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25/05/2023 | FRANCE | N°21/03829

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 25 mai 2023, 21/03829


ARRET

N° 523





CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA [5]





C/



[S]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 25 MAI 2023



*************************************************************



N° RG 21/03829 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IFR4 - N° registre 1ère instance : 20/00912



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 08 juillet 2021





PAR

TIES EN CAUSE :





APPELANT





CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA [5] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]





Rep...

ARRET

N° 523

CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA [5]

C/

[S]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 25 MAI 2023

*************************************************************

N° RG 21/03829 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IFR4 - N° registre 1ère instance : 20/00912

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 08 juillet 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA [5] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté et plaidant par Me Stéphanie DERIVIERE, avocat au barreau D'AMIENS, avocat postulant et ayant comme avocat plaidant Me Marie-Noëlle SCHINDLER, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIME

Monsieur [K] [S]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté et plaidant par Me Amélie WEIMANN, avocat au barreau d'AMIENS, avocat postulant et ayant comme avocat plaidant Me Djénéba TOURE-CNUDDE, avocat au barreau de LILLE

DEBATS :

A l'audience publique du 14 Mars 2023 devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Estelle CHAPON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Jocelyne RUBANTEL en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

M. Pascal HAMON, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 25 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.

*

* *

DECISION

Saisi d'une contestation du rejet de la commission spéciale des accidents du travail de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la [5] (la CPRP [5] ou la caisse) de prendre en charge au titre de la législation professionnelle l'accident dont déclare avoir été victime M. [S] le 9 avril 2019, le pôle social du tribunal judiciaire d'Arras, par un jugement du 8 juillet 2021 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des motifs et des faits, a :

- dit que le fait du 9 avril 2019 doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle,

- renvoyé M. [S] devant la CPRP [5] aux fins de liquidation de ses droits,

- condamné la CPRP [5] à payer à M. [S] la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la CPRP [5] aux dépens de l'instance,

- débouté M. [S] du surplus de ses demandes.

La caisse a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 20 juillet 2021 et les parties ont été convoquées à l'audience du 15 septembre 2022, où l'affaire a fait l'objet d'un renvoi à celle du 14 mars 2023.

Par conclusions communiquées au greffe le 13 septembre 2022, soutenues oralement à l'audience, la CPRP [5] prie la cour de :

-déclarer son appel recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement,

- dire que les faits déclarés le 16 avril 2019 ne constituent pas un accident du travail,

- condamner M. [S] au paiement d'une somme de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [S] aux dépens.

Par conclusions communiquées au greffe le 13 janvier 2023, soutenues oralement à l'audience, M. [S] prie la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes, notamment ses demandes indemnitaires liées à la perte de salaire,

- rappeler que l'exécution provisoire est de droit,

- statuant à nouveau, débouter la caisse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- déclarer ses demandes recevables et bien fondées,

- dire qu'il a été victime d'un accident du travail le 9 avril 2019,

- condamner en conséquence la caisse à prendre en charge l'arrêt maladie du 9 avril 2019 au titre de l'accident du travail,

- condamner la caisse à titre de dommages et intérêts à lui verser les sommes suivantes : 791,50 euros, outre la somme de 79,15 euros au titre des congés y afférents au titre de la perte de salaire liée à la non-reconnaissance de l'accident du travail,

- condamner la caisse à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la caisse aux entiers dépens.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS

Le 9 mai 2019, la [5] a transmis à la CPRP [5] une déclaration d'accident du travail établie le 16 avril 2019 concernant M. [S], pour des faits survenus le 9 avril 2019 à 15h30 décrits en ces termes : « accident suite à une audience à la demande de l'agent, concernant l'exercice de notation 2019 (reçu par la DUO & le RDET de l'établissement). L'agent a été choqué à la lecture de son évaluation, il s'est rendu au cabinet médical à la fin de cet entretien où il s'est effondré. L'agent s'est vu prescrire un arrêt de travail ». Le siège lésionnel mentionné est « choc psychologique ».

