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25/05/2023 | FRANCE | N°21/03805

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 25 mai 2023, 21/03805


ARRET

N° 522





S.A.S. [4]





C/



URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 25 MAI 2023



*************************************************************



N° RG 21/03805 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IFQH - N° registre 1ère instance : 16/00633



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ARRAS EN DATE DU 14 juin 2021





PARTIES EN CAUSE :

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APPELANTE





S.A.S. [4] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]





Représentée et plaidant par Me GLIVO, avocat au barreau de LILL...

ARRET

N° 522

S.A.S. [4]

C/

URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 25 MAI 2023

*************************************************************

N° RG 21/03805 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IFQH - N° registre 1ère instance : 16/00633

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ARRAS EN DATE DU 14 juin 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. [4] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée et plaidant par Me GLIVO, avocat au barreau de LILLE substituant Me Fabien CHIROLA, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIME

URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté et plaidant par Me Maxime DESEURE de la SELARL LELEU DEMONT HARENG DESEURE, avocat au barreau de BETHUNE

DEBATS :

A l'audience publique du 14 Mars 2023 devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Estelle CHAPON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Jocelyne RUBANTEL en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

M. Pascal HAMON, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 25 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.

*

* *

DECISION

Saisi d'un recours en contestation de deux mises en demeure des 24 mars et 11 mai 2016 délivrées par l'URSSAF Nord Pas-de-Calais à la société [4] (la société [4]), le pôle social du tribunal judiciaire d'Arras, par un jugement du 14 juin 2021 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des motifs et des faits, a :

- débouté la société [4] de l'intégralité de ses demandes,

- validé le redressement ainsi que la mise en demeure en date du 24 mars 2016 relatifs à l'annulation de l'exonération des cotisations dites Fillon du donneur d'ordre non vigilant,

- condamné la société [4] à verser à l'URSSAF Nord Pas-de-Calais la somme totale de 81 895 euros correspondant à la somme de 75 000 euros due au titre des cotisations, outre celle de 6 904 euros due au titre des majorations de retard,

- validé la lettre d'observations en date du 21 octobre 2015, le redressement ainsi que la mise en demeure en date du 11 mai 2016 relatifs à la mise en 'uvre de la solidarité financière de la société [4], le donneur d'ordre, à l'égard de la société [O], le sous-traitant à l'encontre de qui l'infraction de travail dissimulé a été relevée,

- condamné la société [4] à verser à l'URSSAF Nord Pas-de-Calais la somme totale de 30 269 euros à ce titre,

- débouté la société [4] de sa demande de condamnation de l'URSSAF Nord Pas-de-Calais au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [4] aux dépens.

La société [4] a relevé appel le 12 juillet 2021 de ce jugement qui lui a été notifié le 22 juin précédent et les parties ont été convoquées à l'audience du 15 septembre 2022, où l'affaire a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 14 mars 2023.

Par conclusions communiquées au greffe le 4 mars 2022, soutenues oralement à l'audience, la société [4] prie la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

A titre principal

- prononcer l'annulation de la procédure de redressement,

- débouter l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire

- débouter l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et ce, au regard de la carence dans l'administration de la preuve du montant des cotisations sociales sujettes à solidarité financière,

A titre infiniment subsidiaire

- limiter le montant des cotisations soumises à solidarité financière à la somme maximale de 27 002,67 euros,

En tout état de cause

- condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- mettre à la charge de l'URSSAF les entiers frais et dépens de l'instance, en ce compris les frais de signification de la contrainte.

Par conclusions communiquées au greffe le 25 août 2022, soutenues oralement à l'audience, l'URSSAF prie la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter la société [4] de ses demandes,

- condamner la société [4] à lui payer la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS

La société [4] exerce une activité de récupération des déchets triés dans le cadre de laquelle sont sous-traitées à la société [O] des prestations de gardiennage et de sécurité. Ce sous-traitant a fait l'objet d'un procès-verbal de travail dissimulé établi le 29 mai 2015.

