ARRET
N°
[T]
C/
UNEDIC VENANT AUX DROITS CGEA D'ILE DE FRANCE EST
S.E.L.A.S. MJS PARTNERS
S.A.S. B.Q.S.E. -
copie exécutoire
le 12/04/2023
à
Me LEENHARDT
Me JARRIGE
Me DE LIMERVILLE
LDS/IL/SF
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 12 AVRIL 2023
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N° RG 21/02152 - N° Portalis DBV4-V-B7F-ICMG
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERONNE DU 15 MARS 2021 (référence dossier N° RG 20/00027)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [Z] [T]
né le 23 Mars 1986 à [Localité 7] ([Localité 7])
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant en personne,
assisté, concluant et plaidant par Me Camille LEENHARDT, avocat au barreau de PARIS,
représentée par Me Olympe TURPIN, avocat au barreau d'AMIENS substitué par Me Alexis DAVID, avocat au barreau D'AMIENS, avocat postulant
ET :
INTIMEES
Me Nicolas SOINNE ès qualités de liquidateur de la SA MVH CONSTRUCTION venant aux droits de SAS BQSE
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée, concluant et plaidant par Me Vincent JARRIGE de l'AARPI M&J - Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Sofia SADFI, avocat au barreau de PARIS
UNEDIC VENANT AUX DROITS CGEA D'ILE DE FRANCE EST
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté, concluant et plaidant par Me Gonzague DE LIMERVILLE de la SCP Gonzague DE LIMERVILLE, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Chrystèle VARLET, avocat au barreau D'AMIENS
DEBATS :
A l'audience publique du 15 février 2023, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.
Madame Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 12 avril 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 12 avril 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
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* *
DECISION :
EXPOSE DU LITIGE :
M. [T], né le 23 mars 1986, a été embauché par la société BQSE, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2011, en qualité de conducteur de travaux, statut cadre.
La convention collective applicable est celle des cadres du bâtiment.
L'entreprise employait alors un effectif supérieur à dix salariés.
Le 29 mai 2018, la société BQSE a été rachetée par la société MVH Construction (la société ou l'employeur).
Par courrier du 30 janvier 2019, M. [T] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, prévu le 12 février 2019. Ce courrier était accompagné d'une mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier notifié le 15 février 2019, M. [T] a été licencié pour faute grave.
Par jugement du 17 juin 2021, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société MVH Construction et a désigné la société MJS Partners, prise en la personne de Me Soinne, en qualité de liquidateur judiciaire.
Contestant la légitimité de son licenciement et ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Péronne le 15 juin 2020.
Par jugement du 15 mars 2021, la juridiction prud'homale a :
dit que M. [T] n'avait pas été victime d'une situation de harcèlement moral ;
dit que le licenciement pour faute grave de M. [T] était avéré ;
dit que M. [T] n'avait jamais signé de convention de forfait en jours ;
débouté M. [T] de toute ses demandes ;
débouté la société BQSE de sa demande de remboursement à l'égard de M. [T] au remboursement des factures indument réglées par la société BQSE ;
condamné M. [T] à verser à la société BQSE la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné ce dernier aux entiers dépens.
Le 16 avril 2021, le salarié a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées par les parties.
Par conclusions remises par RPVA le 25 novembre 2022, M. [T], régulièrement appelant, demande à la cour de :
infirmer le jugement rendu en première instance en ce qu'il a :
- dit qu'il n'avait pas été victime d'une situation de harcèlement moral ;
- dit que son licenciement pour faute grave était avéré ;
- dit qu'il n'avait jamais signé de convention de forfait en jours ;
- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes ;
- l'a condamné à verser à la société BQSE la somme de 1 500 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- l'a condamné aux dépens ;
Statuant à nouveau, de :
A titre principal,
dire qu'il a été victime d'une situation de harcèlement moral ;
dire que son licenciement pour faute grave est nul ;
dire que la société a exécuté de façon déloyale le contrat de travail ;
dire que la rupture s'est entourée de circonstances vexatoires lui ayant causé un préjudice moral ;
dire qu'il n'a jamais signé de convention de forfait en jours ;
dire que la société s'est abstenue du paiement de l'ensemble des heures supplémentaires réalisées par lui ;
dire qu'une situation de travail dissimulé est caractérisée ;
dire que la société est redevable d'une prime de vacances conventionnelle au titre des années 2016, 2017 et 2018 ;
fixer au passif de la procédure de liquidation judiciaire ses créances suivantes :
- 32 000 euros brut (8 mois de salaire) à titre d'indemnité pour licenciement nul ;
- 2 857,14 euros de rappel de mise à pied conservatoire, outre 285,71 euros de congés payés sur mise à pied conservatoire ;
- 9 696 euros brut à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 12 000 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 200 euros brut à titre de congés payés sur préavis ;
- 24 000 euros brut à titre de dommages et intérêts supplémentaires et distincts ;
- 3 761,46 euros brut de rappel de prime de vacances conventionnelle et 376,14 euros brut de congés payés afférents ;
- 29 896,42 euros brut à titre de rappels d'heures supplémentaires et 2 989,64 euros brut à titre de congés payés afférents ;
- 24 000 euros brut à titre d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé conformément à l'article L.8223-1 du code du travail ;
- 15 000 euros brut de rappel de rémunération variable et 1 500 euros brut de congés payés afférents.
