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28/03/2023 | FRANCE | N°21/05099

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 28 mars 2023, 21/05099


ARRET

N° 344





S.A.S. [7]





C/



Organisme URSSAF DE PICARDIE













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 28 MARS 2023



*************************************************************



N° RG 21/05099 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IICR - N° registre 1ère instance : 20/00144



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS (Pôle Social) EN DATE DU 30 septembre 2021





PART

IES EN CAUSE :





APPELANTE





La société [7] (SAS), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

'[Adresse 5]

[Localité 3]





Représentée par Me Faustine LEVEL, avocat ...

ARRET

N° 344

S.A.S. [7]

C/

Organisme URSSAF DE PICARDIE

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 28 MARS 2023

*************************************************************

N° RG 21/05099 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IICR - N° registre 1ère instance : 20/00144

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS (Pôle Social) EN DATE DU 30 septembre 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

La société [7] (SAS), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

'[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Faustine LEVEL, avocat au barreau d'AMIENS substituant Me Laurent ANTON de la SELARL ANTON LAURENT, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 73

ET :

INTIMEE

L' URSSAF DE PICARDIE ayant siège social [Adresse 1] pris en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège

TSA 60200

[Localité 2]

Représentée par Me Laetitia BEREZIG de la SCP BROCHARD-BEDIER ET BEREZIG, avocat au barreau d'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 10 Janvier 2023 devant M. Pascal HAMON, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Mars 2023.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Blanche THARAUD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. Pascal HAMON en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

M. Pascal HAMON, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 28 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

*

* *

DECISION

La société [7], a fait l'objet d'un contrôle d'assiette par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (ci-après l'URSSAF), sur les années 2016, 2017 et 2018, à l'issue duquel il lui a été adressée une lettre d'observations le 28 juin 2019, portant redressement d'un montant de 98 207 euros, réparti comme suit :

n°1 : 2 015 euros au titre de la régularisation annuelle (2016, 2017 et 2018),

n°2 : 856 euros au titre de l'assurance chômage et AGS (2016, 2017 et 2018),

n°3 : 8 325 euros au titre d'un avantage en nature logement (2018),

n°4 : 69 euros au titre de gratifications versées à des stagiaires (2017),

n°5 : 1 062 euros au titre d'un avantage en nature voyage (2017),

n°6 : 23 692 euros au titre de bons d'achats et cadeaux (2016, 2017 et 2018),

n°7 : 62 188 euros au titre de la prise en charge de dépenses personnelles (2016, 2017 et 2018).

Le 3 septembre 2019, l'URSSAF de Picardie a adressé, à la société [7], une mise en demeure de payer la somme de 106 277 euros, correspondant aux contributions et cotisations assorties de majorations de retard, dues au titre du redressement litigieux.

Contestant les chefs de redressement portant sur les points 3, 6 et 7, la société [7] a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF le 31 octobre 2019, laquelle a rejeté sa demande par décision du 13 décembre 2019 et a confirmé l'intégralité du redressement.

La société a alors formé un recours devant le pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais, lequel par jugement du 30 septembre 2021, a :

- débouté la société [7] de sa demande d'annulation des chefs de redressement n°3, n°6 et n°7,

- maintenu les chefs de redressement n°3, n°6 et n°7 repris dans la lettre d'observations du 28 juin 2019 et contestés auprès de la commission de recours amiable,

- condamné la société [7] à payer à l'URSSAF de Picardie la somme de 106 277 euros au titre des redressements litigieux et des majorations de retard,

- débouté la société [7] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté l'URSSAF de Picardie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté l'URSSAF de Picardie de sa demande tendant au maintien du redressement pour le surplus,

- débouté l'URSSAF de Picardie de sa demande de confirmation de la décision de la commission de recours amiable du 13 décembre 2019,

- condamné la société [7] aux dépens de l'instance.

Cette décision a été notifiée le 1er octobre 2021 à la société [7], laquelle en a relevé appel le 22 octobre suivant.