Considérant que la société [4] a manqué à ses obligations de vigilance en sa qualité de donneur d'ordre, l'URSSAF Nord Pas-de-Calais a engagé à son égard des procédures de solidarité financière, au titre des cotisations dues par le sous-traitant, et d'annulation des exonérations dont elle a bénéficié pour ses propres salariés.

S'agissant de la solidarité financière, l'URSSAF lui a envoyé une lettre d'observations le 21 octobre 2015 puis une mise en demeure le 24 mars 2016 qui a fait l'objet d'une contestation devant la commission de recours amiable le 19 avril 2016.

S'agissant de l'annulation des exonérations, elle a envoyé à la société [4] une lettre d'observations le 25 novembre 2015 puis une mise en demeure le 11 mai 2016 qui a fait l'objet d'une contestation devant la commission de recours amiable le 19 juin 2016.

Saisi de la contestation de ces deux mises en demeure, le pôle social, joignant les deux affaires, a statué comme précédemment exposé.

Sur l'annulation des exonérations Fillon (81 895 euros)

La société [4] conclut à l'annulation de ce redressement aux motifs que la lettre d'observations n'a pas été signée par le directeur de l'URSSAF, qu'aucun avis de contrôle ne lui a été envoyé au préalable et que la période de redressement visée par la lettre d'observations est erronée.

- sur le défaut de signature par le directeur de l'URSSAF de la lettre d'observations du 25 novembre 2015

La société [4] soutient que la lettre d'observations du 25 novembre 2015 n'a été signée que par les inspecteurs chargés du recouvrement et non par le directeur de l'URSSAF, tout comme la réponse de cette dernière du 29 février 2016.

Elle expose que l'existence d'une délégation de pouvoir du directeur aux inspecteurs ne permet pas de contourner l'obligation de signature du directeur visée par l'ancien article R.133-8 du code de la sécurité sociale, seule disposition applicable en l'espèce, et que l'URSSAF ne peut se prévaloir de l'article R.243-59 du même code.

Elle indique que l'application des dispositions de l'article R.133-8 est justifiée car le contrôle concerne la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées à l'article L.8221-1 du code du travail et non aux seules fins de recouvrement des cotisations afférentes, que le redressement s'appuie sur le procès-verbal de travail dissimulé du 29 mai 2015 et qu'il n'y a eu aucun avis de contrôle préalable.

Elle ajoute que les faits ayant donné lieu à la jurisprudence de la Cour de cassation du 23 janvier 2020 invoquée par l'URSSAF sont différents de la présente espèce et qu'est applicable la seule procédure spéciale visée à l'article R.133-8 qui prévoit expressément que la lettre d'observations est signée par le directeur de l'URSSAF.

Elle soutient que comme elle n'a pas été contrôlée directement, l'URSSAF ne peut se prévaloir des dispositions de l'article R.243-59 concernant la personne morale contrôlée.

L'URSSAF réplique que la lettre d'observations du 25 novembre 2015 est signée par des inspecteurs du recouvrement qui bénéficiaient d'une délégation de signature du directeur de l'URSSAF.

Elle rappelle que la société [4] n'a pas, elle-même, fait l'objet d'un contrôle comptable d'assiette ou d'un contrôle dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé mais qu'elle a manqué à son obligation de vigilance et qu'elle est dès lors tenue solidairement au paiement des dettes de son cocontractant qui a seul fait l'objet d'un contrôle.

Elle expose que, même si elle avait fait l'objet d'un contrôle, ce qui n'est pas le cas, les articles R.122-3, alinéa 8, et D.253-6 du code de la sécurité sociale prévoient que le Directeur d'un organisme de sécurité sociale peut déléguer sous sa responsabilité une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme, et dit produire les délégations de signature du Directeur de l'URSSAF aux trois inspecteurs ayant signé la lettre d'observations du 25 novembre 2015.

Elle fait valoir en outre que la procédure de solidarité financière est soumise aux dispositions de l'article R.243-59, notamment son point III, et non l'article R.133-8-1 du code de la sécurité sociale qui concerne la recherche d'infraction en matière de travail dissimulé et l'exploitation des procès-verbaux des partenaires.

