ARRET
N° 623
S.A.S. [8]
C/
[T]
CPAM DE L'OISE
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 26 JUIN 2023
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N° RG 21/02916 - N° Portalis DBV4-V-B7F-ID3X - N° registre 1ère instance : 18/01412
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE AMIENS EN DATE DU 22 avril 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. [8] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]/FRANCE
Représentée et plaidant par Me Emmanuelle LEVET, avocat au barreau de PARIS substituant Me Franck DREMAUX de la SELARL SELARL PRK & Associes, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0312
ET :
INTIMES
Monsieur [Z] [T]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté et plaidant par Me Barbara VRILLAC, avocat au barreau de SENLIS
CPAM DE L'OISE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée et plaidant par Mme [M] [W] dûment mandatée
DEBATS :
A l'audience publique du 27 Février 2023 devant Mme Elisabeth WABLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Juin 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Estelle CHAPON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Elisabeth WABLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Elisabeth WABLE, Président,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 26 Juin 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement rendu le 22 avril 2021 par lequel le pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais, statuant dans le litige opposant Monsieur [V] [T] à la société [8] SAS, a:
- déclaré irrecevable la demande de la société [8] SAS venant aux droits de la société [9] en inopposabilité de la décision de prise en charge par la CPAM de l'Oise de la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [V] [T] ,
- dit que la maladie professionnelle constatée médicalement le 31 août 2015 est imputable à la faute inexcusable de la société [8] SAS venant aux droits de la société [9]
- fixé au maximum légal la majoration de l'indemnité en capital servie à Monsieur [V] [T] , qui devra suivre l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle fixé à 5%,
- ordonné une expertise médicale clinique confiée au docteur [K] [X] avant dire droit sur la liquidation des préjudices de Monsieur [V] [T], avec mission reprise au dispositif , ce, aux frais avancés de la CPAM de l'Oise,
- dit que l'intégralité des conséquences financières de la faute inexcusable sera supportée par la société [8] SAS venant aux droits de la société [9]
- fixé à la somme de 5000 euros l'indemnité provisionnelle due à Monsieur [V] [T] à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,
- dit que la CPAM de l'Oise versera directement à Monsieur [V] [T] les sommes dues au titre de la majoration de l'indemnité en capital , de l'indemnité provisionnelle, ainsi que de toute somme qui pourrait lui être due au titre de l'indemnisation complémentaire à venir,
- dit que la CPAM de l'Oise pourra recouvrer auprès de la société [8] SAS venant aux droits de la société [9] les frais d'expertise dont elle aura fait l'avance, le montant de l'ensemble des indemnisations accordées à Monsieur [V] [T] ainsi que les sommes qu'elle lui aura versées au titre de la majoration de l'indemnité en capital,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- réservé les demandes formées au titre de l'article 700 du code de rocédure civile et les dépens,,
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 25 novembre 2021,
Vu la notification du jugement le 7 mai 2021 à la société [8] SAS et l'appel relevé par celle-ci le 3 juin 2021,
Vu les conclusins régulièrement soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la société [8] SAS prie la cour de:
à titre principal, sur l'absence de caractère professionnel de la maladie:
- dire et juger que la preuve de l'exposition au risque n'a pas été rapportée par Monsieur [V] [T] ,
- dire et juger que la société [8] SAS n'est pas l'employeur ayant ou susceptible d'avoir exposé au risque,
- dire et juger que les conditions du tableau 30 des maladies professionnelles n'étaient pas réunies,
en conséquence,
- débouter Monsieur [V] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire,
sur la faute inexcusable alléguée,
- dire et juger que la société [8] SAS n'est pas l'employeur susceptible d'avoir exposé Monsieur [V] [T] au risque amiante
- dire et juger que la société [8] SAS elle-même n'a jamais exposé Monsieur [V] [T] au risque amiante
en conséquence,
- débouter Monsieur [V] [T] de l'ensemble de ses demandes , fins et concluions dirigées contre la société [8] SAS ,
- dire et juger en toute hypothèse que Monsieur [V] [T] ne rapporte pas la preuve de la faute inexcusable alléguée de la société [8],
en conséquence,
- débouter Monsieur [V] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
à titre très subsidiaire:les demandes d'indemnisation:
- si par impossible la cour devait retenir l'existence d'une faute inexcusable,