A cette déclaration été joint un certificat médical initial établi le jour de l'accident par le docteur [R], diagnostiquant un « syndrome anxieux réactionnel / souffrance au travail » et prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 12 avril 2019.

Par courrier daté du 6 mai 2021, l'employeur de M. [S] a fait part à la caisse de ses réserves en ces termes : « je souhaite vous faire part de ma vigilance quant à ce dossier étant donné que Monsieur [S] avait demandé une audience à propos de l'exercice de notation de 2019. Ce dernier s'est senti mal à la suite de la lecture de l'évaluation de son travail, qui n'était pas si mauvaise selon la DUO et le RDET. Des axes de progrès ont été identifiés pour faire évoluer Monsieur [S]. Suite à cet entretien ce dernier était choqué et s'est donc rendu au cabinet médical avant de s'effondrer une fois sur place. Dans le cas présent, un exercice de notation ne représente pas un fait accidentel ».

Un refus de prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels a été notifié à M. [S] par courrier du 31 juillet 2019.

Par courrier du 5 septembre 2019, M. [S] a saisi la commission spéciale des accidents du travail de la CPRP [5], laquelle a rejeté cette contestation par décision du 9 mars 2020.

Saisi de la contestation de ce rejet, le pôle social a statué comme exposé précédemment.

La caisse conclut à l'infirmation du jugement. Elle fait valoir qu'aucun propos de l'entretien n'a été rapporté, ni par le témoin cité par M. [S], ni par l'assuré lui-même.

Elle soutient qu'il est compréhensible qu'une absence de promotion puisse être vécue comme une déception mais que ça ne constitue qu'un événement courant de la vie professionnelle dans le cadre du pouvoir de direction de l'employeur et que ces faits ne sauraient constituer un accident du travail sans altercation au cours de cet entretien qui avait été sollicité par M. [S] lui-même.

Elle expose qu'en l'absence de tout fait générateur, la présomption d'imputabilité ne peut s'appliquer.

M. [S] réplique qu'au cours de son entretien professionnel, il a été victime de propos humiliants sur son travail, ce qui a déclenché un choc psychologique émotionnel qui a provoqué chez lui une crise d'angoisse, des difficultés pour respirer et des pleurs, que M. [Z], membre du CSE présent ce jour-là, a dû mettre un terme à l'entretien pour le conduire à la médecine du travail [5] puis chez le médecin généraliste [5] qui l'a placé en arrêt maladie pour syndrome anxieux réactionnel.

Il fait valoir que sa supérieure hiérarchique directe était favorable à son évolution, que cet entretien n'était pas qu'une simple lecture d'évaluation, que la directrice de l'unité opérationnelle s'est montrée très agressive avec lui et que son but était de le rabaisser. Il argue justifier, par des attestations de M. [Z], des propos qui ont été tenus à son égard lors de cet entretien.

Il précise que, contrairement aux dires de la caisse, il ne s'est pas effondré dans le cabinet du médecin après l'entretien mais bien pendant celui ci. Il ajoute que son employeur, dans la déclaration d'accident du travail, n'a pas indiqué ses horaires de travail alors même que l'entretien s'est déroulé aux temps et lieu de travail.

Enfin, il soutient qu'avoir sollicité lui-même cet entretien initialement ne saurait justifier le refus de prise en charge de l'accident et argue rapporter la preuve d'un événement brutal et soudain survenu aux temps et lieu de travail.

Aux termes de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée, ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprises.

Ainsi, constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il a résulté une lésion corporelle ou d'ordre psychologique, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

Il résulte de ces dispositions une présomption d'imputabilité pour tout accident survenu au temps et lieu de travail ayant pour effet de dispenser le salarié d'établir la preuve du lien de causalité entre l'accident et le contexte professionnel.

S'agissant d'une lésion d'ordre psychologique ou psychique, le salarié peut en solliciter la prise en charge, soit sur le fondement de la présomption d'imputabilité en démontrant sa survenance au temps et au lieu de travail, ce qui suppose qu'il soit établi une manifestation matérielle de la lésion dans ce cadre, soit, à défaut de possibilité de se prévaloir de la présomption, en établissant un lien de causalité entre la lésion survenue ou constatée en dehors du travail et un événement survenu au travail.