Par conclusions, visées par le greffe le 16 décembre 2022 et soutenues oralement à l'audience la société [7] prie la cour de :

- réformer le jugement entrepris,

statuant à nouveau, annuler le chef de redressement n°3 (avantage en nature logement) ou, à tout le moins, dire et juger qu'il y a lieu d'exclure du redressement une somme équivalente à 1 357 euros par mois correspondant au montant des dépenses antérieures,

- annuler le chef de redressement n°6 (bons d'achat et cadeaux du CE),

- annuler le chef de redressement n°7 (prise en charge des dépenses personnelles),

- condamner l'URSSAF de Picardie à lui rembourser les sommes suivantes :

8 325 euros au titre d'un avantage en nature logement (année 2018),

23 692 euros au titre de bons d'achat et cadeaux attribués par le comité d'entreprise (années 2016, 2017 et 2018),

62 188 euros au titre de la prise en charge des dépenses personnelles (années 2016, 2017 et 2018),

outre les majorations afférentes et les intérêts de retard à compter du versement des montants objets du redressement entre les mains de l'URSSAF de Picardie,

en tout état de cause, condamner l'URSSAF de Picardie à lui payer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

S'agissant du chef de redressement n°3 (avantage en nature logement), elle fait essentiellement valoir que :

M. [B] [C], président de la société, est amené à réaliser des déplacements professionnels réguliers en région parisienne,

sur l'exercice comptable de 2016/2017 ces déplacements ont conduit à une charge d'environ 1 367 euros par mois,

à compter du 1er février 2018 la société a décidé de louer un appartement à Paris et a ainsi conclu un bail avec la SCI Deves aux termes duquel il a été décidé qu'elle paierait 57 % du loyer, soit 2 200 euros par mois, le reste étant à la charge personnelle de M. [C],

la nature des dépenses n'a donc pas évolué, mais simplement la forme de ces frais,

ces frais sont des frais professionnels qui n'ont pas à être supportés par le dirigeant et qui ne peuvent donc être considérés comme des avantages en nature,

l'appartement se situe à 6,3 km du siège, n'est pas trop grand et est pris en charge seulement partiellement par la société.

Au titre du chef de redressement n°6 (bons d'achat et cadeaux CE), elle soutient que :

- le cadeau pour la fête des pères et des mères ne peut valablement être redressé dans la mesure où le plafond de 5 % de la sécurité sociale n'a pas été dépassé en 2016, et qu'il n'y a pas lieu de distinguer selon la situation familiale,

- les bons d'achat de fin d'année ne peuvent être valablement redressés dans la mesure où le plafond de 5 % n'a pas été dépassé en 2016, 2017 et 2018 et qu'il a été tenu compte de la présence effective du salarié sur l'année.

Elle précise également que des bons d'achat sont versés depuis de nombreuses années par le comité d'entreprise, que cette pratique a déjà été constatée par l'URSSAF sans qu'elle ne fasse l'objet d'une quelconque réserve et que, dès lors, elle est fondée à opposer l'existence d'un accord implicite de l'URSSAF de Picardie en cette matière.

Enfin, pour le chef de redressement n°7 (prise en charge des dépenses personnelles), elle indique que :

- l'URSSAF n'explique en rien en quoi cela constituerait des dépenses personnelles,

- le redressement mêle des sommes de nature différente obéissant à des logiques distinctes, notamment des contraventions, des frais de sponsoring, des cadeaux aux clients (cartes cadeaux, produits '), aux partenaires commerciaux, des frais d'hébergement, des frais de restauration et de transport lesquels doivent être exclus de l'assiette de redressement.

Par conclusions, visées par le greffe le 17 novembre 2022 et soutenues oralement à l'audience, l'URSSAF de Picardie prie la cour de :

- dire recevable mais mal fondée la société [7] en son appel et ses demandes,

en conséquence, l'en débouter,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

dire bien-fondés les chefs de redressement n°3, n°6 et n°7,

- en conséquence, condamner la société [7] à lui payer la somme de 106 277 euros au titre des redressements litigieux, augmentée des éventuelles majorations de retard,

- y ajoutant, condamner la société à lui payer la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

Elle rappelle qu'en première instance la société se prévalait d'un moyen de forme, tenant à un prétendu accord tacite, et précise sur ce point que l'absence d'observations par l'inspecteur du recouvrement ne saurait être constitutive d'un accord tacite.

S'agissant du chef de redressement n°3, elle constate que depuis le 1er février 2018 la société louait un appartement à [Localité 6], que l'inspecteur a considéré que ce dernier, qui était mis à disposition de M. [C] de façon permanente, constituait un avantage en nature logement lequel doit être évalué au réel et non de manière forfaitaire.

