ARRET
N° 317
Société [15]
C/
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
S.A.R.L. [10]
CPAM DES FLANDRES
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 21 MARS 2023
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N° RG 21/04940 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IHXL - N° registre 1ère instance : 20/01176
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE ( Pôle Social) EN DATE DU 09 septembre 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
La Société [15] (SA), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 1]
Représentée par Me FATOUX, avocat au barreau d'ARRAS substituant Me Gwendoline MUSELET, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0264
ET :
INTIMEES
LE FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE (FIVA) subrogé dans les droits des ayants droit de Monsieur [G] [F]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représenté par Me RAOULT, avocat au barraeu de LILLE substituant Me Mario CALIFANO de l'ASSOCIATION CALIFANO-BAREGE-BERTIN, avocat au barreau de LILLE
La société [10] (SARL), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 12]
Représentée par Me Olivier TRESCA, avocat au barreau de LILLE
La CPAM DES FLANDRES , prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Mme [K] [Y] dûment mandaté
DEBATS :
A l'audience publique du 15 Décembre 2022 devant Mme Chantal MANTION, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Mars 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Estelle CHAPON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Chantal MANTION, en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 21 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement du 9 septembre 2021 du tribunal judiciaire (Pôle social) de Lille, saisi de la requête du Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA), subrogé dans les droits de [G] [F] et ses ayants droit, qui a :
- dit non prescrite l'action du FIVA,
- dit que le caractère professionnel de la maladie de [G] [F] du 19 juillet 2016 est établi,
- dit que la société [15] a commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle en date du 19 juillet 2016 de [G] [F] et de son décès du 28 février 2017,
- dit que l'indemnité forfaitaire d'un montant de 18 520 euros sera versée par la CPAM
des Flandres au FIVA à hauteur de la somme de 784,99 euros correspondant à la somme versée par le FIVA au titre du préjudice fonctionnel et le surplus à la succession de [G] [F] soit la somme de 17 735,01 euros,
- fixé au maximum la majoration de la rente à verser à Mme [A] [C] veuve [F], en sa qualité de conjointe survivante par la CPAM des Flandres dans la limite des plafonds de l'article L.452-2 du sécurité sociale,
- fixé comme suit l'indemnisation des préjudice personnels de [G] [F] :
- préjudice moral 35 000 euros
- souffrances physiques 21 200 euros
- préjudice d'agrément 3 000 euros
- préjudice esthétique 3 000 euros
Et s'agissant des ayants droit:
- Mme [A] [C] veuve [F] 32 600 euros
- Mme [U] [F], M. [L] [F], M. [O] [F], enfants majeurs, chacun la somme de 8700 euros,
- M. [B] [F], M. [E] [F], Mme [Z] [F], Mme [I] [F], petits-enfants chacun la somme de 3300 euros,
- dit que la CPAM des Flandres devra verser le montant de l'indemnisation de l'ensemble de ces préjudices au FIVA en sa qualité de créancier subrogé,
- dit que la société [15] sera tenue à l'égard de la CPAM des Flandres des conséquences de la faute inexcusable tant au niveau du capital représentatif que de la majoration de la rente et des indemnités allouées ,
- condamné la société [15] à régler la somme de 1500 euros au FIVA en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société [15] aux dépens de l'instance,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Vu la signification du jugement adressée le 9 septembre 2021 et parvenue à la société [15] à une date ignorée,
Vu l'appel formé par la société [15] par voie électronique et reçu le 7 octobre 2021 au greffe de la cour,
Vu la convocation des parties et leur comparution à l'audience du 15 décembre 2022,
Par conclusions préalablement communiquées et développées oralement à l'audience, la société [15] demande à la cour de :
- accueillir la concluante en son appel et le déclarer bien fondé,
En conséquence,
- réformer le jugement entrepris,
Au principal
- juger que l'action dirigée à l'encontre de la société [15] venant aux droits de la SA [11] est incontestablement prescrite,
En conséquence
- débouter le Fiva de toutes ses demandes, fins et conclusions à son encontre,
Infiniment subsidiairement,
- débouter les consorts [F] de leur appel incident,
En toute hypothèse
- juger que la preuve de la faute inexcusable de l'employeur n'est pas rapportée et que la société [10] avait pris les mesures de protection de ses salariés et en conséquence débouter le FIVA de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner le FIVA au versement de la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le FIVA en tous les dépens.