A titre subsidiaire :
dire que le licenciement pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse ;
fixer au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société intimée sa créance :
- 32 000 euros brut (8 mois de salaire) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 2 857,14 euros de rappel de mise à pied conservatoire, outre 285,71 euros de congés payés sur mise à pied conservatoire ;
- 9 696 euros brut à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 12 000 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 200 euros brut à titre de congés payés sur préavis ;
En tout état de cause,
fixer la rémunération moyenne mensuelle à la somme de 4 000 euros brut ;
débouter l'AGS et la société M.J.S Partners de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions ;
dire que l'AGS garantira le paiement de ses créances fixées aux termes de la décision à intervenir au passif de la procédure de liquidation judiciaire ;
condamner la société M.J.S Partners, prise en la personne de Maître Soinne, ès- qualités au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance ;
assortir la condamnation aux intérêts au taux légal et ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1154 du code civil ;
condamner également la société aux entiers dépens.
Par conclusions remises par RPVA le 24 octobre 2022, Me Soinne en qualité de liquidateur de la société MVH Construction, demande à la cour de :
confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Péronne ;
débouter M. [T] de l'intégralité de ses demandes ;
condamner M. [T] à payer à la liquidation judiciaire la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
En tout état de cause, de :
débouter M. [T] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
dire que toute condamnation donnera lieu à la fixation d'une créance à son passif ;
dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à l'AGS.
Par conclusions remises par RPVA le 18 juillet 2022, l'Unédic Délégation AGS CGEA d'Ile de France Est, intervenante forcée, demande à la cour de :
confirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit que M. [T] n'avait pas été victime d'une situation de harcèlement moral ;
- dit que le licenciement pour faute grave de M. [T] était avéré ;
- débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné ce dernier à verser à la société BQSE la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
A titre subsidiaire, si la cour venait par extraordinaire à retenir un licenciement sans cause réelle et sérieuse, limiter les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 3 mois de salaire ;
débouter M. [T] de ses demandes à titre de dommages et intérêts supplémentaires et distincts, à titre de rappel de primes de vacances conventionnelles et de congés payés afférents, à titre de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, à titre d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé, et à titre de rappel de rémunération variable ;
En tout état de cause, de :
rappeler que la garantie des AGS ne s'applique pas aux indemnités de procédure ;
dire qu'elle ne peut en aucun cas être condamnée et ne peut être amenée à avancer le montant des créances dues en exécution d'un contrat de travail que dans la limite des textes légaux et réglementaires définissant l'étendue de sa garantie (article L.3253-8 à L.3253-23, D.3253-2 du code du travail, ainsi que les dispositions de l'article L.622-28 du code de commerce).
condamner M. [T] aux dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
EXPOSE DES MOTIFS :
1/ Sur la rupture du contrat de travail :
La lettre de licenciement qui lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autre motif que ceux qui y sont évoqués, est ainsi rédigée :
" Par la présente, nous vous informons que nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave pour les motifs suivants :
' Indélicatesse dans l'exercice de vos fonctions,
' Insubordination.
Vous avez été embauché par la Société le 1er avril 2011 en qualité de conducteur de travaux.
Comme vous le savez, la Société a fait l'objet d'un rachat le 29 mai 2018.
Lors de la révision des comptes, nous avons découvert l'existence de plusieurs factures fournisseurs, pour un montant total de 60 634,39 euros correspondant à des achats effectués par vos soins et livrés à votre domicile.
Contrairement à ce que vous avez pu écrire, nous n'avons découvert ces faits qu'à la fin du mois de novembre 2018 lors de la revue de nos comptes.
Etant autorisé par votre statut à passer des commandes directement auprès de nos fournisseurs et ayant dissimulé vos agissements par l'établissement de devis non facturés, il nous était impossible de nous en apercevoir avant.
