ARRET
N° 521
URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS
C/
S.E.L.A.S. [9]
[10]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 25 MAI 2023
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N° RG 20/02371 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HXFB -
JUGEMENT DU TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE LILLE EN DATE DU 28 juin 2016
ARRETS DE LA CHAMBRE DE LA PROTECTION SOCIALE DE LA COUR D'APPEL D'AMIENS EN DATE DU 16 janvier 2020 ET DU 10 décembre 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Maxime DESEURE de la SELARL LELEU DEMONT HARENG DESEURE, avocat au barreau de BETHUNE
ET :
INTIMEES
S.E.L.A.S. [9] ([16]) prise en la personne de Maître [B] [M], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société [13]
[Adresse 5]
[Localité 4]
[10] prise en la personne de Maître [G] [S] es-qualité de liquidateur judiciaire de la société [13]
Maître [G] [S]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentées par Me WEIMANN, avocat au barreau d'AMIENS substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AMIENS
DEBATS :
A l'audience publique du 14 Mars 2023 devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Estelle CHAPON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Jocelyne RUBANTEL en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,
M. Pascal HAMON, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 25 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
La société [13], dont l'activité principale était la préparation industrielle de produits à base de viande, a été placée en redressement judiciaire suivant jugement du Tribunal de Commerce de Lille METROPOLE en date du 4 décembre 2017, puis en liquidation judiciaire suivant jugement en date du 27 juin 2018.
La société [13] a fait l'objet d'un contrôle comptable d'assiette pour la période du 1 er janvier 2010 au 31 décembre 2010 par les services de l'Urssaf du Finistère.
L'inspecteur du recouvrement de l'Urssaf a notifié ses observations par lettre du 13 septembre 2011.
Cette vérification entraînait un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS pour un montant total de 632.975 €.
A l'issue d'échanges d'informations et de pièces et de nouvelles lettres d'observations, une mise en demeure pour un montant de 152 448,00 € en cotisations a été décernée par l'Urssaf du Nord, devenue Urssaf du Nord-Pas-de-Calais, le 4 janvier 2012.
La société a saisi la commission de recours amiable pour contester divers chefs de redressement.
Par décision du 22 octobre 2013 notifiée le 26 novembre 2013, la commission de recours amiable a rejeté la contestation de la société.
Le 23 décembre 2013, la société [13] saisissait le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille.
Par jugement du 28 juin 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille a statué comme suit :
« Dit irrégulière la procédure de contrôle initiée par I 'Urssaf du Finistère,
Annule, en conséquence, totalement le redressement opéré suite à un contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale par la société [13] sur la période du Ier janvier 2007 au 31 décembre 2008,
Condamne l'Urssaf du Nord-Pas-de-Calais, venant aux droits de l'Urssaf du Finistère, à payer à la société [13] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Déboute I 'Urssaf du Nord-Pas-de-Calais de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ».
L'Urssaf a interjeté appel le 26 juillet 2016.
La société [13] a été placée en redressement judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 4 décembre 2017.
Puis, suivant jugement en date du 27 juin 2018, le tribunal de commerce de Lille METROPOLE a converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire, et désigné la SELARL [15] et la SELAS [16] en qualité de liquidateur.
La société [10] représentée par Maître [G] [S] intervient ultérieurement en lieu et place de Maître [R] [C].
C'est dans ces conditions que l'Urssaf Nord-Pas-de-Calais a assigné en intervention forcée les liquidateurs de la société [13].
Par conclusions visées par la greffe le 14 mars 2023, l'Urssaf Nord-Pas-de-Calais s'en rapporte à ses conclusions et demande à la cour de :
Dire régulières la procédure de contrôle et la mise en demeure,
Confirmer l'intégralité des postes de redressement litigieux,
Valider la mise en demeure du 6 janvier 2012,
Subsidiairement, si la cour devait juger irrégulier le non-respect d'un délai de 30 jours supplémentaire pour répondre au courrier de l'inspecteur du recouvrement en date du 7 novembre 2011 :
Dire la procédure de contrôle régulière,
Valider le poste de redressement n 0 18 réduction Fillon au 01/10/2007 régularisation créditrice calculée par l'entreprise pour un montant de 32 866,00 € en cotisations tel qu'initialement envisagé à la lettre d'observations et à la réponse de l'inspecteur du 3 novembre 2011,
Valider les autres postes de redressements litigieux,
En conséquence valider la mise en demeure en date du 6 janvier 2012 pour un montant ramené à 89 404,00 € en cotisations,
En tout état de cause, Condamner Maître [R] [C] et la SELAS [9], en leur qualité de liquidateur judiciaire de la société [13], à payer à l'Urssaf Nord-Pas-de-Calais une somme de 800,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner Maître [R] [C] et la SELAS [9], en leur qualité de liquidateur judiciaire de la société [13], aux entiers dépens.
