ARRET
N° 518
[G]
C/
E.U.R.L. [8]
CPAM DU HAINAUT
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 25 MAI 2023
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N° RG 20/00803 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HUV6 - N° registre 1ère instance :
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES EN DATE DU 22 juillet 2015
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [W] [G]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me YAHIAOUI, avocat au barreau d'AMIENS, substituant Me Mickaël ANDRIEUX de la SCP INTER BARREAUX SCHOEMAECKER ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0054
ET :
INTIMES
E.U.R.L. [8]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me MULIER, avocat au barreau d'ARRAS, substituant Me Ludiwine PASSE de la SCP ROBIQUET DELEVACQUE VERAGUE YAHIAOUI PASSE, avocat au barreau D'ARRAS
CPAM DU HAINAUT
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Mme Stéphanie PELMARD, dûment mandatée
DEBATS :
A l'audience publique du 14 Mars 2023 devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Estelle CHAPON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Jocelyne RUBANTEL en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,
M. Pascal HAMON, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 25 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Audrey VANHUSE, Greffier.
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DECISION
M. [W] [G] a été embauché en qualité de manager rayon et adjoint de Direction le 2 juin 1998 pour une activité au sein du magasin Champion de [Localité 6], enseigne devenue Carrefour Market, à la suite de sa reprise par la société [8] dirigé par M. [N].
Le 20 janvier 2010, M. [N] et le vigile l'accusent de vol de 2 bouteilles d'alcool ce que le concluant conteste fermement.
Le Parquet, informé de cette situation, a sollicité le placement en garde à vue de M. [G].
A la suite de ces faits, M. [G] a été mis à pied de manière conservatoire et licencié le 3 février 2010 pour faute grave. Le 20 avril 2010, le Tribunal a relaxé M. [G] estimant les charges à son encontre insuffisantes. A la suite de cette décision, M. [G] a introduit un recours pour licenciement abusif devant le Conseil des Prud'hommes de LENS.
Par jugement en date du 11 mai 2012, le Conseil des Prud'hommes a décidé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Parallèlement, M. [G] a introduit auprès de la CPAM du Hainaut une demande de prise en charge de son arrêt de travail au titre de la législation sur les accidents du travail, et ce, selon déclaration d'accident du travail en date du 20 août 2010, soit 7 mois après les faits. La CPAM a pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle suivant LRAR en date du 4 novembre 2010.
Celui-ci a également introduit le 31 juillet 2012 auprès de la CPAM du Hainaut une demande de reconnaissance de maladie professionnelle « SYNDROME ANXIODEPRESSIF ». Sa demande a fait l'objet d'un refus au motif que cette affection était déjà indemnisée au titre de l'accident déclaré du 20 janvier 2010.
En parallèle, M. [G] a introduit le 26 Mars 2014 auprès de la Caisse d'Assurance Maladie une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [8].
Par jugement rendu par le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale de Valenciennes le 22 Juillet 2015, M. [G] a été débouté de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Le salarié a donc interjeté appel du jugement le 26 Août 2015.
Par arrêt du 8 novembre 2021, la Chambre de la Protection Sociale de la Cour d'appel d'Amiens a :
- Infirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VALENCIENNES en date du 22 juillet 2015 et statuant à nouveau a :
- Dit que l'accident dont a été victime M. [G], le 20 janvier 2010 est dû à la faute inexcusable de la Société [8]
- Fixé au maximum prévu par la loi, le montant de la majoration de la rente attribuée à M. [G] des suites de son incapacité permanente partielle fixée à 15 %
- Dit que la majoration de rente devra suivre l'évolution du taux d'incapacité de la victime
Avant dire droit, sur l'indemnisation des préjudices complémentaires de M. [G] :
-Ordonné une expertise médicale judiciaire et désigné pour y procéder le Docteur [X] [K], avec pour mission de :
De prendre connaissance de tous les éléments utiles en ce compris les éléments du dossier médical,
D'examiner M. [G] de décrire les lésions occasionnées à M. [G] par l'accident du travail dont il a été victime le 20 janvier 2010
Dégager en les spécifiant les éléments propres à justifier une indemnisation titre des chefs de préjudices personnels prévus à l'article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale, à savoir :
Les souffrances physiques et morales endurées avant consolidation en les évaluant sur une échelle de 1 à 7
Le préjudice esthétique subi avant et après consolidation en l'évaluant sur une échelle de 1 à 7
Le préjudice d'agrément subi tant avant qu'après la consolidation
De déterminer les éléments justifiant une indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire avant consolidation
Indiquer le cas échéant si l'assistance ou la présence d'une tierce personne a été nécessaire pour aider M. [G] à accomplir les actes de la vie quotidienne avant la consolidation de son état : décrire précisément les besoins en tierce personne avant la consolidation en précisant la nature de l'aide à prodiguer et sa durée quotidienne
D'établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission.
