ARRET
N°
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ILE DE FRANCE EST
C/
[F]
[R]
S.A.S. M 94
copie exécutoire
le 24/5/2023
à
Me DELVALLEZ
M. [V]
Me [R]
EG/IL/MR
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 24 MAI 2023
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N° RG 22/02075 - N° Portalis DBV4-V-B7G-INUM
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAINT-QUENTIN DU 28 MARS 2022 (référence dossier N° RG F 21/00040)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ILE DE FRANCE EST
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée, concluant et plaidant par Me Dorothée DELVALLEZ de la SCP ANTONINI ET ASSOCIES, avocat au barreau de LAON
ET :
INTIMES
Monsieur [H] [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté et concluant par M. [N] [V], délégué syndical dûment mandaté
Maître [E] [R] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS M94
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 6]
non comparant, ni représenté
DEBATS :
A l'audience publique du 29 mars 2023, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :
- Mme Eva GIUDICELLI en son rapport,
- l'avocat en ses conclusions et plaidoirie et l'intimé en ses conclusions et observations.
Mme Eva GIUDICELLI indique que l'arrêt sera prononcé le 24 mai 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 24 mai 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
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DECISION :
M. [F], né le 22 décembre 1992, a été embauché par la société M94 (la société ou l'employeur) par contrat à durée indéterminée à compter du 22 octobre 2017 en qualité de poseur.
Son contrat est régi par la convention collective du bâtiment ' ouvriers de région parisienne.
La société emploie moins de 10 salariés.
Le 4 décembre 2017, M. [F] a été victime d'un accident de la circulation qui a été reconnu accident du travail par jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 15 mai 2020.
La relation de travail a pris fin courant décembre 2017.
Le 27 janvier 2021, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre puis s'est désisté de son instance.
La société a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 11 septembre 2019.
Estimant avoir fait l'objet d'un licenciement nul, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint - Quentin le 15 avril 2021.
Par jugement du 28 mars 2022, le conseil de prud'hommes a :
- dit que la prescription de 12 mois n'avait pas été atteinte,
- dit que le licenciement était nul et ce quelle que soit la période d'essai appliquée au contrat de travail,
- dit que la réintégration était impossible,
- fixé la créance de M. [F] à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société M94 aux sommes suivantes : 12 000 euros au titre de dommages-intérêts pour défaut de réintégration,
- déclaré cette fixation de créance opposable à Me [R], en qualité de mandataire liquidateur de la société M94,
- dit que le CGEA ILE DE FRANCE serait tenu de garantir cette créance dans la limite de ses obligations légales et réglementaires,
- débouté M. [F] du surplus de ses demandes,
- dit que le présent jugement serait porté sur l'état des créances relatif à la liquidation judiciaire de la société M94,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Par conclusions remises le 15 mars 2023, l'Unédic délégation AGS CGEA de l'Ile de France, régulièrement appelante de ce jugement, demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 28 mars 2022 en toutes ses dispositions ;
A titre principal,
- constater la prescription des demandes ayant trait à l'exécution et à la terminaison du contrat de travail ;
- dire et juger M. [F] irrecevable en lesdites demandes et l'en débouter purement et simplement ;
- débouter M. [F] de ses demandes à caractère salarial ;
A titre subsidiaire,
- voir à tout le moins les demandes indemnitaires de Monsieur [F] ramenées à de plus justes proportions ;
- fixer alors l'éventuelle créance de M. [F] au passif de la société placée en liquidation judiciaire par jugement du 11 septembre 2019 et déterminer les sommes dont elle devra garantir le paiement dans la limite des dispositions et des plafonds légalement imposés ;
En tout état de cause,
- rappeler que sa garantie est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte dus alarié, aux plafonds définis à l'article D3253-5 du code du travail, lesquels s'entendent de la totalité de la créance salariale en ce compris le précompte effectué en vertu de l'article L242-3 du code de la sécurité sociale au pro't des organismes sociaux ;
- rappeler que sa garantie ne s'étend pas aux sommes allouées par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ni à la remise des documents sociaux ni à l'astreinte dont celle-ci est éventuellement assortie ;
- employer les dépens de la présente instance en frais privilégiés de procédure collective.