Elle conclut que la lettre d'observations n'a pas pour objectif de faire le constat d'un travail dissimulé au sein de la société [4] mais seulement l'annulation des exonérations du donneur d'ordre non vigilant, conséquemment au redressement pour travail dissimulé de la société [O].

Il résulte de l'article L.8222-1 du code du travail que « toute personne vérifie lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant s'acquitte :

1° des formalités mentionnées aux articles L.8221-3 et L.8221-5 (...) ».

L'article L.8222-2 du même code prévoit que « toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L.8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé :

1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ;

2° Le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié (...) ».

Aux termes de l'article L.133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, « lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L.8222-1 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés. Le donneur d'ordre ou le maitre d'ouvrage encourt la même sanction, dans les mêmes conditions, lorsqu'il est constaté qu'il a manqué à l'obligation mentionnée à l'article L.8222-5 du code du travail.

L'annulation s'applique pour chacun des mois au cours desquels les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article sont vérifiées. Elle est calculée selon les modalités prévues aux deux derniers alinéas de l'article L.133-4-2, sans que son montant global puisse excéder 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale ».

L'article R.133-8-1 du même code prévoit que « lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L.243-7 du présent code ou de l'article L.724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif à la mise en 'uvre des dispositions de l'article L.133-4-5 est porté à la connaissance du donneur d'ordre ou du maître d'ouvrage par un document signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

Ce document rappelle les références du procès-verbal pour le travail dissimulé établi à l'encontre du cocontractant, précise le manquement constaté, la période sur laquelle il porte et le montant de la sanction envisagé.

Ce document informe également la personne en cause qu'elle dispose d'un délai de 30 jours pour présenter ses observations par tout moyen permettant de rapporter la preuve de leur date de réception et qu'elle a la faculté de se faire assister par une personne ou un conseil de son choix. A l'expiration de ce délai et, en cas d'observations du donner d'ordre ou du maître d'ouvrage, après lui avoir notifié le montant de la sanction, le directeur de l'organisme de recouvrement met en recouvrement les sommes dues selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale ».

Enfin l'article R.243-59 du même code, dans sa rédaction issue du décret n°2013-1107 applicable au litige, dispose que « tout contrôle effectué en application de l'article L.243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail. Cet avis fait état de l'existence d'un document intitulé " Charte du cotisant contrôlé " présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu'ils sont définis par le présent code. Il précise l'adresse électronique où ce document, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, est consultable, et indique qu'il est adressé au cotisant sur sa demande.

L'employeur ou le travailleur indépendant a le droit pendant le contrôle de se faire assister du conseil de son choix. Il est fait mention de ce droit dans l'avis prévu à l'alinéa précédent.

Les employeurs, personnes privées ou publiques, et les travailleurs indépendants sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7, dénommés inspecteurs du recouvrement, tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice du contrôle.

Ces agents peuvent interroger les personnes rémunérées notamment pour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature.

A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 envisagés. En cas de réitération d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'une observation ou d'un redressement lors d'un précédent contrôle, il précise les éléments caractérisant le constat d'absence de mise en conformité défini à l'article L. 243-7-6. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Le constat d'absence de mise en conformité et le constat d'absence de bonne foi sont contresignés par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.

En l'absence de réponse de l'employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l'organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement.

Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant.

L'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de son propre courrier en réponse.

L'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme ».

En l'espèce, il ressort expressément de la lettre d'observations du 25 novembre 2015 qu'elle concerne les annulations des exonérations du donneur d'ordre non vigilant suite au constat de travail dissimulé du sous-traitant, et non la recherche de la solidarité du donneur d'ordre.

Les inspecteurs du recouvrement ont en effet visé les articles L.133-4-5, L.133-4-2 et R.133-8-1 du code de la sécurité sociale et il a été précisé à la société [4] que cette lettre « constitue la lettre d'observation prévue à l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale. Elle concerne uniquement la mise en 'uvre de l'annulation prévue à l'article L.133-4-5 du code de la sécurité sociale en raison de la verbalisation pour travail dissimulé votre cocontractant. Une lettre d'observation complémentaire vous sera adressée au titre de la mise en cause de votre solidarité financière prévue aux articles L.8222-1 et suivants du code du travail ».