En réponse la société [13] en la personne de son mandataire liquidateur s'en rapporte à ses conclusions visées par la greffe le 14 mars 2023 et sollicite de la cour de :
Juger la SCP [8] prise en la personne de Maître [G] [S] et la SELAS [16] prise en la personne de Maître [B] [M], ès-qualités de liquidateurs de la société [13], recevables et bien fondées en leurs moyens de défense,
Juger l'Urssaf irrecevable ou à tout le moins mal fondée en son appel,
En conséquence, et y faisant droit,
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 juin 2016 par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille.
A titre subsidiaire, si par impossible la cour de céans devait considérer que l'Urssaf était en droit de modifier le redressement et de l'augmenter arbitrairement, au-delà de ne pas faire mention aux termes de son second courrier en réponse d'un délai de 30 jours pour répondre aux observations de l'inspecteur, il conviendra de :
Constater que la mise en demeure du 6 janvier 2012 fait état d'un « contrôle chef de redressement notifiés le 13/09/11» pour un montant en cotisations de 152 448 € alors que la société [13], le 13/09/11, s'est vu notifiée un chef de redressement total de 632 975 € (montant erroné puisque le total des redressements notifié était en réalité de 642 9756), et que la mise en demeure fait référence à la somme de 152.448 euros, qui résulte du second courrier en réponse de l'Urssaf du 7 novembre 2011,
Constater que la mise en demeure invoque uniquement des cotisations du « régime général » et, comme motif de recouvrement, le redressement « notifié le 13/09/11 », alors que les redressements notifiés au titre de la réduction Fillon d'un montant respectif de 95.910 € et 23.677 € résultent d'une « absence ou insuffisance de versement » afférents à certains mois de l'année 2011 '
En conséquence :
Juger que la mise en demeure de l'Urssaf en date du 6 janvier 2012 ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 244-2 du Code de la Sécurité sociale ;
Ce faisant,
Prononcer la nullité la mise en demeure en date du 6 janvier 2012
Juger que la somme de 167.387 € réclamée par la mise en demeure litigieuse à l'issue d'une procédure de contrôle irrégulière n'est pas due.
A titre infiniment subsidiaire, sur le caractère infondé du redressement :
Constater que la société [13] produit une ventilation précise des taux de cotisations risque par risque, délivrée par l'organisme assureur, la société [7].
Annuler en conséquence le redressement n0 5 à hauteur de 217 € et les majorations de retard correspondantes.
Constater que pour le calcul de la réduction Fillon, le taux horaire du SMIC à prendre en compte dans la formule de calcul du coefficient est celui en vigueur au cours de la période d'emploi ;
Juger en conséquence bien fondée la demande présentée à hauteur de 9.127 € pour tenir compte de la valeur du SMIC horaire au 1 er mai 2008 dans le calcul de la réduction Fillon du mai 2008 au 30 juin 2008.
Constater que l'Urssaf a admis que la société [13] pouvait bénéficier de la neutralisation de la rémunération des temps de pause versée aux salariés en horaires décalés au dénominateur du coefficient de calcul de la réduction Fillon,
Constater qu'il en résulte un crédit en faveur de la société [13] d'un montant de 95.910 € pour la période allant de janvier à novembre 2010.
Annuler en conséquence le redressement no 18 à hauteur de 95.910 € et les majorations de retard correspondantes.
