ARRET
N°
[W]
C/
[V]
UNEDIC [Localité 4]
copie exécutoire
le 29/03/2023
à
Me DESJARDINS
Me [V]
UNEDIC
EG/IL/BG
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 29 MARS 2023
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N° RG 22/01165 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IL7O
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 21 FEVRIER 2022 (référence dossier N° RG 21/00200)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [B] [W]
née le 07 Août 1962 à [Localité 5] en ANGOLA
de nationalité ANGOLAISE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
concluant par Me Guillaume DESJARDINS de la SCP DESJARDINS - LE GAC - PACAUD, avocat au barreau de SENLIS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 22/3152 du 16/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AMIENS)
ET :
INTIMES
Maître [O] [V]
ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL MIYE SERVICES
SCP ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES
[Adresse 3]
[Adresse 3]
non comparant, ni représenté
UNEDIC [Localité 4]
Venant aux droits des AGS-CGEA
[Adresse 1]
[Adresse 1]
non comparante, ni représentée
DEBATS :
A l'audience publique du 01 février 2023, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.
Mme [U] [X] indique que l'arrêt sera prononcé le 29 mars 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme [U] [X] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 29 mars 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
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DECISION :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 4 février 2019, Mme [W], née le 7 août 1962, a été embauchée à temps partiel par la société Miye service, ci-après nommée l'employeur ou la société, en qualité de technicienne de surface.
La convention collective applicable est celle des entreprises de propreté et de nettoyage.
L'effectif de l'entreprise est inférieur à 11 salariés.
Par jugement du 21 octobre 2020, le tribunal de commerce de Compiègne a placé la société Miye service en redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire par jugement du 2 décembre 2020.
La société Miye service a interjeté appel de la décision, et la chambre économique de la cour d'appel d'Amiens a, par arrêt du 5 octobre 2021, infirmé le jugement du 2 décembre 2020 et renvoyé le dossier devant le tribunal de commerce de Compiègne.
Par jugement du 6 juillet 2022, le tribunal de commerce de Compiègne a de nouveau placé la société Miye service en liquidation judiciaire, désignant Maître [O] [V] en qualité de mandataire-liquidateur.
Ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail et considérant avoir été licenciée verbalement, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Creil le 30 avril 2021.
Par jugement du 21 février 2022, la juridiction prud'homale a :
- dit que le salaire mensuel brut de Mme [W] était de 1 004,85 euros ;
- fixé au passif de la société Miye service, en redressement judiciaire, représentée par Maître [O] [V], mandataire judiciaire et au bénéfice de Mme [W], les sommes suivantes:
- 300 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de forme du licenciement,
- 251,21 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
- ordonné à la société Miye service, en redressement judiciaire, représentée par Maître [V], mandataire judiciaire, de remettre à Mme [W] les fiches de paie de juillet, août et octobre 2019, mars 2020 et juin 2020, ainsi qu'une fiche de paie valant solde de tout compte, d'un certificat de travail et d`une attestation Pôle emploi conformes au jugement ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- dit que le jugement était opposable au CGEA d'[Localité 4], gestionnaire de l'AGS, dans la limite de sa garantie légale ;
- rappellé que le CGEA d'[Localité 4], gestionnaire de l'AGS, ne pouvait être amené à avancer lemontant des créances fixées par le présent jugement que dans la limite de sa garantie prévue aux articles L.3253-6, L.3253-8, L.3253-9, L.3253-10, L.3253-11, L3253-12, L.3253-13, 14. L3253-17, D.3253-l, D.3253-2, D.3253-3, R.3253-4, R3253-5, R.3253-6 du code du travail ;
- fixé les dépens au passif de la société Miye service représentée par Maître [V], mandataire judiciaire.
Par conclusions remises le 12 août 2022 et signifiées les 1er et 2 septembre 2022 , Mme [W] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé et l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence, et statuant à nouveau de ces deux chefs, de :
- dire qu'elle est recevable et bien fondée en son appel ;
- fixer au passif de la procédure de liquidation judiciaire concernant la société Miye service les sommes suivantes :
- 6 029,10 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
- 1 004,85 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse survenu fin juin 2020,
- condamner la partie intimée aux dépens,
- dire que la décision sera opposable à l'AGS CGEA.
