ARRET
N° 441
Société [5]
C/
CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA SNCF
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 02 MAI 2023
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N° RG 21/05412 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IIV7 - N° registre 1ère instance : 21/00382
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE AMIENS (Pôle Social) EN DATE DU 25 octobre 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
La Société [5] (SARL), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée et plaidant par Me Victor LEHMANN, avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIME
La CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA SNCF, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée et plaidant par Me Stéphanie DERIVIERE, avocat au barreau d'AMIENS
DEBATS :
A l'audience publique du 16 Janvier 2023 devant Mme Elisabeth WABLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 02 Mai 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Myriam EL JAGHNOUNI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Elisabeth WABLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Elisabeth WABLE, Président,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 02 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement rendu le 25 octobre 2021 par lequel le pôle social du tribunal judiciaire d'Amiens, statuant dans le litige opposant la société [5] à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF, a :
- débouté la société [5] de sa demande de prise en charge de l'oxygénothérapie prescrite à Monsieur [I] [N] le 7 octobre 2020,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire,
- condamné la société [5] à payer à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'appel du jugement relevé le 19 novembre 2021 par la société [5],
Vu les conclusions visées le 16 janvier 2023 , soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la société [5] prie la cour de:
- déclarer recevable le recours formé par elle,
- prendre acte de l'accord tacite de la caisse CPRP SNCF, cette dernière n'ayant pas répondu dans le délai de 15 jours qui lui était imparti
- ordonner le droit de prise en charge du traitement ( initiale OLT 2.15 Oxygénothérapie à long terme, déambulation, PHILIPS, SIMPLYGO, code LPP 1118324) de Monsieur [N] [I] pour la période du 7/10/20 au 5/01/2021 inclus,
- infirmer les décisions de refus de prise en charge de la caisse CPRP SNCF et de sa commission de recours amiable en date des 6 janvier 2021 et 4 mai 2021
- réformer le jugement entrepris
- assortir la décision à intervenir de l'exécution provisoire,
- débouter la caisse CPRP SNCF de l'ensemble de ses demandes,
Vu les conclusions visées le 16 janvier 2023, soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF prie la cour de :
- confirmer le jugement déféré,
- déclarer fondée la décision en date du 6 janvier 2021 de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF d'opposer un refus à la demande de prise en charge d'un traitement d'oxygénothérapie ( OLT2.15),
- confirmer la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF,
- condamner la société [5] au paiement de la somme de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [5] aux entiers dépens de la procédure,
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SUR CE LA COUR,
Le 7 octobre 2020, le docteur [S] a prescrit à Monsieur [I] [N] un traitement ainsi repris : « Initiale OLT 2.15 Oxygénothérapie à long terme, déambulation, PHILIPS,SIMPLYGO, code LPP 1118324 ».
Le médecin prescriteur a formalisé une demande d'entente préalable initiale en date du 7 octobre 2020 concernant ce traitement , lequel a été prolongé à compter du 6 janvier 2021.
Par courrier en date du 20 novembre 2020, la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF ( CPRP SNCF), organisme d'assurance maladie de Monsieur [I] [N], a indiqué à la société [5] que la demande était incomplète et a sollicité des éléments complémentaires devant être adressés dans un délai de 45 jours à compter de la date d'envoi de la lettre au médecin conseil du service du contrôle médical.
Par courrier en date du 6 janvier 2021 adressé à la société [5], la demande d'entente préalable en date du 7 octobre 2020 a fait l'objet d'un refus de prise en charge par la CPRP SNCF pour la période du 7 octobre 2020 au 5 janvier 2021 inclus dans les termes suivants : « ' Nous avons réceptionné en date du 13 novembre 2020 une demande d'entente préalable pour la prise en charge d'un traitement d'oxygénothérapie ' concernant l'assuré [I] [N] .
Par courrier du 20 novembre 2020, nous vous avons accusé réception de cette demande et vous avons informé du caractère incomplet de la demande.
Nous vous avions fixé un délai de 45 jours à compter de la date d'envoi de ce courrier, soit jusqu'au 4 janvier 2021, pour nous transmettre l'intégralité des pièces ou informations manquantes.
Or nous constatons à ce jour que nous n'avons pas réceptionné les pièces permettant l'étude de la demande conformément aux critères d'attribution définis par la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L 165-1 du code de la sécutité sociale.
En conséquence, la demande d'entente préalable concernant le traitement ne peut être prise en charge par la caisse... »
Contestant le refus de prise en charge, la société [5], subrogée dans les droits de l'assuré, a saisi la commission de recours amiable, puis la juridiction de la sécurité sociale.
Par jugement dont appel, le pôle social du tribunal judiciaire d'Amiens a statué comme indiqué précédemment.
La société [5] conclut à l'infirmation de la décision déférée et à la prise en charge par l'organisme social , pour la période du 7 octobre 2020 au 5 janvier 2021 inclus, du traitement litigieux prescrit à Monsieur [I] [N].
Elle se prévaut d'un accord tacite de la caisse CPRP SNCF quant à la prise en charge du traitement , au motif que celle-ci n'a pas répondu dans le délai de 15 jours visé à l'article R 165-23 du code de la sécurité sociale, suivant la réception de la demande d'entente préalable .
Elle fait valoir qu'elle a réceptionné la demande d'entente préalable le 28 octobre 2020, puis l'a transmise à la caisse CPRP SNCF, et que celle-ci ne lui a notifié son refus qu'en date du 6 janvier 2021, soit après expiration du délai de 15 jours suivant la date de réception de la demande d'entente préalable par la caisse.
