ARRET
N° 280
URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS
C/
Société [4]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 16 MARS 2023
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N° RG 21/02804 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDTZ - N° registre 1ère instance : 16/554
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ARRAS (Pôle Social) EN DATE DU 08 mars 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE (RG :21/02804) ET INTIMÉE (RG : 21/02871)
L' URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Gaëlle DEFER, avocat au barreau de BEAUVAIS substituant Me Maxime DESEURE de la SELARL LELEU DEMONT HARENG DESEURE, avocat au barreau de BETHUNE, vestiaire : 19
ET :
INTIMÉE (RG :21/02804) ET APPELANTE (RG : 21/02871)
La Société [4], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Vivien LUCAS, avocat au barreau d'AMIENS substituant Me Arnaud DE CAMBOURG de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
DEBATS :
A l'audience publique du 06 Décembre 2022 devant Mme Graziella HAUDUIN, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Mars 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Myriam EL JAGHNOUNI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Graziella HAUDUIN en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Elisabeth WABLE, Président,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 16 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Graziella HAUDUIN, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement en date du 8 mars 2021 auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits, procédure et prétentions initiales des parties par lequel le pôle social du tribunal judiciaire d'Arras, statuant sur la contestation de la société [4] à l'encontre de la décision rendue par la commission de recours amiable (CRA) de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Nord Pas de Calais, a :
- validé le redressement notifié par l'URSSAF aux termes de la mise en demeure du 23 février 2016 à hauteur de 55 926 euros ;
- annulé le redressement à hauteur de 9 339 euros correspondant au chef relatif aux indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations ;
- condamné la société [4] à verser à l'URSSAF la somme de 55 926 euros ;
- débouté l'URSSAF et la société de leurs demandes respectives de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
Vu les appels interjetés les 17 et 26 mai 2021 par l'URSSAF du Nord Pas de Calais et par la société [4] de cette décision qui leur a été notifiée le 29 avril précédent.
Vu la jonction de ces deux affaires par ordonnance du 18 janvier 2022.
Vu le renvoi au 6 décembre 2022 accordé à l'audience du 20 juin 2022 à la demande des parties.
Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 1er juin 2022 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles l'URSSAF du Nord Pas de Calais demande à la cour de :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a validé le redressement à hauteur de 55 926 euros et annulé le chef de redressement n°4 relatif aux indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations ;
Statuant à nouveau,
- Valider la mise en demeure du 23 février 2016 pour son entier montant ;
- Condamner la société à payer à l'URSSAF la somme de 73 592 euros au titre de la mise en demeure du 23 février 2016 en cotisations et majorations de retard, sans préjudices des majorations de retard à liquider après complet paiement ;
- Condamner la société à payer à l'URSSAF la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société aux entiers dépens ;
- Débouter la société de ses demandes contraires.
Vu les conclusions responsives enregistrées au greffe le 14 novembre 2022 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la société [4], demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé le chef de redressement relatif aux indemnités de rupture forcée et pour le surplus faisant valoir que Mme [J] occupe un emploi de gardienne et de sécurité lui imposant de loger sur place, invoquant les nombreuses erreurs de calcul commises par l'URSSAF dans l'évaluation des avantages en nature véhicule des trois salariés (président, directeur général et directeur commercial), soutenant que l'URSSAF n'a pas pris en compte les redevances versées par M. [W] dans l'évaluation de l'avantage en nature véhicule, que le véhicule utilisé par M. [C] est un véhicule personnel, que le tableau produit par la société contenant les dates, noms de clients visités, villes et et kilomètres parcourus démontrant le caractère professionnel des déplacements et enfin que les frais remboursés à M. [C] ont le caractère de frais professionnel exclus de l'assiette de cotisations de sécurité sociale, demande à la cour d'annuler le jugement entrepris ainsi que la mise en demeure sur les chefs de redressements n°1 (avantage en nature logement), n°2 (primes de transport), n°3 et 7 (avantage en nature véhicules) et n°8 (frais professionnels pour l'utilisation d'un véhicule personnel) et de condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
A la suite d'un contrôle d'assiette des cotisations sociales opéré sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, l'URSSAF du Nord Pas de Calais a notifié à la société [4] une mise en demeure en date du 23 février 2016, concluant à un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, assurance chômage et AGS d'un montant total de 73 592 euros.
La société [4], contestant cette mise en demeure, a saisi la commission de recours amiable, qui a par décision implicite a rejeté son recours, puis le 6 juillet 20165 le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras, devenu pôle social du tribunal de grande instance puis du tribunal judiciaire, qui, par jugement dont appel, s'est déterminé comme indiqué ci-dessus.
