ARRET
N° 406
CPAM DU TARN
C/
Société [5]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 11 AVRIL 2023
*************************************************************
N° RG 21/02869 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDYK - N° registre 1ère instance : 19/02779
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (Pôle Social) EN DATE DU 10 mai 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
La CPAM DU TARN, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée et plaidant par Mme [K] [J] dûment mandatée
ET :
INTIMEE
La Société [5] (SA), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
( salariée : Mme [H] [M])
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Me TSOUDEROS, avocat au barreau de PARIS substituant Me Cédric PUTANIER de la SELARL CEDRIC PUTANIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON
DEBATS :
A l'audience publique du 19 Janvier 2023 devant Mme Graziella HAUDUIN, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 Avril 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Blanche THARAUD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Graziella HAUDUIN en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Elisabeth WABLE, Président de chambre,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 11 Avril 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Graziella HAUDUIN, Président a signé la minute avec Mme Marie- Estelle CHAPON, Greffier.
*
* *
DECISION
Vu le jugement en date du 10 mai 2021 auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits, procédure et prétentions initiales des parties par lequel le pôle social du tribunal judiciaire de Lille, statuant sur la contestation de la société [5] à l'encontre de la décision de la CPAM du Tarn fixant le taux d'incapacité permanente de Mme [H] [M] à 15% à la date du 1er janvier 2019, suite à la maladie professionnelle déclarée le 6 janvier 2017, a déclaré recevable le recours de la société, fixé le taux d'IPP opposable à la société à 5 % pour une «état dépressif séquellaire avec asthénie persistante» et condamné la CPAM aux dépens.
Vu l'appel interjeté le 27 mai 2021 par la société [5] de cette décision notifiée le 14 mai précédent.
Vu la désignation de M. [E], médecin consultant, par ordonnance du 15 février 2022.
Vu l'avis du médecin consultant daté du 29 juillet 2022.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 19 janvier 2023 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la CPAM du Tarn demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de fixer le taux d'IPP à 15% à l'égard de la société [5] et de débouter la société [5] de ses demandes.
Oralement à l'audience, la société [5], faisant valoir que le même médecin a pour la caisse rédigé le rapport d'évaluation des séquelles et l'avis, qu'il n'a pas été recherché l'avis d'un sapiteur psychiatre, qu'aucune recherche d'un état antérieur n'a été diligentée, que seules les doléances de l'assurée ont été recueillies sans examen clinique et qu'aucun méthodologie n'a donc été suivie pour apprécier l'état en sorte que le taux fixé doit s'écarter du plancher, demande à la cour, sur la base de l'avis de son médecin conseil daté du 15 février 2021, M. [Y], de confirmer le jugement entrepris qui a retenu le taux d'IPP à 5%.
SUR CE, LA COUR :
Le 12 septembre 2017 Mme [M], salariée de la société [5] en qualité de chef de caisse, responsable logistique, a été reconnue atteinte d'un syndrome dépressif, après avis favorable du CRRMP de la région [Localité 6] Midi Pyrénées en date du 6 septembre 2017, prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la CPAM du Tarn.
Son état a été déclaré consolidé par la CPAM du Tarn à la date du 1er janvier 2019.
Par décision notifiée le 22 janvier 2019, la CPAM a fixé une incapacité permanente partielle au taux de 15% pour un état dépressif séquellaire avec asthénie persistante.
La société [5], après avoir saisi le CMRA qui a rejeté son recours par décision du 2 juillet 2019, a saisi le 10 septembre 2019 le pôle social du tribunal judiciaire de Lille, qui, par jugement dont appel, a réduit le taux d'incapacité à son égard à 5 % à la date de consolidation du 1er janvier 2019, se basant sur les conclusions du médecin consultant désigné lors de l'audience, M. [O] qui a retenu une seule émotivité anxieuse.
M. [E], médecin consultant désigné par la cour, conclut comme suit :
« L'examen clinique montrait le 20/12/2018 par le praticien conseil, une anxiété, un sentiment de dévalorisation, des pleurs, une perte d'énergie, des troubles de la concentration et des troubles du sommeil. Il existait cependant une projection dans l'avenir malgré un manque de confiance.