Constater que l'article D 241-7 du Code de la Sécurité sociale, dans sa version applicable à la période contrôlée, ne prévoit nullement une correction du SMIC pour les salariés « dont la durée conventionnelle de travail est inférieure à la durée légale » (circulaire de l'Urssaf) ou dont la rémunération n'est pas calculée sur la base de la durée légale ;
Juger en conséquence que l'Urssaf n'avait pas à corriger le SMIC au numérateur du coefficient de calcul de la réduction Fillon '
Constater que l'article D 241-7 du Code de la Sécurité sociale prévoit que le SMIC est corrigé à proportion de la durée de travail inscrite au contrat de travail des salariés sans distinguer entre la durée de travail constituant du temps de travail effectif ou non ;
Constater qu'en application de l'article L. 241-15 du code de la Sécurité sociale, tout calcul afférant à la réduction Fillon comprend tant les heures correspondant à du temps de travail effectif que celles qui ne correspondent pas à du temps de travail effectif ;
Constater que la proratisation du SMIC en fonction de la seule durée du travail correspondant à du temps de travail effectif annihilerait le bénéfice de la déduction des temps de pause au dénominateur, et serait contraire de l'objectif des pouvoirs publics en matière de santé au travail ;
Juger que l'Urssaf ne pouvait procéder à une correction du SMIC en fonction de la durée du travail effectif réalisée par les salariés,
Annuler en conséquence le redressement no 19 infondé opéré via la mise en demeure à hauteur de 23.677 e, et les majorations de retard correspondantes.
En tout état de cause,
Condamner l'Urssaf Nord-Pas-de-Calais à payer à la SCP [8] prise en la personne de Maître [G] [S] et la SELAS [16] prise en la personne de Maître [B] [M], ès-qualités, la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel ;
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.
Motifs
Sur la régularité de la procédure de contrôle
La société [13] soutient d'une part, que l'annulation par l'inspecteur de sa lettre en réponse du 3 novembre 2011 rectifiée par son courrier du 7 novembre 2011 sans ouvrir un nouveau délai de trente jours pour lui répondre, doit conduire à l'annulation de la procédure, et d'autre part, que la mise en demeure qui lui a été adressée et qui fait référence à la lettre d'observations, ne lui permet pas d'avoir connaissance de la cause, de la nature et de l'étendue de ses obligations en ce qu'elle viserait des montants différents de ceux notifiés aux termes de la lettre d'observations.
Elle précise que, dans son courrier en réponse en date du 3 novembre 2011, l'Urssaf n'avait pas tenu compte des explications et pièces fournies par la société [13] concernant le poste de redressement n o 18, de sorte qu'après s'en être rendue compte, elle s'est finalement ravisée suivant lettre en date du 7 novembre 2011 « annulant et remplaçant », aux termes duquel elle a modifié les modalités de calcul initialement retenues au sein de la lettre d'observations.
Aussi, cette modification devait conduire les services de l'Urssaf à rétablir une période contradictoire afin de permettre à la société [13] de faire valoir ses observations.
Aux termes de l'article R. 243-59, alinéa 5, du code de la Sécurité Sociale modifié par le décret n o 2007-546 du 11 avril 2007 il est précisé :
« A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés-
Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Ce constat d'absence de bonne foi est contresigné par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.
En l'absence de réponse de l'employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l'organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant t'objet du redressement.
Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant.
L'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de celle de l'inspecteur du recouvrement.
L'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme.
A réception de la réponse de l'employeur, l'inspecteur doit, avant de déposer son rapport à l'organisme chargé du recouvrement, impérativement répondre à l'employeur ».
Il découle de cet article que l'inspecteur du recouvrement de l'Urssaf a l'obligation à l'issue des opérations de vérification, d'adresser à l'employeur une lettre reprenant l'ensemble des observations relevées, et l'invitant à répondre dans un délai de trente jours.
La cour observe que le texte a expressément prévu que ce délai de 30 jours s'attache à la transmission de la lettre initiale d'observations de l'Urssaf à la société
La cour relève de ce texte qu'aucune disposition légale ne lui impose d'ouvrir un nouveau délai pour « répondre à sa réponse ».
Le texte ne précise en aucune manière l'imposition d'un tel délai dans les échanges postérieurs entre l'Urssaf et les sociétés.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la procédure est régulière sur ce point.
Sur la régularité de la mise en demeure du 6 janvier 2012
La mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation.
A cette fin, la mise en demeure doit préciser à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations réclamées, ainsi que la période à laquelle elle se rapporte.
L'article L.244-2 du code de la sécurité sociale n'impose aucun formalisme à la mise en demeure, si ce n'est son envoi par lettre recommandée avec avis de réception.
La société [13] considère que la mise en demeure fait état d'un « contrôle des chefs de redressement notifiés le 13/09/11 » pour un montant en cotisations de 152.448 €.
