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24/05/2023 | FRANCE | N°21/05557

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 24 mai 2023, 21/05557


ARRET







S.A.S. RELAIS FNAC





C/



[P]































































copie exécutoire

le 24/5/2023

à

Me D'ALEMAN

Me SEZILLE

EG/IL/SF



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 24 MAI 2023



**********

***************************************************

N° RG 21/05557 - N° Portalis DBV4-V-B7F-II65



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 03 NOVEMBRE 2021 (référence dossier N° RG 20/00371)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.S. RELAIS FNAC

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée, concluant et plaidant par Me Jean D'ALEMAN de la SE...

ARRET

S.A.S. RELAIS FNAC

C/

[P]

copie exécutoire

le 24/5/2023

à

Me D'ALEMAN

Me SEZILLE

EG/IL/SF

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 24 MAI 2023

*************************************************************

N° RG 21/05557 - N° Portalis DBV4-V-B7F-II65

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 03 NOVEMBRE 2021 (référence dossier N° RG 20/00371)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. RELAIS FNAC

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée, concluant et plaidant par Me Jean D'ALEMAN de la SELAS BRL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Alice VINCENTI, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIME

Monsieur [I] [P]

[Adresse 1]

[Localité 2]

concluant par Me Mike SÉZILLE, avocat au barreau D'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 29 mars 2023, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Mme Eva GIUDICELLI en son rapport,

- l'avocat en ses conclusions et plaidoirie

Mme Eva GIUDICELLI indique que l'arrêt sera prononcé le 24 mai 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 24 mai 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [P], né le 1er mai 1964, a été embauché par la société Fnac direct devenue Relais Fnac (la société ou l'employeur) par contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 1999, en qualité de préparateur de commande.

Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait les fonctions de vendeur réceptionniste SAV.

Son contrat est régi par la convention collective nationale des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager.

La société emploie plus de 10 salariés.

M. [P] a été placé en arrêt-maladie à compter du 23 octobre 2013 à la suite d'un accident du travail.

Le 19 avril 2018, il a été déclaré inapte à son poste de travail, son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par courrier du 30 mai 2018, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Sur saisine de M. [P] du 6 mai 2019, une ordonnance de référé du 27 juin 2019 a condamné l'employeur à la remise des documents de fin de contrat sous astreinte et à une provision de 1 000 euros sur le préjudice résultant de l'absence de remise.

Ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail et contestant la légitimité de son licenciement, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes d'Amiens le 24 mai 2019.

Par jugement du 3 novembre 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit n'y avoir à prononcer la nullité du licenciement de M. [P] ;

- dit et jugé le licenciement de M. [P] injustifié et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- confirmé l'ordonnance en date du 27 juin 2019 rendue par la section de référés du conseil de prud'hommes d' Amiens ;

En conséquence,

- condamné la SAS Relais Fnac à régler à M. [P] :

- 27 699 euros à litre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte spécifique des droits à la retraite,

- 1 092,26 euros à titre de remboursement sur trop-perçu,

- 1 500 euros à titre de préjudice pour non remise de documents (en ce compris les 1 000 euros accordés par l'ordonnance de référé),

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la SAS Relais Fnac de remettre à M. [P] les documents de fin de contrat, à savoir le certificat de travail, l'attestation Pôle emploi et le solde de tout compte conformes au présent jugement, et ce sous astreinte de 40 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification de ladite décision ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente ;

- débouté M. [P] du surplus de ses prétentions salariales et indemnitaires ;

- condamné la SAS relais Fnac aux éventuels dépens de la présente instance.

