ARRET
N°
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS - CGEA D'[Localité 6]
C/
[F]
S.E.L.A.R.L. EVOLUTION
copie exécutoire
le 30 mars 2023
à
Me Delvallez
Me Grosset Brauer
Selarl Evolution
CPW/MR/IL
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 30 MARS 2023
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N° RG 22/02889 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IPDG
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 25 AVRIL 2022 (référence dossier N° RG 20/00142)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
UNEDIC DÉLÉGATION AGS - CGEA D'[Localité 6] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée et concluant par Me Dorothée DELVALLEZ de la SCP ANTONINI ET ASSOCIES, avocat au barreau de LAON substituée par Me Marc ANTONINI de la SCP ANTONINI ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
ET :
INTIMEES
Madame [N] [F]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée et concluant par Me Laura GROSSET BRAUER de la SELARL 41 Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Alice ORIOL, avocat au barreau de PARIS
S.E.L.A.R.L. EVOLUTION ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL SEINE NORD MATERIAUX
[Adresse 3]
[Localité 1]
non constituée
DEBATS :
A l'audience publique du 09 février 2023, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.
Mme Caroline PACHTER-WALD indique que l'arrêt sera prononcé le 30 mars 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Caroline PACHTER-WALD en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 30 mars 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
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DECISION :
Mme [F], bénéficiant du statut de travailleur handicapé depuis le 26 juin 2018, a été embauchée en contrat d'apprentissage du 26 août 2019 au 31 août 2021, par la société Seine Nord matériaux (ci-après l'employeur ou la société), avec pour missions la vente, l'accueil comptoir ainsi que la réception de commandes et la mise en rayon dans l'un des points de vente de la société, dans le cadre d'une formation suivie auprès du CCI [Localité 6]-Picardie Hauts de France dans le but d'obtenir un baccalauréat professionnel de commerce.
La convention collective applicable à la relation de travail est celle de la quincaillerie.
Le 15 novembre 2019, l'apprentie a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement du fait de la fermeture du point de vente. Le 25 novembre 2019, le gérant de la société lui a remis en main propre un courrier intitulé «notification de la rupture du contrat d'apprentissage » à effet du 16 décembre 2019. Le 13 décembre 2019, elle a signé un formulaire de résiliation du contrat d'apprentissage, à effet du 16 décembre 2019.
Par jugement du 6 mars 2020, la société Seine Nord matériaux a été placée en liquidation judiciaire et Maître [R] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire. Dans le cadre de la procédure collective, l'Unedic délégation AGS - CGEA d'[Localité 6] a été amenée à faire l'avance pour le compte de la société et au bénéfice de la salariée de sommes pour un montant total de 5 649,27 euros.
Ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution de son contrat d'apprentissage et contestant la légitimité de la rupture de son contrat, Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Laon le 14 décembre 2020 qui, par jugement du 25 avril 2022, a :
dit que la rupture du contrat d'apprentissage intervenue le 16 décembre 2019, était à l'initiative de l'employeur ;
dit que l'accord intervenu entre les parties au moment de la rupture était nul et de nul effet ;
fixé au passif de la société pour le compte de Mme [N] [F] les sommes suivantes :
- 772,31 euros à titre de salaire du 1er au 16 décembre 2019,
- 265 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
- 26 685,63 euros bruts au titre de la rémunération due jusqu'à la fin du contrat
dit que l'Unedic délégation AGS CGEA d'[Localité 6] devait garantir les créances énoncées à l'article L.3253-8 du code du travail et dans les limites des plafonds définis à l'article D.5253-5 du code du travail ;
condamné le liquidateur de la société Seine Nord matériaux, ès-qualités, à payer à Mme [F] la somme de 1 324 euros à titre de dommages et intérêts pour non-paiement du solde de tout compte ;
condamné le liquidateur, ès-qualités, à transmettre à Mme [F] son solde de tout compte, sa lettre de licenciement sous astreinte journalière de 50 euros par document passé un délai de 7 jours suivants la notification de la décision ;
condamné le liquidateur, ès-qualités, à payer à Mme [F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouté Mme [F] du surplus de ses demandes ;
dit que les dépens ont dû être employés en frais privilégiés de procédure collective.