Au cours de nos précédents échanges sur ce point, vous avez reconnu qu'il s'agissait de dépenses illicites que vous deviez rembourser à l'entreprise.
Nous en avons pris acte et ceci et seulement ceci a entrainé votre arrêt de travail.
Vos accusations sur nos agissements ne sont que des arguments destinés à masquer ce fait essentiel.
En fait, dès la découverte des faits, nous vous avons interrogé et vous avez spontanément reconnu avoir effectué ces achats pour vos besoins personnels et vous vous êtes engagé à les rembourser.
Nous avons alors tout fait pour vous arranger au mieux et parvenir à une solution de règlement rapide.
Contre toute attente et alors que nous avons début janvier 2019 établi les factures à votre ordre, vous avez fait volte-face et vous avez indiqué que vous n'aviez pas l'intention de procéder au règlement des factures et qu'elles devaient compenser des sommes qui vous seraient dues.
Or, il n'existe aucune trace de cet accord et vous n'auriez d'ailleurs pas manqué de faire valoir son existence dès le mois de novembre 2018 s'il existait comme vous le prétendez.
Vous pensez pouvoir profiter opportunément du changement de direction et de la confusion que le rachat aurait pu induire pour vous livrer à des actes constitutifs d'indélicatesse.
Vos courriels des 18 et 23 janvier 2019 sont éloquents puisque vous écrivez : "je n'avais pas à me justifier sur des signatures de sous-traitants, des achats de matériels..." et " je ne paierai aucune facture ".
Nous ignorons les habitudes que vous aviez prises avec l'ancien Dirigeant mais il est clair que ce n'est pas le mode de fonctionnement de notre Société et des actes illicites sont et toujours inopposables à notre Société.
Outre le préjudice financier pour l'Entreprise, l'achat de matériel de l'entreprise à des fins personnelles constitue non seulement un manque de loyauté incompatible avec la poursuite de votre contrat de travail mais en outre, nous vous rappelons que les faits tombent sous le coup de la loi pénale et que nous nous réservons le droit de déposer une plainte pour ces faits.
Ces faits pris isolément sont suffisamment graves pour justifier à eux seuls votre licenciement pour faute grave. Ils ne sont pourtant pas les seuls.
En effet, constatant que votre arrêt maladie ayant débuté le 28 novembre 2019 perdurait, nous vous avons contacté pour récupérer le véhicule de service qui vous était attribué pour l'exercice de vos fonctions et dont nous avions besoin pour notre activité.
Nous vous avons réclamé ce véhicule de manière officielle par courrier recommandé du 11 janvier 2019.
Vous avez catégoriquement refusé de restituer ce véhicule au motif que là encore il y aurait un "accord" avec le précédent Dirigeant et qu'il s'agissait bien d'un véhicule de fonction et non de service.
Alors que vous le saviez parfaitement, aucune clause de votre contrat de travail ne mentionne l'existence d'un véhicule de fonction mais aussi et surtout aucun avantage en nature ne figure sur vos bulletins de paye, comme cela aurait été le cas s'il s'était agi d'un véhicule de fonction.
Votre refus réitéré est donc constitutif d'insubordination incompatible avec la poursuite de votre contrat de travail.
L'usage de ce véhicule constitue en outre depuis notre mise en demeure une infraction pénale et nous nous réservons là encore le droit de déposer plainte.
Pour l'ensemble des raisons évoquées précédemment, nous vous avons convoqué par courrier recommandé du 30 janvier 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 12 février 2019 avec une mise à pied conservatoire en raison de la gravité des faits reprochés.
Vous avez choisi de ne pas vous présenter à cet entretien, ce dont vous nous avez informé par un courriel du 11 février 2019.
Nous avons pris la décision, après réflexion, de vous notifier votre licenciement pour faute grave.
Votre licenciement prendra donc effet à la date d'envoi de cette lettre, sans préavis ni indemnité de licenciement.
Nous vous signalons à cet égard qu'en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé.
Nous vous demandons une ultime fois de restituer à la Société dès réception du présent courrier le véhicule de service, les clés et la carte grise, ainsi que les clés du camion immatriculé BP- 855- GP dont vous n'avez jamais restitué les clés, malgré nos demandes. A cela s'ajoute les matériels fournis pour l'exécution de votre mission : un ordinateur portable DELL - une tablette et un
Iphone 6s. Enfin, nous vous demandons de régler les factures d'un montant de 60 634,39 euros (...)."