Par conclusions remises le 22 juillet 2022, la société Relais Fnac, régulièrement appelante de ce jugement, demande à la cour de :

A titre principal

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à verser a M. [P] :

- 27 699 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000 euros a titre de dommages-intérêts pour perte spécifique des droits à la retraite,

- 1 092,26 euros à titre de remboursement sur trop-perçu,

- 1 500 euros a titre de préjudice pour non remise de documents (et ce compris les 1 000 euros accordés par l'ordonnance de référé),

- 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [P] :

- de sa demande de rappel de 48 282,80 euros à titre de salaire de juin 2016 à mai 2018,

- de sa demande de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination fondée sur l'état de santé,

Et statuant à nouveau,

- constater que le licenciement de M. [P] est parfaitement régulier,

- juger qu'elle n'avait aucune proposition de reclassement à effectuer,

- juger qu'elle n'avait pas à consulter les élus du personnel en raison de la dispense de reclassement,

- juger que M. [P] n'a subi aucune discrimination,

- juger que la demande de rappel de salaire est infondée,

- juger qu'elle n'a commis aucun manquement dans le cadre de la visite de pré-reprise,

En conséquence,

- débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes, fins, et conclusions,

- condamner M. [P] à lui verser 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- réduire les prétentions de M. [P] à de plus justes proportions.

Par conclusions remises le 31 mai 2022, M. [P] demande à la cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement ce qu'il l'a débouté de sa demande de nullité du licenciement,

Statuant à nouveau,

- constater la nullité de la rupture et condamner la société Relais Fnac à lui payer la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Relais Fnac à des dommages et intérêts sur l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture mais l'infirmer sur le quantum, et statuant à nouveau, condamner la société Relais Fnac à lui payer 50 000 euros de dommages et intérêts pour le

licenciement ans cause réelle ni sérieuse,

En tout état de cause,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Relais Fnac à lui payer 1 092,26 euros au titre du remboursement du trop-perçu indument versé,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Relais Fnac mais l'infirmer sur le quantum

et statuant à nouveau, condamner la société Relais Fnac à lui payer les sommes suivantes :

- 3 000 euros à titre d'indemnisation du préjudice concernant l'absence de remise des documents de fin de contrat et de l'attestation de salaire,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte spécifique des droits à la retraite,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant le conseil de prud'hommes,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de se demande, et statuant à nouveau, condamner la société Relais Fnac à lui payer les sommes suivantes :

- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination fondée sur l'état de santé,

- 48 282,80 euros à titre de rappel de salaire de juin 2016 à mai 2018,

- confirmer la décision en ce qu'elle a ordonné à la société Relais Fnac de fournir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification les documents suivants: certificat de travail conforme, attestation Pôle emploi conforme, solde de tout compte conforme,

- condamner la société Relais Fnac à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile pour la procédure en appel,

- ordonner l'exécution provisoire de droit.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS

1/ Sur l'exécution du contrat de travail

1-1/ sur l'existence d'une discrimination

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, en raison de son handicap.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [P] affirme qu'il a été victime de discrimination à raison de son état de santé en ce qu'il a dû lui-même provoquer une visite de reprise du fait de l'inertie de l'employeur qui a délibérément ignoré sa situation pour finalement le licencier pour inaptitude à défaut d'avoir procédé à l'aménagement de son poste préconisé par le médecin du travail.

Il verse aux débats :

- une fiche médicale de pré-reprise établie par le Docteur [Y] le 9 juin 2016, et une fiche d'étude de poste signée par le même médecin dans le cadre de cette visite de pré-reprise,

- un compte-rendu de visite médicale établi par le Docteur [Y] le 23 novembre 2016,

- une fiche médicale de pré-reprise établie par le Docteur [Y] le 8 août 2017,

- un courrier adressé par le centre de médecine du travail l'informant que l'organisation de la visite de reprise incombe à l'employeur, sauf à justifier qu'il en a été préalablement informé,

- l'avis d'inaptitude visant un état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi établi par le Docteur [Y] le 19 avril 2018.

L'employeur conteste l'existence de toute discrimination au motif que les arrêts de travail du salarié s'étant poursuivis après la visite de pré-reprise du 9 juin 2016, la demande de visite de reprise par le salarié étant intervenue pendant un arrêt de travail, et le médecin du travail n'ayant pas délivré d'avis d'aptitude au besoin avec aménagement de poste, aucun manquement ne saurait lui être reproché.