Elle précise que les frais d'entreprise peuvent être exclus de l'assiette de cotisations s'ils remplissent simultanément trois critères (caractère exceptionnel, dans l'intérêt de l'entreprise et pour des frais exposés en dehors de l'exercice normal de l'activité du salarié), ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Concernant le chef de redressement n°6, elle soutient que l'inspecteur a pu établir deux constats :

en 2016, à l'occasion de l'événement fête des mères et des pères, le comité d'entreprise a octroyé à l'ensemble des salariés un bon d'achat d'une valeur de 25 euros. Or, cette attribution a été faite sans distinction en rapport avec l'événement,

en 2016, 2017 et 2018, ledit comité a offert aux salariés des bons d'achat à l'occasion des fêtes de fin d'année. Cependant cette attribution a été faite de façon discriminatoire en excluant les salariés en longue maladie.

Au titre du chef de redressement n°7, elle indique que l'inspecteur a pu constater, sur les années 2016, 2017 et 2018, des factures faisant référence à des dépenses engagées par la direction n'ayant pas un caractère professionnel (factures de séjour dans des relais château, factures de restaurant..).

Elle précise que certaines factures ne comportent pas le nom des bénéficiaires et présentent un caractère irrégulier et abusif au regard de leur montant.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

SUR CE, LA COUR

Sur l'existence d'un accord tacite antérieur :

La société [7] soutient qu'au regard de contrôles précédents, l'inspecteur du recouvrement n'avait pas émis de contestation concernant la pratique des bons d'achat et estime ainsi qu'il existe une décision implicite opposable à l'URSSAF.

En vertu des dispositions de l'article R. 243-59-7 du code de la sécurité sociale, l'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de l'organisme.

La décision implicite suppose une législation identique applicable dans les contrôles en cause, une identité de situation de fait dans les contrôles en cause et enfin, la preuve établie par l'employeur que le précédent inspecteur du recouvrement, en s'abstenant de redresser, s'est prononcé en toute connaissance de cause.

En l'espèce, il est établi que la société a fait l'objet de précédents contrôles et que les lettres d'observations des 27 août 2012 et 26 mai 2016 font état d'une consultation de la comptabilité du comité d'entreprise, toutefois, rien n'indique que les pratiques portant sur les bons d'achat ont été contrôlées ni que lors de ces précédents contrôles ces pratiques étaient identiques à celles reprochées dans la lettre d'observations du 28 juin 2019.

Comme l'indiquent les premiers juges, s'il est vrai que la comptabilité du comité d'entreprise a bien été consultée lors de précédents contrôles, rien ne permet cependant d'affirmer qu'il existait une pratique constante et déjà existante lors de ces précédents contrôles.

Eu égard à ce qui précède, il convient de débouter la société [7] de sa demande tendant à voir reconnaître l'existence d'un accord tacite de l'URSSAF sur la pratique contrôlée et ainsi de confirmer le jugement sur ce point.

Sur le chef de redressement n°3 : avantages en nature logement pour un montant de 8 325 euros :

En vertu des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, tout avantage en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail ou de l'exercice d'un mandat est soumis à cotisations.

L'éventuelle participation du salarié aux frais de logement ne remet pas en cause le principe de l'avantage en nature mais vient minorer la valeur de cet avantage du montant de la participation.

Aux termes de l'arrêté du 10 décembre 2002, relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale, et notamment de son article 5 alinéa 2, il est prévu que pour les présidents et dirigeants de société des sociétés par actions simplifiées, les avantages en natures sont déterminés d'après la valeur réelle.

L'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale prévoit que sont compris parmi les personnes auxquelles s'impose l'obligation prévue à l'article L. 311-2, les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées et des sociétés d'exercice libéral par actions simplifiées.

Eu égard à la circulaire interministérielle n°2003-07 du 7 janvier 2003, il est établi que, pour les mandataires sociaux, l'évaluation des avantages en nature repas et logement doit se faire d'après leur valeur réelle.

La société [7] estime que ces frais de logement, nécessaires pour les déplacements du dirigeant, M. [C], constituent des frais d'entreprise qui n'ont pas à entrer dans l'assiette des cotisations sociales.

Il appartient, dès lors, à l'employeur qui sollicite l'exonération de cotisations sociales des frais de logement, de rapporter la preuve que ces dépenses sont constitutives de frais d'entreprise ce qui nécessite de répondre à trois critères cumulatifs, selon la circulaire ministérielle du 7 janvier 2003 précité, à savoir :

avoir un caractère exceptionnel,

être réalisés dans l'intérêt de l'entreprise,

être exposés en dehors de l'exercice normal de l'activité du travailleur salarié ou assimilé.