Elle observe qu'aucun texte n'impose d'envoyer la demande d'entente préalable par courrier recommandé avec accusé de réception, et qu'elle justifie par une capture d'écran de l'enregistrement dans son logiciel interne de l'envoi de la demande d'entente préalable litigieuse à la caisse àle 28 octobre 2020.
La société [5] fait valoir par ailleurs que le traitement en cause est justifié médicalement , dès lors que le patient concerné souffre notamment, au vu du certificat du médecin prescripteur, d'une « désaturation à la marche » et d'une pleurésie.
La Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF ( CPRP SNCF) conclut à la confirmation du jugement déféré.
Elle conteste tout accord tacite de sa part, tel qu'allégué par la société [5] , au motif que celle -ci n'apporte aucun élement de preuve démontrant qu'elle aurait réceptionné la demande d'entente préalable à la date du 28 octobre 2020.
Elle soutient avoir reçu la demande d'entente préalable le 13 novembre 2020, et notifié le 20 novembre 2020 à la société qu'il lui appartenait d'apporter les informations manquantes, de sorte que le délai de 15 jours visé à l'article R 165-23 a bien été respecté selon elle.
Elle ajoute que ce délai est interrompu lorsque la demande est incomplète et ne commence à courir qu'à compter de la réception des documents ou informations requis, et qu'elle n'a en l'espèce jamais réceptionné les informations manquantes.
Elle considère que c'est à bon droit qu'elle a refusé de prendre en charge le traitement de Monsieur [N], aucune prise en charge ne pouvant lui être imposée lorsque les formalités de l'entente préalable n'ont pas été respectées.
La Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF ( CPRP SNCF) fait valoir par ailleurs et sur le fond que la demande d'entente préalable reçue le 13 novembre 2020 ne contenait pas le test de marche de 6 minutes prévu par les conditions d'attribution du traitement en cause, et que les conditions réglementaires du traitement n'étant pas respectées, elle a à juste titre refusé la prise en charge de ce traitement.
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A titre liminaire, il convient de relever que si les articles R. 142-1 et R. 142-10-1 du code de la sécurité sociale subordonnent la saisine du pôle social du tribunal judiciaire à la mise en 'uvre préalable d'un recours non contentieux devant la commission de recours amiable instituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme social, ces dispositions réglementaires ne confèrent pas pour autant compétence à la juridiction judiciaire pour statuer sur le bien-fondé de cette décision ou de la décision initiale de refus de prise en charge, qui revêtent un caractère administratif.
Il s'ensuit que les demandes d'infirmation ou confirmation des décisions de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF et de la commission de recours amiable ne peuvent qu'être rejetées.
* Sur l'existence d'un accord tacite de l'organisme social :
Aux termes de l'article R 165-23 du code de la sécurité sociale, « ..L'arrêté d'inscription peut subordonner la prise en charge de certains produits ou prestations mentionnés à l'article L 165-1 à une entente préalable de l'organisme de prise en charge, donnée après avis du médecin-conseil. L'accord de l'organisme est acquis à défaut de réponse dans le délai de quinze jours qui suit la réception de la demande d'entente préalable . ».
En l'espèce, la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF (CPRP SNCF) soutient avoir reçu la demande d'entente préalable à la seule date du 13 novembre 2020.
Si la société [5] soutient de son côté avoir transmis à l'organisme la demande d'entente préalable le 28 octobre 2020, la simple capture d'écran de son logiciel produite aux débats est insuffisante à en rapporter la preuve.
En effet, si le nom du prescripteur et de l'assuré figurent sur le document produit, le nom de l'organisme social sollicité le 28 octobre 2020 n'est pas mentionné, alors qu'aucun élément ne justifie par ailleurs de la bonne réception de la demande par la caisse .
Par voie de conséquence, et ainsi que retenu par les premiers juges, le moyen tiré de l'accord tacite de la CPRP SNCF pour absence de réponse dans le délai de 15 jours ne peut prospérer.
* Sur les conditions d'attribution du traitement d'oxygénothérapie à long terme :
Il résulte de la Liste des Produits et Prestations Remboursables ( LPPR) titre I, chapitre I, partie nomenclature et tarifs , section 1 sous section 2, paragraphe 1, que figurent parmi les conditions de prise en charge d'une oxygénothérapie de long terme la réalisation d'un test de marche de 6 minutes.
Il est incontesté que la demande d'entente préalable ne comportait pas le test de marche précité, et n'était donc pas conforme à la LPPR.
Par voie de conséquence et faute pour la demande d'entente préalable de répondre aux conditions réglementaires précitées, c'est à juste raison que les preiers juges ont rejeté la demande de prise en charge du traitement formée par la société [5].
La décision déférée sera confirmée de ce chef.
* Sur les dépens :
Le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 (article 11) ayant abrogé l'article R.144-10 alinéa 1 du code de la sécurité sociale qui disposait que la procédure était gratuite et sans frais, il y a lieu de mettre les dépens de la procédure d'appel à la charge de la partie perdante, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
* Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'équité.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF ( CPRP SNCF) les frais irrépétibles exposés en appel.
La société [5] sera condamnée à lui verser une somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
* Sur l'exécution provisoire :
Il résulte de l'article L 111-1 du code des procédures civiles d'exécution que sauf dispositions contraires, le pourvoi en cassation en matière civile n'empêche pas l'exécution de la décision attaquée, et que cette exécution ne peut donner lieu qu'à restitution, et ne peut en aucun cas être imputée à faute.
Il n'y a donc pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME la décision déférée dans toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
DEBOUTE les parties de leurs demandes contraires,
CONDAMNE la société [5] aux dépens,
CONDAMNE la société [5] à payer à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF ( CPRP SNCF) une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,