ARRET
N° 470
S.A.S. [4]
S.A.S.U. [5]
C/
[W]
CPAM DU [Localité 6]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 09 MAI 2023
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N° RG 22/00217 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IKG5 - N° registre 1ère instance : 20/00720
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES EN DATE DU 10 décembre 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTES
Société [4] (SAS) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Société [5] (SASU) anciennement dénommée [4] venant aux droits de la Société [3] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée et plaidant par Me TARRAZI, avocat au barreau de PARIS substituant Me Florent LOYSEAU DE GRANDMAISON de la SELEURL LDG AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIMES
Monsieur [D] [W]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
Représenté par Me Lise DOMET, avocat au barreau d'AMIENS substituant Me Antoine BIGHINATTI de la SCP SCP D'AVOCATS ACTION CONSEILS, avocat au barreau de VALENCIENNES
CPAM DU [Localité 6] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Mme [Y] [Z] dûment mandatée
DEBATS :
A l'audience publique du 09 Mars 2023 devant Mme Véronique CORNILLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 09 Mai 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Audrey VANHUSE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 09 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.
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DECISION
M. [D] [W] a été salarié de la société [4] (établissement de [Localité 9]) à compter du 10 avril 1989 où il a exercé successivement les fonctions d'agent de fabrication, encolleur, contrôleur, pontier, cariste et à compter de 2003, celles de contremaître expéditions. Le 1er juin 2010, il a été transféré au sein de la société [3] ([3]), établissement d'[Localité 7], toujours au poste de contremaître expéditions, jusqu'au 22 octobre 2015, date à laquelle il a cessé toutes fonctions dans l'entreprise.
La société [3] est devenue [4] et en dernier lieu [5].
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Le 6 septembre 2016, M. [D] [W], a établi une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n°98 visant une sciatique par hernie discale L4-L5 accompagnée d'un certificat médical initial du 20 septembre 2016.
Après avis défavorable d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) saisi pour dépassement du délai de prise en charge, la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 6] (ci-après la CPAM) a notifié un refus de prise en charge de la maladie.
Par jugement devenu définitif du 9 novembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes, après avoir ordonné la saisine d'un second CRRMP et au vu de l'avis favorable de celui-ci, a reconnu le caractère professionnel de la maladie.
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Par ailleurs le 21 juin 2017, M. [D] [W] a établi une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n°98 visant une sciatique par hernie discale L5-S1 accompagnée d'un certificat médical initial du 15 février 2017.
Cette pathologie a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par décision de la CPAM du 6 novembre 2017.
Par jugement définitif du 15 mars 2019, le tribunal des affaires de sécurité sociale a déclaré les recours en inopposabilité des décisions de prise en charge formés par les sociétés [4] et [4] irrecevables.
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Saisi le 11 décembre 2020 par M. [W] d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de la société [3] dans la survenance de ses deux pathologies lombaires, le tribunal judiciaire de Valenciennes, pôle social, par jugement du 10 décembre 2021, a :
- déclaré M. [W] recevable en son action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur,
- ordonné une disjonction et dit que l'instance concernant le caractère professionnel de la hernie discale L4-L5 du 20 septembre 2016 et la faute inexcusable recherchée à cet égard se poursuivra sous le numéro de rôle 21/00571,
- dit que la hernie discale L5-S1 présentée par M. [W] le 15 février 2017 est dûe à la faute inexcusable de son employeur la société [3] devenue [5],
- ordonné la majoration au taux maximum légal de l'indemnité en capital servie à M. [W] par la CPAM du [Localité 6] et dit que cette majoration suivra l'évolution éventuelle du taux d'incapacité permanente qui lui est reconnu,
- sursis à statuer sur la mise en oeuvre d'une expertise tendant à la liquidation des préjudices personnels de M. [W] du fait de la hernie discale L5-S1 d'origine professionnelle dont il est atteint, dans l'attente de la décision définitive à intervenir sur la faute inexcusable de l'employeur dans l'instance disjointe,
- alloué à M. [W] une provision de 2 500 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices personnels,
- dit que la société [5] anciennement [3] devra rembourser à la CPAM du [Localité 6] le montant de la majoration de l'indemnité en capital et la provision ci-dessus allouée ainsi que les indemnisations au titre des préjudices personnels et le montant des frais d'expertise à venir,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société [5] anciennement [3] à payer à M. [W] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- réservé les dépens,
- ordonné le retrait du rôle, l'affaire étant réinscrite et rappelée sur demande de la partie la plus diligente une fois les causes du sursis à statuer levées.