Cependant, le 13 septembre 2011, la société [13] s'est vu notifier un chef de redressement total de 632.975 €, montant d'ailleurs erroné puisque le total des redressements notifiés était en réalité de 642.975 €.
Or, la mise en demeure fait référence à la somme de 152.448 €, qui résulte de la deuxième lettre en réponse de l'Urssaf du 7 novembre 2011.
La mise en demeure aurait donc dû préciser comme cause de l'obligation de la société [13] « contrôle chef de redressement notifiés le 7/11/11 » ou comporter comme montant la somme de 632.975 €.Enfin, la mise en demeure invoque uniquement des cotisations du « régime général » et, comme motif de recouvrement, les chefs de redressement notifiés le 13 septembre 2011.Or, les redressements notifiés au titre de la réduction Fillon (postes 18 et 19) d'un montant respectif de 95.910 € et 23.677 € résultent d'un crédit Fillon que la société [13] a directement imputé sur ses cotisations du début d'année 2011.
La société considère que pour être valable, la mise en demeure aurait dû mentionner, au titre de la réduction Fillon, « absence ou insuffisance de versement » et viser précisément les mois de l'année 2011 pour lesquels la société [13] n'a pas versé ses cotisations.
La cour relève cependant que la mise en demeure du 6 janvier 2012 mentionne expressément qu'elle fait suite à un contrôle et renvoie pour les chefs de redressement, à la lettre d'observations du 13 septembre 2011. Elle précise qu'il s'agit des cotisations du régime général et renvoie également à l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale.
En outre, la cour observe que la mise en demeure fait état d'un montant en cotisations de 152.448 € rigoureusement identique à celui figurant dans la lettre en réponse aux observations du cotisant à l'issue de la phase contradictoire.
La réduction du montant de la créance d'un organisme de recouvrement décidée à la suite des observations du cotisant n'est pas susceptible d'entraîner la nullité de la mise en demeure lorsque cette réduction laisse à celui-ci connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation.
En conséquence, il y a lieu de déclarer régulière la procédure de contrôle.
Sur le chef de redressement numéro 5 de la lettre d'observations : taxe de prévoyance
L'article L. 137-1 du Code de la sécurité sociale dispose dans sa version applicable au litige :
Il est institué à la charge des employeurs une taxe sur les contributions des employeurs et des organismes de représentation collective du personnel versées, à compter du 1er janvier 1996, au bénéfice des salariés pour le financement de prestations complémentaires de prévoyance. Toutefois, ne sont pas assujettis à la taxe les employeurs occupant neuf salariés au plus tels que définis pour les règles de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.
L'article L. 137-2 du Code de la sécurité sociale dispose : le taux de cette taxe est fixé à 8 %.
Les contributions versées en vue d'assurer l'obligation de maintenir le salaire en cas d'arrêt de travail pour maladie ou accident en vertu de la loi de mensualisation, d'une convention collective de branche, d'un accord professionnel ou interprofessionnel, d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement sont exclues de cette taxe.
L'Urssaf a considéré que la société [13] ne pouvait exclure lesdites contributions, faute de justifier de la quote-part des contributions patronales finançant son obligation de maintien de salaire prévue par la convention collective. La société [13] produit une ventilation précise, selon elle, des taux de cotisations risque par risque, délivrée par l'organisme assureur, la société [7].
La pièce produite de trois pages correspond à un contrat entre la société [11] et la société [7] sans pour autant déterminer de manière précise la part de la cotisation patronale affectée au financement de l'obligation de maintien de salaire.
Dans ces conditions, l'Urssaf a légitimement procédé à la réintégration des contributions patronales au financement du régime incapacité dans l'assiette de la taxe de 8 % au titre de l'année 2010.
Sur le chef de redressement numéro 18 : réductions Fillon
La société [13] a sollicité le remboursement d'une somme de 317.708 € correspondant aux réductions Fillon indûment acquittées pour la période allant de janvier 2008 à novembre 2010 reprochant à l'Urssaf d'avoir :
l/ omis de prendre en compte la valeur du SMIC horaire au 1er mai 2008 lors du calcul de la réduction Fillon du 1er mai 2008 au 30 juin 2008.
2/ omis de neutraliser la rémunération des temps de pause versée aux salariés en horaires décalés au dénominateur du coefficient servant au calcul de la réduction Fillon.