Partant, c'est l'article L.133-4-5 qui s'applique au redressement visé par la lettre d'observations du 25 novembre 2015.

Nonobstant la mention à l'article R.243-59 dont l'URSSAF sollicite l'application, il résulte de la lecture combinée des articles L.133-4-5 et R.133-8-1, susvisés, que la lettre d'observations établie dans le cadre d'un redressement en vue de l'annulation des exonération de cotisations du donneur d'ordre, consécutivement au constat par procès-verbal de gendarmerie de la commission de l'infraction de travail dissimulé par son sous-traitant, doit être signée par le Directeur de l'URSSAF.

L'URSSAF produit trois délégations de signature de son Directeur, M. [I], au bénéfice de trois inspecteurs du recouvrement, MM [X], [E] et [Y], portant leur signature à tous ainsi que celle de l'Agent comptable.

En des termes identiques, ces documents indiquent que délégation de signature est donnée aux inspecteurs du recouvrement [X], [E] et [Y], pour, notamment, signer les avis de contrôle, les courriers, courriels, lettres d'observations, réponses à observations, notes, rapports, procès-verbaux et décisions techniques.

Ces documents précisent en outre que la délégation de signature prend effet au 2 janvier 2015.

La lettre d'observations du 25 novembre 2015 a été signée par ces trois inspecteurs du recouvrement.

L'article D.253-6 du même code, dans sa version applicable, précise que le directeur peut, conformément aux dispositions de l'article R.122-3, déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme. Il peut déléguer, à titre permanent, sa signature au directeur adjoint de la caisse ou à un ou plusieurs agents de l'organisme. Cette délégation doit préciser, pour chaque délégué, la nature des opérations qu'il peut effectuer et leur montant maximum s'il y a lieu.

Contrairement aux dires de la société [4], l'article R.133-8-1 du code de la sécurité sociale n'interdit pas au Directeur de déléguer son pouvoir de signature et aucun des textes visés n'exigent la signature du Directeur en personne et à peine de nullité.

Partant, il convient de dire régulière la lettre d'observations du 25 novembre 2015.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

- sur le défaut d'avis de contrôle

La société [4] fait valoir que, dans le cas où la cour jugerait applicables au litige les dispositions procédurales de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, la procédure est irrégulière en ce que l'URSSAF ne lui a pas transmis d'avis préalable au contrôle.

L'URSSAF réplique que l'article R.243-59 subordonne l'envoi d'un avis de contrôle dans le cadre d'un contrôle effectué en application de l'article L.243-7, que ce n'est pas le cas en l'espèce, que la responsabilité de la société a été mise en 'uvre dans le cadre des dispositions de l'article L.8222-1 du code du travail.

Elle soulève qu'il est incohérent que la société invoque les dispositions de l'article R.243-59 concernant l'envoi préalable d'un avis de contrôle alors qu'elle a sollicité précédemment l'application des dispositions de l'article R.133-8.

Il a déjà été établi que le présent redressement ne résultait pas d'un contrôle de la société [4] elle-même mais de l'application des dispositions de l'article L.133-4-5, susvisé.

Partant, les inspecteurs du recouvrement n'ont pas à délivrer au donneur d'ordre un avis de contrôle préalable avant de mettre en 'uvre la procédure d'annulation des exonération de cotisation.

Ce moyen sera rejeté et le jugement confirmé sur ce point.

- sur la période de redressement visée par la lettre d'observations

La société [4] fait valoir que la lettre d'observations du 25 novembre 2015 n'est pas conforme aux dispositions des articles L.133-4-2 et suivants du code de la sécurité sociale et qu'aucune répartition par mois n'est expliquée, en violation de l'article L.133-4-5.

Elle soutient que la réponse de l'URSSAF du 29 février 2016 mentionne la période du 24 mars 2014 au 4 janvier 2015 s'agissant de la prestation de gardiennage réalisée pour elle par la société [O], ce qui est en contradiction avec la période visée par la lettre d'observations (1er janvier 2013 au 31 mai 2015) qui est par conséquent erronée.