Ainsi, l'employeur retient une indélicatesse dans l'exercice de ses fonctions tenant à des achats illicites et au refus de remboursement de ceux-ci malgré un accord préalablement exprimé et une insubordination tenant au refus de restituer le véhicule mis à sa disposition.
1-2/ Sur la nullité alléguée du licenciement :
M. [T] soutient que son licenciement est nul comme faisant suite à une situation de harcèlement moral ou, subsidiairement, qu'il est sans cause réelle et sérieuse.
1-3/ Sur l'existence d'une situation de harcèlement moral :
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que, sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, le salarié expose que depuis la reprise de l'entreprise, le nouveau dirigeant, M. [C], qui se concentrait sur la récupération d'un maximum de trésorerie, a cherché à réduire la masse salariale en poussant les salariés à la rupture ou en licenciant certains d'entre eux au premier prétexte ; que dans ce contexte, il a vu sa propre situation se dégrader, se trouvant dans une situation de stress très importante, assistant à une multiplication des sanctions, licenciements et départs ; que si l'employeur s'est montré plutôt neutre à son égard dans un premier temps en lui accordant même une promotion, dès lors qu'il a commencé à discuter les termes de son avenant de promotion, il est devenu à son tour la cible du dirigeant ; que ce dernier a alors dénoncé, de façon malveillante et déloyale l'accord passé avec l'ancien employeur selon lequel en échange de l'accomplissement d'heures supplémentaires, il était autorisé à passer sur le compte de l'entreprise des factures pour la construction de sa propre maison, alors qu'il était parfaitement informé de cet accord ; que très affecté par ce fait, il a été arrêté par son médecin traitant à compter du 28 novembre 2019 ; que la société lui alors adressé deux lettres recommandées courant janvier 2019, pendant son congé de maladie, visant à le rétrograder, à le priver de sa voiture de fonction et de la carte essence et à lui imposer le paiement de factures indues dont le montant n'a cessé d'augmenter avant de le licencier pour des motifs infondés et prescrit s'agissant du grief tenant aux factures pour des achats personnels, selon des méthodes intimidantes et vexatoires (convocation au siège administratif de l'entreprise pour l'entretien préalable et remise du matériel de travail devant huissier de justice).
Il verse aux débats :
- une lettre recommandée avec accusé de réception de M. [C] le 11 janvier 2019, l'informant que faute d'avoir signé l'avenant au contrat de travail le promouvant au poste de conducteur de travaux principal avec augmentation de salaire, il serait remis rétroactivement au 1er janvier 2019 dans ses fonctions précédentes, lui demandant de restituer la voiture de service et la carte essence sous 48 heures, au vu de la prolongation de son arrêt de maladie et lui demandant d'assurer le règlement des factures d'achats de matériel effectués à son bénéfice personnel sur le compte de la société et lui annonçant le versement d'une prime brute de 8 000 euros conformément à ce qui avait été prévu avec l'ancien dirigeant,
- le courriel qu'il a adressé le 18 janvier 2019 à M. [C], en réponse, dénonçant la dégradation des conditions de travail, l'inquiétude des salariés concernant le devenir de la société, contestant sa rétrogradation au motif que les négociations étaient en cours à propos des modalités de l'avenant au contrat de travail que supposait sa promotion, refusant de restituer le véhicule au motif que celui-ci était un véhicule de fonction et non de service et faisant état de l'accord conclu avec le précédent employeur s'agissant des achats de matériaux pour son propre compte,
- une nouvelle lettre recommandée du 18 janvier 2019, par laquelle l'employeur lui renvoie l'avenant pour signature ou nouvelle proposition, l'informant du maintien de sa rémunération jusqu'à la fin du mois de janvier 2019, réclamant à nouveau le « véhicule de service » et soumettant le paiement de la prime arrondie à 9 000 euros en contrepartie du paiement des factures d'achat de matériel à hauteur de 45'018,45 euros,
- sa convocation à l'entretien préalable du 30 janvier 2019 par laquelle l'employeur lui fait savoir qu'il considère que le refus de restituer le véhicule constitue un acte d'insubordination susceptible de tomber sous le coup de la loi pénale, contestant avoir connaissance d'un accord avec l'ancien employeur s'agissant des achats de matériaux et le mettant à pied,
- une lettre de M. [K], l'ancien dirigeant de l'entreprise, selon laquelle le véhicule qui lui était alloué pour le bon fonctionnement des services de l'entreprise était laissé à sa disposition le week-end ainsi que pendant ses congés et il y avait un accord particulier concernant les travaux personnels et les achats sur le compte la société selon lequel ces achats venaient en compensation des primes acquises depuis 18 mois sur les chantiers, dont M. [C] était parfaitement informé puisqu'il était présent lors des discussions qui se sont tenues en fin d'année pour faire le point à ce sujet et n'a formulé aucune réserve,
- une attestation de la même personne reprenant une partie de ses dires,
- un tableau de ses heures de travail sur lequel il fait apparaître 28'896,42 euros d'heures supplémentaires sur la période du 15 février 2016 au 29 novembre 2018 ainsi que ses bulletins de paie,
- des avis d'arrêt de travail,
- des captures d'écran concernant diverses sociétés ayant été dirigées par M. [C] et faisant l'objet de procédures collectives ainsi qu'un extrait d'article de journal concernant le placement en détention provisoire du dirigeant d'une entreprise de bâtiment de Saint-Denis, dont le nom n'est pas cité, soupçonné d'escroquerie au chômage partiel et à l'assurance.