Par conclusions préalablement communiquées et développées oralement à l'audience, la SARL [10] demande à la cour de :
- accueillir la concluante en son appel et le déclarer fondé,
En conséquence,
- réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Au principal
- réformer le jugement et juger que le tribunal non saisi de demandes au sens de l'article 954 du code de procédure civile ne pouvait entrer en voie de condamnation,
Subsidiairement
- juger que la société [10] ne peut avoir la qualité d'employeur de [G] [F],
Infiniment subsidiairement
- débouter les consorts [F] de leur appel incident,
En conséquence
- renvoyer le FIVA à mieux se pourvoir à l'encontre de la société [11] devenue [15],
En toute hypothèse
- juger que la faute inexcusable de l'employeur n'est pas rapportée en l'espèce,
En conséquence
- débouter le FIVA de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner le FIVA au versement d'une somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le FIVA en tous les frais et dépens.
Par conclusions préalablement communiquées et développées oralement à l'audience, le FIVA demande à la cour de :
- déclarer l'appel recevable mais mal fondé,
- confirmer le jugement entrepris sauf s'agissant de l'indemnisation des préjudices personnels de [G] [F],
Statuant à nouveau,
- infirmer le jugement sur ce point et fixer l'indemnisation des préjudices personnels de [G] [F] comme suit:
- préjudice moral 63 800 euros
- souffrances physiques 21 200 euros
- préjudice d'agrément 21 200 euros
- préjudice esthétique 3 000 euros
Soit au total 109 200 euros
- condamner la CPAM des Flandres à verser au FIVA, créancier subrogé, en application de l'article L.452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, cette somme de 109 200 euros,
Y ajoutant
- condamner, à titre principal la société [15] et à titre subsidiaire la société [10] à payer au FIVA la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.
Par conclusions préalablement communiquées et développées oralement à l'audience, la CPAM des Flandres demande à la cour de :
Sur la demande de faute inexcusable
- donner acte à la CPAM de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de faute inexcusable,
En cas de reconnaissance de la faute inexcusable
- donner acte à la CPAM de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les conséquences financières,
- condamner l'employeur de [G] [F] à rembourser à la CPAM des Flandres toutes les sommes dont elle aura à faire l'avance.
Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
Motifs:
Sur la demande de la SARL [10]
La société [10] demande à la cour de réformer le jugement au motif que le tribunal ne pouvait entrer en voie de condamnation n'étant saisi d'aucune demande au sens de l'article 954 du code de procédure civile alors que ce texte ne s'applique qu'à la procédure d'appel et que le tribunal a fait une exacte application des dispositions relatives à la procédure orale en matière de protection sociale, la cour étant dans tous les cas saisie de l'entier litige dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur la prescription
[G] [F] a été employé par le SA [10] située [Adresse 13] à [Localité 12] en qualité de monteur poseur du 29 novembre 1966 au 6 décembre 1993.
Ayant formulé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle s'agissant d'un mésothéliome malin de la plèvre, la CPAM des Flandres a pris en charge la maladie par décision en date du 17 octobre 2016 au titre du tableau n°30 des maladies professionnelles
relatif aux affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante.
Le 15 décembre 2016, [G] [F] a saisi le FIVA qui lui a proposé, le 17 janvier 2017, de l'indemniser sur la base d'un taux d'incapacité de 100%, proposition acceptée le 26 janvier 2017 prévoyant le versement de la somme de 109 984,99 euros complétée d'une rente annuelle de 676,20 euros au 1er janvier 2017 réparant intégralement les préjudices ( incapacité fonctionnelle, moral, physique, d'agrément et esthétique).
[G] [F] étant décédé le 28 février 2017 des suites de sa maladie professionnelle, ses ayants droit ont saisi le FIVA en vue de l'indemnisation de leur préjudice propre et ont accepté l'offre du FIVA de régler à Mme [A] [C] veuve [F] la somme de 32 600 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement de fin de vie et à chacun des enfants et petits enfants respectivement la somme de 8700 euros et 3300 euros au titre de leur préjudice moral.