En l'espèce, au titre de la lettre d'observations du 28 juin 2019, il est constaté que : « Depuis le 1er février 2018, la société loue un appartement au [Adresse 4].

Le contrat de bail est conclu avec la SCI DEVES dont les gérants ne sont autres que monsieur et madame [C] respectivement PDG et DG de la société [7].

La location de cet appartement dont le bénéficiaire est le PDG a pour but d'éviter de payer des chambres d'hôtel 2 fois par semaine lorsque ce dernier se rend aux réunions organisées par le groupement qui se déroulent sur [Localité 6] (réunion GALEC).

A ce titre, la société prend en charge une partie du loyer à hauteur de 2200 euros et l'autre partie, soit 1650 euros, est prise en charge par le PDG.

Considérant que le logement est mis à disposition de monsieur [C] de façon permanente, il y a lieu d'évaluer un avantage en nature logement. En vertu du 2ème alinéa de l'article 5 de l'arrêté du 10 décembre 2002, l'avantage en nature doit être évalué au réel pour les mandataires sociaux. Ainsi, le montant du loyer pris en charge par la société pour l'année 2018 doit être assujettit à charges sociales soit : 2200 euros*11 mois=24200 euros ».

La commission de recours amiable a, par décision du 13 décembre 2019, considéré que les frais engagés par la société ne répondaient pas aux critères des frais d'entreprise dès lors que le caractère exceptionnel et la prise en charge des frais dans l'intérêt de l'entreprise n'étaient pas démontrés et a, dès lors, maintenu ce chef de redressement.

De ce constat, la cour retient, au même titre que les premiers juges, que le paiement mensuel des loyers par la société [7] depuis le 1er février 2018 ne revêt pas un caractère exceptionnel.

Pour justifier cette dépense, la société met en avant le fait qu'elle permettait d'éviter le paiement de deux nuitées par semaine à l'hôtel, pour lesquelles il est établi un coût de 1 367 euros mensuel pour les années 2016/2017, toutefois, il est constaté que le paiement du loyer de l'appartement s'élève lui à 2 200 euros, ce qui ne permet pas de retenir que ces dépenses locatives soient réalisées dans l'intérêt de l'entreprise.

Au vu de ce qui précède, il est retenu que ces dépenses locatives, dont il est établi qu'elles ne remplissent pas les conditions nécessaires pour avoir le caractère de frais professionnels, constituent bien des avantages en nature, lesquels sont soumis à cotisations.

Le chef de redressement n°3 sera ainsi maintenu et la société [7] déboutée de son recours sur ce point.

Sur le chef de redressement n°6 : comité d'entreprise ' bons d'achat et cadeaux en nature pour un montant de 23 692 euros :

Aux termes de l'article L. 242-1 précité, pour le calcul des cotisations et contributions sociales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaries ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes et gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.

Par dérogation, les bons d'achat et cadeaux en nature alloués dans les conditions précisées par l'instruction ministérielle du 17 avril 1985, la lettre ministérielle du 12 décembre 1988 et les lettres circulaires ACOSS des 3 décembre 1996 et 9 janvier 2002, peuvent être exonérés des cotisations CSG/CRGS.

Ainsi, l'instruction ministérielle du 17 avril 1985 indique que les bons d'achat, se substituant à un cadeau en nature, peuvent être exonérés de cotisations lorsqu'ils sont distribués à une catégorie de personnel, en relation avec un événement et lorsque leur importance est conforme aux usages.

Ne sont pas soumis à cotisations, ni à la CSG/CRDS, les bons d'achat ou cadeaux en nature, servis au cours d'une année, lorsque leur montant global n'excède pas 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale.

Lorsque la valeur globale des bons d'achat ou cadeaux en nature dépasse cette limite, l'exclusion de l'assiette des cotisations et la CSG/CRDS ne peut être acquise que si :

l'attribution des bons d'achat et des cadeaux en nature est en relation avec un des événements prévus par la dérogation et réservée aux salariés concernés par celui-ci,

le bon d'achat ou le cadeau est en relation avec l'événement,

le montant est conforme aux usages.

Il est possible, suivant la tolérance administrative applicable, d'exclure de l'assiette des cotisations sociales les avantages destinés, sans discrimination, à favoriser ou améliorer les activités extraprofessionnelles, sociales ou culturelles des salariés et de leur famille.

