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29/03/2023 | FRANCE | N°22/01219

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 29 mars 2023, 22/01219


ARRET







[O]





C/



S.A.S. GSF STELLA







































































copie exécutoire

le 29/03/2023

à

Me VIEL

Me CHATELAIN

EG/IL/



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 29 MARS 2

023



*************************************************************

N° RG 22/01219 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IMC6



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAINT-QUENTIN DU 21 FEVRIER 2022 (référence dossier N° RG 21/00033)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [C] [O]

né le 08 Octobre 1970 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Locali...

ARRET

[O]

C/

S.A.S. GSF STELLA

copie exécutoire

le 29/03/2023

à

Me VIEL

Me CHATELAIN

EG/IL/

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 29 MARS 2023

*************************************************************

N° RG 22/01219 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IMC6

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAINT-QUENTIN DU 21 FEVRIER 2022 (référence dossier N° RG 21/00033)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [C] [O]

né le 08 Octobre 1970 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne,

assisté, concluant et plaidant de Me Marie-laure VIEL de la SCP MARIE-LAURE VIEL, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN substituée par Me Manon MAGNIER, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

ET :

INTIMEE

S.A.S. GSF STELLA

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée, concluant et plaidant par Me Fabrice CHATELAIN, avocat au barreau de LILLE

Me Emilie RICARD, avocat au barreau D'AMIENS, avocat postulant

DEBATS :

A l'audience publique du 01 février 2023, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Mme Eva GIUDICELLI en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Mme Eva GIUDICELLI indique que l'arrêt sera prononcé le 29 mars 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 29 mars 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [O], né le 8 octobre 1979, a été embauché, à compter du 4 août 2008, par la société GSF Stella (l'employeur ou la société) par contrat à durée déterminée, en qualité d'agent de service.

La relation de travail s'est poursuivie par la signature de plusieurs contrats de travail à durée déterminée, le dernier contrat ayant pris effet le 16 décembre 2014.

Par avenant du 1er septembre 2015, ce dernier contrat à durée déterminée a été transformé en contrat à durée indéterminée.

La convention collective applicable est celle des entreprises de propreté et des services associés.

L'entreprise emploie un effectif supérieur à 10 salariés.

Le 31 juillet 2019, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 8 août 2019 avec mise à pied conservatoire.

Par courrier du 5 septembre 2019, il a été licencié pour faute grave.

Ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution des contrat de travail et contestant la légitimité de son licenciement, il a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Quentin le 9 septembre 2019.

Par jugement du 21 février 2022, la juridiction prud'homale a :

- dit que le licenciement de M. [O] était justifié par une faute grave ;

- débouté M. [O] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné M. [O] à régler à la société la somme de 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [O] aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions remises le 16 janvier 2023, M. [O], régulièrement appelant de ce jugement, demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il :

- a dit que son licenciement était justifié par une faute grave ;

- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes ;

- l'a condamné à verser à la société la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'a condamné aux entiers dépens.

Statuant à nouveau,

- requalifier les contrats de travail à durée déterminée conclus avec la société GSF Stella en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 août 2008 ;

- juger dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave prononcé à son encontre le 5 septembre 2019 ;

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 6 460,40 euros à titre d'indemnité de requalification (4 mois de salaires) ;

- 3 230,20 euros à titre d'indemnité de préavis outre 323,02 euros au titre des congés payés afférents ;

- 4 710,65 euros à titre d'indemnité de licenciement (ancienneté de 11 années et 3 mois) ;

- 38 762,40 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (24 mois de salaires) ;

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des préconisations médicales ;

- condamner la société à verser à son conseil la somme de 3 000 euros conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

- condamner la société en tous les dépens.

Par conclusions déposées le 19 janvier 2023, la société GSF Stella demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de M. [O] était justifié par une faute grave ;

- débouté M. [O] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné M. [O] à lui régler la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [O] aux entiers dépens de l'instance ;

- débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [O] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [O] aux entiers dépens de l'instance.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS

1/ Sur la prescription de l'action en requalification des contrats à durée déterminée

M. [O] demande la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée au motif qu'il a en réalité occupé un poste permanent d'agent de service au sein de l'entreprise et que le délai de carence entre deux contrats n'a pas toujours été respecté.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la requalification en contrat à durée indéterminée des nombreux contrats à durée déterminée qu'il a conclus avec son employeur au motif qu'elle serait prescrite, exposant que le délai de prescription n'expirait pas le 14 décembre 2016 mais le 6 septembre 2021, soit deux ans après la rupture de son contrat de travail, événement lui ayant permis de constater l'absence de prise en compte de son ancienneté et de découvrir ses droits auprès de son conseil.

