ARRET
N°335
[J]
C/
S.A.S. CASINO DE [Localité 1]
CPAM DU HAINAUT
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 28 MARS 2023
*************************************************************
N° RG 19/01666 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HHJA - N° registre 1ère instance : 18/00400
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE - POLE SOCIAL - DE VALENCIENNES EN DATE DU 22 février 2019
ARRET DE LA CHAMBRE DE LA PROTECTION SOCIALE DE LA COUR D'APPEL D'AMIENS EN DATE DU 04 février 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [E] [J]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée et plaidant par Me LEDIEU, avocat au barreau de CAMBRAI substituant Me Jean-noel LECOMPTE de la SCP LECOMPTE LEDIEU, avocat au barreau de CAMBRAI
ET :
INTIMES
S.A.S. CASINO DE [Localité 1] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée et plaidant par Me Julie CAMBIER, avocat au barreau de VALENCIENNES substituant Me Hervé MORAS de la SCP LEMAIRE - MORAS & ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCIENNES
CPAM DU HAINAUT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée et plaidant par Mme Fozia MAVOUNGOU dûment mandatée
DEBATS :
A l'audience publique du 10 Janvier 2023 devant M. HAMON, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Mars 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Blanche THARAUD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
M. HAMON en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,
M. Pascal HAMON, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 28 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.
*
* *
DECISION
Vu l'arrêt en date du 4 février 2021 par lequel la cour d'appel d'Amiens statuant sur appel du jugement en date du 22 février 2019 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Valenciennes entre Madame [E] [J] et la société du casino de [Localité 1] en présence de la Cpam du Hainaut a :
Infirmé le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
Dit que l'accident du travail dont a été victime Madame [E] [J] le 26 février 2013 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société du casino de [Localité 1],
Fixé au maximum légalement prévu la majoration de la rente à verser à Madame [E] [J] par la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut,
Dit que la majoration maximum du capital servi et le cas échéant de la rente, suivra automatiquement l'augmentation de l'incapacité permanente partielle de Madame [E] [J] en cas d'aggravation de son état de santé et que, dans cette hypothèse le complément dû lui sera directement versé,
Avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices complémentaires de Madame [E] [J],
Ordonné une expertise médicale judiciaire et désigné pour y procéder le docteur [S] [N] en qualité d'experts sur l'évaluation des préjudices de Madame [J] avec mission reprise au dispositif,
Fixé à 5000 € le montant de la provision à verser à Madame [J] à titre d'avance sur la réparation de ces préjudices à caractère personnel,
Dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut fera l'avance du paiement de cette provision à Madame [E] [J],
Condamné la société du casino de [Localité 1] à rembourser à la Cpam du Hainaut le montant des sommes dues dont elle sera amenée à faire l'avance en application des articles L 452-2-2 et L 453-3du code de la sécurité sociale, en ce compris la provision précitée et les frais de la présente expertise.
Dit que, dans les rapports entre la société du casino de [Localité 1] et la Cpam du Hainaut, la base de la majoration de la rente est le taux d'incapacité notifié par celle -ci à l'employeur,
Condamné la société du casino de [Localité 1] à payer à Madame [E] [J] la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Débouté les parties de leurs autres demandes,
La société du casino de [Localité 1] a initié un pourvoi en cassation l'encontre de cet arrêt, celui -ci a été rejeté.
Vu le rapport du docteur [N] [S] en date du 19 octobre 2021
Vu les conclusions visées le 10 janvier 2023, soutenus moralement à l'audience par lesquelles Madame [J] prie la cour de :
Fixer les préjudices de Madame [J] de la façon suivante :
Déficit fonctionnel temporaire 32 737, 50 €
Préjudice esthétique temporaire 28 000 €
Souffrances endurées 30 000 €
Préjudice esthétique définitif 8000 €
Tierce personne 1940 €
Préjudice d'agrément 15 000 €
Dire que la Cpam du Hainaut sera tenue de faire l'avance des fonds,
Condamner la société casino de [Localité 1] au paiement d'une somme de 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
Vu les conclusions soutenues oralement à l'audience du 10 janvier 2023 par lesquelles la société du casino de [Localité 1] prie la cour de :
Sur les préjudices patrimoniaux temporaires :
Revoir très nettement à la baisse le montant des sommes dues réclamées par Madame au titre du préjudice esthétique temporaire et débouter et Madame [J] du surplus de ces demandes de ce chef,
Réduire les sommes dues accordées à Madame [J] au titre de l'assistance tierce personne avant consolidation qui ne sauraient excéder 1025,29 €.
Sur les préjudices extra patrimoniaux temporaires :
Dire et juger que les sommes dues accordées à Madame [J] au titre des souffrances endurées avant consolidation oscillent en 8000 et 20 000 € et ne sauraient excéder cette dernière somme.