L'Urssaf, dans sa lettre d'observations (poste 18) a annulé les régularisations réalisées au titre de l'année 2010, ceci à hauteur de 32.866 €.
Ce montant a été confirmé dans le courrier de l'Urssaf du 3 novembre 2011.
L'Urssaf a porté le montant du redressement à la somme de 95.910 € quatre jours plus tard.
-Sur la valeur du SMIC
Selon la société [11] le taux horaire du SMIC à prendre en compte dans la formule de calcul du coefficient est celui en vigueur au cours de la période d'emploi. Ainsi pour la paye de mai 2008 versée en juin 2008, la base du SMIC est fixée pour sa valeur en mai 2008 car il s'agit d'une rémunération qui concerne la période d'activité de mai 2008.
La société [11] retient, à titre principal, une hypothèse de remboursement haute estimant que, conformément à la circulaire ministérielle du 26 janvier 2011, le SMIC à prendre en considération est celui de la période de paie et non celui de la période de rémunération dès lors qu'elle pratique le décalage de paie.
L'Urssaf considère que rien, ni dans les textes (et en particulier la rédaction de l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale à partir de septembre 2007), ni dans la jurisprudence de la Cour de cassation n'est de nature à remettre en cause la règle selon laquelle le SMIC à prendre en compte pour le calcul de la réduction Fillon annualisée est celui en vigueur au cours de la période d'emploi.
Il est acquis que l'application des formules successives de calcul de la réduction dégressive des cotisations dépend de la date de versement des gains et rémunérations et non de la période de travail ouvrant droit à ces rémunérations dès lors que c'est le paiement du salaire qui est le fait générateur des cotisations sociales.
Néanmoins, le même raisonnement ne peut s'appliquer s'agissant de la détermination du SMIC tel qu'il figure au numérateur de la formule de l'article L. 241-13 III du code de la sécurité sociale. En effet, l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale dans sa version antérieure au 1er septembre 2017 disposait que, pour le calcul, le SMIC devait être pris en compte pour sa valeur la plus élevée en vigueur au cours de la période d'emploi rémunérée. Dans sa version postérieure, la référence à la période d'emploi rémunérée a disparu sans pour autant être remplacée par la référence à la date du paiement du salaire. Il ne peut donc être déduit de cette seule modification que l'autorité réglementaire a entendu renoncer à la détermination du SMIC par référence à la période d'emploi.
Il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que l'Urssaf a retenu ce mode de calcul.
-Sur la neutralisation des temps de pauses
La société [11] reproche à l'Urssaf d'avoir omis de neutraliser la rémunération des temps de pause versée aux salariés en horaires décalés au dénominateur du coefficient servant au calcul de la réduction Fillon.
L'Urssaf rappelle que l'étude des accords collectifs des quatre établissements de [Localité 18], [Localité 12], [Localité 14] et [Localité 17] a fait apparaître entre eux des différences quant à la qualification des temps de pause.
Après consultation, dans un souci d'harmonisation, de l'inspection du travail qui a répondu qu'au vu de la jurisprudence, les temps de pause même payés ne sont pas considérés comme du temps de travail effectif, les inspecteurs de l'Urssaf en ont déduit que :
la rémunération des temps de pause peut être neutralisée pour le calcul de la réduction Fillon (au dénominateur de la formule de calcul), les salariés sont alors rémunérés sur la base de 35 heures hebdomadaires de travail, incluant les temps de pause.
En conséquence de la neutralisation des temps de pause, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que la durée collective de travail dans l'entreprise était en tout état de cause inférieure à la durée légale de travail.
Il appartenait donc à la société de pondérer la valeur du SMIC au numérateur de la formule de calcul pour en exclure les temps de pause.
En effet, le SMIC pris en compte pour le calcul du coefficient de réduction est calculé pour un mois sur la base de la durée légale de travail ou sur la base de la durée de travail prévue au contrat si celle-ci était inférieure à la durée légale, laquelle s'entend de la durée effective de travail et ne peut, sauf exception, englober les temps de pause (Cass, 2ème civile, 31 mars 2016 n o 15-12.303)
Or, la société n'a pas pondéré le SMIC en considération des temps de pause.
Dans ces conditions, pour l'année 2010 entrant dans le champ de leur contrôle, et au vu des tableaux de calculs de la réduction Fillon finalement produits après le contrôle par la SAS [13], les inspecteurs ont procédé à une régularisation de 95.910 en cotisations au titre de ce chef de redressement « réduction Fillon au 1er octobre 2007: régularisation créditrice calculée par l'entreprise ».