En réponse, la société GSF Stella soulève la prescription des demandes fondées sur des contrats à durée déterminée dont le plus récent a pris fin le 13 décembre 2014.

Conformément à l'article L.1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

L'action en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est soumise à la prescription de l'article L.1471-1 du code du travail.

Lorsque l'action en requalification est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé dans le contrat, le délai de prescription de cette action court à compter du terme du contrat à durée déterminée ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, à compter du terme du dernier contrat.

Lorsque l'action en requalification est fondée sur le non-respect du délai de carence entre deux contrats à durée déterminée successifs, le délai de prescription de cette action court à compter du premier jour d'exécution du second contrat.

En l'espèce, il ressort des pièces produites que M. [O] et la société GSF Stella ont conclu 177 contrats à durée déterminée entre le 4 août 2008 et le 13 décembre 2014, date de fin du dernier contrat à durée déterminée, le contrat à durée déterminée conclu le 16 décembre 2014 ayant été transformé en contrat à durée indéterminée par avenant du 1er septembre 2015.

Le terme du dernier contrat à durée déterminée prétendument irrégulier étant intervenu le 13 décembre 2014, l'action du salarié tendant à la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée était prescrite au 9 septembre 2019, date de saisine du conseil de prud'hommes.

Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef, mais seulement en ce qu'il a dit la demande mal fondée alors qu'elle est irrecevable.

2/ Sur le manquement à l'obligation de sécurité de résultat

M. [O] expose avoir fait l'objet de restrictions médicales par le médecin du travail le 18 octobre 2018 qui n'ont pas été respectées par son employeur, précisant que le défaut de mise en 'uvre de ces restrictions médicales est à l'origine d'une rechute de son accident du travail du 5 décembre 2015. Il ajoute que c'est par de fausses allégations que l'employeur prétend avoir effectué les démarches en vue de mettre en place la formation souhaitée alors qu'il n'a eu de cesse de le relancer sur ce point. Enfin, il affirme que l'employeur ne peut s'exonérer de sa responsabilité en soutenant qu'il avait été embauché chez un autre employeur au même poste sans connaitre la réalité de ses conditions de travail.

La société GSF Stella réplique que M. [O], qui avait pourtant sollicité le bénéfice d'une formation professionnelle en matière de transport routier, n'a pas entendu donner suite à cette démarche. Elle ajoute qu'à la suite de son licenciement, le salarié a finalement retrouvé un poste de laveur de vitres et que, dans ces conditions, il se trouve mal fondé à lui reprocher son maintien sur son poste d'agent de service.

Conformément aux dispositions de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

En l'espèce, il est établi que le 18 octobre 2018, le Dr [E], médecin du travail, a émis un avis d'aptitude assorti de préconisations rédigées comme suit :

« Préconisations à respecter.

-pas de port de charges qui dépassant 5 kg / charge,

-à éviter les mouvements répétitifs du membre supérieur droit d'une manière prolongée, surtout le travail au Faubert,

-à éviter le travail avec les bras levés au dessus de 90° plus de 10 minutes d'affilée,

-a privilégier l'alternance des tâches, pour alterner des travaux sollicitant fortement les bras, avec des travaux moins sollicitants pour les bras, comme la conduite de chariot,

-à envisager un rythme de travail en accord avec les capacités du salarié,

Il est souhaitable de privilégier un poste de travail qui permet au salarié l'organisation de ses activités selon son rythme, en tenant compte des limitations liées à son état de santé ».

Alors que le médecin du travail a considéré que M. [O] était apte à reprendre son activé professionnelle, la cour relève que la session de formation sollicitée par le salarié, avant tout motivée par une reconversion professionnelle dans le secteur du transport routier, est sans lien avec les restrictions exposées par le médecin du travail.