Bien que régulièrement assignés par acte d'huissier de justice des 12, 19 et 20 mai 2022, la société Miye service, Maître [V], ès-qualités, et l'Unédic AGS CGEA d'[Localité 4] n'ont pas constitué avocat.
Il est renvoyé aux conclusions de l'appelante pour le détail de son argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS
Les intimés qui n'ont pas constitué avocat sont réputés s'approprier les motifs du jugement et la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par les intimés doit examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de ces parties en première instance.
1/ Sur la demande d'indemnité pour travail dissumulé
Mme [W] soutient qu'en reconnaissant lui devoir un rappel de salaire pour 484 heures faites non portées sur les bulletins de salaire et en souhaitant les payer en différé alors que le contrat de travail était rompu, l'employeur a manifesté sa volonté de dissimuler une partie de son activité.
Elle ajoute qu'en l'absence de production de la déclaration préalable à son embauche, la dissimulation intentionnelle de son activité est de plus fort caractérisée.
Le conseil de prud'hommes l'a déboutée de sa demande de ce chef au motif que le caractère intentionnel de la dissimulation faisait défaut, l'employeur ayant indiqué dans un texto 'voilà comment tes heures vont être payées je ne vais rien te payer au black tout sera déclaré'.
L'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.
Aux termes de l'article L .8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention d'heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
En l'espèce, le contrat de travail signé le 4 février 2019 stipulait 4 heures de travail par semaine, soit 16 heures mensuelles comme mentionné sur les premiers bulletins de paie.
Or, non seulement l'employeur a reconnu dans un texto du 16 juin 2020 devoir à la salariée un rappel de salaire pour 484 heures travaillées mais il ressort des bulletins de paie d'avril, mai, et décembre 2019, janvier, février, mars et mai 2020 qu'il l'a rémunérée au taux horaire normal pour des heures complémentaires qui auraient dues être majorées.
Au vu de l'ampleur et de la récurrence des irrégularités relevées, le caractère intentionnel de la dissimulation d'activité est démontré, nonobstant la volonté affichée de l'employeur et la régularisation postérieure à la demande de la salariée.
Le conseil de prud'hommes ayant fixé le salaire mensuel brut à 1 004,85 euros, Mme [W] est donc en droit d'obtenir 6 029,10 euros d'indemnité pour travail dissimulé par infirmation du jugement entrepris.
2/ Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Mme [W] fait valoir que les premiers juges ayant retenu l'existence d'un licenciement verbal, ils ne pouvaient la priver de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif qu'elle aurait acquiescé à son licenciement.
Le conseil de prud'hommes l'a déboutée de sa demande de ce chef au motif que ses échanges avec l'employeur laissaient supposer qu'elle avait acquiescé à la rupture du contrat de travail.
L'article L.1232-6 du code du travail dispose que lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe les modèles que l'employeur peut utiliser pour procéder à la notification du licenciement.
Il en résulte qu'un licenciement verbal est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de son absence de motivation écrite.
En l'espèce, le conseil de prud'hommes ayant retenu l'existence d'un licenciement verbal par texto de l'employeur du 16 juin 2020, il ne pouvait que qualifier le licenciement sans cause réelle et sérieuse et accorder des dommages et intérêts en réparation de la rupture du contrat de travail conformément aux dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail.
L'entreprise occupant habituellement moins de onze salariés, Mme [W] peut prétendre à une indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement du texte précité, dans sa version issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, d'un montant compris entre 0,5 et 2 mois de salaire.
Elle justifie avoir créé sa propre entreprise à compter du 7 août 2020.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté dans l'entreprise, et de sa situation professionnelle depuis la rupture du contrat de travail, la cour fixe à 1 004,85 euros les dommages et intérêts dus pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par infirmation du jugement entrepris.
3/ Sur les demandes accessoires
La société Miye service qui succombe est tenue aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
infirme le jugement du 21 février 2022 en ces dispositions soumises à la cour,
statuant à nouveau et y ajoutant,
fixe au passif de la procédure de liquidation judiciaire concernant la société Miye service les sommes suivantes :
- 6 029,10 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- 1 004,85 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
dit que le présent arrêt est opposable à l'Unédic AGS CGEA d'[Localité 4] dans la limite de sa garantie légale.
condamne Me [V], ès-qualités, aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.