ARRET
N° 252
CPAM DE LOIRE ATLANTIQUE
C/
Société [4]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 13 MARS 2023
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N° RG 21/00159 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H6SB - N° registre 1ère instance : 19/02245
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 02 novembre 2020
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
CPAM DE LOIRE ATLANTIQUE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée et plaidant par Mme [G] [C] dûment mandatée
ET :
INTIMEE
Société [4] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée et plaidant par Me WILBERT, avocat au barreau de PARIS substituant Me Olivia COLMET DAAGE de la SELEURL OLIVIA COLMET DAAGE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l'audience publique du 05 Décembre 2022 devant Monsieur Renaud DELOFFRE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 Mars 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Blanche THARAUD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Monsieur Renaud DELOFFRE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Elisabeth WABLE, Président,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 13 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.
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DECISION
Par lettre recommandée avec accusé réception expédiée le 17 juillet 2019, la société [4] a saisi le pôle social du Tribunal Judiciaire de Lille d'une contestation de la décision de rejet de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de Loire Atlantique ayant pris en charge l'accident du travail survenu au préjudice de Monsieur [V] [P], né en 1969, salarié de la société et employé en qualité de vendeur.
Par jugement réputé contradictoire du 2 novembre 2020, le Tribunal a décidé ce qui suit :
DIT que la matérialité de l'accident du travail de Monsieur [V] [P] du ler avril 2005 n'est pas établie.
DECLARE la décision de la Caisse Primaire d' Assurance Maladie de Loire
Atlantique de prise en charge de l'accident du travail de Monsieur [V] [P] au titre de la législation professionnelle, inopposable à la société [4],
INVITE la Caisse Primaire d' Assurance Maladie de Loire Atlantique à donner les informations utiles à la CARSAT compétente pour la rectification du taux de cotisations AT/MP de la société [4].
CONDAMNE la Caisse Primaire d' Assurance Maladie de Loire-Atlantique aux dépens de l'instance.
RAPPELLE que le délai dont disposent les parties pour, le cas échéant, interjeter appel du présent itigement. est d'un mois à compter du jour de sa notification.
DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à
l'article R.142-10-7 du Code de la Sécurité Sociale par le greffe du Pôle social du Tribunal judiciaire de Lille.
Notifié à la caisse le 18 décembre 2020, ce jugement a fait l'objet d'un appel de cette dernière par courrier recommandé avec accusé de réception expédié au greffe de la Cour le 28 décembre 2020.
Par conclusions enregistrées par le greffe à la date du 5 décembre 2022 et soutenues oralement par sa représentante, la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique demande à la Cour de :
INFIRMER purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Lille le 2 novembre 2020 ;
CONFIRMER purement et simplement la décision de prise en charge d'emblée de l'accident du travail dont a été victime Monsieur [V] [P] le 1er avril 2015.
DECLARER cette prise en charge opposable à la société [4] ;
CONDAMNER la société [4] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la société [4] aux entiers dépens. Nantes, le 15 novembre 2022.
Elle fait en substance valoir qu'en l'absence de réserves de l'employeur elle n'était pas tenue de procéder à une instruction et à l'information de ce dernier, que la matérialité de l'accident est établie malgré l'absence de témoin.
Par conclusions enregistrées par le greffe en date du 30 novembre 2022 et soutenues oralement par avocat, la société [4] demande à la Cour de :
DEBOUTER la Caisse Primaire de l'ensemble de ses demandes ;
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de - e du 2 novembre 2020
Vu les articles R 441-11 et R. 441-14 du Code de la sécurité sociale
Dans un premier temps
Sur la matérialité du fait accidentel déclaré par Monsieur [P] comme étant survenu le 1er avril 2005
JUGER que la première constatation médicale est intervenue tardivement, 3 jours après la survenance d'un prétendu sinistre,
JUGER qu'il n'y a eu aucun témoin du prétendu fait accidentel
JUGER que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie ne rapporte donc pas la preuve de la matérialité de l'accident du travail déclaré par Monsieur [P]
En conséquence,
DIRE ET JUGER que la décision de la Caisse Primaire de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident déclaré par Monsieur [P] est inopposable à la société [4] ;
Dans un second temps
JUGER que la Caisse Primaire ne produit pas le courrier de prise en charge du sinistre ;
JUGER que la Caisse ne justifie donc pas sa prise en charge d'emblée et le cas échéant qu'elle a bien mis en oeuvre l'instruction à laquelle elle aurait dû procéder ;
JUGER que la Caisse Primaire n'a pas adressé de questionnaire à l'employeur dans le cadre de l'instruction de l'accident du travail déclaré par Monsieur [P],
En conséquence,
JUGER que la décision de prise en charge de l'accident du travail du 1er avril 2005 de Monsieur [P] doit être déclarée inopposable à l'égard de la société [4].
Dans un second temps.
Juger que la caisse primaire ne produit pas le courrier de prise en charge du sinistre.
Juger que la caisse ne justifie donc pas sa prise en charge d'emblée et le cas échéant qu'elle a bien mis en 'uvre l'instruction à laquelle elle aurait dû procéder.
Juger que la caisse n'a pas adressé à l'employeur de questionnaire dans le cadre de l'instruction de l'accident du travail déclaré par Monsieur [P].
Juger que la caisse primaire n'a pas adressé à la société [4] un r l'informant de la fin de la procédure d'instruction et de la possibilité de consulter le dossier préalablement à sa décision de prise en charge,
DIRE ET JUGER que la caisse primaire d'assurance maladie a violé les dispositions de
l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale,
DIRE ET JUGER que la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident du travail du 1er avril 2005 est inopposable à la société [4].