Son absence de finalisation par le salarié ne saurait donc permettre à l'employeur de s'exonérer de sa responsabilité au titre de l'obligation de sécurité.

En revanche, quand bien même l'employeur ne présente aucun élément permettant d'identifier les mesures mises en 'uvre afin de satisfaire aux préconisations du médecin du travail, la cour observe que les certificats d'arrêt de travail des 28 janvier et 26 février 2020 en lien avec un accident du travail ou une maladie professionnelle dont se prévaut le salarié correspondent à une prolongation et non à une rechute, alors que le contrat de travail est rompu depuis le 5 septembre 2019.

De même, il est relevé, à l'aune des documents annexés à ces deux avis d'arrêt de travail, que la caisse primaire d'assurance maladie a instruit ces éléments au titre d'une lésion nouvelle et non d'une rechute.

De surcroît, les documents présentés par le salarié font état d'un phénomène douloureux apparu à compter du mois de janvier 2020 alors qu'il n'exerçait plus son activité professionnelle auprès de la société GSF Stella depuis sa mise à pied conservatoire le 31 juillet 2019.

Le salarié ne justifiant pas de problèmes de santé causés par l'absence de mise en 'uvre des préconisations du médecin du travail et ne démontrant l'existence d'aucun autre préjudice en découlant, il conviendra, par confirmation du jugement déféré, de le débouter de sa demande tendant à la condamnation de son employeur au paiement de dommages et intérêts de ce chef.

3/ Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave

M. [O] conteste les griefs reprochés et soutient que la société ne produit pas aux débats d'éléments objectifs permettant d'établir la matérialité de ces fautes. S'agissant du défaut de port des équipements de protection individuelle et de vêtements de travail le 31 juillet 2019, il indique que les vêtements qui lui avaient été remis par l'employeur n'étaient pas à sa taille, et ajoute que ce dernier ne justifie pas de la remise d'équipements de protection individuelle, dont l'absence a de toute façon été constatée plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement. Il poursuit en affirmant que l'employeur ne présente aucune pièce justifiant du comportement négatif qu'il aurait eu à l'égard des clients et que le seul témoignage de M. [X] est insuffisant pour établir la réalité de ces faits. S'agissant ensuite du grief tiré de l'utilisation à titre personnel du véhicule de service et de la consommation élevée de carburant pour le mois de juin 2019, il indique que la société GSF Stella ne justifie pas de l'utilisation exclusive du véhicule en cause. Enfin, s'agissant du dernier grief concernant le changement du pare-brise du véhicule professionnel utilisé, il souligne que, si le nom du conducteur est mentionné sur la facture du réparateur, il n'est pas fait état de la personne qui a donné l'ordre de réparation.

La société GSF Stella réplique que le salarié a été vu à plusieurs reprises, dont la journée du 31 juillet 2019, portant un simple survêtement dans les locaux des clients pour effectuer son travail, et ce malgré les nombreuses remarques de son supérieur hiérarchique et la mise à disposition de vêtements de travail. Elle se prévaut sur ce point des témoignages de deux salariés précisant que M. [O] avait effectivement reçu les vêtements de travail ainsi que des équipements de protection individuelle. Elle ajoute que, le 31 juillet 2019, le salarié n'a pas achevé sa prestation de travail et qu'il a reconnu ses écarts de comportement le 8 août 2019. Par ailleurs, elle expose que l'état des frais de carburant du mois de juin 2019 du véhicule de service laisse apparaître une consommation excessive à l'aune de ses déplacements professionnels réalisés et que M. [O] a admis avoir utilisé le véhicule et la carte à des fins personnelles lors de l'entretien préalable. Sur ce point, elle s'oppose à l'argumentation soutenue par le salarié selon laquelle l'utilisation du véhicule n'était pas exclusive, et produit aux débats le témoignage d'un salarié affirmant n'utiliser ce véhicule qu'une seule fois par semaine pour la collecte des déchets. S'agissant des réparations réalisées sur le véhicule de service, elle indique que le salarié a pris l'initiative d'y procéder en dépit de la consigne contraire qui lui avait été communiquée. Elle ajoute que ce motif supplémentaire, non contesté par M. [O] durant l'entretien préalable, confirme qu'il s'était indûment approprié le véhicule de société et qu'il persistait à ne pas respecter les règles élémentaires et le règlement intérieur.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La mise en 'uvre de la procédure de licenciement doit donc intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