Selon les indications du jugement, le FIVA, agissant en qualité de subrogé dans les droits de [G] [F] et de ses ayants droit, a saisi le 31 mars 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande dirigée contre la société [10] inscrite sous le numéro RCS [N° SIREN/SIRET 4], l'affaire ayant fait l'objet d'une radiation le 7 mars 2019.
A la suite de sa réinscription le 15 mars 2019, le FIVA a sollicité, le 12 novembre 2019, la mise en cause de la SA [15] qui fait valoir qu'à cette date l'action du FIVA était prescrite.
Le FIVA se fondant sur les dispositions de l'article L.431-2 dernier alinéa du code de la sécurité sociale, fait valoir que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur se prescrit pas deux ans à compter du jour où la victime ou ses ayants-droit ont eu connaissance de la décision de prise en charge de la maladie et ont été en mesure d'agir.
Ainsi, [G] [F] ayant eu connaissance du caractère professionnel de sa maladie dés la réception de la décision de prise en charge de la CPAM, soit le 17 octobre 2016, le FIVA estime que son action introduite le 3 avril 2017 est recevable.
Pour s'opposer à cette prétention, l'appelante fait valoir que la mise en cause de la SARL [10] dans le cadre de la saisine du tribunal en date du 3 avril 2017, n'a pu interrompre la prescription en ce que cette société n'a pas employé [G] [F] dont l'employeur était la SA [10], société aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société [15].
La société [15] se fonde sur les propres déclaration de [G] [F]
recueillies lors de l'enquête diligentée par la CPAM dont il ressort qu'il a commencé sa carrière professionnelle le 29 novembre 1966 au sein des établissements [10] à [Localité 12] qu'il a quitté le 6 décembre 1993, ce dernier précisant que la société [10] a changé d'intitulé et se trouve actuellement [Adresse 17] à [Localité 12] sous le nom de la société [11].
Il ressort des pièces produites que la SA [10] immatriculée au RCS sous le numéro [N° SIREN/SIRET 5] dont le siège social était situé [Adresse 13] à [Localité 12], auteur du certificat de travail produit en pièce n°36 par le FIVA, a changé de dénomination pour devenir la société [11] suivant décision de l'assemblée générale de la société dont procès-verbal en date du 26 décembre 1994, ladite société ayant son siège social et son établissement principal [Adresse 17] à [Localité 12], et que cette société a été apportée à la SARL [10] immatriculée au RCS sous le numéro [N° SIREN/SIRET 4], l'extrait Kbis de la SARL [10] dont l'établissement principal se trouve situé [Adresse 9] à [Localité 12], mentionnant l'augmentation du capital de ladite société suivant mention modificative du 27 janvier 1995 suite à l'apport de la société [10] (devenue la société [11]) ayant son siège social à [Adresse 13] - RCS Lille B [N° SIREN/SIRET 5].
Cette dernière société a été dissoute à effet au 14 novembre 2018 suite à la réunion de toutes les parts sociales au profit d'un associé unique, la société [15] qui vient donc au droit de l'employeur. Cette dissolution est postérieure à la requête introductive d'instance par laquelle le FIVA a attrait la Sarl [10] en date du 31 mars 2017, de telle sorte que l'action du Fiva, dirigée contre cette société a interrompu le délai pour agir qui a commencé à courir le 17 octobre 2016, le jugement ayant lieu d'être confirmé qui a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action du FIVA.
Sur la faute inexcusable
En application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur est fondée à demander réparation, indépendamment de la majoration de la rente ou du capital, du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, des préjudices esthétique et d'agrément, ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle et plus généralement la victime est en droit de solliciter devant les juridictions de sécurité sociale la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ainsi qu'il résulte de la réserve d'interprétation apportée au texte susvisé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010.
Il incombe au FIVA, subrogé dans les droits de [G] [F] et de ses ayants droit, de rapporter la preuve de la faute inexcusable de l'employeur.
Dans le cadre de l'enquête administrative diligentée par la CPAM, [G] [F] a décrit ses fonctions au sein de la société [10], comme suit: assemblage de panneaux en bois en atelier, montage de structures faux plafonds en 'spiton' et plafonds en bac acier sur chantier, montage de façade en structure bois avec revêtement de plaques fibro ciment 'éternit' sur chantier, montage de charpente en bois.