Sur les bons d'achat « fête des pères et mères »

La société soutient que ces bons d'achat ne peuvent être redressés dès lors qu'en 2016 le plafond de 5 % n'a pas été dépassé et qu'ils peuvent être attribués qu'importe la situation familiale.

L'URSSAF de Picardie fait valoir que ces bons d'achat ont été attribués à l'ensemble des salariés, y compris à des bénéficiaires non concernés directement par l'événement.

Dans la lettre d'observations du 28 juin 2019, l'inspecteur du recouvrement a constaté ce qui suit : « En 2016, à l'occasion de l'événement « Fêtes des pères et des mères », le CE a octroyé à l'ensemble des salariés un bon d'achat d'une valeur nominale de 25 euros.

Cette attribution a été effectuée sans aucune distinction en rapport avec l'événement. Ainsi, l'ensemble des salariés a bénéficié de ces bons d'achat peu importe leur statut ou non de père ou mère. De ce fait, le montant alloué dans ce cadre qui s'élève à 4550 euros ne peut prétendre à l'exonération de charges sociales et doit donc être intégré dans l'assiette sociale.

Cette réintégration sera opérée à hauteur de 95% en base plafonnée, car seulement 5% de l'ensemble des salariés atteint le plafond annuel ».

La commission de recours amiable et la juridiction de première instance ont également maintenu ce chef de redressement.

En outre, la SAS [7] produit, aux termes de ses conclusions, des tableaux qui, selon ses dires, démontrent que le montant global n'excède pas 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, sans toutefois apporter d'éléments suffisamment précis permettant de valablement contester le montant fixé par l'URSSAF.

Partant, il est établi et non valablement contesté que l'attribution de ces bons d'achat a été faite à l'ensemble des salariés, sans distinction, peu important que les salariés soient concernés, ou non, par l'événement.

Dès lors, la société [7] sera déboutée de son recours sur ce point et de confirmer l'intégration, dans l'assiette de cotisations, des avantages alloués dans ce cadre.

Sur les bons d'achats de Noël

La société [7] soutient qu'elle a attribué ces bons d'achat en fixant une durée minimale de présence effective du salarié sur l'année, ce qui n'est nullement discriminatoire.

L'URSSAF de Picardie retient une attribution discriminatoire de ces bons d'achat en ce que certains salariés ont été exclus du fait d'une absence pour longue maladie.

Aux termes de la lettre d'observations, il est indiqué que : « En 2016, 2017 et 2018, le CE a offert aux salariés des bons d'achat à l'occasion des fêtes de fin d'année. Au regard de la liste des bénéficiaires fournie par la trésorerie, il s'avère que des salariés en longue maladie ont été exclus de ce dispositif. Or, il ressort d'une jurisprudence constante que toute activité doit, pour pouvoir être qualifiée d'activité sociale et culturelle, ne pas être discriminatoire. Dès lors, les avantages et prestations proposées par le CE ne doivent, d'une manière générale, prendre en considération ni la personne, ni la catégorie professionnelle, ni l'affiliation syndicale du salarié. Aussi, l'exclusion de salariés en longue maladie du bénéfice des activités sociales et culturelles présente un caractère discriminatoire qui conduit à intégrer dans l'assiette sociale l'ensemble des sommes allouées à ce titre soit : En 2016 : 11200 euros

En 2017 : 13740 euros et 2310 euros de pochettes française des jeux

En 2018 : 13620 euros

Cette réintégration sera opérée à hauteur de 95% en base plafonnée, car seulement 5% de l'ensemble des salariés atteint le plafond annuel ».

La commission de recours amiable a, comme l'inspecteur du recouvrement, maintenu ce chef de redressement.

Comme l'indique le tribunal, en l'absence de circulaire précisant les critères discriminatoires dans ce cas, il convient de se référer aux principes généraux de non-discrimination ce qui implique de traiter de manière identique l'ensemble des bénéficiaires placés dans la même situation.

Ainsi, il sera considéré comme discriminatoire le fait d'offrir, à l'occasion d'événements particuliers, des bons d'achat aux salariés en fonction de critères liés à la présence effective dans l'entreprise, dès lors qu'un tel critère est fondé sur l'état de santé du salarié ou sa situation familiale.

Eu égard à ce qui précède et aux éléments versés aux débats et non contestés, il est constaté que les salariés ayant été en congés pour longue maladie n'ont pas bénéficié des bons d'achat versés pour Noël, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a retenu que l'URSSAF n'avait pas à faire application de la tolérance ministérielle excluant de l'assiette de cotisations les bons d'achat en cause.