C'est à l'employeur qui invoque la faute grave et s'est situé sur le terrain disciplinaire de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu'ils rendaient impossibles la poursuite du contrat de travail. Si un doute subsiste sur la réalité des faits invoqués par l'employeur au soutien du licenciement, il doit profiter au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée comme suit :

« Lors de votre prestation de vitrerie sur le site Leroy Merlin le 31 juillet 2019, vous n'aviez pas de chaussures de sécurité et vous portiez une veste civile alors que votre supérieur vous avait remis des vêtements de travail neufs la veille. De plus, notre client nous a fait part de son mécontentement car vous êtes resté seulement 30 minutes sur son site et n'avez pas terminé votre prestation. Vous avez d'ailleurs reconnu avoir par moment un comportement négatif vis-à-vis de nos clients.

Pour vous déplacer sur les différents sites où vous effectuez des prestations de nettoyage, GSF a mis à votre disposition un véhicule qui doit être utilisé uniquement à des fins professionnelles. Or, vous avez reconnu avoir utilisé le véhicule pour des trajets personnels, allant jusqu'à vous servir de la carte Total pour le péage de l'autoroute (péage autoroute [Localité 5] le 08/06 et de [Localité 1] le 10/06).

En analysant la facture Total de juin, nous avons constaté une consommation très élevée de carburant du véhicule qui était en votre possession (450 € sur le mois). Cette consommation n'est pas cohérente avec le nombre de kilomètres du véhicule que vous annoncez à la pompe, ni avec l'activité professionnelle que vous avez eue durant le mois de juillet.

Enfin, vous vous êtes permis de faire changer le pare-brise du véhicule alors que votre supérieur vous avait dit qu'il s'en occuperait à son retour.

De tels faits ne peuvent être tolérés au sein de notre société, et sont constitutifs d'une faute grave ».

Au préalable, il convient d'observer que c'est à tort que M. [O] soutient que le grief de l'employeur portant sur son refus de porter des équipements de protection individuelle relèverait de faits trop anciens sur lesquels le licenciement entrepris ne pouvait se fonder, dès lors que la lettre de licenciement se borne à évoquer, sur ce point, les faits du 31 juillet 2019 qui ont été suivis, dans un délai restreint, par la remise en main propre d'une convocation à un entretien préalable assortie d'une décision de mise à pied conservatoire du 7 août 2019.

Sur le fond des griefs retenus par l'employeur, la cour relève que la circonstance, contestée par le salarié, selon laquelle il ne serait resté que 30 minutes sur le site d'intervention et serait reparti en laissant son travail inachevé ne ressort que du seul témoignage indirect de M. [X], responsable d'exploitation, qui ne fait qu'évoquer l'existence de plaintes de la société cliente dont la réalité n'est pas établie par la production d'éléments plus objectifs.

Le bien-fondé de ce grief n'est donc pas démontré.

S'agissant de l'usage prétendument excessif du véhicule de service et de la carte de carburant, il est relevé que le témoignage de M. [Y], chef d'équipe, se borne à indiquer qu'il avait l'habitude d'utiliser le véhicule une fois par semaine pour le collectage des déchets sans même évoquer l'usage que M. [O] en faisait.

La cour observe également une incohérence entre l'immatriculation du véhicule visée par M. [Y] et celles mentionnées sur l'attestation de remise du véhicule signée par M. [O] ainsi que dans le tableau relatif à l'état des frais de carburant.

Par ailleurs, alors que le salarié conteste avoir utilisé le véhicule mis à sa disposition de manière exclusive, les témoignages et le tableau relatif à l'état des frais de carburant versés aux débats par l'employeur ne sont pas étayés par un détail des interventions réalisées par M. [O] durant le mois de juin 2019 afin d'apprécier l'usage abusif invoqué.

Ce grief doit donc également être écarté.