Par courrier expédié le 17 décembre 2021, la société [4] et la société [5] venant aux droits de la société [3] ont interjeté appel du jugement du 10 décembre 2021.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 9 mars 2023.
Par conclusions visées par le greffe le 9 mars 2023 soutenues à l'audience, la société [4] et la société [5] (anciennement dénommée [4]) venant aux droits de la société [3] demandent à la cour de :
-infirmer le jugement rendu le 10 décembre 2021,
Et statuant à nouveau,
A titre liminaire,
- constater l'acquisition de la prescription biennale, et prononcer en conséquence l'irrecevabilité de l'action de M. [W] pour cause de prescription,
A titre principal,
- constater que la pathologie n'est pas caractérisée au sens du tableau 98 des maladies professionnelles,
- prononcer en conséquence le mal-fondé et l'inopposabilité de la décision de prise en charge et surtout l'impossibilité d'engager une quelconque recherche en faute inexcusable,
- débouter M. [W] de ses demandes,
A titre subsidiaire,
- constater l'absence de démonstration d'une quelconque faute inexcusable,
- débouter en conséquence M. [W] de ses demandes,
A titre très subsidiaire,
- prononcer la saisine d'un second CRRMP, constatant la contestation du caractère professionnel de la pathologie par l'employeur,
En tout état de cause,
- condamner M. [W] au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard des sociétés [4] ([4]) et [4].
Par conclusions auxquelles il s'est rapporté à l'audience, M. [W] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter les sociétés [5] et [4] de leurs demandes,
- condamner les sociétés [5] et [4] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Par conclusions visées par le greffe le 9 mars 2023 soutenues oralement, la CPAM du [Localité 6] demande à la cour de :
- lui donner acte qu'elle s'en rapporte à justice sur les demandes de M. [W],
- lui donner acte de ce qu'elle fera l'avance des réparations dues à la victime pour le compte de l'employeur, auteur de la faute inexcusable,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société [5] sera tenue de lui rembourser le montant des réparations ainsi accordées sur le fondement des dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable
Pour une maladie professionnelle, en application des articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-5 du code de la sécurité sociale, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable se prescrit par deux ans à compter notamment de la date de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie.
Il est constant que l'initiative de la victime saisissant la CPAM d'une requête tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable équivaut à la citation en justice visée à l'article 2241 du code civil et interrompt la prescription de deux ans.
En l'espèce, M. [W] s'est vu reconnaître deux affections du rachis lombaire d'origine professionnelle, une sciatique par hernie discale L4-L5 selon jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes du 9 novembre 2018, et une sciatique par hernie discale L5-S1 selon décision de la CPAM du [Localité 6] du 6 novembre 2017.
Le tribunal a retenu que M. [W] justifiait avoir saisi la CPAM du [Localité 6] en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur pour chacune des deux pathologies par lettres recommandées du 7 juin 2019 réceptionnées le 11 juin suivant, soit dans le délai de deux ans suivant la reconnaissance de chaque pathologie de sorte que l'action était recevable.
Les sociétés appelantes font valoir que l'interruption du délai de prescription n'est pas démontrée , l'objet des courriers du 7 juin 2019 n'étant pas précis, et que la saisine de la juridiction par M. [W] le 11 décembre 2020 est donc irrecevable depuis le 7 novembre 2019.
Or le courrier du conseil de M. [W] du 7 juin 2019 figurant au dossier tendant à la saisine de la commission de conciliation de la CPAM et à la convocation de la société [3] suite à la reconnaissance du caractère professionnel de la sciatique par hernie discale L5-S1 indique que 'dans le cadre de son obligation de résultat en matière de sécurité, l'employeur n'a pas préservé son salarié des conséquences du risque auquel il était exposé'. Il ne laisse ainsi aucun doute sur son objet.
Il s'en déduit que la saisine de la CPAM avant l'acquisition de la prescription a interrompu le délai de prescription biennale qui ne recommence en principe à courir qu'à compter du résultat de la conciliation.
M. [W] ayant saisi le tribunal le 11 décembre 2020, son action est recevable.
Le jugement sera confirmé.
Sur le caractère professionnel de la maladie
En raison de l'indépendance des rapports caisse/employeur, caisse/salarié et employeur/salarié, l'opposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable. Elle ne prive donc pas l'employeur de contester le caractère professionnel de la maladie dans le cadre de ladite action.
