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13/06/2023 | FRANCE | N°22/01420

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre baux ruraux, 13 juin 2023, 22/01420


ARRET







[L]

[E]





C/



[V]







CV





COUR D'APPEL D'AMIENS



Chambre BAUX RURAUX



ARRET DU 13 JUIN 2023



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N° RG 22/01420 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IMPL



JUGEMENT DU TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 24 FÉVRIER 2022





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTS





Mo

nsieur [C] [L]

[Adresse 8]

[Localité 6]





Représenté par Me Amaury BERTHELOT de la SCP PINCHON-CACHEUX-BERTHELOT, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN





Madame [I] [E] épouse [L]

[Adresse 8]

[Localité 6]





Représentée par Me Amaury BERTHELOT de la SCP PINC...

ARRET

[L]

[E]

C/

[V]

CV

COUR D'APPEL D'AMIENS

Chambre BAUX RURAUX

ARRET DU 13 JUIN 2023

*************************************************************

N° RG 22/01420 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IMPL

JUGEMENT DU TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 24 FÉVRIER 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS

Monsieur [C] [L]

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représenté par Me Amaury BERTHELOT de la SCP PINCHON-CACHEUX-BERTHELOT, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

Madame [I] [E] épouse [L]

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par Me Amaury BERTHELOT de la SCP PINCHON-CACHEUX-BERTHELOT, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

ET :

INTIME

Monsieur [P] [J] [K] [V]

[Adresse 10]

[Localité 1]

Représenté par Me Laurent JANOCKA de la SELARL LAURENT JANOCKA, avocat au barreau D'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 11 Avril 2023 devant Mme Cybèle VANNIER, Conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 Juin 2023.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Cybèle VANNIER en a rendu compte à la Cour composée en outre de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 13 Juin 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

*

* *

DECISION

Par acte authentique en date du 4 janvier 1985, M.[C] [L] et Mme [I] [E] épouse [L] ont consenti un bail rural d'une durée de 12 ans à compter du 11 novembre 1983 pour se terminer le 11 novembre 1995 à M.[Y] [V] et à son épouse Mme [H] [R] sur les parcelles suivantes , situées commune de [Localité 11] (02 ):

-ZM n° [Cadastre 7] 1 ha 52 a 90 a

-ZM n°[Cadastre 9] 2 ha 33 a 80 ca

-ZM n° [Cadastre 3] 10 ha 19 a 80 ca .

En accord avec les bailleurs, ce bail a été cédé par acte sous seing privé le 22 octobre 1998 à M.[P] [V] ainsi qu'à son épouse, Mme [B] [X].

Suite à des opérations de division cadastrale, la parcelle ZM n°[Cadastre 7] a donné naissance à deux parcelles cadastrées ZM n°[Cadastre 4] pour une surface de 46 a 81 ca et ZM n°[Cadastre 5] pour une superficie de 1 ha 06 a 26 ca .

Par lettre en recommandé avec accusé de réception en date du 25 mars 2021 , M.[P] [V] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint Quentin d'une demande d'autorisation de cession de bail à son fils [T] [V] .

Les parties n'ont pu se concilier .

Par jugement en date du 24 février 2022 , le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint Quentin a :

-autorisé M.[P] [V] à céder à M.[T] [V] le bail conclu le 4 janvier 1985 avec M.[C] [L] et Mme [I] [E] épouse [L] portant sur les immeubles sis commune de [Localité 11]

section ZM n°[Cadastre 4] 46 a 81 ca

section ZM n°[Cadastre 5] 1 ha 06 a 26 ca

section ZM n° [Cadastre 9] 2 ha 33 a 80 ca

section ZM n°[Cadastre 2] 10 ha 19 a 80 ca

-débouté M.[C] [L] et Mme [I] [E] de leurs demandes .

-condamné solidairement M.[C] [L] et Mme [I] [E] épouse [L] à payer à M.[P] [V] la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .

-condamné solidairement M.[C] [L] et Mme [I] [E] épouse [L] aux dépens de la présente instance .

M.[C] [L] et Mme [I] [E] épouse [L] ont interjeté appel de la décision .

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 11 avril 2023 , M.[C] [L] et Mme [I] [E] épouse [L] demandent à la Cour de:

-infirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Saint Quentin en date du 24 février 2022 .

Statuant à nouveau ,

-débouter purement et simplement M.[P] [V] de sa demande de cession de bail au profit de son fils [T] [V] .

-condamner M.[P] [V] à leur payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

-condamner M.[P] [V] aux entiers dépens .

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 11 avril 2023, M.[P] [V] demande à la Cour de :

à titre principal ,

-débouter M.[C] [L] et Mme [I] [E] de toutes leurs demandes .

-confirmer le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint Quentin en toutes ses dispositions.

À titre subsidiaire,

si par extraordinaire le jugement était infirmé ,

-autoriser la cession du bail conclu le 4 janvier 1985 au profit de M.[T] [V] ledit bail portant sur les parcelles suivantes

commune de [Localité 11]

section ZM n°[Cadastre 4] 46 a 81 ca

section ZM n°[Cadastre 5] 1 ha 06 a 26 ca

section ZM n° [Cadastre 9] 2 ha 33 a 80 ca

section ZM n°[Cadastre 2] 10 ha 19 a 80 ca

En tout état de cause,

-déclarer M.[C] [L] et Mme [I] [E] épouse [L] irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes et les en débouter .

