ARRET
N° 553
[B]
C/
CPAM [Localité 5] [Localité 3]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 08 JUIN 2023
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N° RG 21/03246 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IEOY - N° registre 1ère instance : 21/00114
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (Pôle Social) EN DATE DU 18 mai 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [L] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Messaouda YAHIAOUI, avocat au barreau d'AMIENS substituant Me Ingrid SCHOEMAECKER de la SCP INTER BARREAUX SCHOEMAECKER ANDRIEUX, avocat au barreau de DUNKERQUE
ET :
INTIME
La CPAM [Localité 5] [Localité 3], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Mme Fozia MAVOUNGOU dûment mandatée
DEBATS :
A l'audience publique du 09 Février 2023 devant Mme Elisabeth WABLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Roxane DUGARO
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Elisabeth WABLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Elisabeth WABLE, Président de chambre,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 08 Juin 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement rendu le 18 mai 2021 par lequel le pôle social du tribunal judiciaire de Lille, statuant dans le litige opposant M. [L] [B] à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 3] (la caisse ou la CPAM), a :
- débouté M. [L] [B] de ses demandes,
- maintenu le taux d'incapacité à 14 %, dont 4 % au titre d'un coefficient professionnel, à la date de consolidation du 14 janvier 2020,
- condamné M. [L] [B] aux dépens,
- précisé que les frais de consultation seront mis à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie,
Vu la notification du jugement à M. [L] [B] le 21 mai 2021 et l'appel du jugement relevé par celui-ci le 16 juin 2021,
Vu l'ordonnance rendue le 11 mai 2022 par le magistrat chargé d'instruire l'affaire, désignant le docteur [T] [I] en qualité de médecin consultant et le rapport déposé par celui-ci le 7 juillet 2022,
Vu les conclusions visées le 3 octobre 2022, soutenues oralement à l'audience, par lesquelles M. [L] [B] prie la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 18 mai 2021,
- annuler la décision de la caisse lui attribuant un taux d'incapacité de 14 % pour insuffisance de motivation,
- fixer le taux d'incapacité permanente partielle pour l'indemnisation des séquelles de la maladie professionnelle du 8 avril 2016 à 25 %,
- condamner la CPAM de [Localité 5]-[Localité 3] à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la caisse aux dépens.
Vu les conclusions visées le 23 février 2022, soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la CPAM de [Localité 5]-[Localité 3] prie la cour de :
- confirmer la décision déférée,
- entériner le rapport du docteur [T] [I] fixant à 14 % le taux d'incapacité permanente partielle attribué à M. [L] [B],
débouter M. [L] [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [L] [B] aux dépens.
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SUR CE LA COUR,
Par certificat médical en date du 8 avril 2016, M. [L] [B], auparavant salarié en qualité d'animateur-dessinateur, a été reconnu atteint d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel.
Par décision en date du 25 octobre 2019, la CPAM de [Localité 5]-[Localité 3] a pris en charge ladite pathologie au titre de la législation sur les sinistres professionnels.
Son état a été déclaré consolidé le 14 janvier 2020 et, par décision en date du 22 juillet 2020, la CPAM a fixé son taux d'incapacité permanente partielle à 14 %, dont 4 % d'incidence professionnelle , pour des séquelles consistant en des troubles modérés du sommeil et de la mémoire associés à un retentissement professionnel important.
Contestant cette décision, M. [B] a saisi la commission de recours amiable, puis le pôle social du tribunal judiciaire de Lille, lequel, par jugement dont appel, a statué comme indiqué précédemment.
M. [L] [B] conclut à l'infirmation du jugement déféré et à la fixation d'un taux d'incapacité permanente partielle de 25 % suite à la maladie professionnelle du 8 avril 2016.
Il indique ne pas présenter d'état antérieur et souffrir d'une grande anxiété, de troubles thymiques et d'une perte de concentration avec un retentissement notable sur la vie sociale ainsi que sur la possibilité d'exercer une activité professionnelle.
Il soulève des interrogations sur la disparité entre le taux d'incapacité prévisible fixé à 25 % par le docteur [H], sapiteur en psychiatrie désigné par le tribunal lors du litige afférent à l'origine professionnelle de sa pathologie, et le taux d'incapacité permanente partielle définitif de 14 %.
La CPAM de [Localité 5]-[Localité 3] conclut à la confirmation du jugement et au maintien du taux d'incapacité permanente partielle de 14 %.
Elle fait valoir que l'ensemble des médecins consultants évaluent les troubles séquellaires présentés par M. [B] à un taux médical de 10 %.
Elle rappelle que dans le cadre du système complémentaire de reconnaissance du caractère professionnel d'une pathologie, le praticien-conseil se place à la date de la demande pour apprécier un taux d'incapacité prévisible dont la valeur n'est qu'indicative.
Conformément à l'article 445 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.
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* Sur la demande d'annulation de la décision de la CPAM
Si les articles L. 142-4, R. 142-1 et R. 142-10-1 du code de la sécurité sociale subordonnent la saisine du pôle social du tribunal judiciaire à la mise en 'uvre préalable d'un recours non contentieux devant la commission de recours amiable instituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme social, ces dispositions réglementaires ne confèrent pas pour autant la compétence à la juridiction judiciaire pour statuer sur le bien-fondé de cette décision ou de la décision initiale relative à la fixation du taux d'incapacité permanente partielle, qui revêtent un caractère administratif.
