ARRET
N° 543
S.A.S. [5]
C/
CPAM DE HAUTE-SAVOIE
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 01 JUIN 2023
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N° RG 21/00875 - N° Portalis DBV4-V-B7F-H77V - N° registre 1ère instance : 19/02678
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (Pôle Social) EN DATE DU 11 janvier 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
La société [5] (SAS), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
A.T. : Mme [V] [M]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Me Julien TSOUDEROS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1215
ET :
INTIME
La CPAM DE HAUTE-SAVOIE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Dispensée de comparaître
DEBATS :
A l'audience publique du 02 Mars 2023 devant Mme Chantal MANTION, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Estelle CHAPON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Chantal MANTION en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président de chambre,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 01 Juin 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement en date du 11 janvier 2021 du tribunal judiciaire (Pôle social) de Lille qui a :
- déclaré recevable la demande de la société [5],
- fixé le taux d'incapacité permanente de Mme [V] [M] au titre de l'accident du travail du 7 juin 2016 à 12% dont 2% à titre professionnel à compter du 17 novembre 2018 pour ' séquelles algiques et fonctionnelles, compte tenu de l'état antérieur, d'un traumatisme lombaire chez une assurée droitière, hôtesse de caisse, à type de lombosciatique gauche tronquée au genou'.
- condamné la CPAM de Haute-Savoie aux dépens.
Vu la notification du jugement en date du 11 janvier 2021,
Vu l'appel formé par la société [5] par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 10 février 2021 au greffe de la cour,
Vu l'ordonnance en date du 9 février 2022 du magistrat chargé d'instruire qui a ordonné une mesure de consultation sur pièces confiée au docteur [S],
Vu la convocation des parties à l'audience du 8 septembre 2022 et le renvoi ordonné à l'audience du 2 mars 2023,
A l'audience du 2 mars 2023, le conseil de la société [5] a développé ses conclusions écrites aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
- recevoir l'appelante en ses conclusions,
- infirmer le jugement entrepris,
- ramener de 10 à 5% le taux d'incapacité octroyé à Mme [V] [M] par la CPAM de Haute-Savoie à la suite de l'accident du travail du 7 juin 2016,
- débouter la CPAM de Haute-Savoie de ses demandes.
La CPAM de Haute-Savoie, qui a été dispensée de comparaître à l'audience, a fait parvenir ses conclusions aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 11 janvier 2021 fixant un taux d'IPP de 12% dont 2% de taux professionnel,
- débouter en conséquence la société [5] de ses demandes;
Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
Motifs:
Le 7 juin 2016, Mme [V] [M], alors âgée de 42 ans, employée en qualité d'hôtesse de caisse par la société [5] a été victime d'un accident de travail qui a fait l'objet d'une déclaration de l'employeur en ces termes: ' la personne nettoyait les caisses. Elle tirait un présentoir à chewing-gum pour pouvoir nettoyer sa caisse. En bougeant le présentoir, l'employée a ressenti une douleur dans le bas du dos.'
Le certificat médical initial établi par le docteur [R] fait état d'une ' lombosciatique gauche'.
Mme [V] [M] était examinée par le médecin conseil de la caisse qui se prononçait en faveur de l'octroi d'un taux d'IPP de 10% pour des ' séquelles algiques et fonctionnelles, compte tenu de l'état antérieur, d'un traumatisme lombaire chez une assurée droitière, hôtesse de caisse à type de lombosciatique gauche tronquée au genou'.
Le 13 février 2019, la CPAM de Savoie a octroyé à Mme [V] [M] un taux d'IPP de 10% à compter du 17 novembre 2018.
Cette décision a été contestée par la société [5] devant la commission de recours amiable et à défaut de réponse de la commission, devant le tribunal judiciaire (Pôle social) de Lille.
C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement frappé d'appel.
Pour retenir un taux d'IPP médical de 10%, le tribunal s'est fondé sur l'avis se son médecin consultant, le docteur [B] dont il ressort que: ' Il s'agit d'un accident du travail du 07 juin 2016 pour une femme alors âgée de 42 ans qui présentait un état antérieur puisqu'on évoque une hernie discale L5S1 gauche opérée en 2003 (...). Le certificat médical initial fait état d'une lombo-sciatique gauche, cette pathologie a fait l'objet d'un suivi régulier, constant sans individualisation de franche hernie discale et avec mention qu'il n'y avait pas de corrélation radio-clinique franche(...) Au total, il s'agit d'une souffrance rachidienne lombaire qui est l'évolutivité pathologique d'un état antérieur ancien qui laisse en séquelle un syndrome rachidien modéré et sans doute un élément de souffrance neurologique avec une sciatique gauche. Ces constatations permettent de considérer que le taux d'IPP qui a été proposé à 10% est justifié'.