Dire et juger que les sommes dues accordées à Madame [J] au titre du déficit fonctionnel temporaire ne sauraient excéder la somme totale de 20 855 €,
Sur les préjudices patrimoniaux permanents :
Dire et juger que les sommes dues accordées à Madame [J] au titre du préjudice esthétique permanent oscillent en moyenne entre 2000 et 4000 € et ne sauraient excéder cette dernière somme.
Rejeter les demandes de madame au titre du préjudice d'agrément
Dire n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du code de procédure civile et statuer ce code droit quant aux dépens
La cpam du Hainaut représentée s'en remet à la sagesse de la cour .
SUR CE LA COUR,
* Sur la liquidation des préjudices de Mme [J]:
* Sur le déficit fonctionnel temporaire total:
Ce poste indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle dans les suites de l'accident jusqu'à la consolidation.
En l'espèce le docteur [S] retient un déficit fonctionnel temporaire total pour une période de 12 jours. Madame [J] propose une base de 30 € par jour, soit un déficit fonctionnel temporaire total de 360 €, somme que l'employeur conteste, demandant à la cour de minorer la base journalière de celle -ci.
Durant cette période, le déficit fonctionnel ayant été total pour une personne en activité professionnelle normale, il y a lieu de retenir une base de 25 € par jour et en conséquence d'indemniser celui 'ci à hauteur de 300 € pour cette période.
Sur le déficit fonctionnel temporaire partiel :
Le déficit fonctionnel temporaire correspond non pas à une perte de revenu mais au préjudice résultant de la gêne dans les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant la maladie, notamment la séparation familiale pendant l'hospitalisation et la privatisation temporaire de qualité de vie.
L'expert dans son rapport, retient un déficit fonctionnel partiel de classe trois correspondant à une incapacité temporaire de 50 % pour les périodes hors déficit fonctionnel temporaire entre l'accident et l'opération de la cataracte du 3 juin 2013 soit 97 jours. Il retient également ce type de déficit du 1er septembre 2013 à la date de consolidation soit 2017 jours. Madame [J] demande l'indemnisation de ce préjudice pour un montant de 31 710 €.
Enfin l'expert retient un déficit fonctionnel partiel de classe deux correspondant à une incapacité temporaire de 25 % suivant l'intervention de cataracte jusqu'au 31 août 2013 soit 89 jours pour un montant sollicité de 667,50 € toujours sur la base de 30 € par jour.
L'employeur sollicite une indemnisation à hauteur de 20 € jour pour l'incapacité totale temporaire, de 10 € jour pour l'incapacité de classe trois enfin de 5 € jour pour l'incapacité de classe deux proposant une somme globale de 20 855 €.
En l'espèce, lieu de retenir une indemnisation à hauteur de 12,50 € par jour pour l'incapacité de classe trois et de 6,25€ pour la capacité de classe deux.
En conséquence, on retiendra donc une indemnisation de 26425 euros pour les déficits fonctionnels de classe trois et une indemnisation de 556,25 € pour le déficit fonctionnel de classe deux
Sur le préjudice esthétique temporaire :
L'expert retient le principe d'un préjudice esthétique temporaire qui se définit comme étant le fait pour la victime de subir pendant la période traumatique une altération de son apparence physique même temporaire. Madame [J] estime que ce préjudice est important pour les traumatisés de la face.
L'expert retient:
Un préjudice de 4/7 pour la période du 26 février 2013 au 30 avril 2013 : Madame [J] sollicite une indemnisation de 10 000 €.
Un préjudice de 3/7 pour la période du 1er mai 2016 au 7 juin 2015, Madame sollicite une indemnisation à hauteur de 6000 €
Un préjudice de 4/7 pour la période du 8 juin 2015 au 15 juillet 2017 avec une indemnisation sollicitée à hauteur de 8000 €
Un préjudice de 2,5/7 pour la période après le 15 juillet 2017 jusqu'à la date de consolidation, Madame sollicite pour cette période une indemnisation de 4000€.
Au total, celle -ci sollicite la somme de 28 000 euros.
La société casino de [Localité 1] conclut à la réduction de sa demande considérant que le préjudice esthétique temporaire est globalement moyen ou modéré et rappelle que selon l'expert, la prothèse oculaire est bien centrée et qu'il n'y a pas de cicatrices cutanées faciales. Elle propose une indemnisation à hauteur de 12 000 €.
La nature de la blessure ayant entrainé un traumatisme de la face important avec la mise en place d'une prothèse, justifie la réparation au titre du préjudice esthétique temporaire à hauteur de 18 000 €
Sur le préjudice esthétique définitif :
Madame [J] rappelle que l'expert retient un préjudice esthétique définitif de 2,5 /7 et sollicite l'indemnisation de ce préjudice à hauteur de 8000€.