Par conclusions remises le 9 mars 2023, M. [F] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes ;
- constater qu'il n'y a pas prescription ;
- dire que le licenciement n'a jamais été valablement signifié et qu'il est valablement fondé à demander une compensation financière motivée par le préjudice salarial subi, à au moins 6 mois de salaire ;
- dire que conformément à l'article L.3253-15 du code du travail, l'appelante est tenue de garantir les créances établies par la décision de justice ;
- ordonner le versement de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
- condamner l'appelante aux dépens.
Me [R], en qualité de mandataire-liquidateur de la société, n'a pas constitué avocat.
M. [F] a été autorisé à produire en cours de délibéré la preuve de la saisine du conseil de prud'hommes de Nanterre du 4 juin 2018 ; il a adressé des documents le 4 avril 2023.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS
L'Unédic soulève la prescription de l'action de M. [F] intervenue plus d'un an après la rupture du contrat de travail survenue le 5 décembre 2017 en l'absence de preuve d'une saisine du conseil des prud'hommes dans les délais requis.
M. [F] répond qu'il a bien saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre le 4 juin 2018 mais que sa requête est restée en attente d'enrôlement du fait de la procédure engagée concomitamment devant le pôle social du tribunal de grande instance de Nanterre, et qu'il a ensuite fait le choix d'une nouvelle saisine le 27 janvier 2021 en procédure accélérée au fond.
L'article L.1471-1 du code du travail dispose que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
L'article R.1452-1 du code du travail dispose que la demande en justice est formée par requête et que la saisine du conseil de prud'hommes, même incompétent, interrompt la prescription.
L'acte introductif d'instance interrompt la prescription sous condition de son enrôlement.
En l'espèce, M. [F] demande dans le dispositif de ses conclusions la confirmation du jugement entrepris qui lui a accordé des dommages et intérêts en réparation de la nullité du licenciement intervenu le 5 décembre 2017 sans possibilité de réintégration et l'a débouté du surplus de ses demandes, mais développe des moyens sur le fond tendant à l'obtention d'un rappel de salaire.
La nullité du licenciement ne pouvant être sanctionnée que par des dommages et intérêts, il convient d'analyser ses demandes comme ne concernant que la rupture du contrat de travail.
Si M. [F] produit une requête aux fins de saisine du conseil de prud'hommes signée le 4 juin 2018, ce document ne comporte aucun tampon de la juridiction et le cadre réservé au mention du greffe après enrôlement n'est pas renseigné.
Il reconnaît, d'ailleurs, lui-même que l'enrôlement a été suspendu dans l'attente de l'issue de la procédure engagée devant le pôle social du tribunal de grande instance de Nanterre en reconnaissance de l'existence d'un accident du travail, ce qui ressort des échanges de courriels intervenus du 13 au 27 juin 2018 entre son mandataire et le greffe du conseil de prud'hommes.
A défaut d'enrôlement, la saisine n'a pu interrompre le délai d'un an prévu pour la prescription de l'action portant sur la rupture du contrat de travail.
Le premier acte de saisine du conseil de prud'hommes pouvant être retenu au titre de la prescription datant du 27 janvier 2021 puisque le désistement concernait un problème de compétence territoriale, l'action engagée par M. [F] quant à la rupture du contrat de travail intervenue le 5 décembre 2017 doit être déclarée irrecevable comme étant prescrite.
Le jugement est donc infirmé en ses dispositions soumises à la cour.
M. [F], qui succombe, est condamné aux dépens de première instance et d'appel, et débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
infirme le jugement du 28 mars 2022 en ses dispositions soumises à la cour,
statuant à nouveau et y ajoutant,
déclare irrecevable l'action de M. [F] comme étant prescrite,
rejette le surplus des demandes,
condamne M. [F] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.