Il ressort des pièces médicales produites par les parties qu'à la suite de l'accident du travail survenu le 23 octobre 2013, M. [P] a été placé en arrêt-maladie et a fait l'objet :

- d'une visite de pré-reprise le 9 juin 2016 au terme de laquelle le médecin du travail a délivré l'avis suivant : «selon l'examen médical effectué ce jour, en l'absence d'aménagement de poste et d'évolution de l'état de santé du salarié le salarié ne pourra reprendre son poste de travail»,

- d'une visite de pré-reprise le 23 novembre 2016 au terme de laquelle le médecin du travail a délivré l'avis suivant : «selon l'examen médical effectué ce jour, en l'absence d'aménagement de poste permettant au salarié de ne pas porter de charges de plus de 2 kilos et d'évolution de l'état de santé du salarié le salarié ne pourra reprendre son poste de travail»,

- d'une visite de pré-reprise le 8 août 2017 au terme de laquelle le médecin du travail a délivré l'avis suivant : «ce jour : l'état de santé du salarié est incompatible avec la poursuite de son travail. Orientation vers son médecin traitant. Prévoir un échange entre l'employeur et le médecin du travail»,

- d'une visite de pré-reprise le 7 février 2018 au terme de laquelle le médecin du travail a délivré l'avis suivant : «salarié en arrêt ce jour. Sauf évolution, l'état de santé du salarié est incompatible avec sa reprise au poste de travail tel qu'il existe actuellement. Prévoir un échange entre l'employeur et le médecin du travail. A revoir à la reprise»,

- d'une visite de reprise le 19 avril 2018 au terme de laquelle le médecin du travail a délivré un avis d'inaptitude visant un état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.

En réponse au courrier adressé par l'employeur le 14 juin 2016, le médecin du travail indique que l'avis d'aptitude ne pourra être rendu qu'après l'étude du poste de travail du salarié ; cette étude se déroulera le 29 juin 2016 en présence de la responsable du service de M. [P] et donnera lieu à une fiche détaillant les tâches à accomplir sur ce poste et sur les autres postes de l'entreprise.

L'avis donné dans le cadre de la visite de pré-reprise du 23 novembre 2016 tenant nécessairement compte de cette étude de poste, il est inexact de prétendre que l'employeur n'a réalisé aucune démarche afin d'examiner les possibilités de maintien du salarié à son poste ou de reclassement dans un autre poste.

L'objectif de l'examen de pré-reprise étant notamment de permettre à l'employeur d'anticiper la reprise de travail du salarié sans pour autant lui imposer de formuler des propositions d'aménagement ou de reclassement avant d'être informé de la reprise, qui n'a jamais été effective pour M. [P] puisqu'il était toujours en arrêt-maladie lors de la visite de reprise réalisée à sa demande le 19 avril 2018, les éléments de fait présentés par ce dernier ne laissent pas supposer l'existence d'une discrimination.

Le jugement entrepris est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts formée sur ce fondement.

1-2/ sur la demande de rappel de salaire

M. [P] soutient que l'employeur l'a empêché de reprendre le travail et l'a donc laissé sans rémunération pendant deux ans à défaut de prendre en compte les préconisations du médecin du travail quant à l'aménagement de son poste.

Il ajoute qu'ayant été déclaré apte à reprendre le travail et étant resté à la disposition de son employeur, il aurait dû percevoir une rémunération complète incluant les primes, nonobstant les indemnités journalières et le capital pour incapacité permanente qu'il a par ailleurs perçus.

L'employeur répond que le salarié ayant épuisé ses droits au versement des indemnités journalières de Sécurité sociale, il ne pouvait prétendre à une rémunération de juin 2016 à mai 2018, et en tout état de cause, affirme que le salaire retenu par le salarié pour chiffrer sa demande est erroné.

L'article R.4624-29 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose qu'en vue de favoriser le maintien dans l'emploi des travailleurs en arrêt de travail d'une durée de plus de trois mois, une visite de pré-reprise est organisée par le médecin du travail à l'initiative du médecin traitant, du médecin conseil des organismes de sécurité sociale ou du travailleur.

L'article R.4624-30 du même code, dans sa version applicable au litige, prévoit notamment qu'au cours de l'examen de pré-reprise, le médecin du travail peut recommander :

1° Des aménagements et adaptations du poste de travail ;

2° Des préconisations de reclassement ;

3° Des formations professionnelles à organiser en vue de faciliter le reclassement du travailleur ou sa réorientation professionnelle.