La cour constate que les difficultés sont apparues entre les parties à la fin du mois de novembre 2018, au moment où l'employeur a commencé à réclamer le remboursement des factures d'achats personnels effectués par M. [T] et que la dégradation du climat social depuis la reprise par le nouvel employeur, l'ambiance de travail « insupportable » voire « insoutenables » et la volonté du repreneur de se débarrasser de la masse salariale évoquées par M. [T] ne résultent pas des pièces qu'il produit.
Les conditions de restitution des instruments de travail ne concernent que les suites du licenciement et le salarié n'expose pas en quoi la convocation au siège social de la société, qui n'est pas en soi irrégulière, aurait en l'espèce un caractère vexatoire.
Les autres faits présentés et matériellement établis par le salarié (envois de deux lettres recommandées puis convocation à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire à quelques jours d'intervalle, « rétrogradation », diminution de prime, demande de restitution d'un véhicule sous 48 heures et en paiement de factures), pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral.
Tels qu'ils sont présentés, les arguments de M. [T] obligent la cour à examiner dès ce stade le bien fondé des griefs invoqués au soutien du licenciement (factures, refus de remboursement de celles-ci, refus de restituer le véhicule mis à sa disposition) et le délai dans lequel a été engagée la procédure s'agissant de l'établissement des factures au préjudice de la société.
- Sur les factures :
La cour rappelle qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à un engagement de poursuite disciplinaire au-delà d'un délai de deux mois, en vertu de l'article L. 1332-4 du même code.
La prescription court à compter du jour où l'employeur a eu connaissance des faits.
La seule possibilité pour l'employeur de différer l'engagement des poursuites disciplinaires est la nécessité prouvée de recourir à des mesures d'investigation sur les faits reprochés au salarié et de se déterminer sur la mise en 'uvre d'une procédure de licenciement pour faute grave. En cas de nécessité d'ordonner une enquête sur les faits reprochés au salarié, le jour de ses résultats constitue le point de départ du délai de deux mois.
À ce propos, le salarié fait valoir que le point de départ de la prescription se situe au plus tard au 26 novembre 2018, date à laquelle l'employeur lui a adressé un courriel faisant état des achats de matériel et a manifesté sa connaissance de leur existence et que la procédure engagée le 30 janvier 2019 est donc tardive.
Le liquidateur et l'Unedic répondent que le point de départ de la prescription se situe au 11 janvier 2019, date à laquelle l'employeur avait connaissance pleine et entière de l'ampleur des factures litigieuses et en a immédiatement réclamé le remboursement.
Dans sa lettre de licenciement, l'employeur écrit avoir découvert l'existence de plusieurs factures de fournisseurs pour un montant total de 60'634,39 euros correspondant à des achats effectués par les soins du salarié et livrés à son domicile à la fin du mois de novembre 2018 lors de la revue de ses comptes. C'est d'ailleurs par un e-mail du 26 novembre 2018 qu'il en fait état pour la première fois annonçant au salarié l'émission de factures correspondantes à son nom pour un montant total de 40 187,67 euros.
Si le montant total a évolué à la hausse ce n'est pas dans des proportions telles que l'employeur puisse soutenir qu'il n'a découvert l'ampleur du préjudice que le 11 janvier 2019. Il ne justifie d'ailleurs pas d'investigations particulières à ce titre.
Il disposait donc d'un délai de deux mois courant à compter du 26 novembre pour entamer la procédure de licenciement pour ce motif or il ne l'a fait que le 30 janvier 2019 de sorte que c'est à juste titre que le salarié invoque la prescription de ce fait.