- Alloué une provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, d'un montant de 1500 € qui lui sera versée directement par la Caisse.
Condamné l'employeur, la société [8], à rembourser à la CPAM du HAINAUT le montant des sommes dont celle-ci sera amenée à faire l'avance en application des articles L 452-2 et L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale, en ce compris les frais de la présente expertise et les sommes allouées à M. [G] à titre de provision.
- Condamné la Société [8] à payer à M. [G] la somme de 1 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile Réservé les dépens.
Un changement d'expert a été prononcé par la Chambre de la Protection Sociale de la Cour d'appel d'Amiens, la mission ayant été confiée dans les mêmes termes à M. [J].
Aux termes de sa mission, l'Expert a conclu, dans son rapport du 4 juin 2022, a conclu :
« M. [G] [W] présente, à la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 20 janvier 2010 un état de stress post-traumatique aigu immédiat, suivi d'une décompensation psychique dépressive avec des éléments de troubles affectifs majeurs, une tristesse douloureuse pathologique, une humeur mélancolique, une aboulie, une adynamie, une rupture du mode de vie antérieure avec apparition de trouble du caractère avec une connotation phobo-obsessionnelle associée à une labilité émotionnelle du fait d'une irritabilité en lien avec son sentiment de dévalorisation narcissique, souffrant d'un sentiment de préjudice et d'injustice ».
« Son état a été considéré comme consolidé en octobre 2012.
Souffrances physiques et morales endurées avant consolidation sur une échelle de 7 sont estimées à 4/7, après consolidation estimées à 3/7 II n'y a pas de préjudice esthétique
Le préjudice d'agrément subi avant consolidation est estimé à 4/7, après consolidation à 3/7 y compris le préjudice sexuel.
Le déficit fonctionnel temporaire avant consolidation est de classe 2.
Il ne nécessite pas l'assistance ou la présente constante ni occasionnelle d'une personne étrangère ou non à la famille pour accomplir les actes de la vie quotidienne, ni besoin d'une tierce personne. »
Par conclusions visées par le greffe le 14 mars au 2023, M. [G] [W] sollicite :
Que la société [8], responsable d'une faute inexcusable reconnue dans l'arrêt du 8 novembre 2021, soit condamnée à :
-Majorer au taux maximum le capital d'accident du travail qui est perçu,
-Déficit Fonctionnel Temporaire : 3 145 €
-Concernant les dépenses de Santé : 213.52 €
-Souffrances physiques et morales avant consolidation : 8 000 €
-Souffrances physiques et morales après consolidation : 15 000 €
-Préjudice d'agrément avant consolidation : 8 000 €.
-Préjudice d'agrément après consolidation : 15 000 €.
-Concernant les dépenses de Santé : 213.52 €
En toutes hypothèses :
-Rendre l'arrêt opposable à la Caisse Primaire d'Assurance maladie
-Condamner tous succombant à lui verser la somme de 5000 euros sur fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure et les condamner aux entiers frais et dépens de l'instance
La société [8] quant à elle par conclusions visées par la greffe le 14 mars au 2023 sollicite de :
-Juger M. [G] irrecevable dans ses demandes relatives aux souffrances endurées post consolidation et au préjudice d'agrément avant consolidation et subsidiairement le dire mal fondé et l'en débouté
-Débouter M. [G] de se demandes portant sur le préjudice d'agrément et les frais de santé
-Juger les offres incluses dans les présentes satisfactoires,
-Réduire en de notables proportions la demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Lors de l'audiences du 14 mars 2023, les partis présentes s'en rapportent à leurs conclusions et la CPAM du Hainaut s'en rapporte à la sagesse de la cour.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.
Sur ce la cour,
Sur la liquidation des préjudices M. [G]
Sur le déficit fonctionnel temporaires total et partiel :
Ce poste indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle dans les suites de l'accident jusqu'à la consolidation.
Le déficit fonctionnel temporaire correspond non pas à une perte de revenu mais au préjudice résultant de la gêne dans les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant la maladie, notamment la séparation familiale pendant l'hospitalisation et la privatisation temporaire de qualité de vie.
L'expert a estimé qu'il fallait retenir une classe II représentant un déficit fonctionnel temporaire de 25 pour cent
M. [G] sollicite au titre de ce préjudice pour la période du 20 janvier 2010 au 12 octobre 2012 (date de consolidation retenue par la CPAM et confirmée par l'Expert), soit 629 jours, à hauteur de 5 € par jour, soit une somme totale de 3 145 €.
Le montant de cette demande n'est pas contesté par la société [8], il y a lieu d'y faire droit.