Il y a donc lieu de débouter M. [L] [B] de sa demande d'annulation de la décision de la CPAM;
* Sur le taux d'incapacité permanente partielle
En application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente partielle est déterminé d'après la nature de l'infirmité, de l'état général, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
Les notions de qualification professionnelle et d'aptitude mentionnées à l'article susvisé s'entendent des possibilités d'exercice d'une profession déterminée et des facultés que peut avoir une victime d'accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.
La cour rappelle que le présent litige a pour objet l'appréciation d'un taux d'incapacité permanente partielle fixé après consolidation de l'état de santé, et non du taux d'incapacité prévisible à retenir pour l'instruction d'une demande de reconnaissance d'origine professionnelle en vue de la saisine du CRRMP.
Le barème indicatif U.C.A.N.S.S., en son point 4.4.2 afférent aux troubles psychiques chroniques, mentionne les éléments suivants
« États dépressifs d'intensité variable :
soit une asthénie persistante : 10 à 20 % ;
soit à l'opposé, grande dépression mélancolique, anxiété pantophobique : 50 à 100 %.
Troubles du comportement d'intensité variable : 10 à 20 %. »
Le praticien-conseil du service médical de la caisse conclut à un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % pour tenir compte de troubles modérés du sommeil et de la mémoire, associés à un retentissement professionnel important.
Aux termes de son rapport le docteur [J], médecin désigné par les premiers juges, relève :
« ['] S'agissant d'un syndrome d'anxiété chronique, on rappellera que dans la motivation du CRRMP du 23 octobre 2019, il avait été reconnu comme victime d'un harcèlement décrit comme étant en rapport avec une variabilité de la charge de travail et les contraintes organisationnelles, avec la notion d'un hyper-contrôle, avec la notion d'une absence de soutien de la hiérarchie et des difficultés avec celle-ci, d'où la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie hors tableau. Ce jour, au 14 janvier 2020, on n'a pas la notion franchement d'une dépression en ce sens que le médecin psychiatre ne fait pas état de chute de la thymie et fait état de façon constante d'un stress permanent chronique avec vulnérabilité qui retentit sur sa vie sociale et sur sa recherche professionnelle. La fixation d'un taux par le médecin conseil de 10 % correspond à cet état séquellaire tel que décrit, sachant que cet état entraîne des difficultés de recherche d'un emploi et était aussi à l'origine de son licenciement pour inaptitude le 23 juillet 2015, ce qui explique les 4 % supplémentaires pour retentissement professionnel. »
Le docteur [T] [I], commis par la cour, indique pour sa part ;
« M. [B] a présenté un syndrome anxio-dépressif rattaché à ses conditions de travail.
La symptomatologie était qualifiée par le docteur [H], psychiatre missionné par le tribunal du contentieux de l'incapacité, d'intensité moyenne. Le docteur [U], psychiatre traitant, confirme l'amélioration de son état.
M. [B] présente donc un état de stress limitant dans sa recherche d'emploi, avec un retentissement faible sur sa vie personnelle et sociale en dehors de la recherche professionnelle. Le taux d'incapacité permanente partielle de 10 % indemnise justement ces séquelles.
Conclusion :À la date du 14 janvier 2020, les séquelles décrites justifient le maintien d'un taux d'incapacité permanente partielle de 14 % tous éléments confondus. »
Il ressort de l'examen clinique réalisé par le praticien-conseil du service médical de la caisse que M. [B] présentait une perte de poids, des troubles du sommeil et de l'attention, un repli sur soi avec une tendance agoraphobique, des pleurs occasionnels, une sensibilité au stress, une appréhension quant à une éventuelle réinsertion professionnelle, une trichotillomanie faciale ainsi qu'un psoriasis du cuir chevelu et de la barbe.
Les pièces versées aux débats font état d'un suivi spécialisé prolongé ainsi que d'un traitement associant des exercices respiratoires et la prise de millepertuis à la date de consolidation du 14 janvier 2010.
En considération des avis médicaux concordants du praticien-conseil et des médecins consultants désignés tant en première instance qu'en appel, et en référence aux préconisations du guide barème, les séquelles présentées par M. [L] [B] justifiaient l'attribution d'un taux médical de 10 % à la date de consolidation du 14 janvier 2020.
En outre, il est établi que les séquelles de la pathologie sont à l'origine d'un avis d'inaptitude définitive au poste d'animateur, établi par le médecin du travail le 6 juin 2015, ainsi que du licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement intervenu le 23 juillet 2015.
Un tel préjudice justifie de porter le taux d'incapacité permanente partielle à 14 %.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé le taux d'incapacité de M. [L] [B] à 14 % à la date de consolidation du 14 janvier 2020.
* Sur les frais irrépétibles
Les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'équité.
M. [L] [B], qui succombe, sera débouté de sa demande tendant à la condamnation de la CPAM de [Localité 5]-[Localité 3] à lui payer les frais irrépétibles qu'il a exposés.
* Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
M. [B], qui succombe, est condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par sa mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
DÉBOUTE M. [L] [B] de sa demande d'annulation de la décision de la CPAM de [Localité 5]-[Localité 3],
DEBOUTE M. [L] [B] de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel
CONDAMNE M. [L] [B] aux dépens.
Le Greffier, Le Président,