Elle fait valoir que les déclarations du salarié relatives à son accident ne sont corroborées par aucun élément objectif, que la constatation médicale est tardive, qu'il n'y a aucun témoin oculaire, que la caisse a diligenté une instruction et devait donc lui adresser un questionnaire et une lettre de clôture de l'instruction
MOTIFS DE L'ARRET.
Attendu que dans sa rédaction antérieure au décret du 29 juillet 2009 applicable au présent litige l'article R441-11 distingue, selon les modalités qu'il précise, l'obligation de respect du contradictoire et l'obligation d'information à la charge des caisses.
Qu'il en résulte qu'en cas de réserves de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse, au titre de son obligation de respect du contradictoire, envoie avant décision à l' employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés ( en ce sens 2e Civ., 3 juin 2021, pourvoi n° 19-25.571 publié au Bulletin qui prévoit que le contradictoire peut s'exercer selon des modalités qui peuvent être distinctes entre eux) et que , hors les cas de reconnaissance implicite et en l'absence de réserves de l'employeur la caisse primaire assure l'information de la victime, de ses ayants-droits et de l'employeur, préalablement à sa décision, sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief.
Que s'agissant de l'obligation d'information de la caisse, il résulte du texte précité qu'en l'absence de réserves de l'employeur et de mesure d'instruction, la caisse, n'est pas tenue, avant sa décision de prise en charge, de mettre en oeuvre les diligences énoncées au texte susvisé ( 2e Civ., 13 février 2014, pourvoi n° 13-11.390 qui précise également que la caisse a la possibilité de renoncer à sa contestation initiale du caractère professionnel de l'accident ; également 2e Civ 4 avril 2013 n°12-13025 ; 2e Civ., 21 décembre 2006, pourvoi n° 05-15.795, Bull. 2006, II, n° 380 ; 2e Civ., 14 octobre 2003, pourvoi n° 01-21.035, Bulletin civil 2003, II, n° 301)
Attendu qu'en l'espèce, l'employeur n'ayant émis aucune réserve lors de l'envoi de la déclaration d'accident du travail litigieux, il n'y avait pas d'obligation pour la caisse d'adresser un questionnaire à l'employeur.
Attendu ensuite qu'il ne résulte aucunement du dossier que la caisse ait procédé à une quelconque mesure d'instruction à la suite de la déclaration de l'accident litigieux.
Que l'employeur n'ayant émis aucune réserve, il s'ensuit que la caisse n'était pas tenue d'assurer l'information de l'employeur sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de lui faire grief en lui adressant une lettre de clôture l'avisant de la possibilité de consulter le dossier prévu à l'article R.441-13 du Code de la sécurité sociale.
Que les deux moyens d'inopposabilité soutenus par la société [4] manquant en droit, il s'ensuit que la demande d'inopposabilité pour motif de forme présentée par cette doit être rejetée.
Attendu qu'il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il a résulté une lésion corporelle ou d'ordre psychologique, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.
Qu'il en résulte également que toute lésion survenue au temps et lieu du travail fait présumer l'existence d'un accident du travail et que cette présomption ne cède que devant la preuve que la lésion a une origine totalement étrangère au travail, l'existence de la présomption supposant que la victime ou la personne subrogée dans ses droits apporte la preuve de la matérialité de la lésion et de sa survenance au temps et au lieu du travail.
Que cette preuve ne peut résulter des seules déclarations du salarié mais que ces dernières doivent être complétées par un ou plusieurs indices susceptibles d'être retenus à titre de présomptions et de nature à établir le caractère professionnel de l'accident ;
Attendu qu'en l'espèce le salarié a déclaré à son employeur qu'il avait aidé une cliente à charger un colis lourd dans son véhicule et qu'il avait ressenti à cette occasion une violente douleur dans le bas du dos, le salarié ayant indiqué que les faits seraient survenus le 1er avril 2005 à 9h30.
Qu'il résulte de la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur que l'accident a été constaté par ce dernier à 10 heures.
Que le caractère très rapide de la déclaration de l'accident accrédite les déclarations du salarié et est de nature à rendre invraisemblable l'hypothèse de l'employeur selon laquelle les lésions auraient pu se produire à un moment où le salarié n'était plus sous sa subordination car on ne voit pas comment le salarié aurait pu imaginer qu'il allait être victime ultérieurement d'un accident et en faire la déclaration le jour-même à l'employeur.
Que le certificat médical initial établi le 4 avril 2005, qui ne peut être considéré comme tardif compte tenu du délai relativement court de son établissement après les faits allégués, fait état de douleurs lombaires et est parfaitement cohérent avec le siège de la lésion tel que décrit par le salarié.
Que la déclaration immédiate de l'accident par le salarié et la cohérence des constatations médicales avec ses déclarations constituent des présomption graves précises et concordantes corroborant les déclarations du salarié et justifiant que le jugement soit réformé en ses dispositions déclarant la décision de prise en charge inopposable à l'employeur et que le caractère professionnel de l'accident litigieux soit reconnu dans les rapports entre ce dernier et la caisse.
Que la société [4] succombant en ses prétentions, le jugement doit être réformé en ses dispositions portant sur la charge des dépens et, statuant à nouveau de ce chef et ajoutant au jugement, la société doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS.
La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit bien fondée la décision de prise en charge implicite de l'accident du travail dont a été victime Monsieur [V] [P] le 1er avril 2015 et déclare cette prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle opposable à la société [4].
Dit en conséquence que l'accident précité a un caractère professionnel dans les rapports entre la caisse et cet employeur.
Condamne la société [4] à régler à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,