Sur les souffrances endurées :
Ce poste de préjudice indemnise les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité et des traitements, interventions et hospitalisations qu'elle a subis depuis l'accident ou la maladie jusqu'à la consolidation et désormais après celle-ci (AG du 20 janvier 2023, Pourvoi n° P 21-23.947)
L'expert relève que les souffrances endurées par M. [G] avant la consolidation étaient sévères évaluant le chiffre à 4/7. M. sollicite au titre de ce déficit fonctionnel temporaire la somme de 8000 €.
L'expert quantifie ce poste de préjudice après la consolidation à 3/7, M. [G] souffre au quotidien d'une tristesse pathologique, d'une humeur mélancolique, une aboulie, une adynamie.
Il relève que cette affaire a nui de manière prématurée à la fin de son activité professionnelle. Dans ces conditions, M. [G] sollicite l'évaluation de ce poste de préjudice à 15 000 €.
La société rappelle qu'il convient de distinguer à cet effet les souffrances subies pendant la période antérieure à la consolidation de l'état de la victime des souffrances permanentes indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent réparé par la rente d'accident du travail majorée.
Il y a lieu de préciser que le poste de préjudice concernant les souffrances endurées intègre la période précédant la date de consolidation et qu'il convient désormais d'apprécier la demande sur la période postérieure à la date de consolidation dans la mesure où celui 'ci s'intègre dans le déficit fonctionnel permanent.
En l'espèce, il apparaît que les circonstances justifient la réparation de ce préjudice à hauteur de 10000 €.
Sur le préjudice d'agrément :
M. [G] reprenant les conclusions de l'expertise rappelle que l'expert a estimé le préjudice d'agrément avant conciliation à 4/7 puis à 3/7 après consolidation estimant que l'intéressé à la suite du choc ressenti avait tellement été affecté qu'il était dans l'incapacité d'avoir un quelconque loisirs refusant toute sortie et toute distraction. M. [G] dit souffrir de cette situation en dépit de sa relaxe dans le cadre de la procédure pénale craignant le regard d'autrui et refusant les activités sportives.
Il sollicite pour ce poste de préjudice une somme de 15 000 €.
La société conteste l'évaluation d'un préjudice d'agrément avant consolidation par ailleurs, elle estime que la preuve n'est pas rapportée de la réalité d'un préjudice d'agrément et de l'impossibilité par M. [G] de pratiquer une activité physique ou sportive.
Il y a lieu de relever que M. [G] ne produit aucune pièce précise permettant d'établir l'arrêt d'une activité sportive sociale ou associative. Cependant, le rapport d'expertise rapporte précisément le repli personnel et social de M. [G].
Dans ces conditions, il apparaît judicieux de fixer à 2000 € la réparation de ce poste de préjudice.
Sur les frais médicaux et pharmaceutiques restés à la charge de M. [G]:
M. [G] sollicite le remboursement des frais médicaux qu'il a gardé à charge, pour les seules années 2015 à 2022, (sans compter ceux qu'il ne peut aujourd'hui justifier pour les années 2010 à 2014), une somme de 213.52 €.
Ces frais sont contestés par la société [8] sans précisions particulières.Les pièces produites par M. [G] établissent la réalité de ce reste à charge, il y a lieu dans ces conditions de faire droit à sa demande.
Sur l'action récursoire de la CPAM :
En vertu des dispositions de l'article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la caisse est tenue de faire l'avance des sommes dues à la victime en réparation des préjudices subis et elle dispose d'une action récursoire contre l'employeur.
Le tribunal a rappelé dans le dispositif du jugement que la CPAM du Hainaut pouvait obtenir le remboursement des majorations, rentes et autres indemnités prévues par la loi auprès du seul employeur, la société [8]. Il sera fait droit à la demande de condamnation de la société [8] au remboursement des sommes dont la CPAM du Hainaut devra faire l'avance.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
M. [G] sollicite au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 5000 €.
En l'espèce, il apparaît équitable de fixer à 2000 € la somme due par la société [8] à M. [G] au titre des frais irrépétibles.
Sur les dépens:
La société [8] succombant à l'instance, il y a lieu de la condamner aux entiers dépens de celle 'ci
Par ces motifs
La cour statuant publiquement par un arrêt contradictoire en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
Vu l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel d'Amiens du 8 novembre 2021
Fixe la réparation des préjudices subis par M. [G] aux sommes dues suivantes :
-Le déficit fonctionnel temporaire : 3 145 €.
-Les souffrances endurées : 10000 €
-Le préjudice d'agrément 2000 €
-Les frais médicaux :213.52 €.
Rappelle que la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut sera tenue en application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale de faire l'avance de l'ensemble des sommes dues allouées en indemnisation de ces préjudices, sous déduction de la provision versée à charge pour la société [8] de reverser à la caisse du Hainaut les sommes dont elle aura fait l'avance, en ce compris les frais d'expertise.
Condamne la société [8] à payer à M. [G] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la société aux dépens de l'instance.
Le Greffier, Le Président,