Elle ajoute que l'URSSAF ne mentionne que le montant des réductions Fillon déclarées et non celui des rémunérations versées ou dues aux salariés dissimulés, de sorte que la lettre d'observations ne répond pas aux exigences de clarté et de précision, notamment car les montants visés dans la lettre et la réponse du 29 février 2016 sont différents.

L'URSSAF réplique que la période visée dans la réponse à la lettre d'observations est effectivement erronée car résultant d'un mauvais copié-collé et que la société [4] l'a d'ailleurs soulevé.

Elle soutient que la période prise en compte pour l'annulation des exonérations est bien celle indiquée sur la lettre d'observations, à savoir du 1er janvier 2013 au 30 avril 2015 et que cette erreur matérielle ne permet pas de remettre en cause la procédure engagée.

Elle ajoute qu'au fond, l'argument reste le même, le manquement à l'obligation de vigilance par la société [4] a entrainé une annulation des exonérations Fillon appliquées sur la période du 1er janvier 2013 au 30 avril 2015 pour la somme totale de 177 694 euros.

Elle précise que le plafond étant fixé à 75 000 euros, le montant du redressement n'a pas été modifié entre la lettre d'observations et la réponse à observations suite à cette erreur matérielle et reste finalement le même.

Elle expose enfin que les calculs sont assez détaillés, année par année, dans sa correspondance du 29 février 2016.

En l'espèce, la lettre d'observations comporte toutes les mentions prévues à l'article R.133-8-1, à savoir la référence au procès-verbal, le manquement constaté, la période sur laquelle il porte, le montant de la sanction envisagée ainsi que le délai de réponse de trente jours pour faire des observations.

Il ne ressort pas de ces dispositions qu'à peine de nullité, ce document doit mentionner les répartitions par mois.

Ensuite, la lettre d'observations du 25 novembre 2015 mentionne la période du 1er janvier 2013 au 31 mai 2015.

Dans le courrier du 29 février 2016, la cour relève effectivement une erreur de plume de l'URSSAF, qui argue d'un mauvais copié-collé des inspecteurs du recouvrement lors de l'établissement de ce document. Le paragraphe « Date du constat et période sur laquelle l'obligation de vigilance du donneur d'ordre n'est pas respectée » indique en ces termes que « sur la période du 24/03/2014 au 04/01/2015, l'Office Pas-de-Calais Habitat a fait réaliser une prestation de gardiennage par la société [C] [O], représentée par [C] [O] ».

Il est évident qu'il s'agit d'un extrait de courrier qui n'était pas destiné à la société [4], qui ne saurait dès lors s'en prévaloir, mais à l'Office Pas-de-Calais Habitat, le reste du document correspondant bien au redressement opéré par l'URSSAF à l'encontre de la société [4], ce qu'elle ne conteste pas. Ce moyen ne saurait prospérer.

S'agissant de la différence entre le montant total des réductions Fillon déclarées figurant dans la lettre d'observations (177 964 euros) et dans le courrier de réponse (112 240 euros), la cour constate qu'elle résulte d'une modification de la répartition des annulations des exonérations conséquemment à l'entrée en vigueur de l'article L.133-4-5 à compter du 6 décembre 2013. L'URSSAF a ainsi retiré du montant total le montant correspondant à l'année 2013 qui ne pouvait être pris en compte.

Cette correction n'a eu aucun effet sur le montant du redressement et ne saurait faire grief à la société, étant rappelé que l'annulation des réductions Fillon est plafonnée à 75 000 euros.

Enfin, la différence invoquée par l'appelante entre le montant de la régularisation pour l'année 2014 figurant sur la lettre d'observations (33 579 euros) et le courrier de réponse (53 242 euros) s'explique, au regard de la formule de calcul utilisée ([montant annuel déclaré / montant total de l'ensemble des périodes] x 75 000 euros), par la soustraction du montant global du montant déclaré au titre de l'année 2013.

Ce moyen sera également rejeté.