La société GSF Stella ne justifie pas davantage de la consigne donnée au salarié de ne pas engager de réparation sur l'un des véhicules de service, la seule circonstance que son nom soit mentionné sur la facture de réparation ne pouvant, en soit, constituer un manquement qui lui serait imputable.

Enfin, à considérer qu'il soit établi que le règlement intérieur de la société, dont l'extrait présenté à la cour est incomplet, imposait le port d'une tenue et que M. [O] se soit abstenu de porter ses EPI et vêtements de travail le 30 juillet 2019, il n'apparait pas, considération prise de son antériorité au sein de la société GSF Stella combinée à la circonstance qu'il n'a jamais fait l'objet de la moindre sanction avant cet événement, que ces griefs retenus par l'employeur constituent à eux seuls une cause réelle et sérieuse sur laquelle le licenciement entrepris pouvait se fonder.

Dès lors, par infirmation de la décision déférée, le licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de M. [O] le 5 septembre 2019 doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

4/ Sur les conséquences de la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [O] sollicite la condamnation de l'employeur au paiement d'une indemnité de licenciement d'un montant de 4 710,65 euros considération prise d'une ancienneté de 11 années et 3 mois. Il ajoute être bien fondé à obtenir le paiement d'une indemnité de préavis correspondant à deux mois de salaire en application de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés. Enfin, il demande la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 38 762,40 euros à titre de de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 24 mois de salaire.

L'employeur réplique qu'au jour de son licenciement, M. [O] bénéficiait d'une ancienneté de 4 ans et 8 mois, et non 11 ans et 3 mois comme il le prétend.

Conformément aux dispositions prévues au 3° de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Selon l'article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

L'article L.1235-3 du même code prévoit l'octroi d'une indemnité au bénéfice du salarié dont le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse.

Enfin, il résulte de l'article 4.11 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 qu'en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, sauf faute grave ou lourde, un préavis équivalent à deux mois de salaire est dû au salarié non-cadre disposant d'une ancienneté supérieure à deux ans.

En application de ces textes, exception faite des contrats à caractère saisonnier successifs, l'ancienneté à prendre en considération est celle résultant du contrat de travail au cours duquel le licenciement est prononcé, à l'exclusion des contrats antérieurs exécutés pour le compte du même employeur lorsqu'ils sont dépourvus de lien de continuité avec le contrat en cours.

En l'espèce, il est acquis que, le 16 décembre 2014, M. [O] et la société GSF Stella ont conclu un contrat à durée déterminée ayant pris effet le même jour, transformé en contrat à durée indéterminée par avenant du 1er septembre 2015.

Ce contrat de travail ayant été précédé d'un contrat à durée déterminée ayant pris fin le 13 décembre 2014, M. [O] ne justifie pas d'une continuité de contrats lui permettant de prétendre à une ancienneté 11 ans et 3 mois.

En conséquence, au jour de la rupture du contrat de travail, l'ancienneté du salarié était de 4 ans et 8 mois.

Eu égard à l'ancienneté du salarié et à un salaire moyen de référence de 1 615,10 euros, non spécifiquement contesté par l'employeur, il convient d'allouer à M. [O] une indemnité de licenciement d'un montant de 1 884,28 euros.

Il sera également fait droit à sa demande d'indemnité conventionnelle de préavis à hauteur de 3 230,20 euros, outre les congés payés afférents à hauteur de 323,02 euros.

Enfin, compte-tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge et de son ancienneté dans l'entreprise et de l'effectif de celle-ci, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer à 8 000 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

5/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer la décision déférée en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.

M. [O] ne justifie pas de frais non indemnisés au titre de l'aide juridictionnelle restés à sa charge de sorte que sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demandes tendant à la condamnation de son employeur au paiement de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité de résultat,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de M. [C] [O] en requalification des contrats à durée déterminée conclus entre le 4 août 2008 et le 13 décembre 2014 comme étant prescrite,

Dit que le licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de M. [C] [O] le 5 septembre 2019 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS GSF Stella à payer à M. [C] [O] :

- 1 884,28 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 3 230,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 323,02 euros de congés payés afférents,

- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

rejette le surplus des demandes,

Condamne la SAS GSF Stella aux dépens d'appel et de première instance qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 22/01219
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;22.01219 ?
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