Il appartient au salarié qui allègue avoir été victime d'un accident du travail d'établir autrement que par ses seules affirmations les circonstances de l'accident.

En l'espèce, en sus de la déclaration d'accident du travail, il ressort du questionnaire première personne avisée établi le 26 avril 2019 par M. [Z], membre du CSE de l'entreprise qui accompagnait le salarié lors de son entretien, que celui-ci « s'est déroulé correctement jusqu'à la lecture de la fiche suivi de l'agent qui a très mal accepté les remarques faites et qui ne semblait pas au courant via sa RET (DPX) ». Il a précisé dans ce questionnaire qu'avant l'accident l'assuré était dans un état normal et qu'après, il était « choqué émotionnellement », qu'il a fondu en larmes et qu'il était très abattu.

M. [Z] a également établi une attestation sur l'honneur le 5 septembre 2019 par laquelle il précise qu' « à l'écoute des mots utilisés pour qualifier certains gestes et attitude métier de M. [S], j'ai pu constater un changement physique rapide de celui-ci. J'ai constaté qu'il était moralement déstabilisé. Dans mon rôle de protection du salarié j'ai demandé à mettre fin à cet entretien inutile et agressif envers cet agent et l'ai accompagné dans la foulée au cabinet médical ».

M. [S] produit en outre une attestation établie le 10 juin 2020 par le docteur [R], médecin généraliste de la [5] l'ayant examiné le jour de l'accident, lequel déclare que « le syndrome anxieux était réactionnel d'après le patient à une souffrance au travail [illisible] à partir du 09/04/19, chez un patient sans antécédent pathologique sur le plan psychologique jusqu'à lors ».

Ces éléments concordent avec la déclaration d'accident du travail et les réserves émises par l'employeur, qui mentionnent que l'assuré s'est senti mal durant l'entretien et qu'il était en état de choc, ce qui coïncide également avec le certificat médical établi le jour de l'accident.

La cour constate ainsi qu'il existe un ensemble de présomptions graves, sérieuses et concordantes quant à la matérialité du fait accidentel survenu au temps et lieu de travail le 9 avril 2019 et duquel il en est résulté une lésion psychologique.

Dès lors, l'accident dont a été victime M. [S] bénéficie de la présomption d'imputabilité au travail.

Pour combattre cette présomption, la caisse se contente de soutenir que l'entretien a été initié par M. [S] et qu'il s'agit d'un événement courant de la vie professionnelle où l'employeur exerce son pouvoir de direction.

Sur ce point, la cour rappelle qu'il importe peu que l'entretien en cause résulte d'un usage légitime ou non du pouvoir de direction de l'employeur dès lors qu'il est démontré, soit la matérialité du fait accidentel survenu soudainement au temps et lieu de travail, soit un lien de causalité entre la lésion et un événement survenu au travail.

En tout état de cause, la caisse ne produit aux débats aucun élément relatif à une cause totalement étrangère au travail ou à une pathologie évoluant pour son propre compte, qui permettrait à la cour d'écarter la présomption d'imputabilité au travail de l'accident.

Échouant à rapporter la preuve qui lui incombe, la CPRP [5] sera déboutée de l'ensemble de ses demandes et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a reconnu le caractère professionnel de l'accident dont a été victime M. [S] le 9 avril 2019.

M. [S] sera renvoyé devant la caisse pour la liquidation de ses droits.

Il n'y a pas lieu par ailleurs de faire droit à la demande de dommages et intérêts qu'il a formulée et motivée au titre de la perte de salaire entraînée par le refus de la caisse de prendre en charge l'accident au titre de la législation professionnelle. Le seul fait d'avoir opposé un refus de prise en charge, fut-il infondé, ne constitue pas une faute de la part de la caisse.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Il serait inéquitable de laisser à M. [S] la charge des frais irrépétibles qu'il a exposés en appel.

La CPRP [5] sera condamnée à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera également condamnée aux dépens de l'instance d'appel conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la [5] à payer à M. [S] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne également aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/03829
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.03829 ?
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