Le 10 juin 2022, l'Unedic délégation AGS CGEA d'[Localité 6] a régulièrement interjeté appel de cette décision lui ayant été notifiée le 11 mai 2022.
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 23 décembre 2022, l'Unedic délégation AGS CGEA d'[Localité 6] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de :
- débouter Mme [F] de l'intégralité de ses prétentions ou les voir à tout le moins ramenées à de plus justes proportions ;
- subsidiairement, dans l'hypothèse où il y serait fait droit, ne serait-ce que partiellement, fixer l'éventuelle créance de Mme [F] au passif de la société Seine Nord matériaux, déterminer les sommes dont le CGEA devra garantir le paiement dans la limite des dispositions et des plafonds légalement imposés, rappeler que les limites de garantie de l'AGS résultent des dispositions de l'article L.3253-8 du code du travail et qu'elle est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail, lesquels s'entendent de la totalité de la créance salariale en ce compris le précompte effectué en vertu de l'article L.242-3 du code de la sécurité sociale au profit des organismes sociaux, rappeler que la garantie de l'AGS ne s'étend pas aux sommes allouées par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ni à la remise des documents sociaux ni à l'astreinte dont celle-ci est éventuellement assortie, et employer, dans cette hypothèse subsidiaire, les dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 1er novembre 2022, Mme [F] demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et y ajoutant de :
- fixer au passif de la société Seine Nord Matériaux la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le liquidateur judiciaire, ès-qualités, aux entiers dépens.
Maître [R], ès qualités, auquel ont été signifiées la déclaration d'appel et des conclusions à la demande de l'Unédic délégation AGS CGEA d'[Localité 6], par acte d'huissier de justice remis à une personne habilitée à recevoir l'acte, n'a pas constitué avocat et n'a pas fait déposer de conclusions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS
Sur la demande de paiement des congés payés
La cour n'est saisie d'aucune contestation sur les dispositions du jugement déboutant Mme [F] de sa demande de paiement des congés payés, qui seront donc confirmées comme n'étant pas discutées.
Sur le rappel de salaire du 1er au 16 décembre 2019
Mme [F] sollicite la confirmation de la décision déférée lui ayant alloué 772,31 euros bruts au titre du rappel de salaire pour la période du 1er au 16 décembre 2019.
L'Unédic, qui ne conteste pas que le salaire n'avait pas été payé par l'employeur, fait valoir que Mme [F] sollicite un rappel de salaires qui ont cependant été réglés suite au prononcé de la liquidation judiciaire et à la prise en charge par l'AGS.
Sur ce,
L'organisme, qui ne conteste pas spécifiquement le montant exactement calculé par le premier juge, produit une fiche de renseignement dont il ressort que seule une somme de 499,83 euros a été réglée à Mme [F] au titre du rappel de salaire du 1er au 16 décembre 2019. Il s'ensuit qu'il reste donc dû 272,48 euros. Au vu de ces éléments nouveaux, la décision déférée sera réformée et c'est cette dernière somme qui sera désormais fixée au passif de la société.
Sur la rupture du contrat d'apprentissage
Mme [F] fait valoir en substance, que la rupture d'un commun accord dont se prévaut l'employeur est privée d'effet dès lors que l'employeur n'a pas respecté les dispositions exigeant la notification visées à l'article R.6222-21 du code du travail, puisqu'il ne justifie pas avoir notifié la rupture au centre de formation et aux services ayant initialement enregistré le contrat ; qu'en tout état de cause la rupture est nulle en ce que l'employeur a en réalité rompu unilatéralement le contrat d'apprentissage au 16 décembre 2019 hors des cas prévus par la loi en lui notifiant la rupture dès le 25 novembre 2019 au motif d'une force majeure, après l'avoir convoquée à un entretien préalable au licenciement du seul fait de la fermeture à venir du point de vente qui ne caractérise pas la force majeure ; que l'attestation destinée à Pôle emploi mentionne d'ailleurs qu'il s'agit d'une rupture à l'initiative de l'employeur ; que la rupture d'un commun accord ensuite intervenue n'était pas possible puisque le contrat était déjà rompu alors subsidiairement que cette seconde rupture est nulle puisqu'intervenue à la suite de menaces, de manoeuvres et de la contrainte morale dont elle a été victime au moment de la signature du formulaire le 13 décembre 2019.