-condamner solidairement M.[C] [L] et Mme [I] [E] épouse [L] à lui payer la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

-condamner solidairement M.[C] [L] et Mme [I] [E] épouse [L] aux entiers dépens .

A l'audience du 11 avril 2022 , les parties représentées par leur conseil ont maintenu leurs demandes et les moyens au soutien de ces dernières.

SUR CE

Sur la cession du bail

Les époux [L] font valoir que la faculté de cession du bail est réservée au preneur de bonne foi qui s'est constamment acquitté de ses obligations, qu'en l'espèce ils n'ont pas été informés de la mise à disposition des terres au profit de la société dans les délais impartis par la loi soit deux mois, mais 5 mois après cette mise à disposition, qu'au surplus ce courrier n'a pas été adressé à Mme [L] alors qu'elle est également bailleresse, que l'avis ne mentionne pas le tribunal de commerce auprès duquel la société est immatriculée, que le preneur a donc manqué à son obligation d'information ce qui constitue un manquement grave aux obligations nées du bail.

Ils font valoir en outre que chaque copreneur du bail doit être associé exploitant et participer de manière effective et permanente à l'exploitation ce qui n'est pas le cas de Mme [B] [V] copreneur solidaire du bail qui était associée non exploitante jusqu'au 1er avril 2014, qu'il s'agit donc d'un manquement aux obligations du bail qui empêche la cession .

Ils font valoir en outre s'agissant de M.[T] [V] , que s'il n'est pas contesté que celui ci justifie d'un diplôme agricole , est exploitant associé de la SCEA de [Adresse 10], laquelle dispose du matériel agricole et se trouve en règle avec le contrôle des structures , M.[V] est cependant pluriactif, qu'il exerce en effet un emploi salarié à temps plein au sein de la société Espace Aluminium du Vermandois pour une durée annuelle de travail de 213 jours, que cette activité extra agricole ainsi que l'importance de l'exploitation mise en valeur par la SCEA de [Adresse 10] soit plus de 100 ha dont il est associé exploitant constitue un obstacle à une participation aux travaux de façon effective et permanente laquelle ne peut se limiter à un rôle de direction et de surveillance, que la cession projetée nuit aux intérêts légitimes du bailleur .

M.[P] [V] réplique que les bailleurs ont été informés de la mise à disposition du bail au profit de l'Earl de [Adresse 10] par lettre en date du 25 avril 2006 et que M.[C] [L] a reconnu avoir reçu cette lettre d'information, qu'ils ont été également informés de l'arrêt d'activité de Mme [B] [V] -[X] par lettre recommandée avec accusé de réception le 23 septembre 2019 et de la demande de continuation du bail, que cette lettre précisait que les terres continueraient à être mises à disposition de l'Earl , que les bailleurs n'ont pas saisi le tribunal compétent pour s'opposer à la désolidarisation du bail lequel s'est donc poursuivi de plein droit au seul nom de [P] [V], qu'il ne s'agit donc plus d'un bail copreneur et que seule sa situation doit être aujourd'hui appréciée .

Il fait valoir qu'il souhaite prendre sa retraite et souhaite légitimement céder son bail à son fils, que des démarches amiables ont été effectuées auprès des époux [L] mais que M.[C] [L] rappelle dans tous ses écrits qu'il souhaite vendre ses terres à un prix de 20 000 € l'hectare ce qui est tout à fait déraisonnable au regard du barème indicatif établi par la chambre d'agriculture des Hauts de France, que le bailleur explique que le bail ne sera pas renouvelé à son échéance du 11 novembre 2022 mais qu'en réalité aucun congé n'a été délivré .

M.[P] [V] ajoute que les projets du bailleur ne doivent pas être pris en compte en matière de cession de bail, qu'il doit être examiné seulement si M.[T] [V] remplit les conditions exigées par la loi, qu'il est constant que [T] est son fils, est titulaire d'un diplôme agricole soit un brevet professionnel option responsable d'entreprise agricole et est également titulaire du certificat individuel professionnel produits phytopharmaceutiques , qu'il est associé avec son frère au sein de la SCEA de [Adresse 10] que s'il exerce une autre activité , il s'est organisé avec l'accord de son employeur pour assurer les travaux de l'exploitation, qu'il disposera de nombreux bâtiments et d'un corps de ferme et qu'il habite à proximité des terres en cause.

Selon l'article L 411-35 du code rural et de la pêche maritime , sous réserve des dispositions particulières au baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du code civil , toute cession de bail est interdite sauf si la cession est consentie avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipé.

A défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire .

La faculté de céder le bail est réservée au preneur de bonne foi qui s'est constamment acquitté de ses obligations nées du bail .

L'intérêt légitime du propriétaire doit s'apprécier compte tenu non pas de ses propres projets mais de la bonne foi du cédant et la capacité du cessionnaire à respecter les obligations nées du contrat.