Il informe, sauf si le travailleur s'y oppose, l'employeur et le médecin conseil de ces recommandations afin que toutes les mesures soient mises en 'uvre en vue de favoriser le maintien dans l'emploi du travailleur.

L'article R.4624-32 du même code, dans sa version applicable au litige, prévoit que l'examen de reprise a pour objet :

1° De vérifier si le poste de travail que doit reprendre le travailleur ou le poste de reclassement auquel il doit être affecté est compatible avec son état de santé ;

2° D'examiner les propositions d'aménagement ou d'adaptation du poste repris par le travailleur ou de reclassement faites par l'employeur à la suite des préconisations émises le cas échéant par le médecin du travail lors de la visite de pré-reprise ;

3° De préconiser l'aménagement, l'adaptation du poste ou le reclassement du travailleur
4° D'émettre, le cas échéant, un avis d'inaptitude.

Il résulte de la combinaison de ces textes que tant que l'employeur n'est pas informé de la volonté du salarié de reprendre le travail, il n'a pas l'obligation de formuler de propositions en réponse aux préconisations faites par le médecin du travail dans le cadre des visites de pré-reprise.

En l'espèce, le salarié n'ayant informé l'employeur de sa volonté de reprendre le travail que par courrier du 11 avril 2018 précisant qu'il avait pris rendez-vous à la médecine du travail pour une visite de reprise le 19 avril 2018, date à laquelle son inaptitude a été constatée, aucun manquement de la société Relais Fnac justifiant le paiement du salaire pendant la suspension du contrat de travail pour arrêt-maladie n'est établi.

Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.

1-3/ sur la demande de remboursement du trop-perçu

L'employeur affirme que la retenue est justifiée par un trop-perçu sur le bulletin de novembre 2017.

M. [P] oppose l'absence de justificatif du bien fondé de la retenue portée sur le solde de tout compte.

En matière de salaire, il incombe à l'employeur de démontrer qu'il a payé au salarié ce qui lui est dû.

En l'espèce, la seule mention dans le bulletin de paie de novembre 2017 d'une «avance trop perçu» de 1 092,28 euros étant insuffisante à justifier du bien fondé de sa reprise dans le solde de tout compte délivré après notification du licenciement le 30 mai 2018, c'est à bon droit que les premiers juges ont fait droit à la demande de M. [P] de ce chef.

2/ Sur la rupture du contrat de travail

2-1/ sur la nullité du licenciement

L'existence d'une situation de discrimination n'ayant pas été retenue, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de nullité du licenciement formée sur ce fondement ainsi que la demande indemnitaire subséquente.

2-2/ sur le bien fondé du licenciement

L'employeur conteste toute préconisation d'aménagement par le médecin du travail dans le cadre de la visite de pré-reprise de juin 2016 qui n'a donné lieu qu'à un compte-rendu dans l'attente de l'évolution de l'état de santé du salarié, et toute obligation de consulter le CSE dans le cas d'un avis d'inaptitude le dispensant de reclassement.

Le salarié argue d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse car provoqué par la carence de l'employeur dans l'aménagement de son poste et mené sans consultation du CSE.

En application des dispositions de l'article L.1226-10 du code du travail, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter le CSE.

Si l'inaptitude du salarié a été causée par un manquement de l'employeur à ses obligations, le licenciement qui en résulte est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, l'avis d'inaptitude du 19 avril 2018 précisant que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, le moyen tiré de l'absence de consultation du CSE est inopérant.

Par ailleurs, si le médecin du travail a effectivement mentionné la nécessité d'un aménagement de poste dans son avis du 23 novembre 2016 et fait référence au poste de travail «tel qu'il existe actuellement» dans son avis du 7 février 2018, la cour relève qu'il n'a délivré ces avis que dans le cadre de visites de pré-reprise et qu'il a également conditionné la reprise du travail à l'évolution de l'état de santé du salarié.