La société [11] n'ayant pas répondu précisément sur ce point, il y a lieu de valider le redressement n°18 contesté.
Sur le chef de redressement numéro 19 sur le caractère mal fondé de la correction du SMIC en fonction de la durée de travail effective dans l'entreprise
Selon la société [13], l'Urssaf estime que la durée de travail effectif dans l'entreprise (hors temps de pause) étant inférieure à la durée légale du travail (35 heures hebdomadaires de travail effectif), le SMIC à retenir au numérateur de la formule de calcul de la réduction Fillon doit être proratisé à proportion du nombre d 'heures de travail effectif réalisées dans l'entreprise.
La société [13] conteste cette proratisation du SMIC au numérateur de la formule de calcul de la réduction générale des cotisations, de réduction Fillon, en fonction du temps de travail effectif réalisé par les salariés dans l'entreprise, elle précise que les salariés de la société travaillent à temps plein et sont rémunérés sur la base hebdomadaire de 35 heures.
L'Urssaf rappelle dans ses conclusions que ses inspecteurs n'ont pas disposé immédiatement des éléments de calcul ce qui a conduit à une annulation totale des réductions Fillon pour les établissements de [Localité 17] et [Localité 18]. L'Urssaf précise que la production ultérieure des documents a conduit à nouveau calcul de la réduction Fillon.
Les arguments soulevés par la société [11] sont identiques à ceux produit dans la contestation du chef de redressement numéro 18.
La cour rappelle qu'il résulte des articles L. 241-13, III, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, et D. 241-7 du même code dans sa rédaction issue du décret n° 2007-1380 du 24 septembre 2007 que le salaire minimum de croissance pris en compte pour le calcul du coefficient de réduction des cotisations sur les bas salaires est calculé pour un mois sur la base de la durée légale du travail ou sur la base de la durée de travail prévue au contrat si celle-ci est inférieure à la durée légale, laquelle s'entend de la durée effective de travail et ne peut, sauf exception, englober les temps de pause, cette règle étant applicable à la situation des salariés dont la rémunération contractuelle est fixée, pour l'ensemble du mois considéré, sur la base d'une durée hebdomadaire, ou rapportée à la durée du cycle, de 35 heures ou d'une durée annuelle de 1 607 heures. En outre, l'article L.241-15 du code de la sécurité sociale n'est plus applicable au calcul du coefficient de réduction des cotisations sur les bas salaires, lequel n'est plus assis sur les heures rémunérées depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005.
Les inspecteurs du recouvrement ayant constaté que le salaire minimum de croissance pris en compte pour le calcul du coefficient de réduction des cotisations concernant des salariés qui percevaient un salaire calculé sur la base mensuelle contractuelle comprenant les temps de pause rémunérée, n'était pas celui qui correspondait à la seule durée effective de travail alors que le temps de pause peut être pris en compte comme du temps de travail effectif au numérateur de la formule de calcul de la réduction de cotisations et que l'article L. 241-15 du code de la sécurité sociale qui impose de prendre en compte les heures rémunérées, qu'elles correspondent ou non à du temps de travail effectif ont justifié le redressement.
En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande de ce chef.
Sur l'article 700 et sur les dépens
La société [13] qui succombe en ses prétentions, est déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, et condamnée au paiement 800 € au titre de l'article 700 à l'URSSAF le Nord-Pas-de-Calais et aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Par ces motifs
La Cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire, en dernier ressort,
Infirme le jugement du 28 juin 2016 du Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau :
A titre principal :
Confirme la régularité de la procédure de contrôle et la mise en demeure,
Confirme l'intégralité des postes de redressement litigieux,
Valide la mise en demeure du 6 janvier 2012 de l'Urssaf du Nord Pas-de-Calais à l'encontre de la société [13] représentée par Maître [G] [S] de la société [10] et la SELAS [9], en leur qualité de liquidateur judiciaire de la société [13]
Déboute la société [13] représentée par Maître [G] [S] de la société [10] et la SELAS [9], en leur qualité de liquidateur judiciaire de la société [13] de l'ensemble de ses demandes,
Condamne à payer à l'Urssaf la somme de 800 euros sur le fondement de
l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société aux dépens,
Le Greffier, Le Président,