L'Unédic réplique en substance que Mme [F] a accepté la résiliation d'un commun accord de son contrat d'apprentissage moyennant le versement d'une indemnité de 4 500 euros, ce qui est établi par la signature du formulaire de résiliation et que cette rupture a été dûment enregistrée par la CCI, le courrier du 25 novembre 2019 de l'employeur ne faisant que reprendre les termes de l'accord intervenu ; que l'apprentie ne rapporte pas la preuve d'un quelconque vice du consentement, qui ne peut se déduire de ses seules allégations, et d'ailleurs Mme [F] ne contestait pas en première instance le principe de la rupture d'un commun accord de son contrat mais faisait uniquement grief à l'employeur d'avoir tardé à lui régler l'indemnité transactionnelle convenue, ce qui ne saurait cependant entrainer la nullité de la rupture, alors que le conseil de prud'hommes a quant à lui considéré l'accord intervenu comme étant nul au vu des irrégularités l'affectant et notamment l'indication sur l'attestation Pôle emploi d'une rupture à l'initiative de l'employeur, ce qui ne pourra qu'être infirmé.
Sur ce,
3.1 - Sur la qualification de la rupture
En application des dispositions L.6222-18 dans sa rédaction applicable au litige et L.6222-22 du code du travail, le contrat d'apprentissage prend fin à l'arrivée de son terme. Il peut, cependant, être rompu avant son échéance dans des cas strictement prévus par la loi à savoir, au delà des deux mois de la période d'essai, que sur accord écrit, signé de l'employeur et de l'apprenti ou à défaut, être prononcée par le conseil de prud'hommes, en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations, ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier.
En cas d'accord des deux parties, celles-ci doivent donner leur consentement éclairé. Il appartient à l'apprenti qui le conteste de démontrer que son consentement a été vicié.
En cas de liquidation judiciaire sans maintien de l'activité ou lorsqu'il est mis fin au maintien de l'activité en application du dernier alinéa de l'article L.641-10 du code de commerce et qu'il doit être mis fin au contrat d'apprentissage, le liquidateur notifie la rupture du contrat à l'apprenti. Cette rupture ouvre droit pour l'apprenti à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat.
L'article L.1243-4 du code du travail prévoit que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat.
En l'espèce, le contrat d'apprentissage signé entre les parties prévoyait une période d'exécution comprise entre le 26 août 2019 et le 31 août 2021, et Mme [F] soutient que l'employeur a rompu unilatéralement le contrat d'apprentissage avant son terme.
Il ressort du dossier qu'aux termes d'un courrier du 25 novembre 2019, le gérant de la société a adressé à Mme [F] un courrier ainsi libellé : «Le 26 août 2019 nous avons conclu un contrat d'apprentissage d'une durée de 24 mois. Le 15 novembre 2019, je vous ai convoquée à un entretien préalable au licenciement pour la raison suivante : fermeture du point de vente de [Localité 7]. Par la présente et conformément à l'article L.6222-18 al.3 du code du travail, je vous notifie la rupture du contrat d'apprentissage d'un commun accord, aucune possibilité de reclassement n'étant possible : cas de force majeure à compter du 16 décembre 2019. Suivant notre accord, je vous confirme une indemnité de fin de contrat de 4 500 euros.»