Les sociétés appelantes font grief au jugement attaqué d'avoir considéré que la prise en charge de la hernie discale L5-S1 selon décision de la CPAM du 6 novembre 2017 avait à l'égard de l'employeur un caractère définitif pour l'avoir vainement contestée devant le pôle social du tribunal de grande instance de Valenciennes qui par jugement du 15 mars 2019 a déclaré la société [4] (exerçant sous le nom commercial [4]) et la société [4] (venant aux droits de la société [3]) irrecevables en leur demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie pour défaut de recours préalable. Elles soutiennent que le jugement du 15 mars 2019 ne peut avoir d'autorité de la chose jugée dans la présente instance.
Il est vrai que la portée du caractère définitif de la décision de prise en charge résultant du jugement du 15 mars 2019 est limitée au rapport caisse/employeur et qu'elle ne dispense pas la juridiction saisie en matière de faute inexcusable d'examiner la question du caractère professionnel de la maladie soulevée par l'employeur, préalable nécessaire à la reconnaissance de la faute inexcusable qui s'inscrit dans le rapport victime/employeur.
Les sociétés appelantes font valoir que la maladie n'a pas de caractère professionnel du fait du non-respect du délai de prise en charge prévu par le tableau 98 des maladies professionnelles.
En application des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Sont présumées d'origine professionnelle les affections énumérées aux tableaux prévus à l'article R. 461-3 du code de la sécurité sociale.
La déclaration de maladie professionnelle visant la sciatique par hernie discale L5-S1 a été instruite sur la base du tableau n°98 - affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes-.
Le tableau prévoit un délai de prise en charge de 6 mois (sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans).
M. [W] a cessé d'être exposé au risque le 22 octobre 2015.
Si la déclaration de maladie professionnelle était accompagnée d'un certificat médical du 15 février 2017 faisant état de la pathologie, date que l'employeur retient comme date de la première constatation médicale, le médecin conseil de la CPAM a retenu la date du 7 août 1998, date du scanner du rachis lombaire. Cette indication ressort de la fiche « colloque médico administratif » et constitue un élément objectif de constatation de la pathologie.
M. [W] établit par les compte-rendus de consultation qu'il produit en pièces 15 et 18 qu'il a été opéré au niveau de son rachis à deux reprises dont une première fois en 1998 pour l'étage L5-S1, soit près de 10 ans après son entrée dans l'entreprise.
A la date du 7 août 1998, que la cour retient comme date de première constatation médicale, la condition tenant au délai de prise en charge est bien remplie.
Par ailleurs, il ressort du rapport d'enquête administrative que sont réunies les autres conditions du tableau, dont celle tenant à la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie, de sorte que M. [W] bénéficie de la présomption d'imputabilité édictée par l'article L.461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.
En conséquence, le moyen tenant à l'absence de caractère professionnel de la maladie est rejeté.
Par substitution de motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit qu'il était en mesure de statuer sur la faute inexcusable concernant la pathologie de la sciatique par hernie discale L5-S1.
Sur la faute inexcusable de l'employeur
Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Aux termes de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants-droit ont droit à une indemnisation complémentaire.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident. Il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru à la survenance du dommage.
La charge de la preuve de la faute inexcusable incombe au salarié.
La conscience du danger s'apprécie in abstracto par rapport à ce que doit savoir, dans son secteur d'activité, un employeur conscient de ses devoirs et obligations.
A l'appui de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable, M. [W] fait valoir qu'au cours de sa carrière en tant qu'agent de fabrication, employé au service expédition, puis contremaître au service expédition, il réalisait des manutentions manuelles de charges lourdes ; que son employeur avait connaissance du danger qu'il encourait dès lors que le médecin du travail avait émis un avis d'aptitude du 27 mai 2013 avec restriction 'éviter les manutentions lourdes' et qu'il n'a pris aucune mesure d'aménagement de poste pour préserver sa santé.
La réalité de l'exposition au risque a été établie lors de l'instruction de la déclaration de la maladie au titre du tableau n°98 visant la sciatique par hernie discale L5-S1 et la liste de travaux susceptible de la provoquer, à savoir 'des travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués notamment dans le chargement et le déchargement en cours de fabrication dans la livraison, y compris pour le compte d'autrui, le stockage et la répartition des produits industriels'. Deux anciens collègues ont en effet décrit que M. [W], agent de fabrication de 1989 à 1998, était amené au service usinage à porter des tuyaux en amiante ciment entre 30 et 100 kg, à pousser des tuyaux de 200 à 300 kg sur six mètres sur la rampe de chargement, des boîtes de branchement pour les mettre sur des palettes de 30 à 100 kg et des manchons de 10 à 50 kg.