L'employeur de Madame considère que dans la cotation médico-légale, ce préjudice doit être considéré comme léger et modéré et rappelle que l'indemnisation moyenne de celui -ci se situe entre 2000 et 4000 € il demande en conséquence à la cour de revoir la demande initiale à la baisse.
Il y a lieu de relever que le préjudice esthétique définitif est coté à hauteur de 2,5/7 à la suite de la mise en place une prothèse. Madame ne produit pas de pièces permettant d'établir précisément celui 'ci et les experts notent qu'il n'y a pas de cicatrices cutanées faciales avec cependant la mise en place d'une prothèse et une paupière rabaissée dans ces conditions il y a lieu de prévoir à ce titre une indemnisation à hauteur de 4000 €
Sur les souffrances endurées :
Madame [J] rappelle qu'elle a subi de nombreuses interventions extrêmement douloureuses compte tenu de la localisation des blessures, elle précise que l'expert en retient des souffrances physiques à hauteur de 4,5/ 7 et des souffrances morales également à hauteur de 4,5 /7. Elle sollicite à ce titre une indemnisation à hauteur de 30 000 €. L'employeur rappelle que l'indemnisation moyenne de ce poste de préjudice oscille entre 8 000 et 20 000 € et sollicite la réduction de la demande dans de notables proportions.
Il résulte des pièces du dossier que l'intéressée a subi de multiples interventions au niveau de l''il. Les interventions au niveau de la face se révèlent généralement douloureuses, cette situation est en effet confirmée par l'expert qui retient des souffrances physiques à hauteur de 4,5/7 et des souffrances morales également à hauteur de 4,5/7. Dans ces conditions, il apparaît équitable de fixer à 25 000 € l'indemnisation au titre des souffrances endurées.
Sur l'assistance d'une tierce personne :
Madame [J] rappelle qu'elle a bénéficié de soins infirmiers entre mars 2013 et mai 2013 ainsi qu'une aide familiale d'une heure par jour du 26 février 2013 au 3 juin 2013. Elle demande que soit retenu un taux horaire de 20 € elle sollicite l'indemnisation de ce préjudice à hauteur de 1940 €. L'employeur de Madame [J] considère cette somme réclamée comme manifestement excessive et retient un taux horaire de 10,57 € correspondant au taux horaire du SMIC soit une somme globale de 1025,29 €.
En l'espèce, il apparaît équitable des fixer le taux horaire à hauteur de 15 euros qui conduit à une indemnisation de 1455 €
Sur le préjudice d'agrément :
Madame [J] précise qu'elle a dû renoncer à des pratiques sportives telles que le vélo ou la danse ou certaines des activités manuelles nécessitant une excellente vision elle sollicite à ce titre une indemnisation de ce préjudice à hauteur de 15 000 €. L'employeur conteste le montant de cette somme estimant que la victime doit établir qu'elle pratiquait régulièrement une ou plusieurs activités sportives de loisirs qui doivent être spécifiquement identifiées et qu'il y a lieu de débouter l'intéressée de sa demande.
Madame a produit différentes attestations démontrant qu'elle pratiquait régulièrement le vélo et la danse qui sont des activités dorénavant difficilement praticables du fait de sa perte de champ visuel. Les attestations en ce sens sont précises permettant d'établir que la perte de son 'il influe sur son équilibre et sa mobilité. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir la somme de 5000 € au titre de ce préjudice
Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Madame sollicite la condamnation du casino de [Localité 1] au paiement d'une somme de 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au regard du litige, il ne paraît pas inéquitable de fixer à 2000 € la somme due au titre de l'article 700 par le casino de [Localité 1] et de condamner celui 'ci aux dépens.
Par ces motifs
La cour statuant par un arrêt contradictoire en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
Vu l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel d'Amiens le 4 février 2021
Fixe la réparation des préjudices subis par Madame [E] [J] aux sommes dues suivantes :
Déficit fonctionnel total 300 €
Déficit fonctionnel temporaire 26 981,25 euros pour les deux classes de préjudice
Déficit esthétique temporaire 18 000 €
Déficit esthétique définitif 4000 €
Souffrances endurées 25 000 €
Assistance d'une tierce personne 1455 €
Préjudice d'agrément 5000 €
Rappelle que la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut sera tenue en application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale de faire l'avance de l'ensemble des sommes dues allouées à Madame [E] [J] en indemnisation de ces préjudices, sous déduction de la provision versée à charge pour la société casino de [Localité 1] de reverser à la caisse les sommes dont elle aura fait l'avance, en ce compris les frais d'expertise.
Condamne la société casino de [Localité 1] à payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la société casino de [Localité 1] aux dépens de l'instance.
Le Greffier, Le Président,