- ordonner une expertise aux fins d'évaluer les préjudices personnels de Monsieur [V] [T]
- débouter Monsieur [V] [T] de sa demande de provision,
dans tous les cas,
- débouter l'ensemble des parties de l'ensemble de ses demandes , fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées contre la société [8] SAS,
- débouter Monsieur [V] [T] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions régulièrement soutenues à l'audience, par lesquelles Monsieur [V] [T] prie lacour de:
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- condamner la société [8] SAS venant aux droits de la société [9] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société [8] SAS venant aux droits de la société [9] aux frais irrépétibles et entiers dépens de la présente instance,
Vu les conclusins visées le 27 février 2023, soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la CPAM de l'Oise prie lacour de:
sur le bien fondé de ladécision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [V] [T]
- confirmer le jugement déféré,
par voie de conséquence,
- débouter la société [8],
sur la demande en reconnaissance de faute inexcusable,
- donner acte à la caisse de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le bien fondé de la demande en reconnaissance de faute inexcusable, étant précisé que cette reconnaissance de faute inexcusable ne pourra intervenir qu'après constatation par la cour de céans du caractère professionnel de la pathologie de Monsieur [V] [T],
en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur,
- confirmer le jugement déféré,
par voie de conséquence,
-débouter Monsieur [V] [T], de sa demande de majoration de rente,
- débouter la société [8], de l'ensemble de ses demandes,
sur l'article 700 du code de procédure civile,
- donner acte à l'organisme concluant de ce qu'il s'en rapporte à justice sur l'article 700 du code de procédure civile
- débouter la société [8], de l'ensemble de ses demandes,
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SUR CE LA COUR,
La CPAM de l'Oise a été destinataire d'une déclaration de maladie pofessionnelle effectuée le 31 août 2015 par Monsieur [V] [T], salarié de la société [7] devenue [9] , pour des plaques pleurales.
Le certificat médical initial en date du 31 août 2015, accompagnant cette déclaration , a constaté la présence de plaques pleurales.
Après enquête et par courrier en date du 8 décembre 2015, la CPAM a notifié à la société [9], une décision de prise en charge de la maladie déclarée au titre du tableau n°30 des maladies professionnelles: affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante.
Monsieur [V] [T] a par la suite engagé une action en reconnissance de faute inexcusable à l'encontre de son employeur,la société [8] , venant aux droits de la société [7].
Après échec de procédure de conciliation et par jugement dont appel, le pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais a statué comme indiqué précédemment.
La société [8] SAS venant aux droits de la société [9] conclut à l'infirmation du jugement déféré et au rejet de l'ensemble des prétentions de Monsieur [V] [T].
Elle conteste en premier lieu le caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [V] [T], au motif que les pièces médicales versées ne démontrent pas l'exposition alléguée au risque visé au tableau 30 B , que l'agent enquêteur n'a fait que reprendre les doléances de Monsieur [V] [T], et que la fiche colloque médico-administratif n'a pas de valeur probatoire.
Elle indique qu'il n'est pas prouvé qu'un examen tomodensitométrique aurait été réalisé s'agissant des plaques pleurales , et que la maladie de Monsieur [V] [T], ne correspond pas à celle désignée au tableau.
Elle soutient en outre que la condition tenant au délai de prise en charge de 40 ans n'est pas satisfaite, dès lors que l'interessé n'a pas été exposé au risque en son sein et que la preuve d'une exposition à l'amiante n'est pas selon elle rapportée.
Elle ajoute que Monsieur [V] [T] n'a effectué aucun travail visé au tableau.
La société [8] SAS venant aux droits de la société [9] conteste par ailleur toute faute inexcusable qui lui serait imputable.
Elle fait valoir que les allégations des collègues de travail de Monsieur [V] [T] quant à la présence d'amiante ne sont pas probantes, car ne reposant sur aucun élément vérifiable, et que le fait qu'une société soit inscrite sur la liste des entreprises ouvrant droit à la cessation anticipée d'activité ne prouve pas qu'un salarié en particulier aurait été personnellement exposé à l'amiante.
Elle conteste toute conscience du danger par l'employeur , comme l'absence de mesures propres à préserver la santé de Monsieur [V] [T].
A titre très subsidiaire, la société [8] SAS venant aux droits de la société [9] conclut à la mise en oeuvre d'une expertise médicale et au rejet de toute provision en faveur de Monsieur [V] [T], estimant celle-ci injustifiée.
Monsieur [V] [T] conclut à la confirmation du jugement déféré.