Un traitement antidépresseur par Effexor LP 75 2x par jour et un traitement anxiolytique par Seresta 10 mg 1x par jour était prescrit. Un suivi mensuel est évoqué en CMP.
Ces éléments montrent une symptomatologie dépressive. Si le syndrome dépressif est qualifié de « majeur » par le praticien conseil, il n'apparaît pas dans son évaluation aucun avis sapiteur psychiatre, et surtout aucun argumentaire de nature à qualifier l'importance de la symptomatologie(pas d'échelle d'évaluation, pas d'évaluation du risque suicidaire...). Il n'existe pas non plus de notion sur les modalités du suivi en CMP hormis la consultation mensuelle (psychiatre ' Psychologue ' Infirmière psychiatrique ') ou de notion quant à des antécédents d'hospitalisation pour cette raison.
Ainsi selon les recommandations HAS de 2017, les élément communiqués ne permettent pas d'identifier chez l'assurée un épisode dépressif léger, modéré ou sévère. Un traitement par Effexor est cependant indiqué dans les états dépressifs majeurs à une posologie de 75 à 375 mg/jour. Dans le cas présent il s'agit d'une posologie de 150 mg/jour.
Selon le barème indicatif d'invalidité des maladies professionnelles (chapitre 4.4.2) un état dépressif avec asthénie persistante peut justifier d'une d'IP de 10 à 20%. le taux évoqué par le médecin consultant à l'audience de 5% apparaît insuffisant au regard du barème indicatif. Sans élément d'orientation sur la caractérisation précise de la symptomatologie, il apparaît licite d'attribuer une taux dans la fourchette basse, à savoir 10%. »
La caisse appelante invoque le caractère erroné des avis des médecins consultants désignés par le tribunal et la cour. Elle fait valoir à cet égard que son médecin conseil a vérifié si l'assurée présentait un état antérieur, qu'il ne peut lui être reproché d'avoir ignoré un état antérieure inexistant, qu'il n'est aucunement obligatoire de recourir à une médecin sapiteur psychiatre, que le médecin consultant désigné par la cour a quant à lui sous-estimé l'état dépressif présenté par Mme [M] par mauvaise interprétation du barème n'exigeant pas que l'état dépressif soit majeur pour justifier d'un taux entre 10 et 20%.
L'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale détermine le taux d'incapacité permanente d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
Le chapitre 4.4.2 relatif aux troubles psychiques du barème des maladies professionnelles, préconise un taux compris entre 10 et 20% pour les états dépressifs d'intensité variable avec une asthénie persistante. Il n'est pas exigé, comme le prévoit le barème des accidents de travail pour les séquelles psychonévrotiques (chapitre 4.2.1.11), de recourir à l'avis d'un psychiatre.
L'état de Mme [M] est exactement décrit dans l'avis précité de M. [E], médecin consultant, comme une dépression nécessitant un suivi mensuel spécialisé, sans toutefois de précision sur sa nature, et un traitement médicamenteux dont la posologie est précisée. L'existence d'un état antérieur a été également écarté.
Au vu de ce rapport et des éléments soumis à l'appréciation de la cour, contradictoirement débattus, et avec le médecin consultant dont elle adopte les conclusions, que les séquelles décrites ci-dessus justifiaient la reconnaissance d'un taux d'incapacité de 10% à l'égard de la société [5].
Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions.
Il y a lieu de dire que les frais de consultation seront pris en charge par la caisse nationale d'assurance maladie.
La société intimée, qui succombe partiellement, sera condamnée à supporter les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe ;
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau :
Dit que les séquelles de la maladie professionnelle dont a été reconnue atteinte Mme [H] [M] le 12 septembre 2017 justifient à l'égard de la société [5] l'attribution d'une incapacité permanente partielle d'un taux de 10% à la date de consolidation du 1er janvier 2019 ;
Dit que les frais de consultation seront pris en charge par la caisse nationale d'assurance maladie ;
Condamne la société [5] aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,