Il ressort de la lecture de ce courrier à la lumière des autres éléments du dossier qu'après avoir invité Mme [F] à un entretien portant sur la procédure de licenciement pour un motif économique et l'avoir informée de la fermeture à venir du point de vente l'employant, les parties se sont rapprochées et qu'un accord est intervenu.
Le courrier peut certes prêter à confusion dès lors qu'il n'est signé que par l'employeur et qu'il évoque une notification de la rupture, l'absence de possibilité de reclassement ou encore la force majeure et l'alinéa 3 de l'article L.6222-18, néanmoins il évoque déjà également de façon claire un accord des parties portant sur la rupture et une indemnité de fin de contrat dont le montant a été déterminé suivant un accord entre les parties. Compte tenu de cette ambiguïté, le documentne caractérise pas la rupture unilatérale évidente par l'employeur alléguée par l'apprentie, et doit être au contraire interprété à la lumière notamment du formulaire de résiliation signé par les deux parties le 13 décembre 2019, dans lequel l'apprentie a manifesté expressément et sans réserve son accord sur le principe d'une rupture d'un commun accord.
Il sera d'ailleurs observé que Mme [F] n'a pas entendu dénoncer ce document de résiliation d'un commun accord avant l'appel, dès lors qu'il résulte de son courrier du 6 février 2020 qu'elle s'était alors contentée de réclamer le solde de tout compte et l'indemnité transactionnelle de rupture, et de ses développements en première instance qu'elle s'était alors prévalue d'une nullité de la rupture «car le règlement n'est pas intervenu un an après sa signature.»
Ces éléments dont il résulte que la rupture litigieuse est une rupture d'un commun accord entre les parties, contredisent la thèse de Mme [F] selon la rupture serait une rupture unilatérale par l'employeur et avant terme de son contrat d'apprentissage. L'attestation destinée à Pôle emploi le 17 janvier 2020 en indiquant que la rupture est à son initiative n'est pas un élément contraire suffisant alors que cette erreur manifeste se comprend aisément puisque l'employeur est bien à l'initiative de la négociation sur la rupture qui a abouti cependant à un accord des parties sur ladite rupture.
3.2 - Sur le vice du consentement
La rupture d'un commun accord d'un contrat d'apprentissage suppose le libre consentement des parties.
En vertu de l'article 1130 du code civil, il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. Selon l'ancien article 1116 repris par l'article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Le vice du consentement ne se présume pas. La charge de la preuve pèse ainsi sur celui qui l'invoque. Il appartient donc, en l'espèce, à Mme [F] de rapporter une telle preuve.
En l'espèce, Mme [F] n'allègue pas la fraude. Elle soutient sans aucun élément justificatif venant à l'appui de ses allégations qu'elle a été contrainte par l'employeur, par la menace, de signer le formulaire le 13 décembre 2019. Elle ne produit notamment pas le moindre commencement de preuve de ses affirmations quant à une menace par la société de rompre son contrat sans la moindre compensation financière si elle ne signait pas le document.
Elle précise dans le même temps avoir signé le document par peur de ne plus être payée et de ne percevoir aucune indemnité en évoquant des manoeuvres de l'employeur et une contrainte morale. La preuve d'un dol ne ressort cependant pas non plus des éléments évoqués par Mme [F] qui ne produit pas d'élément de nature à établir l'existence de manoeuvres destinées à obtenir son consentement à la rupture. Elle ne démontre notamment pas que l'employeur l'aurait trompée en lui donnant des informations fausses ou en faisant de la rétention d'information. Si elle souligne dans ses conclusions que le gérant lui avait préalablement annoncé que l'entreprise était en faillite, elle ne conteste pas pour autant la réalité des difficultés économiques de la société, étant souligné que le 6 mars 2020 la société a été placée en liquidation judiciaire avec fixation rétroactive de la date de cessation des paiements au 31 décembre 2019. Cette seule fixation rétroactive de la date de cessation des paiement à une date proche de la rupture ne saurait en outre permettre de retenir des manoeuvres frauduleuses de l'employeur dont il n'est pas prouvé qu'au moment de la signature du document litigieux il avait déjà connaissance de la décision à venir, plusieurs mois après, du tribunal de commerce, et qu'il cherchait ainsi par cet accord à empêcher l'apprentie de percevoir des indemnités plus importantes que celles transigées, et le droit pour l'apprentie, lorsqu'un liquidateur judiciaire met fin au contrat d'apprentissage dans les quinze jours du jugement de liquidation, de percevoir une indemnité égale aux rémunérations qu'elle aurait perçues jusqu'au terme de son contrat, ne faisait pas obstacle à la possibilité pour le gérant de la société et Mme [F], plusieurs mois avant l'ouverture d'une procédure collective, de conclure une rupture amiable par accord écrit signé des deux parties, quand bien même l'initiative en revenait à l'employeur, alors qu'aucune disposition ne l'obligeait à recourir à une rupture unilatérale du contrat d'apprentissage du fait de ses difficultés économiques.