[G] [F] a précisé qu'il estimait que ces travaux l'avaient exposé à l'amiante entre le 29/11/1966 et le 06/12/1993, notamment lors des travaux sur plaques fibro ciment, faux plafonds en spiton y compris les découpes, alors qu'il n'était muni d'aucune protection particulière, ni d'un système d'aération dans l'atelier.
Les déclarations de [G] [F] sont confirmées par M. [T], qui atteste le 26 juin 2017 avoir travaillé dans l'entreprise [10] à [Localité 12] de 1971 à 2011 et avoir été affecté soit aux travaux en atelier, soit aux travaux sur chantier consistant notamment à découper des panneaux en fibro ciment, ou à la dépose de panneaux préfabriqués et flocages à base d'amiante, sans protection, plusieurs collègues ayant eu des problèmes de santé à cause de l'amiante dont [G] [F] .
La présence d'amiante dans l'entreprise est par ailleurs établie par l'attestation d'exposition à l'amiante concernant M. [V] [J] établie le 11 septembre 1998 par M. [M], gérant de la société [10] à [Localité 12] faisant état de la manipulation de panneaux Éternit Glasal-Inert, qui pour des impératifs de fabrication nécessitaient des coupes voire des percements.
La société [15] conteste ces témoignages au motif non démontré et inopérant à lui seul de l'existence d'un conflit entre la société et les salariés concernés.
Elle verse aux débats des documents photographiques et plusieurs attestations de salariés indiquant que l'atelier [Adresse 16] ou [Adresse 17] à [Localité 12] était équipé d'une hotte qui aspirait les poussières, des masques étant mis à la disposition des salariés, alors que selon ses propres conclusions, [G] [F] travaillait, à part en début de carrière, essentiellement sur chantier.
En outre, ces témoignages couvrent la période remontant au plus tôt à l'année 1984 alors que [G] [F] a travaillé dans l'entreprise de [Localité 12] du 29 novembre 1966 au 6 décembre 1993, la société [15] indiquant dans ses propres écritures que [G] [F] a travaillé en tout début d'activité en 1966 en qualité de charpentier avant d'être affecté au poste de monteur consistant à procéder à l'assemblage des ossatures bois, la société [10], utilisant des modules préfabriqués achetés auprès d'entreprises tierces, estimant que les activités de perçage et de démontage de [G] [F] étaient résiduelles.
Or, il ressort des déclarations de [G] [F] confortées par le témoignage de M. [T] que les chantiers notamment dans des écoles publiques préfabriquées comportaient des travaux de tronçonnage des soubassements en fibro ciment ou l'enlèvement de plafonds contenant de l'amiante à la scie égoïne, ces éléments n'étant contredits par aucune pièce produite par la société [15] qui n'indique pas que des protections particulières ont été mises en place pour protéger les salariés sur les chantiers.
Enfin, [G] [F] n'a plus été exposé à l'amiante dans ces autres postes ayant été employé après avoir quitté l'entreprise [10] quelques mois en menuiserie avant d'intégrer un poste de concierge le 1er septembre 1995 à la mairie d'[Localité 8] en qualité d'agent de collectivité territoriale titulaire.
Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a retenu la faute inexcusable de l'employeur, l'appelante ne pouvant par ailleurs se prévaloir de l'état de la législation en matière de prévention du risque amiante alors que la conscience du danger lié à l'exposition aux poussières d'amiante résulte de l'existence d'une réglementation relative à la prévention des risques concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs et notamment du décret du 20 novembre 1904 imposant l'évacuation des poussières de quelque nature qu'elles soient, l'inscription de la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières renfermant de l'amiante dans le tableau n°25 des maladies professionnelles ayant été prévue par une ordonnance n°45-1724 du 2 août 1945 et le tableau n°30 des maladies professionnelles consacré à l'asbestose professionnelle créé par un décret n°50-1082 du 31 août 1950, la liste des travaux visés au tableau 30 étant indicative depuis un décret n°55-1212 du 13 septembre 1955.