Dès lors, à défaut de précision sur la pathologie du salarié permettant d'imputer son inaptitude à la seule absence de proposition d'aménagement du poste par l'employeur alors que M. [P] avait manifesté sa volonté de reprendre le travail le 11 avril 2018 en provoquant une visite de reprise, l'existence d'un lien de causalité entre cette inaptitude et un manquement de l'employeur à ses obligations n'est pas démontrée.

Ce moyen étant également inopérant, le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement apparaît bien fondé.

Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef ainsi que du chef des demandes subséquentes.

2-3/ sur l'indemnisation de la perte spécifique des droits à la retraite

L'employeur fait valoir que le salarié a déjà été indemnisé de ce préjudice en percevant une indemnité en capital de la CPAM, et que l'absence de rémunération de juin 2016 à mai 2018 résulte de l'état de santé de ce dernier.

M. [P] réplique que n'ayant pas pu cotiser à l'assurance-retraite pendant deux ans et ayant été licencié pour inaptitude à raison de la carence de son employeur dans l'aménagement de son poste, il a subi un préjudice en terme de droits à la retraite.

En l'espèce, l'absence de rémunération du salarié pendant la suspension du contrat de travail après épuisement des droits au titre des indemnités journalières versées par la CPAM et du maintien de salaire étant justifiée, et le licenciement pour inaptitude étant validé, la demande de ce chef est rejetée par infirmation du jugement entrepris.

2-4/ sur la remise des documents de fin de contrat

L'employeur prétend qu'ayant déjà obtenu condamnation à ce titre en référé, le salarié ne peut solliciter deux fois les mêmes chefs de demande, et affirme avoir rempli ses obligations sur ce sujet.

M. [P] rappelle qu'il ne dispose toujours pas de documents de fin de contrat lui permettant de faire valoir ses droits auprès de Pôle emploi et de la CPAM malgré de multiples demandes et une condamnation en référé, qui ont déjà abouti à plusieurs remises de documents erronés par l'employeur.

En l'espèce, il ressort des pièces produites par le salarié qu'il a formulé des réclamations quant aux renseignements erronés portés sur l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et le solde de tout compte dès le 13 août 2018, réclamations qu'il a dû réitérer les 12 septembre, 13, 21 et 28 novembre, 3 décembre 2018, 9 et 17 janvier 2019, ce qui a occasionné un retard dans le calcul de ses droits au titre de l'assurance-maladie et a justifié la condamnation de l'employeur par ordonnance de référé du 27 juin 2019.

L'employeur produisant pour justifier qu'il a rempli ses obligations une attestation Pôle emploi non signée, un reçu pour solde de tout compte dont le total ne correspond pas au détail, et un certificat de travail ne précisant l'emploi occupé que pour une partie de la relation de travail, le manquement constaté en référé, qui pénalise le salarié dans l'ouverture de ses droits, est toujours d'actualité.

Il convient donc de lui allouer 3 000 euros de dommages et intérêts par infirmation du jugement entrepris, en ce compris la provision de 1000 euros déjà accordée en référé.

3/ Sur les demandes accessoires

L'employeur succombant partiellement, il convient de confirmer le jugement entrepris quant aux frais irrépétibles et aux dépens, et de le condamner aux dépens d'appel.

L'équité commande de le condamner à payer à M. [P] 1 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel, et de le débouter de ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

confirme le jugement du 3 novembre 2021 en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Relais Fnac aux indemnités de rupture et dommages et intérêts en découlant, a condamné la société Relais Fnac à des dommages et intérêts au titre de la perte des droits à la retraite, et à 1 500 euros de dommages et intérêts au titre de la remise des documents de fin de contrat,

statuant à nouveau et y ajoutant,

dit le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement bien fondé,

condamne la société Relais Fnac à payer à M. [I] [P] les sommes suivantes :

- 1 092,26 euros à titre de remboursement sur trop-perçu,

- 3 000 euros de dommages et intérêts, en ce compris la provision de 1 000 euros obtenue en référé, en réparation de la non remise de documents de fin de contrat conformes,

- 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

rejette le surplus des demandes,

condamne la société Relais Fnac aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/05557
Date de la décision : 24/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-24;21.05557 ?
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