Au soutien de son appel, la société [5] fait valoir que le tribunal judiciaire a méconnu les termes de sa saisine en ce que la contestation de l'employeur portait exclusivement sur le taux médical de telle sorte que la décision par laquelle, le tribunal a accordé outre un taux médical de 10%, un taux professionnel de 2% supplémentaire doit être annulée.
S'agissant du taux médical, la société [5] fait valoir que l'accident du 7 juin 2016 n'a pas provoqué de lésion anatomique comme le révèle l'IRM réalisée le 12 juillet 2016 qui ne retrouve pas de lésion strictement traumatique et notamment pas de récidive de hernie discale de telle sorte qu'il n'a pu que déstabiliser un état antérieur dégénératif connu et traité.
Se fondant sur les conclusions de son propre médecin conseil, le docteur [W], la société [5] demande donc que le taux d'IPP de Mme [V] [M] soit ramené à 5% .
Pour sa part, la caisse se fonde sur les observations de son médecin conseil, le docteur [P] en date du 28 février 2023 qui observe à la suite du docteur [S] que : ' il existe un doute sur la date de l' EMG qui a été retranscrite le 13/07/2015.
En 2015, on ne retrouve aucun arrêt de travail(...). Par ailleurs, le Dr [E] stipule dans son compte rendu de consultation de 2016 que Mme [V] [M] a été opérée il y a 13 ans d'une hernie discale L5-S1 qui allait plutôt bien. A la suite d'efforts répétés en juin, elle a présenté une violente douleur lombaire puis une scialtalgie tronquée...ce qui confirme que l'état antérieur étant bien stabilisé et non invalidant avant l'AT du 06/06/2016".
Or, l'avis du médecin conseil de la caisse fourni postérieurement à la mesure de consultation réalisée à la demande de la cour par le docteur [S] ne permet pas de retenir un taux d'IPP supérieur à 5%, les erreurs relevées s'agissant de rapport médical d'évaluation par le médecin conseil de la caisse, ne pouvant être rectifiées sans certitude quant à la date de l'EMG réalisée par le docteur [E], qui si elle sont exactes, mettent en évidence un état antérieur non négligeable et qui explique totalement la symptomatologie retrouvée, comme indiqué au rapport du docteur [S] qui conclut qu'à la date du 17/11/2018, les séquelles décrites justifient, si le rapport médical est exact, un taux d'IPP de 5%.
Par ailleurs, la caisse ne contredit pas l'avis du docteur [W] qui relève que l'IRM réalisée le 12/07/2016, un mois après l'accident, ne retrouve pas de lésion strictement post traumatique mais des signes de souffrances neurogènes chroniques, la part de l'état antérieur justifiant de retenir un taux d'IPP de 5% dans les relations entre la société [5] et la caisse.
Enfin, la décision de la caisse portant exclusivement sur le taux médical de 10% notifié à l'employeur et contesté devant la commission de recours amiable puis devant le tribunal, la société [5] ne peut se voir opposer un taux professionnel eu égard en outre à l'importance de l'état antérieur et à l'absence d'éléments fournis par la caisse sur ce point.
Ainsi, il y a lieu compte tenu de ce qui précède d'infirmer le jugement et de dire que le taux d'IPP de Mme [V] [M] est fixé au 17 novembre 2018 à 5% dans les relations entre la société [5] et la CPAM de Haute-Savoie à la suite de l'accident du travail du 7 juin 2016.
La CPAM de Haute-Savoie qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par décision rendue contradictoirement en dernier ressort par mise à disposition au greffe de la cour,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Dit que le taux d'IPP de Mme [V] [M] est fixé au 17 novembre 2018 à 5% dans les relations entre la société [5] et la CPAM de Haute-Savoie à la suite de l'accident du travail du 7 juin 2016,
Condamne la CPAM de Haute-Savoie aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,