1. Il convient de constater que le litige entre les parties porte uniquement sur le bien-fondé de différents chefs de redressements et que la jonction des deux appels a déjà été ordonnée par ordonnance du 18 janvier 2022.
2. Il résulte des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations, que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, à moins que l'employeur ne rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice.
Il appartient ainsi au juge du fond d'apprécier le caractère rémunératoire ou indemnitaire des sommes versées au salarié.
En l'espèce, Mme [X], après avoir été licenciée pour cause réelle, a régularisé avec l'employeur une transaction emportant le versement d'une somme globale et forfaitaire de 15 000 euros correspondant à l'intégralité des sommes que la société reconnait lui devoir au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail. M. [Z], a quant à lui perçu, après une rupture conventionnelle, de la part de la société une indemnité transactionnelle de 10 000 euros.
En l'état d'une indemnité globale sans ventilation et alors qu'il est justifié par ailleurs pour la salariée qu'elle avait formé devant la juridiction prud'homale des demandes de rappels de salaire et de congés payés à hauteur de plus de 41 000 euros, il doit être considéré que la société employeur ne démontre pas le caractère exclusivement indemnitaire de la somme globale versée aux salariés en exécution de l'accord transactionnel. L'indication par l'employeur dans les protocoles que les sommes sont versées à titre de dommages-intérêts est insuffisante dans de telles circonstances à démontrer qu'elles sont exclusivement indemnitaires.
Ainsi, les montants versés aux salariés précités ont constitué des éléments de rémunération et devaient être inclus dans l'assiette de calcul des cotisations.
Le chef de redressement n°4 sera donc, par infirmation du jugement entrepris, validé.
3. Pour ce qui concerne le chef de redressement n°1 relatif à l'avantage en nature logement, il ressort des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, de l'article 2 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature et de la circulaire du 7 janvier 2003 relative à la mise en 'uvre de l'arrêté précité que la valeur de l'avantage en nature équivalant à la valeur locative du logement mis à disposition du salarié par nécessité absolue de service fait l'objet d'un abattement de 30%.
Comme l'ont à bon droit considéré les premiers juges, les éléments produits par la société, soit la note de service du 30 mai 2013 décrivant les tâches de la gardienne sans plus de précision sur l'identité de celle-ci et un document manuscrit mentionnant les samedis et dimanches un tour d'usines, les relevés des températures des frigo et chambre froide et le fermeture du portail entre la fin de la dernière équipe et le début de la première équipes signé le 5 juin 2013 par Mme [E] [J], ne sont pas de nature à démontrer que les conditions de l'abattement sont réunies. La seule pièce produite en appel de manière supplémentaire, soit le document dactylographié daté du 15 juin 2022 signé par M. [N], se présentant comme étant le directeur général délégué de la société depuis le 2 janvier 2013, sur le contenu des tâches accomplies par Mme [J] et les années concernées, soit 2013 et 2014, demeure insuffisante à établir que, durant toute le période concernée par le chef de redressement critiqué, la salariée a été contractuellement affectée à des tâches l'obligeant à demeurer sur place.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a validé le chef de redressement relatif à l'avantage en nature du logement.
4. Pour ce qui a trait au chef de redressement n°2 relatif à la prise en charge de frais de transport personnels correspondant en l'espèce à un dispositif d'indemnisation de frais de carburant et de frais de déplacement au profit de certains salariés, qui n'ont pas été soumis à cotisations, il convient de constater que la société appelante ne soutient aucun moyen, ni ne produit de pièces de nature à remettre en cause la constatation par l'URSSAF puis par les premiers juges, du non-respect des dispositions de l'article L. 3261-4 du code du travail qui permet l'exonération seulement en cas d'accord d'entreprise ou de décision unilatérale de l'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel, et de l'absence d'un tel accord ou d'une telle décision. Il n'est pas davantage justifié en appel des motifs expliquant les constatations faites par l'organisme dans la lettre d'observations, soit notamment l'exclusion de certains salariés du dispositif, la perception de sommes par des salariés durant des périodes d'absence ou des montants sans rapport avec les distances entre le domicile et le travail ou encore variant dans le temps sans explication.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a validé ce chef de redressement.
5. Le chef de redressement n°3 est relatif aux avantages en nature constitués par la mise à disposition du directeur général de la société, M. [S], d'une Porsche Cayenne remplacée par une Audi A7 sport V6 TDI, et du président de l'entreprise, M. [W], d'une Audi Q5 TDI 170, dont la société intimée soutient que l'organisme a commis des erreurs de calcul dans leur évaluation et que pour M. [W] les redevances versées par lui n'ont pas été prises en compte en sorte qu'aucun avantage pour son usage privé n'existe.