Le chef de redressement n°6 sera ainsi maintenu et la société [7] déboutée de son recours sur ce point.

Sur le chef de redressement n°7 : prise en charge des dépenses personnelles du salarié pour un montant de 62 188 euros

La société [7] soutient que les sommes concernées ne sont pas des dépenses personnelles mais bien des frais d'entreprise engagés dans un but professionnel et souligne que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il ne s'agit pas uniquement de factures cadeaux et factures restaurant, mais également des amendes, du sponsoring ou encore des frais de transport.

Sur ce point, les inspecteurs du recouvrement ont noté que : « En 2016, 2017 et 2018, des factures relevées aux comptes 623310, 623400, 325110, 671200 des grands livres comptables font l'objet d'une intégration dans l'assiette sociale pour le motif suivant :

absence de noms de bénéficiaires figurant sur des factures cadeaux

absence de document probant justifiant le caractère de la dépense

dépenses personnelles qui ne sont pas engagées dans l'intérêt de l'entreprise prises en charge par la société notamment les invitations dans des restaurants par le président de la société, monsieur [C], de dirigeants d'autres centres E. LECLERC ou de membres du directoire à l'issue de réunions du groupement (GALEC) ou SCAPEST. Monsieur [C] a d'ailleurs évoqué lors de la réunion conclusive qu'il était d'usage que les dirigeants des centres E. LECLERC se retrouvent au restaurant après ces réunions et que chacun invite, à tour de rôle, l'ensemble des convives présents lors du repas.

(') S'agissant en majorité de dépenses engagées par la direction, aucune régularisation n'est opérée sur la base plafonnée et les contributions d'assurance chômage et AGS ne sont pas appliquées.

Les montant totaux définitifs soit 48839 euros en 2016, 38272,20 euros en 2017 et 61928,32 euros en 2018 doivent être assujettis à charges sociales pour leurs montants bruts soit 60197 euros en 2016, 48005 euros en 2017 et 76214 euros en 2018 ».

La commission de recours amiable a également maintenu ce chef de redressement.

Ainsi qu'exposé précédemment, pour être constitués les frais d'entreprise doivent répondre à trois critères cumulatifs, à savoir, avoir un caractère exceptionnel, être réalisés dans l'intérêt de l'entreprise et être exposés en dehors de l'exercice normal de l'activité du travailleur salarié ou assimilé.

La société produit diverses factures relatives aux cadeaux clients, aux cadeaux aux prestataires commerciaux, à l'hébergement et à la restauration.

De ces éléments, la cour constate que des dépenses ont été effectuées, au nom de Monsieur [C], pour des séjours dans des relais châteaux pour des sommes pouvant varier entre 745 et 6 392 euros, que les sommes correspondant aux cadeaux clients varient entre 50 et 4 547,63 euros et que les factures fréquentes de restaurants s'élèvent pour les années 2016, 2017 et 2018 portent l'ensemble de ces dépenses à la somme de 149 039,95 euros.

Au titre des factures cadeaux, et comme le souligne l'inspecteur du recouvrement, la société n'apporte pas d'éléments justifiant de l'identité des bénéficiaires de ces cadeaux et de leur lien avec l'entreprise ce qui ne permet pas de retenir le caractère de frais d'entreprise.

En outre, au titre des factures restaurant, la société [7] produit un tableau récapitulatif lequel met en lumière des dépenses récurrentes, pouvant aller jusqu'à deux fois par jour, sans pour autant fournir l'ensemble des justificatifs y afférent, de sorte que, comme les premiers juges, la cour ne saurait retenir la qualification de frais d'entreprise ici.

En somme, rien ne permet de retenir que ces dépenses personnelles soient réalisées uniquement dans l'intérêt de l'entreprise ni qu'elles présentent un caractère exceptionnel.

Par conséquent, le chef de redressement n°7 sera maintenu et la demande d'annulation présentée par la société [7] rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société SAS [7] qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de l'instance et au paiement de la somme de 1500 euros, à l'URSSAF de Picardie, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande formée sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire, en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais le 30 septembre 2021,

Y ajoutant,

Déboute la SAS [7] de sa demande de remboursement,

Condamne la SAS [7] à payer à l'URSSAF de Picardie la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS [7] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société [7] aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/05099
Date de la décision : 28/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-28;21.05099 ?
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