Néanmoins, le refus de remboursement constitue également un grief au soutien du licenciement.
Or, alors que le ton et le contenu du message du 26 novembre 2018 laissent penser qu'un accord est intervenu entre les parties pour un remboursement, le salarié n'y a pas réagi en faisant valoir l'existence d'un accord antérieur le dispensant de remboursement. Ce n'est qu'à réception de la lettre recommandée du 11 janvier 2019 lui demandant le remboursement des dites factures, que le salarié a manifesté un refus catégorique de déférer à la demande, empêchant l'arrangement amiable ressortant en filigrane du courriel précité.
Il en résulte que le grief tenant au refus de remboursement des factures n'est pas prescrit.
La société verse aux débats un grand nombre de factures pour un total de 52'102,18 euros émises sur le compte de la société pour la livraison de matériaux et de matériel au [Adresse 1], dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de l'adresse de M. [T], sur la période du 30 juin au 31 octobre 2018, soit postérieurement au rachat de la société par M. [C]. Il n'existe aucun document écrit autorisant le salarié à faire supporter à l'entreprise des frais personnels. L'attestation de M. [K], qui évoque « un accord particulier », est particulièrement laconique. Il n'est question ni de date, ni de montant mais simplement d'une compensation avec les primes acquises depuis « environ 18 mois » sur les chantiers, et non pas du paiement d'heures supplémentaires contrairement à ce qu'affirme le salarié. Or, il résulte des échanges entre les parties que la prime due à M. [T] s'élevait au maximum à 9 000 euros. Au demeurant, même s'il était admis que les achats étaient la compensation des heures supplémentaires accomplies mais non payées, force est de constater que la somme réclamée de ce chef par le salarié, soit 29'896,42 euros, est largement inférieure au montant des factures litigieuses. Il est d'ailleurs surprenant que le salarié refuse de rembourser les factures supposées être la contrepartie de ses heures supplémentaires tout en demandant dans le cadre de la présente instance le paiements des dites heures.
La disproportion entre les achats personnels et le montant de la prime ne permet pas de tenir pour établie l'existence de l'accord invoqué par le salarié, accord qui, au demeurant, serait illicite à plusieurs égards.
Dans ces conditions, la société était bien fondée à réclamer le remboursement des factures litigieuses.
Par ailleurs, le contrat de travail ne prévoit pas la mise à disposition d'un véhicule de fonction et les feuilles de paye ne portent pas mention d'un tel avantage en nature. L'attestation de M. [K] ne reprend pas les termes de sa lettre selon laquelle le véhicule alloué pour le bon fonctionnement des services de l'entreprise était laissé à sa disposition en dehors des heures de travail. La seule attestation d'assurance ne suffirait pas justifier la destination contractuelle du véhicule. Dans ces conditions, la société était bien fondée à réclamer la restitution de celle-ci dès lors que le salarié, étant en arrêt de travail, n'en avait plus l'usage.
S'agissant de la prime, l'employeur, au dernier état des relations épistolaires entre les parties, a accepté de la porter de 8 779 à 9 000 euros.
Enfin, à défaut d'accord du salarié sur les modalités prévues à l'avenant modifiant son contrat de travail, la société était fondée à maintenir le statut antérieur. Il n'y a donc pas eu de rétrogradation.
Ainsi, à l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que l'employeur démontre que les faits matériellement établis par M. [T] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral n'est donc pas établi.
Partant, la demande tendant à voir dire le licenciement nul sera rejetée.
1-2/ Sur le bien fondé du licenciement :
Ainsi qu'il a été dit précédemment il est matériellement établi que le salarié a catégoriquement refusé de rembourser des factures qu'il avait émises sur le compte de la société pour son profit personnel sans autorisation. Cette seule faute est suffisamment grave pour justifier l'éviction immédiate du salarié.
Ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs énoncés dans la lettre de notification de la rupture, le licenciement doit être considéré comme justifié par une cause réelle et sérieuse.
2/ Sur la demande de dommages et intérêts supplémentaires et distincts :
Au soutien de sa demande, le salarié fait valoir que la société a manqué à son obligation de loyauté et de sécurité en ne mettant en 'uvre aucune mesure de prévention ni d'enquête après qu'il a dénoncé la dégradation de son état de santé.
Le liquidateur réplique qu'à réception du courriel de M. [T] du 9 octobre 2018, la société a répondu ouvertement au salarié et lui a proposé un rendez-vous pour que « tous les malentendus puissent être résolus », que le conseil de prud'hommes a parfaitement relevé que la présomption de harcèlement moral n'était pas caractérisée et que le salarié n'apporte pas d'élément complémentaire à ceux invoqués dans le cadre de sa demande au titre du harcèlement moral.