Sur les conséquences de la faute inexcusable
Le jugement sera confirmé en ce que, tirant toutes conséquences de la faute inexcusable de l'employeur, il a fixé au maximum la majoration de la rente à verser à Mme [A] [C] veuve [F] dans la limite des plafonds de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale et dit que l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L.452-3 est fixée à son maximum soit un montant de 18 520 euros qui sera versée par la CPAM des Flandres au FIVA à hauteur de la somme de 784,99 euros et pour le surplus à la succession de [G] [F].
Sur la réparation des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale
Conformément à la demande du FIVA et par adoption des motifs du jugement il y a lieu d'évaluer les souffrances physiques endurées par [G] [F] à la somme de 21 200 euros et le préjudice d'agrément à la somme de 3000 euros, seuls le préjudice moral et d'agrément faisant l'objet d'une demande à la hausse du FIVA.
[G] [F] né le 22 juillet 1949 est décédé le 28 février 2017 à l'âge de 67 ans des suites d'un mésothéliome malin diagnostiqué le 7 juillet 2016 dans un contexte de pleurésie (inflammation de la plèvre dont l'une des causes est le contraction d'un mésothéliome) ayant entraîné un fort amaigrissement de qui a justifié une hospitalisation et des investigations.
Par la suite, [G] [F] a été contraint de subir un traitement par chimiothérapie, outre un traitement médicamenteux lourd à visée antalgique avec asthénie importante, la dégradation rapide de l'état de santé ayant engendré des souffrances morales en rapport avec l'annonce du diagnostic de la maladie et l'évolution rapide et péjorative, générant un isolement lié à l'impossibilité de mener une vie sociale et familiale normale, outre une angoisse de mort aggravée d'un sentiment d'injustice en raison de l'origine professionnelle de la maladie qui justifie de fixer l'indemnisation du préjudice moral à la somme de 63 800 euros allouée par le FIVA.
En outre, le préjudice d'agrément sera évalué à la somme de 12 000 euros, compte tenu des multiples activités de [G] [F] notamment cyclisme, reconnu dans cette discipline qu'il a pratiqué y compris en compétition amateur, ayant poursuivi cette activité régulièrement pendant sa retraite et s'adonnant régulièrement à la lecture, sa seconde passion, son état d'asthénie ayant empêché la poursuite de ses activités.
Sur l'action récursoire de la caisse et l'obligation finale de la société [15]
Il sera rappelé que la CPAM, tenue de faire l'avance de l'ensemble des sommes allouées, tant au titre de la majoration de la rente que de l'indemnisation des préjudices et des frais d'expertise, dispose d'une action récursoire aux fins de les récupérer auprès de la société [15] qui doit répondre des conséquences de la faute inexcusable, la demande formée à titre subsidiaire par la société [10] n'ayant pas lieu d'être examinée.
Sur les frais et dépens
Il paraît inéquitable de laisser à la charge du FIVA les sommes qu'il a dû exposer non comprises dans les dépens. Il y a donc lieu de condamner la société [15] à lui payer la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin, la société [15] et la société [10] qui sont déboutées de leurs demandes seront condamnées aux dépens et ne sauraient donc prétendre à une indemnité pour frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par décision rendue contradictoirement en dernier ressort par mise à disposition au greffe de la cour,
Déboute la société [15] et la société [10] de leur demande tendant à l'infirmation du jugement,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a alloué au FIVA subrogé dans les droits de [G] [F] la somme de 35 000 euros au titre de son préjudice moral et celle de 3000 euros au titre de son préjudice d'agrément.
Statuant à nouveau de ces chefs,
Fixe le préjudice moral de [G] [F] à la somme de 63 800 euros,
Fixe le préjudice d'agrément de [G] [F] à la somme de 12 000 euros,
Dit que l'ensemble des sommes allouées au titre de la maladie professionnelle et du décès de [G] [F] seront avancées au FIVA, en sa qualité de créancier subrogé, par la CPAM des Flandres qui est autorisée à recouvrer lesdites sommes à l'encontre de la société [15] ou toute personne morale y substituée,
Condamne la société [15] à payer au FIVA la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel,
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société [15] aux entiers dépens.
Le Greffier, Le Président,