Lorsque M. [W] est devenu contremaître au service expédition en 2003, il a continué d'effectuer un travail de manutention pour palier le manque d'effectif et la surcharge de travail comme en témoigne M. [F] qui indique avoir travaillé en logistique avec lui à compter de 2003 et que M. [W] qui 'était amené à travailler 70% de son temps en préparation et chargement pour surcharge de travail et manque d'effectif', 'était au quotidien confronté à la manutention de charges très lourdes pendant de longues heures'. Cette situation est également décrite par M. [T], ayant travaillé avec M. [W] en logistique de 2010 à 2015, qui atteste qu'en raison d'une surcharge du travail, M. [W] passait la quasi totalité de son temps à la préparation et au chargement de charges lourdes.
Ainsi et contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, l'existence du risque pendant toute la carrière de M. [W] ne résulte pas des seules déclarations de ce dernier.
Il est par ailleurs établi que le médecin du travail avait établi un avis d'aptitude concernant M. [W] le 27 mai 2013 avec la restriction 'éviter les manutentions lourdes'.
Le tribunal a rappelé les dispositions spécifiques en matière de sécurité et de santé concernant la manutention manuelle de charges comportant des risques dorso-lombaires prévues par le décret n°92-958 du 3 septembre 1992, ainsi que leur évaluation et prévention qui sont énoncées aux articles L. 231-66 et suivants du code du travail devenus R.4541-1 et suivants. L'article R. 4541-2 définit la manutention manuelle comme toute opération de transport ou de soutien d'une charge dont le levage, la pose, la poussée, la traction, le port ou le déplacement qui exige l'effort physique d'un ou de plusieurs travailleurs. L'article R. 4541-3 précise que l'employeur prend les mesures d'organisation appropriées et notamment les équipements mécaniques afin d'éviter le recours à la manutention manuelle de charges par les travailleurs.
La cour observe qu'aucun document unique d'évaluation des risques n'est produit.
Au vu de ces éléments, le tribunal a justement considéré qu'il résultait de l'exposition au risque et de sa persistance en dépit de la situation personnelle du salarié que l'employeur avait conscience du danger encouru et qu'il s'est abstenu au regard de la surcharge de travail et du sous-effectif existant dans le service, de prendre les mesures d'organisation et d'affectation de personnel susceptibles de l'en préserver.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a retenu la faute inexcusable de l'employeur, la société [3] devenue [5].
Sur les conséquences indemnitaires liées à la reconnaissance de la faute inexcusable
C'est à juste titre que le tribunal a ordonné la majoration au taux maximum de l'indemnité en capital et dit que cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente le cas échéant.
Il a en outre sursis à statuer sur la mise en oeuvre d'une expertise tendant à la liquidation des préjudices personnels de M. [W] du fait de la hernie discale L5-S1 dans l'attente de la décision définitive à intervenir sur la faute inexcusable de l'employeur dans l'instance disjointe concernant la hernie discale L4-L5.
Dans les motifs des conclusions, M. [W] indique qu'il conviendra que la cour nomme un expert aux fins d'évaluer ses préjudices en raison de la pathologie en L5-S1 tout en sollicitant la confirmation du jugement en toutes ses dispositions dans les motifs de ses écritures et dans le dispositif sans faire état d'une demande d'expertise.
Or en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Le jugement sera confirmé.
Sur la demande subsidiaire de désignation d'un CRRMP
A l'appui de leur demande, les sociétés appelantes font valoir l'avis du CRRMP qui a conclu à l'absence de caractère professionnel de la pathologie visant la sciatique par hernie discale L4-L5 , au motif qu'aucun élément ne permettait de réduire le dépassement du délai de prise en charge.
Il y a lieu de rappeler d'une part que la désignation d'un CRRMP ne s'impose que si les conditions du tableau ne sont pas réunies, ce qui n'est pas le cas de la pathologie au titre de la hernie discale L5-S1 concernée par la présente instance, et que d'autre part, le caractère professionnel de la pathologie visant la sciatique par hernie discale L4-L5 a été reconnu selon jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes du 9 novembre 2018 après avis d'un second CRRMP ayant retenu un lien direct entre la pathologie et le travail.
La demande subsidiaire est donc rejetée.
Sur l'action récursoire de la CPAM
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la société [5] sera tenue de rembourser à la CPAM le montant des réparations accordées sur le fondement des dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [W] les frais qu'il a été contraint d'engager dans la présente instance. Les sociétés appelantes seront condamnées à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés appelantes qui succombent seront déboutées de leur demande sur le fondement de l'article précité et condamnées aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire, en dernier ressort,
Déboute la société [4] et la société [5] venant aux droits de la société [3] de leurs demandes,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société [4] et la société [5] venant aux droits de la société [3] à payer à M. [D] [W] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamne aux entiers dépens.
Le Greffier, Le Président,