L'URSSAF quant à elle soutient qu'à défaut de justification lors du contrôle pour les véhicules loués par l'entreprise et mis à disposition de M. [S] avec prise en charge du carburant, de document déterminant les conditions d'utilisation de ces véhicules, la valeur de l'avantage en nature a été fixée sur la base du plafond de 12% de la valeur des véhicules.
Il ressort de l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 20002 que l'évaluation de l'avantage en nature est en principe au choix de l'employeur entre le réel, ce qui implique la possibilité de déterminer la part des dépenses inhérentes à l'usage privé, et la forfaitaire correspondant à un pourcentage du coût du véhicule variant selon qu'il a été acheté ou loué et selon qui prend en charge le carburant, l'entreprise ou le salarié.
En l'espèce, il a été relevé lors du contrôle qu'aucun choix n'avait été opéré par la société et qu'après avoir indiqué que les dits véhicules avaient un usage strictement professionnel (la lettre de réponse du 26 novembre 2015, pièce n°2 de l'URSSAF), elle a finalement admis leur usage privé au moins pour ce qui concerne M. [W] et qu'aussi aucun élément justificatif n'avait été remis lors du contrôle.
Dans de telles circonstances, les premiers juges ont donc à bon droit déduit de l'ensemble de ces éléments que l'évaluation faite par l'organisme à 12% de la valeur était conforme aux dispositions de l'arrêté précité et n'était pas remise en cause par les documents parcellaires versés au débat (notes de frais de M. [W]). Cette appréciation n'est pas davantage utilement critiquée devant la cour.
Ce chef de redressement sera, par confirmation du jugement déféré, validé.
6. Pour ce qui a trait au chef de redressement n°7 relatif à l'avantage en nature constitué par la mise à disposition de M. [M], directeur commercial, d'un véhicule Renault grand Scénic loué par la société à partir de septembre 2011 et dont elle soutient que l'organisme a, à tort, retenu une valeur d'achat de 45000 euros alors que le financement s'élève à 19 071,14 euros, les premiers juges ont par une exacte appréciation des éléments du débat, non utilement remise en cause, retenu que l'usage exclusivement professionnel n'était pas démontré par l'attestation sur l'honneur de l'intéressé et que l'organisme était justifié dans son évaluation de l'avantage.
Il convient de relever au surplus que M. [M] fait état d'un usage exclusivement professionnel dans une attestation établie le 12 mars 2009, soit à une date bien antérieure à la période contrôlée (janvier 2012 à décembre 2014) pour deux véhicules différents et deux périodes différentes, soit une Renault Mégane courant 2006 et une Huyndai Santa Fe depuis février 2007.
Le jugement sera donc aussi confirmé en ce qu'il a validé ce chef de redressement.
7. Le chef de redressement n° 8 relatif aux frais professionnels liés à l'utilisation par un salarié de son véhicule personnel a été à bon droit validé par les premiers juges qui ont retenu que les éléments produits par la société étaient insuffisants à établir la réalité des frais engagés. Ne peut être en effet considéré comme suffisant un tableau récapitulant pour les seuls mois de janvier à avril 2013 des déplacements, sans que pour certains le kilométrage soit indiqué et ce alors que le salarié concerné, M. [T] [C], cadre commercial, atteste avoir utilisé le véhicule, en fait celui de son épouse, de janvier à août 2013. Il n'est produit en appel aucun autre élément.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur la validation de ce chef de redressement.
8. Il sera en conséquence, par infirmation partielle du jugement, fait droit à la demande de validation de la mise en demeure du 23 février 2016 pour son entier montant et de condamnation de la société à payer à l'URSSAF la somme de 73 592 euros en cotisations et majorations de retard, sans préjudices des majorations de retard à liquider après complet paiement.
9. La société, qui succombe totalement, sera condamnée à supporter les dépens de première instance et d'appel, déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à l'URSSAF sur ce fondement la somme de 800 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le redressement à hauteur de 9 339 euros correspondant au chef relatif aux indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations, condamné la société [4] à verser à l'URSSAF la somme de 55 926 euros, débouté les parties de leurs demandes respectives de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et laissé à leur charge leurs propres dépens ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Valide la mise en demeure du 23 février 2016 pour son entier montant et en conséquence condamne la société [4] à payer à l'URSSAF du Nord Pas de Calais la somme de 73 592 euros en cotisations et majorations de retard, sans préjudices des majorations de retard à liquider après complet paiement ;
Condamne la société [4] à supporter les dépens de première instance et d'appel ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne la société [4] à payer à l'URSSAF la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,