L'Unedic fait remarquer que dès réception du courriel du salarié du 18 janvier 2019, la société a proposé à ce dernier un entretien qu'il a refusé.
La cour constate qu'il n'est pas produit de courriel émanant du salarié en date du 9 octobre 2018 mais un courriel du 18 janvier 2019 par lequel le salarié fait état pour la première fois d'une ambiance de travail devenue insupportable avec un « stress énorme » lié au fait que tous les salariés s'inquiètent pour l'avenir de la société et impute son arrêt de travail à cette situation stressante.
L'employeur y a répondu le même jour en lui proposant un entretien à l'issue de son congé maladie pour répondre point par point aux griefs évoqués dans le message précité. M. [T] n'ayant pas repris le travail avant son licenciement et ne s'étant pas présenté à l'entretien préalable, cette proposition n'a eu aucune suite.
Le salarié n'invoque aucun autre fait distinct de ceux déjà présentés au soutien du harcèlement moral, notamment les circonstances tenant au déroulé du licenciement et ses suites, de sorte que sa demande de ce chef sera rejetée.
3/ Sur les demandes au titre des heures supplémentaires :
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
M. [T] fait valoir que l'employeur n'a aucunement assuré un suivi de son activité, que pas une seule heure supplémentaire ne lui a été payée en près de huit années et que, tenant compte d'une durée hebdomadaire contractuelle de 39 heures, la somme qui lui est due est de 29'896,42 euros plus les congés payés y afférents.
Il verse aux débats une clé USB inexploitable mais également un tableau comportant jour par jour ses horaires de travail incluant la pause déjeuner, un total journalier et hebdomadaire des heures accomplies avec leur majoration de 25 % ou de 50 % pour les heures supplémentaires, ce depuis le 15 février 2016.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en y apportant les siens.
Celui-ci fait valoir à tort que le salarié a omis de prendre en compte le fait qu'il a été rémunéré sur la base de 39 heures puisque le décompte produit devant la cour est bien conforme au contrat qui prévoit une rémunération sur cette base.
Il soutient également que M. [T] n'apporte aucune pièce justificative des heures supplémentaires qu'il prétend avoir exécutées ce qui revient à inverser la charge de la preuve.
L'Unedic soutient la même argumentation, ajoutant que le nombre d'achats personnels effectués par le salarié a nécessairement impacté son temps de travail.
Ainsi, le liquidateur conteste l'accomplissement de ces heures mais ne produit pas les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par M. [T], ni aucun élément permettant de contredire les relevés mensuels de ses horaires de travail dont il résulte qu'il a effectué des heures supplémentaires non payées.
Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, la cour a donc acquis la conviction au sens du texte précité que M. [T] a bien effectué les heures supplémentaires non rémunérées dont le paiement est réclamé.
4/ Sur la demande au titre du travail dissimulé :
M. [T] soutient qu'en ne contrôlant pas son activité, en ne payant aucune heure supplémentaire en huit années de travail, en compensant ce défaut de paiement par l'autorisation de financer ses achats de matériel pour la construction de sa maison et en lui imposant une convention de forfait en jours à compter de septembre 2018 en l'absence de tout avenant, tout en s'abstenant de mentionner les heures supplémentaires sur les bulletins de paie, la société s'est rendue coupable de travail dissimulé.
Le liquidateur et l'Unedic contestent toute intention de dissimulation d'heures de travail.
L'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.
Aux termes de l'article L .8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention d'heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
En l'espèce, le paiement des heures supplémentaires sous la forme d'achats personnels sur le compte de la société n'est pas prouvé, toutefois, l'ampleur et le caractère systématique de l'exécution d'heures supplémentaires non rémunérées permet de retenir une intention de dissimulation.
Il y a donc lieu de fixer au passif de la société la somme de 24'000 euros, somme non contestée dans son quantum, infirmant en cela le jugement.
5/ Sur la demande au titre du rappel de rémunération variable :
M. [T] affirme qu'à compter de 2017, il n'a plus perçu de prime liée à ses bons résultats ce qui s'explique par le fait qu'à l'instar du paiement des heures supplémentaires, la société l'a autorisé en compensation à effectuer ses achats personnels sur le compte de la société.