Il expose que l'activité de son employeur est l'usinage et le montage de systèmes de freinage, que certains composants de ces systèmes , notammant les plaquette,s étaient constitués en partie d'amiante, que concernant le site de [Localité 6] où il travaillait , il devait rectifier certaines plaquettes ou retirer la marque d'origine, cette opération nécessitant un abrasage de la partie métallique ou un effacement par produit chimique qui créait un frottement de la partie amiantée sur les plans de travail.
Il indique que l'enquête administrative a montré qu'il avait été exposé à de nombreuses reprises à l'amiante en raison de travaux de meulage de plaquettes de freins composées d'amiante agglomérée , ainsi qu'en raison de ses déplacements dans les divers bâtiments et ateliers de la société, et qu'il a manipulé de l'amiante pendant toute sa période d'activité lorsqu'il travaillait pour son employeur.
Il soutient que le travail qu'il a ainsi exercé pendant plus de 30 ans dans l'établissement repris par la société [8] entre parfaitement dans les activités du tableau n°30, et que les différentes conditions de ce tableau sont réunies en l'espèce, s'agissant tant de l'affection diagnostiquée que du délai d'exposition et des travaux effectués.
Monsieur [V] [T] observe par ailleurs que si son site d'activité à [Localité 6] a connu plusieurs enseignes, la reprise du contrat de travail par la société à partir du 6 mai 1976 engage une reprise de son ancienneté et la responsabilité des employeurs successifs sur cette période.
Il considère que le manquement à l'obligation de sécurité de son employeur ne peut ainsi qu'être imputé à la société [8] SAS , en raison de la reprise intégrale de son contrat de travail, et de ses conditions de travail.
Il estime que la société [8], compte tenu de son ancienneté , de sa renommée et de son activité, avait nécessairement conscience du danger auquel il était exposé du fait de l'existence même d'un tableau de maladie professionnelle , de la réglementation existante en matière d'amiante et de la connaissance de la dangerosité de l'amiante au moment où il travaillait.
Il souligne par ailleurs que les différentes attestations produites aux débats , émanant d'anciens collègues , montrent qu'il était en contact permanent avec l'amiante ,dépourvu de dispositif de protection individuelle adapté , et ajoute que les sociétés exploitant le site de [Localité 6] ont été inscrites sur la liste des établisssements ouvrant droit à l'Allocation de Cessation Anticipée d'Activité des Travailleurs de l'Amiante pour la période de 1970 à 1996.
S'agissant des conséquences financières de la faute inexcusable, Monsieur [V] [T] sollicite une majoration de rente au maximum, et la mise en oeuvre d'une expertise avant dire droit sur la liquidation de ses préjudices.
La CPAM de l'Oise conclut à la confirmation du jugement déféré s'agissant de la prise en charge de la maladie déclarée par Monsieur [V] [T] au titre de la légslation sur les risques professionnels.
Elle fait valoir que Monsieur [V] [T] est atteint de la pathologie inscrite au tableau n°30 des maladies professionnelles, à savoir des « plaques pleurales », tel que cela résulte notamment du certificat médical initial et de l'avis du médecin consei.
Elle oppose qu'il ne peut lui être reproché de ne pas verser aux débats les éléments de diagnostic couverts par le secret médical et que la date retenue de première constatation médicale est celle de réalisation du scanner, de sorte que la désignation de la pathologie correspond à celle visée au tableau.
Elle observe que le tableau n°30 des maladies professionnelles ne prévoit aucune durée d'exposition s'agissant des plaques pleurales, et que le délai de 40 ans entre le dernier jour de travail et la date de première constatation médicale est parfaitement respecté.
Elle souligne enfin que Monsieur [V] [T] était affecté à la fabrication de plaquettes de freins, que cette activité est inscrite sur la liste indicative des travaux figurant au tableau n°30, et que sur sa période d'activité , l'amiante était particulièrement utilisée dans la fabrication des freins.
Elle ajoute que l'enquête effectuée par ses services démontre que toutes les conditions du tableau 30 ont réunies, et que l'ensemble de la carrière professionnelle de Monsieur [V] [T] peut être prise en compte contrairement à ce que soutient l'employeur.
La CPAM de l'Oise s'en rapporte par ailleurs à justice s'agissant de la faute inexcusable alléguée à l'encontre de l'employeur, précisant qu'une éventuelle reconnaissance de cette faute ne peut intervenir qu'apès constatation du caractère professionnel de la pathologie.