L'article L 411-37 fait obligation au preneur d'aviser le bailleur au plus tard dans un délai de deux mois, par lettre recommandée avec accusé de réception, de la mise à disposition des terres à une société à objet agricole .Il est justifié par M.[V] que cette information a été réalisée par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 16 août 2006 .Il est constant que selon les termes du courrier , la mise à disposition des terres s'est effectuée le 1er mars 2006 au profit de l'Earl des Bruyères , ce courrier n'est adressé qu'à M,[L] et non à son épouse et il ne mentionne pas le tribunal de commerce auprès duquel la société est immatriculée , cependant il convient d'observer que le retard dans l'information n'a été que de quelques semaines, par ailleurs, l'omission de Mme [L] dans la missive ne saurait être reproché au preneur qui a pu légitimement penser que son information était suffisante dès lors que les époux [L] sont mentionnés dans le bail comme étant « le bailleur » résidant à la même adresse , enfin l'absence d'indication concernant l'immatriculation n'est pas de nature à induire le bailleur en erreur .Aucun élément ne caractérise donc une mauvaise foi du preneur .

Aucun élément ne démontre que Mme [B] [L] n'ait pas exploité les terres avant 2006 , et les pièces versées aux débats établissent que Mme [B] [L] a toujours été associée de l'Earl de [Adresse 10] , tout d'abord en qualité d'associée non exploitante puis en qualité d'associée exploitante et gérante à compter du 1er avril 2014 , par ailleurs le bail dont il est demandé la cession n'est plus un bail copreneur , M.[P] [V] étant désormais seul titulaire de ce dernier. En effet,le 23 septembre 2019 , il a adressé à M.et Mme [C] [L] un courrier faisant part de l'arrêt d' activité de son épouse à compter du 1er août 2019 qui faisait valoir ses droits à la retraite , précisant être le seul associé gérant désormais de l'Earl des Bruyères avec poursuite de la mise à disposition des terres au profit de la société, sollicitant la poursuite du bail à son seul nom en respectant les formalités de l'article L 411-35, or M.et Mme [L] ne s'y sont pas opposés alors que ce texte en prévoit la possibilité par la saisine du tribunal paritaire .

Aucun manquement au bail n'est établi à l'encontre de M.[P] [V] qui s'avère être un preneur de bonne foi, de sorte qu'il convient désormais d'examiner si M.[T] [V] remplit les conditions pour être cessionnaire du bail en cause .

Il est constant que [T] [V] né le 3 février 1981 est le fils de M.[P] [V] , il n'est pas contesté , ce qui est justifié par les pièces produites , que [T] [V] est titulaire du diplôme requis pour être exploitant agricole , est associée de la Scea de [Adresse 10], créée en 2021 , laquelle dispose du matériel agricole nécessaire pour exploiter et se trouve en règle avec le contrôle des structures, qu'il est domicilié à [Localité 11] (02) , dans la commune où se trouvent les terres objet du bail .

Si Monsieur [T] [V] est pluriactif exerçant un emploi salarié au sein de la société Espace Aluminium du Vermandois ,il justifie par un amendement à son contrat de travail en date du 4 janvier 2021 , que son employeur l'a autorisé à exercer une activité professionnelle en parallèle de son activité salariée au sein de la société , ses fonctions étant exercées à titre principal à [Localité 12] (02) , pour une durée annuelle de 213 jours , ce qui lui permet de participer aux travaux agricoles de façon effective et permanente étant observé qu'il est associé avec son frère [M] [V] dans la Scea de [Adresse 10] chacun ayant la qualité d'associé exploitant , cette dernière cultivant un peu plus de 100 ha, s'agissant de cultures céréalières , légumineuses et graines oléagineuses . Plusieurs personnes attestent du travail sur l'exploitation agricole de [T] [V] , M.[O] [X] atteste en effet que celui-ci a transporté les betteraves avec un tracteur remorque pour la mise en silo lors de la campagne 2022 , M.[S] [U] déclare que [T] préparait la terre , lui a emprunté son broyeur et qu'il était présent lors de l'arrachage , pour le charroi et le triage sur la machine , M.[F] [Z] précise que [T] guide la bineuse , et qu'il le voit régulièrement travailler dans les champs et dans la cour , ce qui est également confirmé par M.[A] [D] , technico commercial qui précise en outre l'avoir rencontré pour lui donner des conseils en matière de fertilisation des cultures de l'exploitation et la vente de produits phytosanitaires et semences .

Il est donc justifié que [T] [V] remplit toutes les conditions requises pour être le cessionnaire du bail , le jugement sera confirmé .

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M.et Mme [L] succombant en leurs prétentions , seront condamnés à payer à M.[P] [V] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel .

PAR CES MOTIFS

La Cour , statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort , par mise à disposition au greffe ,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions .

Y ajoutant

Condamne in solidum M.[C] [L] et Mme [I] [E] épouse [L] à payer à M.[P] [V] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Condamne in solidum M.[C] [L] et Mme [I] [E] épouse [L] aux dépens .

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre baux ruraux
Numéro d'arrêt : 22/01420
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;22.01420 ?
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