagée par Monsieur [M] par voie de demande reconventionnelle n'est pas dirigée contre une décision prise par la CIPAV et n'a au surplus pas été précédée d'une saisine de la commission de recours amiable de l'organisme.
Que le moyen de Monsieur [M] selon lequel son action ne saurait être déclarée irrecevable au motif que l'obligation de saisir la commission de recours amiable ne s'applique pas aux procédures d'opposition à contrainte manque en droit dans la mesure où la fin de non-recevoir de l'URSSAF n'est pas opposée à son opposition à contrainte mais à sa demande reconventionnelle en répétition d'un indu de cotisations.
Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ses dispositions déclarant Monsieur [M] irrecevable en sa demande de remboursement sauf à dire que cette irrecevabilité porte sur la somme de 8830 € à laquelle l'intéressé a porté sa demande en cause d'appel.
Attendu qu'une juridiction décidant qu'une demande dont elle est saisie est irrecevable , excède ses pouvoirs en statuant ensuite au fond de ce chef (en ce sens notamment 1re Civ., 9 novembre 2004, pourvoi n° 00-19.318, Bull., 2004, I, n° 251 1re Civ., 14 octobre 2010, pourvoi n° 08-20.6422e Civ., 22 mai 2014, pourvoi n° 13-18.208).
Attendu que les premiers juges, après avoir dit la demande de Monsieur [M] irrecevable, l'ayant dit mal fondée, il convient de réformer le jugement de ce chef pour excès de pouvoir.
SUR LA DEMANDE DE L'URSSAF EN CONDAMNATION DE MONSIEUR [M] AUX FRAIS DE RECOUVREMENT CONFORMEMENT AUX ARTICLES R.133-6 DU CODE DE LA SECURITE SOCIALE ET 8 DU DECRET DU 12 DECEMBRE 1996.
Attendu que l'URSSAF sollicite la condamnation de Monsieur [M] au paiement des frais de recouvrement conformément aux articles R.133-6 du code de la sécurité sociale et 8 du décret du 12 décembre 1996.
Que la contrainte étant annulée, il s'ensuit que l'opposition de Monsieur [M] à cette contrainte était justifiée ce dont il résulte qu'il n'y a pas lieu de mettre à sa charge les frais de sa signification, comme le sollicite l'URSSAF.
Qu'ensuite l'article 8 du décret du 12 décembre 1996 a été abrogé par l'article 10 ( V ) du Décret n°2016-230 du 26 février 2016 .
Qu'il convient donc de débouter l'URSSAF de sa demande au titre des frais de recouvrement.
SUR LES DEPENS ET LES PRETENTIONS RESPECTIVES AU TITRE DES FRAIS NON REPETIBLES.
Attendu que les parties succombent toutes deux partiellement en leurs prétentions respectives puisqu'il a été fait droit à la demande d'annulation de la contrainte présentée par Monsieur [M] tandis que ce dernier voit déclarer irrecevable sa demande en répétition de l'indu.
Que compte tenu de la solution du litige il convient de confirmer les dispositions du jugement déféré au titre des dépens et des frais non-répétibles et de condamner Monsieur [M] aux dépens d'appel en déboutant les parties de leurs prétentions respectives en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS.
La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celles disant Monsieur [M] mal-fondé en sa demande de remboursement d'une somme de 7616 € qu'il convient d'annuler pour excès de pouvoir et sauf à dire que l'irrecevabilité de la demande de Monsieur [M] au titre de la répétition de l'indu porte sur la somme de 8830 € à laquelle il a porté sa demande en cause d'appel.
Et ajoutant au jugement déféré,
Déboute l'URSSAF ILE DE France de sa demande en condamnation de monsieur [M] aux frais de recouvrement sur le fondement des articles R.133-6 du code de la sécurité sociale et 8 du décret du 12 décembre 1996.
Déboute les parties de leurs prétentions respectives en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et condamne Monsieur [W] [M] aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,