Elle sollicite , dans l'hypothèse d'une confirmation de la reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur, que le jugement déféré soit confirmé quant à la majoration de l'indemnité en capital et le rejet de la demande de majoration de rente formulée par Monsieur [V] [T].
S'agissant de la provision sollicitée par ce dernier, elle fait valoir que la somme de 10000 euros est disproportionnée par rapport au taux d'incapacité permanente de 5% et conclut à la confirmation d'un allocation de provision à hauteur de 5000 euros.
Elle sollicite par ailleurs la confirmation du jugement du chef de l'expertise ordonnée et du chef du bénéfice de son action récursoire.
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Il convient à titre liminaire de constater que la société [8] SASne maintient pas en appel sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge, déclarée irrecevable par les premiers juges.
*Sur le caractère professionnel de la maladie déclarée:
L'employeur peut soutenir , en défense à l'action en reconnaissance de la la faute inexcusable que l'accident ou la maladie déclarés n' pas d'origine professionnelle.
Aux termes de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Ainsi, sont présumées maladies professionnelles, sans que la victime ait à prouver le lien de causalité entre son affection et son travail, les maladies inscrites et définies aux tableaux prévus par les articles L.461-2 et R.461-3 du Code de la Sécurité Sociale et ce, dès lors qu'il a été établi que le salarié qui en est atteint a été exposé de façon habituelle au cours de son activité professionnelle, à l'action d'agents nocifs.
A partir de la date à laquelle un travailleur a cessé d'être exposé à l'action des agents nocifs inscrits aux tableaux susmentionnés, la caisse ne prend en charge la maladie que si la première constatation médicale intervient pendant le délai fixé à chaque tableau.
Il appartient à l'employeur qui entend contester le caractère professionnel de la maladie de combattre la présomption par la production d'éléments probants.
S'agissant du tableau n°30 B des maladies professionnelles, sont visées au titre des pathologies les lésions pleurales bénignes avec ou sans modification des explorations fonctionnelles respiratoires: les plaques calcifiées ou non péricardiques ou pleurales, unilatérales ou bilatérales, lorsqu'elles sont confirmées par un examen tomodensitométrique.
Le tableau fixe un délai de prise en charge de 40 ans, ainsi qu' une liste indicative des principaux travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante et susceptibles de provoquer ces maladies.
Il résulte en l'espèce du certificat médical initial en date du 31 août 2015 que Monsieur [V] [T] est atteint de plaques pleurales dorsales.
La fiche colloqe médico administratif produite aux débats indique que le médecin conseil a expressément émis son accord quant à la prise en charge de « plaques pleurales » affectant l'interessé, celui-ci ayant précisé que le diagnostic avait été objectivé par un scanner.
Ces éléments , à défaut d'élément contraire, sont suffsants à établir que la condition tenant à la désignation de la maladie est remplie, étant précisé qu'il ne peut utilement être reproché à l'organisme social de ne pas verser aux débats les éléments de diagnostic couverts par le secret médical.
Par ailleurs, le tableau concernat la pathologie litigieuse ne prévoit pas de durée d'exposition.
S'agissant du délai de prise en charge, il ressort des pièces produites que le dernier jour de travail de Monsieur [V] [T] était le 31 mars 2003, tandis que la date de première constatation médicale est le 23 juillet 2015, date de réalisation d'un scanner , au vu du colloque médico-administratif.
Par suite, le délai de quarante ans entre le dernier jour de travail et la date de première constatation médicale est respecté.
S'agissant de l'exposition à l'amiante, , il ressort du certificat de travail établi le 31 mars 2003 , produit aux débats, que Monsieur [V] [T] a été employé de 1970 à 2003 par la société devenue [9] en son usine de [Localité 6], société spécialisée dans la fabrication de moteurs et turbines.
Il y a occupé les postes de régleur, technicien d'atelier, d'agent de production et d'assistant technique de production.
La société [9], établissement de [Localité 6], a été inscrite sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travalleurs de l'amiante pour la période de 1972 à 1996 suivant arrêté du 1 er août 2001.
L'enquête administrative effectuée par les services de la CPAM montre que Monsieur [V] [T] effectuait notamment des travaux de meulage de plaquettes de freins composées d'amiante agglomérée.