Le liquidateur et l'Unedic répondent que ni le principe, ni le montant de la rémunération variable revendiquée par le salarié ne figure sur les documents contractuels et sur les bulletins de paie et que la preuve d'un prétendu accord passé avec l'ancien dirigeant n'est pas rapportée.
Le contrat de travail prévoit une rémunération de base pour 169 heures à laquelle s'ajoutent les paniers ainsi qu'une « prime de budget de 4 000 euros brut » dont les conditions relatives aux objectifs étaient à définir avec M. [K] à son entrée.
Le principe d'une rémunération variable sur objectifs étant ainsi acquis, il incombe au liquidateur de rapporter la preuve de son paiement ou des raisons qui s'y sont opposées.
Il a déjà été dit que la preuve n'était pas rapportée d'un paiement sous la forme d'achats.
Sur les bulletins de paie figurent pour l'année 2016 des primes pour un total de 7 644,26 euros mais rien pour les années 2017 et 2018.
Des échanges épistolaires entre M. [T] et la société, il ressort qu'il était question d'une prime, non pas de 15'000 euros comme l'affirme le salarié, mais de 8 779,36 euros, somme convenue entre lui et M. [K] et que M. [C] a accepté d'arrondir à 9 000 euros aux termes de son courrier du 18 janvier 2019.
Il y a donc lieu de fixer de ce chef au passif la somme de 9 000 euros, par infirmation du jugement.
6/ Sur la demande au titre de la prime de vacances :
Le salarié sollicite, sur le fondement de l'article 5 de l'accord national de branche du 25 février 1982 étendu par arrêté du 5 avril 1982, le versement d'une prime de vacances égales à 30 % de l'indemnité de congés légaux pour les années 2016 à 2018. Il conteste que le paiement de la dite prime soit à la charge de la caisse de congés payés.
Le liquidateur et l'Unédic se réfèrent aux motifs retenus par les premiers juges qui ont estimé que la demande concernant les congés payés devait être adressée à la caisse des congés payés à laquelle est affiliée l'entreprise.
Les cadres des entreprises du bâtiment ont obligatoirement droit à une prime de vacances laquelle est versée par l'entreprise lorsqu'elle gère les congés payés du salarié ou par la caisse de congés payés dans le cas contraire.
En l'espèce, les congés payés figurent sur les feuilles de paye et l'adhésion de la société à une caisse de congés payés n'est pas établie.
Il en résulte que la société est débitrice des primes de vacances.
Il sera par conséquent fixé au passif de la liquidation la somme demandée, laquelle est justifiée dans son principe et non contestée dans son quantum, le jugement étant infirmé de ce chef.
7/ Sur la garantie de l'AGS et les demandes accessoires :
Il y a lieu de rappeler que la garantie de l'AGS ne s'applique pas à la condamnation prononcée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et qu'elle n'est due, toutes créances avancées confondues pour le compte du salarié, que dans la limite des 3 plafonds définis notamment aux articles L.3253-17, D.3253-2 et D.3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l'étendue et la mise en 'uvre de sa garantie (articles L.3253-8 à L.3253-13, L.3253-15 et L.3253-19 à 24 du code du travail).
Les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau d'orientation et de conciliation du conseil de prud'hommes celle de nature indemnitaire à compter du présent arrêt, sous réserve de l'interruption du cours des intérêts par l'ouverture de la procédure collective.
Il n'y a pas lieu de prononcer la capitalisation des intérêts en application de l'article L.622-28 du code de commerce.
Chacune des parties qui succombe partiellement, supportera la charge de ses dépens et de ses frais de procédure de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [T] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et congés payés y afférents, de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, du rappel de rémunération variable et congés payés y afférents et de la prime de vacances et l'a condamné à payer une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
Le confirme pour le surplus des dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Fixe au passif de la liquidation de la société MVH construction les sommes de :
29'896,42 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires outre 2 989,64 euros bruts au titre de congés payés y afférents,
24'000 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
9 000 euros brut à titre de rappel de rémunération variable outre 900 euros brut au titre des congés payés y afférents,
3 761,46 euros bruts de rappel de prime de vacances conventionnelles outre 376,14 euros bruts de congés payés y afférents,
Dit que la garantie de l'AGS n'est due, toutes créances avancées confondues pour le compte du salarié, que dans la limite des 3 plafonds définis notamment aux articles L.3253-17, D.3253-2 et D.3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l'étendue et la mise en 'uvre de sa garantie,
Dit que les sommes de nature salariale produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes sous réserve de l'arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous intérêts de retard et majoration par l'ouverture de la procédure collective,
Déboute M. [T] de sa demande d'anatocisme,
Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.