ARRET
N° 556
CPAM DE [Localité 6] [Localité 3]
C/
[H]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 08 JUIN 2023
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N° RG 21/03388 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IEXE - N° registre 1ère instance : 21/404
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (Pôle Social) EN DATE DU 20 mai 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
La CPAM DE [Localité 6] [Localité 3], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Mme Fozia MAVOUNGOU dûment mandatée
ET :
INTIMEE
Madame [P] [H]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée et plaidant par Me Jérôme POLLET, avocat au barreau de LILLE
DEBATS :
A l'audience publique du 09 Février 2023 devant Mme Elisabeth WABLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Roxane DUGARO
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Elisabeth WABLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Elisabeth WABLE, Président de chambre,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 08 Juin 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement rendu le 20 mai 2021 par lequel le pôle social du tribunal judiciaire de Lille, statuant dans le litige opposant la caisse primaire d'assurance maladie (ci-après la CPAM) de [Localité 6] - [Localité 3] et Mme [M] [H], a :
- dit que la demande de Mme [H] est recevable,
- fixé le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [H] [M] à 7 % au 7 octobre 2015, date de la consolidation outre 3 % d'incidence professionnelle,
- renvoyé Mme [H] [M] devant la CPAM de Roubaix ' Tourcoing pour la liquidation de ses droits,
- dit que les frais de consultation médicale sont à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie,
- condamné la CPAM de Roubaix ' Tourcoing aux dépens.
Vu la notification du jugement à la CPAM de Roubaix ' Tourcoing le 27 mai 2021 et l'appel du jugement relevé par celle-ci le 22 juin 2021,
Vu l'ordonnance rendue le 11 mai 2022 par le magistrat chargé d'instruire l'affaire, désignant le docteur [C] en qualité de médecin consultant et le rapport déposé par celui-ci le 19 août 2022.
Vu les conclusions visées le 9 février 2023 et soutenues oralement à l'audience du 9 février 2023 par lesquelles la CPAM de Roubaix ' Tourcoing prie la cour de :
- faire droit à ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer en toutes ses dispositions, la décision du tribunal judiciaire de Lille en date du 20 mai 2021,
- confirmer le taux médical de 5 %,
- débouter Mme [H] [M] de sa demande d'incidence professionnelle,
- condamner Mme [H] [M] aux entiers dépens,
Vu les conclusions visées le 9 février 2023 et soutenues oralement à l'audience du 9 février 2023 par lesquelles Mme [H] [M] prie la cour de :
- constater le caractère limité de l'appel interjeté par la CPAM de Roubaix- Tourcoing à la seule évaluation de l'incidence professionnelle et en tirer toutes conséquences de droit,
- confirmer en tout état de cause le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter la CPAM de Roubaix ' Tourcoing de l'ensemble de ses demandes,
- statuer ce que de droit quant aux frais et dépens,
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SUR CE LA COUR,
Le 19 juillet 2013, Mme [M] [H] exerçant au moment des faits la profession d'auxiliaire de vie a été victime d'un accident du travail, dans les circonstances ainsi décrites aux termes de la déclaration d'accident du travail faite par l'employeur : « en remontant un résident dans son lit avec une collègue - Douleurs au niveau du dos et du cou. »
Le certificat médical initial a constaté sur la personne de Mme [H] un traumatisme cervical.
Cet accident a été pris en charge par la CPAM de Roubaix ' Tourcoing au titre de la législation sur les risques professionnels.
La date de consolidation de l'état de santé de Mme [H] a été fixée au 7 octobre 2015 et par décision du 15 janvier 2016, la CPAM de Roubaix ' Tourcoing a fixé son taux d'incapacité permanente partielle à 5 % pour les séquelles suivantes : « il persiste des douleurs et une gêne fonctionnelle du rachis cervical sans signe neurologique associé ».
Contestant cette décision, Mme [H] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lille, lequel a fixé le taux d'incapacité à 10 % dont 3 % pour le taux professionnel par jugement dont appel.
La CPAM de Roubaix ' Tourcoing sollicite de la cour d'infirmer le jugement entrepris, de confirmer le taux médical de 5 % et de débouter Mme [H] de sa demande d'incidence professionnelle.
Elle indique que le taux médical de 5 % fixé par le praticien-conseil du service médical répond aux préconisations du barème, compte tenu des séquelles présentées par l'assurée.
Elle conteste le taux médical de 7 % estimé par le docteur [C] en relevant que ce dernier a retenu une date de consolidation erronée et a apprécié les séquelles au regard du tableau 30B alors qu'en espèce, il s'agit d'un accident du travail et non d'une maladie professionnelle. Enfin, elle fait grief à ce dernier de s'être basé sur les observations du docteur [F], médecin consultant désigné en première instance, pour fixer le taux d'incapacité.
S'agissant du taux professionnel, elle estime que les premiers juges ont à tort accordé un taux professionnel de 3 % à Mme [H] [M] car aucun élément objectif ne permet selon elle d'établir le lien certain entre son licenciement pour inaptitude intervenu le 31 mai 2019, soit plusieurs années après la consolidation de son état, et son accident du travail.