Par ailleurs, Mme [F] ne justifie pas de l'existence d'un litige entre les parties au moment de la conclusion de la résiliation d'un commun accord. En tout état de cause, un litige n'affecte pas en elle-même la validité de celle-ci, et l'existence d'un différend entre les parties au moment de la rupture ne constituant pas à elle seule la preuve que l'apprentie aurait signé sous la contrainte morale ou du fait de pressions, celle-ci ne fournissant aucun élément en ce sens. Si Mme [F] évoque une pression par l'employeur pour l'amener à signer la rupture conventionnelle, force est d'observer qu'elle reconnaît avoir elle-même pris la décision de signer par peur de ne pas pouvoir percevoir par la suite ses salaires et indemnités. Cette seule crainte de l'apprentie du fait des difficultés réelles de la société dont l'employeur l'avait informée, ne saurait suffire à établir les pressions alléguées.
Mme [F], qui ne justifie pas non plus de violences quelconques à son égard de la part de l'employeur, ne démontre pas la réalité d'un vice du consentement.
Dans ces conditions, si l'intéressée avance que la rupture lui a été imposée par la société, elle ne prouve cependant pas que son consentement a été vicié, et les parties ont donc par une rupture d'un commun accord mis fin au contrat d'apprentissage.
Il sera par ailleurs relevé que le CGEA d'[Localité 6] a réglé la somme de 4 500 euros au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'apprentissage en novembre 2020, ce paiement tardif de cette indemnité ne pouvant cependant entrainer à lui seul la nullité de la rupture ou la priver d'effet.
Mme [F] fait encore valoir que cette rupture d'un commun accord est cependant privée d'effet dès lors que l'employeur n'a pas l'employeur n'a pas respecté les dispositions exigeant la notification.
3.3 - Sur la procédure de rupture du contrat d'apprentissage
En vertu de l'article R.6222-21 du code du travail en sa rédaction applicable au litige, la rupture unilatérale du contrat d'apprentissage par l'une des parties pendant les deux premiers mois de son exécution ou la rupture convenue d'un commun accord est constatée par écrit et notifiée au directeur du centre de formation d'apprentis ou, dans le cas d'une section d'apprentissage, au responsable d'établissement, ainsi qu'à l'organisme consulaire ayant enregistré le contrat, qui la transmet à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du lieu d'exécution du contrat d'apprentissage ou au service assimilé.
Outre l'absence de sanction prévue par les textes à l'absence de notification, il apparaît que la rupture a bien été enregistrée par a CCI [Localité 6] Picardie Hauts de France le 20 décembre 2022. La seule absence de justificatif d'une notification au directeur du centre de formation ne saurait suffire à priver l'effet la rupture ainsi enregistrée.
L'ensemble de ces constatations justifie d'infirmer le jugement déféré et de débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture abusive et avant terme du contrat d'apprentissage.