Il y est mentionné qu'il y avait de la poussière volatile dans les ateliers , que les bleus de travail étaient imprégnées de particules d'amiante notamment, et que Monsieur [V] [T], du fait de ses déplacements dans tous les bâtiments et ateliers au long de sa carrière a en outre été exposé de manière « environnementale » à l'inhalation de poussières d'amiante.
Le témoignage de Monsieur [O], secrétaire de la commission « amélioration des conditions de travail » et élu CHSCT au cours de la période litigieuses , confirme l'exposition des salariés de la société à l'amiante et l'absence de mesures de protection individuelle et collective mises en oeuvre.
En considération de l'ensemble de ces éléments, l'exposition au risque de Monsieur [V] [T] est établie contrairement à ce que soutient l'employeur.
Le caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [V] [T] est ainsi établi et la contestation opposée de ce chef par la société sera rejetée.
* Sur la preuve de la faute inexcusable alléguée:
Aux termes de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants-droit ont droit à une indemnisation complémentaire.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié , l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article précité, lorsque l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie reconnue d'origine professionnelle, dès lors qu' il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.
.Il appartient au salarié de rapporter la preuve d'une faute inexcusable imputable à son employeur
L'article L 4121-1 du code du travail dispose en outre que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, que ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés, et que l'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
En vertu de l'article R 4321-4 du même code, l'employeur met à la disposition des travailleurs, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés et, lorsque le caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux l'exige, les vêtements de travail appropriés; il veille à leur utilisation effective.
En l'espèce, il a été retenu précédemment que Monsieur [V] [T] avait été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante au sein de la société devenue [9].
Contrairement à ce que prétend la société, celle-ci, de par son activité et son importance, avait ou devait avoir conscience du danger encouru par Monsieur [V] [T] en lien avec l'exposition à l'amiante.
Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la société était dès 1977 en effet, au même titre que tout entrepreneur avisé ayant indirectement recours à l'amiante, tenue à une obligation de vigilance et de prudence dans l'utilisation de ce matériau pour avoir connaissance notamment de l'existence d'un tableau de maladie professionnelle relatif aux risques de l'amiante.
Par ailleurs , au vu de l'enquête administrative effectuée et de l'audition de Monsieur [O] précitée, il est établi qu'aucune mesure de protection individuelle de nature à prémunir Monsieur [V] [T] de ce danger , ni information à ce titre n'avaient été mises en oeuvre par la société.
Les conditions de la faute inexcusable sont ainsi réunies.
En conséquence et par confirmation de la décision déférée, la cour dit que la maladie professionnelle dont Monsieur [V] [T] est atteint est imputable à la faute inexcusable de la société [8] SAS venant aux droits de la société [9].
*Sur les conséquences de la faute inexcusable:
C'est à juste raison, au regard des dispositions de l'article L452-2 du code , que les premiers juges ont dit qu'il convenait de fixer à son maximum la majoration de l'indemnité en capital servie à Monsieur [V] [T] et que celle-ci suivrait l'évolution de son taux d'IPP en l'état fixé à 5%.
La décision déférée sera confirmée de ce chef, et la demande de majoration de rente formée par Monsieur [V] [T] rejetée.
La décision déférée sera également confirmée, au vu des pièces médicales versées, en ce qu'elle a ordonné une expertise avant dire droit sur l'évaluation des préjudices personnels de Monsieur [V] [T], aux frais avancés de la CPAM, et alloué une provision de 5000 euros à celui-ci.
Elle sera également confirmée en ce qu'elle a dit , au regard des dispoitions des articles L 452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale, que la CPAM de l'OISE bénéficiera de son action récursoire à l'encontre de la société [8] SAS s'agissant de l'ensemble des sommes avancées par elle à Monsieur [V] [T].
*Sur l'article 700 du code de procédure civile:
Les premiers juges fait une juste appréciation des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [V] [T] l'ensemble des frais irrépétibles exposés en appel.
La société [8] SAS sera condamnée à lui verser une somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
*Sur les dépens:
Le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 (article 11) ayant abrogé l'article R.144-10 alinéa 1 du code de la sécurité sociale qui disposait que la procédure était gratuite et sans frais, il y a lieu de mettre les dépens de la procédure d'appel à la charge de la partie perdante , conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME la décision déférée dans toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
DEBOUTE les parties de leurs demandes contraires au présent arrêt ,
CONDAMNE la société [8] SAS aux dépens
CONDAMNE la société [8] SAS à payer à Monsieur [V] [T] une somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Le Greffier, Le Président,