Elle ajoute que le médecin du travail a précisé dans son avis en date du 24 avril 2019 : « inaptitude définitive au poste d'hôtelière selon l'article R. 4624-42 CT, car inapte à la manutention, mouvements répétitifs, manipulation de personnes », et que rien ne permet d'établir avec certitude que l'inaptitude de Mme [H] [M] à son poste d'hôtelière serait imputable à son accident du travail. Elle ajoute qu'il n'y a pas d'impossibilité de reclassement et sollicite la réduction du taux professionnel à de plus justes proportions.
Mme [H] demande à la cour de constater le caractère limité de l'appel interjeté par la CPAM de Roubaix ' Tourcoing à la seule évaluation de l'incidence professionnelle, d'en tirer toutes conséquences de droit, de confirmer le jugement entrepris, et de débouter la CPAM de Roubaix ' Tourcoing de l'ensemble de ses demandes.
Elle souligne que l'appel interjeté par la caisse primaire étant limité à la seule contestation du taux professionnel, elle est irrecevable à solliciter une réduction du taux médical.
Elle sollicite la confirmation du taux médical de 7 % retenu par les premiers juges.
S'agissant de l'incidence professionnelle, elle précise qu'elle est demeurée en arrêt de travail du jour de son accident du travail jusqu'à son licenciement pour inaptitude.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.
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* Sur le caractère limité de l'appel :
L'article 933 du code de procédure civile dispose : « la déclaration comporte les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le troisième alinéa de l'article 57. Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. Elle est accompagnée de la copie de la décision.» ;
En l'espèce, si la procédure en matière de sécurité sociale est une procédure orale sans représentation obligatoire , l'appel limité ne peut cependant être étendu par les conclusions de l'appelant ( en ce sens 2 Civ. ; 4 mars 2021 pourvoi n° 19-25.291 ; 1re Civ., 22 juin 1999, pourvoi n° 97-15.225, Bull. 1999, I, n° 206 ; 3e Civ., 7 juin 1989, pourvoi n° 87-18.527, Bulletin 1989 III N° 127 ) et la dévolution résultant de l'appel limité ne peut être élargie que par un appel incident ou un appel provoqué.
En l'espèce et suivant les termes de sa déclaration d'appel, la CPAM de Roubaix Tourcoing a expressément indiqué: « ..la Caisse souhaite interjeter appel du taux d'incidence socio-professionnelle octroyé à Madame [H] ».
Par suite du caractère limité de l'appel ainsi formé, la CPAM est irrecevable à contester le taux médical de 7% attribué à Madame [H] à la date de consolidation du 7 octobre 2015.
* Sur l'évaluation du taux d'IPP :
En application de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente partielle est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité ;
S''agissant de l'incidence professionnelle , les notions de qualification professionnelle et d'aptitude mentionnées à l'article L. 434 - 2 du code de la sécurité sociale se rapportent aux possibilités d'exercice d'une profession déterminée et aux facultés que peut avoir une victime d'accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé ;
La cour constate en l'espèce que le médecin du travail , dans son avis en date du 24 avril 2019 a conclu ainsi : « inaptitude définitive au poste d'hôtelière selon l'article R. 4624-42 CT, car inapte à la manutention, mouvements répétitifs, manipulation de personnes. Etude de poste et conditions de travail effectuées. Reclassement à rechercher selon les capacités restantes : activité sédentaire, administrative, temps partiel, petit nettoyage. Capacités médicales présentes pour une formation sur poste adapté », ce qui a été suivi du licenciement de Mme [H] le 31 mai 2019 pour inaptitude et impossibilité de reclassement
La cour observe que le lien direct et certain entre le licenciement pour inaptitude intervenu plusieurs années après la date consolidation du 7 octobre 2015, et l'accident du travail du 19 juillet 2013 n'est pas établi, et que Mme [H] [M] conserve des capacités médicales pour un poste adapté ;
Compte tenu cependant de l'incidence professionnelle indéniable que l'accident a provoquée, puisque Mme [H] [M] ne peut plus exercer que des activités sédentaires , administratives ou du petit nettoyage, un taux d'incidence professionnelle de 1 % sera retenu ;
Par voie de conséquence et par infirmation du jugement déféré, le taux d'incidence professionnelle sera fixé à 1% au 7 octobre 2015.
* Sur les frais et dépens:
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie ;
Compte tenu de la solution du litige, la CPAM de Roubaix Tourcoing supportera les dépens d'appel
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique et mis à disposition des parties au greffe,
CONSTATE le caractère limité au seul taux d'incidence professionnelle de l'appel relevé par la CPAM de Roubaix -Tourcoing,
DIT la CPAM de Roubaix -Tourcoing irrecevable en sa contestation du taux médical de 7% attribué à Madame [H] à la date de consolidation du 7 octobre 2015.
INFIRME la décision déférée quant au taux d'incidence professionnelle attribué à Mme [H],
Statuant à nouveau de ce chef et Y AJOUTANT,
FIXE à 1% le taux d'incidence professionnelle affectant Mme [H] à la date du 7 octobre 2015,
CONDAMNE la CPAM de Roubaix -Tourcoing aux dépens d'appel,
DIT que les frais de la mesure de consultation ordonnée en appel seront pris en charge par la Caisse Nationale d'Assurance Maladie.
Le Greffier, Le Président,