Sur la demande de dommages et intérêts pour retard dans le paiement du solde de tout compte
Mme [F] fait valoir en substance que lors de la rupture de son contrat de travail, un document solde de tout compte vide lui a été remis, qu'elle n'a pas perçu la moindre somme, et que ce n'est que le 27 novembre 2020, soit presque un an après la rupture qu'elle a enfin perçu un chèque de 5 649,27 euros de la part du mandataire judiciaire sans plus de détail, montant qui ne correspondait pas à la totalité des sommes dues ; qu'au regard de sa situation précaire, le retard dans le versement au demeurant partiel de son solde de tout compte lui a causé un préjudice qu'il convient d'indemniser.
L'Unédic réplique en substance que Mme [F] ne pourra qu'être déboutée de cette demande faute de démontrer l'existence d'un préjudice ou qu'à tout le moins la cour devra ramener la demande à de justes proportions. L'organisme souligne qu'en tout état de cause, aucune condamnation ne peut intervenir, seule une fixation étant possible.
Sur ce,
Mme [F] produit le document remis vierge par l'employeur au titre du solde de tout compte. Si le bulletin de paie de décembre 2019 mentionne certains éléments du solde de tout compte, le versement en novembre 2020 par le CGEA de l'indemnité de congés payés et d'une somme au titre du salaire restant dû de décembre 2019 et de l'indemnité de rupture, suffit à démontrer qu'avant cette date Mme [F] n'avait pas été payée de ces sommes. Or, au regard de ses explications corroborées par l'attestation de sa mère qui n'est pas utilement remise en cause, l'apprentie se trouvait dans une situation précaire au moment de la rupture, et cette situation s'est aggravée du fait de l'absence de perception des sommes dues dans les mois qui ont suivi la rupture. Il s'ensuit que tant le manquement de l'employeur que le préjudice en étant découlé pour l'apprentie sont établis distinct de celui réparé par les intérêts moratoires. Il y a donc lieu de fixer à la somme exactement évaluée par les premiers juges les dommages et intérêts alloués à Mme [F]. La décision déférée sera de ce chef confirmée, sauf à fixer la somme ainsi allouée au passif de la procédure collective de la société.
Sur les dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement
Mme [F] sollicite des dommages et intérêts au motif de l'absence de respect par l'employeur de la procédure de licenciement. Cette demande, qui est cependant sans objet dès lors que la rupture est une résiliation d'un commun accord et non un licenciement, ne saurait aboutir. Surabondamment, l'apprentie ne justifie d'aucun préjudice en lien avec le manquement allégué.
Par infirmation du jugement déféré, la demande indemnitaire ne pourra donc qu'être rejetée.
Sur les autres demandes
Le sens de la présente décision conduit à confirmer le jugement entrepris en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
Chacune des parties succombe partiellement, et il y a donc lieu de laisser les dépens à la charge la partie les ayant exposé. L'équité et la situation financière des parties commande par ailleurs de dire n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qui concerne le montant restant dû au titre du rappel de salaire, la nullité de la rupture du contrat d'apprentissage et ses conséquences financières, et les dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, et sauf à fixer les dommages et intérêts alloués au titre du retard dans le paiement du solde de tout compte au passif de la procédure collective ;
L'infirme de ces seuls chefs ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Fixe la créance de Mme [F] au passif de la procédure collective de la société Seine nord matériaux aux sommes suivantes :
- 272,48 euros au titre du solde de rappel de salaire du 1er au 16 décembre 2019 dû ;
- 1 324 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans le paiement du solde de tout compte ;
Déboute Mme [F] de sa demande de nullité de la rupture du contrat d'apprentissage et de ses demandes subséquentes ;
Déboute Mme [F] de sa demande de dire que la rupture d'un commun accord est privée d'effet et de ses demandes subséquentes ;
Déboute Mme [F] de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement ;
Dit que l'AGS-CGEA d'[Localité 6] devra garantir le montant des sommes dues au titre du présent arrêt dans la limite et les plafonds de sa garantie légale ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne chaque partie à conserver ses propres dépens d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.