En conséquence, il convient par confirmation du jugement entrepris de dire régulière la lettre d'observations du 25 novembre 2015 et de valider la mise en demeure du 24 mars 2016.

Sur la solidarité financière (30 269 euros)

- sur le défaut de signature de la lettre d'observations du 21 octobre 2015 par le directeur de l'URSSAF

La société soutient que l'article R.133-8-1 concerne expressément le donneur d'ordre, qu'il n'est pas possible d'écarter son application et qu'il impose que la lettre d'observations soit signée par le directeur de l'URSSAF, ce qui n'est pas le cas.

Elle ajoute que les délégations de pouvoir produites par l'URSSAF empêchent de contourner cette exigence spéciale et que l'article R.243-59 n'est pas applicable car il ressort de la lettre d'observations que le contrôle a été opéré dans le cadre de la recherche d'infractions de travail dissimulé, qu'un procès-verbal a été établi par la gendarmerie ce qui a entrainé l'annulation des exonérations du donneur d'ordre et qu'aucun avis de contrôle préalable ne lui a été envoyé.

Elle réitère la même argumentation qu'elle a précédemment développée s'agissant de la jurisprudence de la Cour de cassation et rappelle encore une fois qu'elle n'a jamais été contrôlée, ce que ne conteste pas l'URSSAF.

Dès lors que la mise en 'uvre de la solidarité financière fait suite à l'établissement du procès-verbal pour travail dissimulé à l'égard de son sous-traitant, c'est l'article R.133-8-1 qui s'applique.

En réplique, l'URSSAF s'en rapporte aux arguments déjà exposés au titre de l'annulation des exonérations.

En l'espèce, il ressort expressément de la lettre d'observations du 21 octobre 2015 qu'elle concerne la mise en 'uvre de la solidarité financière du donneur d'ordre et non pas l'annulation des réductions ou exonération de cotisations.

Le redressement a pour objet le paiement solidaire par le donneur d'ordre des cotisations ou contributions obligatoires, ainsi que des pénalités et majorations dues par celui-ci.

Ainsi, l'article L.133-4-5 susvisé, qui constitue un pré requis à l'application des dispositions procédurales de l'article R.133-8-1, ne s'applique pas, ce qui est d'ailleurs expressément rappelé par les inspecteurs dans la lettre en ces termes : « la présente constitue la lettre d'observations prévue à l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale. Elle concerne uniquement la mise en cause de votre solidarité financière prévue aux articles L.8222-1 et suivants du code du travail en raison de la verbalisation pour travail dissimulé de votre cocontractant. Une lettre d'observations complémentaire vous sera le cas échéant adressée au titre de la mise en 'uvre de l'annulation des exonérations prévue à l'article L.133-4-5 ».

Partant, l'URSSAF était fondée à viser l'article R.243-59 dans la lettre d'observations du 21 octobre 2015, lequel n'impose pas qu'elle soit signée du Directeur mais par les seuls inspecteurs du recouvrement, l'URSSAF ayant tout de même produit les délégations de signature détaillées précédemment.

Ce moyen est rejeté et le jugement sera confirmé sur ce point.

- sur le défaut d'avis de contrôle préalable

La société [4] fait valoir que, dans le cas où la cour jugerait applicables au litige les dispositions procédurales de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, la procédure est irrégulière en ce que l'URSSAF ne lui a pas transmis d'avis préalable au contrôle.

En réplique, l'URSSAF s'en rapporte aux arguments déjà exposés au titre de l'annulation des exonérations.

La cour rappelle que le respect du contradictoire à l'égard du donneur d'ordre, qui n'a pas été contrôlé, dans le cadre de la procédure de mise 'uvre de sa solidarité financière, résultant de l'application à son égard des dispositions de l'alinéa 5 de l'article R.243-59 susvisé, n'a pas pour effet que lui soient également appliquées les autres dispositions procédurales relative au contrôle en lui-même.

Partant, les inspecteurs du recouvrement n'avaient pas à faire précéder la lettre d'observations du 21 octobre 2015 d'un avis de contrôle préalable, dès lors que c'est la société [O] et non la société [4] qui a été contrôlée.

Au surplus, la société [4] était informée dès le 17 juin 2015 qu'un procès-verbal de travail dissimulé avait été dressé à l'encontre de son cocontractant.

Ce moyen est rejeté et le jugement sera confirmé sur ce point.

- sur la non-conformité de la lettre d'observations et de la mise en demeure à l'article R.243-59

La société [4] soutient que la lettre d'observations doit être considérée comme nulle, qu'elle ne répond pas aux exigences de clarté et de précision dès lors qu'elle ne distingue pas les prestations d'un montant unitaire inférieur à 3000 euros et celles d'un montant unitaire supérieur à 3000 euros, que le calcul reprend une période globale et non année par année des sommes dues, que la période visée est différente de celle reprise dans la mise en demeure et qu'elle s'étend au-delà des limites temporelles de sa relation contractuelle avec le société [O], de l'aveu de l'URSSAF du 24 mars 2014 au 4 janvier 2015 et enfin qu'elle contient un chiffre d'affaire de la société [O] erroné.

S'agissant de la mise en demeure, la société [4] reprend les mêmes moyens.

L'URSSAF réplique s'en rapporter à l'argumentation qu'elle a développée s'agissant de la lettre d'observations du 25 novembre 2015.

La cour relève que la lettre d'observations du 21 octobre 2015 comporte toutes les prescriptions visées à l'article R.243-59, elle est datée et signée par les inspecteurs du recouvrement, elle mentionne l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle, la nature et le mode de calcul ainsi que le montant du redressement.

L'URSSAF n'a pas à distinguer les différentes prestations ni à détailler année par année les sommes dues dans la lettre d'observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait dans la mise en demeure du 11 mai 2016 qui reprend le détail par année des cotisations dues au titre de la solidarité financière.

Il n'y a pas non plus de différence de période entre la lettre d'observations du 21 octobre 2015 et la mise en demeure du 11 mai 2016, lesquelles visent bien la période du 1er janvier 2013 au 30 avril 2015, nonobstant les seules mentions aux années dans la mise en demeure.

La société ne saurait là encore se prévaloir de l'erreur de plume de l'URSSAF s'agissant de la période retenue à l'égard de l'Office Habitat Pas-de-Calais, qui plus est commise dans le cadre d'une procédure distincte.

La mise en demeure reprend également la cause, la nature et le montant des cotisations réclamées.

Enfin, la société [4] ne démontre pas utilement que le chiffre d'affaire de la société [O], déclarée par celle-ci à l'URSSAF, serai erroné, ses seules allégations sont insuffisantes.

Partant, la lettre d'observations du 21 octobre 2015 ainsi que la mise en demeure du 11 mai 2016 sont régulières.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

- sur la non-transmission du procès verbal de constat de l'infraction

La société [4] soutient qu'en l'absence de transmission du procès-verbal, le redressement doit être annulé dès lors qu'elle ne le communique pas au stade contentieux.

Contrairement à ses dires, l'URSSAF a communiqué dans la présente instance le procès-verbal de travail dissimulé.

Ce moyen sera rejeté.

- sur les prétentions subsidiaires de la société [4]

La société [4] entend une nouvelle fois se prévaloir de l'erreur de plume de l'URSSAF dans son courrier de réponse à observations du 29 février 2016 pour que cette dernière procède à un nouveau calcul du montant du redressement sur la solidarité financière.

Ce moyen ne saurait prospérer, la cour ayant admis qu'il s'agissait d'une simple erreur matérielle dont ne pouvait se prévaloir la société [4].

En conséquence, il convient par confirmation du jugement entrepris de dire régulière la lettre d'observations du 21 octobre 2015 et de valider la mise en demeure du 11 mai 2016.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

- sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à l'URSSAF la charge de ses frais irrépétibles.

La société [4] sera condamnée à lui verser la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de la demande qu'elle a formulée au même titre.

Elle sera également condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société [4] de l'ensemble de ses demandes,

La condamne à payer à l'URSSAF la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne également aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/03805
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.03805 ?
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